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13/09/2022 | FRANCE | N°20/02992

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 13 septembre 2022, 20/02992


ARRÊT N° 445



N° RG 20/02992





N° Portalis DBV5-V-B7E-GEVN















[R]

[Z]



C/



[Z]

[D]





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 septembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire d

e SAINTES





APPELANTS :



Madame [Y] [R] veuve [Z]

née le 02 Juin 1964 à [Localité 15] (17)

[Adresse 1]

[Localité 14]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/0724 du 07/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)



ayant pour avocat postu...

ARRÊT N° 445

N° RG 20/02992

N° Portalis DBV5-V-B7E-GEVN

[R]

[Z]

C/

[Z]

[D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 septembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES

APPELANTS :

Madame [Y] [R] veuve [Z]

née le 02 Juin 1964 à [Localité 15] (17)

[Adresse 1]

[Localité 14]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/0724 du 07/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Vincent HUBERDEAU de la SELARL ACTE JURIS, avocat au barreau de SAINTES

Monsieur [F] [Z]

né le 20 Juin 1991 à [Localité 15] (17)

[Adresse 6]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Vincent HUBERDEAU de la SELARL ACTE JURIS, avocat au barreau de SAINTES

INTIMÉS :

Monsieur [X] [Z]

né le 27 Avril 1939 à [Localité 11] (06)

[Adresse 2]

[Localité 14]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Dorothée DIETZ de la SELARL GERMAIN DIETZ FLEUROUX, avocat au barreau de SAINTES

Madame [S] [D] épouse [Z]

née le 25 Août 1941 à [Localité 13] (88)

[Adresse 2]

[Localité 5]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Dorothée DIETZ de la SELARL GERMAIN DIETZ FLEUROUX, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

[X] et [S] [Z] étaient propriétaires d'un terrain cadastré [Cadastre 7] situé commune de [Localité 14], terrain qu'ils ont divisé leur terrain en deux parcelles : section [Cadastre 10] et [Cadastre 3].

Ils ont donné la parcelle de terrain constructible section [Cadastre 3] à leur fils, [W] [Z] par acte notarié du 10 avril 1989.

Ils ont conservé un droit d'usage et d'habitation sur une dépendance comprise dans la donation.

Une servitude conventionnelle de passage était prévue :

' Pour permettre l'accès de la propriété conservée par le donateur, le donataire constitue une servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 3] qui s'exercera sur la partie midi du N°1504 présentément donnée face à la porte du garage.

En vertu de ce droit de passage, les donateurs auront un accès à pied et avec tout véhicule à moteur.'

[W] [Z] et son épouse [Y] [R] ont fait construire une maison sur la parcelle donnée.

Les époux [Z] ont aménagé la dépendance située sur la parcelle [Cadastre 3].

Elle est devenue leur résidence habituelle depuis 1989.

Ils ont de nouveau fait procéder à une division cadastrale de la parcelle [Cadastre 10] devenue section [Cadastre 9] et [Cadastre 8]. Ils ont vendu la parcelle [Cadastre 9], conservé la parcelle [Cadastre 8] qui est contiguë à la parcelle [Cadastre 3].

Deux garages accolés ont été construits à l'angle Nord-Est de la parcelle [Cadastre 3].

[W] [Z] est décédé le 1er septembre 2017.

Par acte du 17 septembre 2018, les époux [X] [Z] ont assigné [Y] [R], veuve [Z] (leur belle-fille) devant le juge des référés.

Ils lui reprochaient de faire obstacle au droit de passage grevant la parcelle [Cadastre 3].

Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge des référés a condamné [Y] [R], veuve [Z] à retirer tout obstacle empêchant le passage en véhicule des époux [Z] jusqu'à leur garage puis jusqu'à leur domicile.

Par acte du 20 mars 2019, [Y] [R], veuve [Z] et [F] [Z] (les consorts [R]-[Z]) ont assigné [X] et [S] [Z] devant le tribunal de grande instance de Saintes aux fins de

-dire que leur droit de passage est limité à la partie midi de la parcelle face à la porte de l'ancien garage de la dépendance

-les condamner à leur payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les époux [Z] ont conclu à l'irrecevabilité de l'action, demandé reconventionnellement qu'il soit constaté un servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 3] découlant de l'acte de donation, la condamnation des demandeurs à leur payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 25 septembre 2020 , le tribunal judiciaire de Saintes a statué comme suit :

-rejette la fin de non recevoir tirée d'un défaut de qualité de Mme [Y] [R], veuve [Z]

-rappelle que la servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 3] telle qu'elle résulte de l'acte notarié du 10 avril 1989 s'exerce sur la partie midi de la parcelle, face à la porte de l'ancien garage de la dépendance pour permettre l'accès de la propriété anciennement cadastrée section [Cadastre 10] devenue [Cadastre 8] au bâtiment objet de la réserve du droit d'usage et d'habitation située sur 1504

-constate l'état d'enclave de la parcelle cadastrée [Cadastre 8] appartenant aux époux [X] [Z] et qu'ils ont droit à une servitude de passage

-juge que l'assiette de la servitude de passage est la suivante:

servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 3] portant sur un terrain d'une largeur de 3,50 m cheminant entre la maison occupée par [Y] [R] et la limite séparative de propriété , depuis le portail donnant sur la voie publique vers les garages situés dans l'angle sud-est de la parcelle

servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 3] portant sur un terrain d'une largeur de 3m cheminant en limite séparative de propriété , depuis les garages situés dans l'angle sud-est vers l'habitation de [X] [Z] et [S] [Z], objet de la réserve du droit d'usage et d'habitation.

-condamne Madame [Y] [Z] à payer à Monsieur [X] [Z] et Madame [S] [D] épouse [Z], une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi.

-dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-déboute les parties de leurs autres demandes

-dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens

-assortit la présente décision de l'exécution provisoire

Le premier juge a notamment retenu que :

[Y] [R] avait qualité à agir au regard de l' acte de notoriété du 29 janvier 2018 et de la donation.

- sur la servitude conventionnelle

L' acte de donation prévoit (en page 4) que le donataire constitue une servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 3] qui s'exercera sur la partie midi du n°1504 présentement donnée, face à la porte du garage. En vertu de ce droit de passage, les donateurs auront un accès à pied et avec tout véhicule à moteur pour permettre l'accès de la propriété conservée par le donateur cadastrée section [Cadastre 10] au bâtiment objet de la réserve du droit d'usage et d'habitation situé sur la parcelle [Cadastre 3], objet de la donation.

La dépendance est devenue leur habitation.

L'accès se fait par un accès commun situé au Nord de la parcelle [Cadastre 3] qui est non conforme à la servitude de passage mentionnée dans l'acte.

La servitude conventionnelle relie les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 3], nullement la voie publique au garage et au domicile qui sont situés sur la parcelle [Cadastre 3].

- sur l'état d'enclave

Il résulte du constat d'huissier de justice du 6 août 2018 que depuis la division, seul un passage à pied existe depuis la voie publique vers le domicile des époux [Z] constituant un petit pont de planches enjambant un trou.

Le passage depuis la voie publique vers leur domicile ne peut être élargi selon le constat.

Si l' enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Les époux [Z] n'ont pas mis en cause les propriétaires de la parcelle [Cadastre 9].

Le passage est nécessaire pour permettre l' utilisation normale de leur habitation

Ils sont donc fondés à réclamer un passage sur le fonds de [Y] [R] quand bien même l' enclave serait volontaire.

-sur l' assiette de la servitude

Il sera tenu compte du fait que le passage actuel est utilisé depuis plus de 25 ans.

- sur les dommages et intérêts

Le conflit de voisinage qui perdure résulte de la configuration des propriétés.

La tentative de conciliation a échoué.

Les époux [Z] ont bénéficié d'une tolérance durant 25 ans.

Il n'est pas établi qu'ils aient usé de cette tolérance de manière fautive.

[Y] [R] a en revanche volontairement obstrué les accès, sera condamnée à leur payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

LA COUR

Vu l'appel en date du 17 décembre 2020 interjeté par les consorts [R]-[Z]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 26 février 2021, les consorts [R]-[Z] ont présenté les demandes suivantes :

Déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par les consorts [Z] ' [R] à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES le 25 Septembre 2020.

Vu les dispositions des articles 544, 684 et 691 du Code Civil.

Vu les éléments du dossier.

En conséquence, et statuant à nouveau,

-Réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES le 25 Septembre 2020 en toutes ses dispositions.

Dire et juger que les époux [Z] ' [D] ne bénéficient que d'un droit de passage sur la parcelle sise commune de [Localité 14] (17) cadastrée section [Cadastre 3] sur la partie midi de cette dernière, face à la porte de l'ancien garage de la dépendance et ce de façon à accéder de leur propriété à ladite dépendance.

-Préciser que les époux [Z] ' [D] ne peuvent en aucune manière accéder au reste de la parcelle cadastrée section [Cadastre 3] sauf autorisation expresse des consorts [Z] ' [R].

-Condamner les époux [Z] ' [D] à verser aux consorts [Z] ' [R], pris comme une seule et même partie, la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

-Condamner les époux [Z] ' [D] à verser aux consorts [Z] ' [R], pris comme une seule et même partie, la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [R]-[Z] soutiennent notamment que :

-Les parents se considéraient toujours propriétaires, estimaient normal d'accéder à leur maison par la parcelle donnée. L'ancienne dépendance est devenue leur maison.

L' immixtion était permanente. Ils se sont octroyés des droits imaginaires.

-Mme [R] a décidé de s'en tenir à l'acte originel et a fermé les accès qu'ils utilisaient habituellement.

Elle a qualité à agir puisqu'elle est conjoint survivant et bénéficiaire de la donation.

-Ils ne peuvent circuler librement sur la parcelle [Cadastre 3].

-Ils pouvaient lors de la division se réserver une parcelle plus importante avec un accès direct à la voie publique. C'était à eux d'appeler dans la cause les propriétaires de la parcelle [Cadastre 9]. -Ils ont bénéficié d'une tolérance.

-Ils ne peuvent prétendre à une servitude légale de passage.

-Ils réitèrent leur demande de dommages et intérêts.

Ils sont intrusifs, autoritaires, considèrent que la parcelle, le jardin leur appartiennent toujours.

-Mme [R] ne pouvait partir. L' acte de donation prévoit une interdiction d'aliéner.

Ils exerçaient une emprise sur leur fils, sont responsables d'un climat délétère.

-Ils entendent être chez eux.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 25 mai 2021 , les époux [Z] ont présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 682, 684 et 686 du code civil,

Vu l'article 1240 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de SAINTES le 25 septembre 2020,

Vu la jurisprudence citée, Vu les pièces versées aux débats,

JUGER l'appel formé par Madame [Y] [Z] et Monsieur [F] [Z] recevable mais mal-fondé.

-DEBOUTER Madame [Y] [Z] et Monsieur [F] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

-CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de SAINTES en ces entières dispositions, à l'exception de celle condamnant Madame [Y] [Z] à payer à Monsieur [X] [Z] et Madame [S] [D] épouse [Z], une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi.

-CONDAMNER en conséquence, Madame [Y] [Z] à payer à Monsieur [X] [Z] et Madame [S] [Z] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et du trouble de jouissance subi.

-CONDAMNER Madame [Y] [Z] et Monsieur [F] [Z] à verser à Monsieur [X] [Z] et Madame [S] [Z] une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure pénale. -CONDAMNER Madame [Y] [Z] et Monsieur [F] [Z] aux entiers dépens d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, les époux [Z] soutiennent notamment que:

-La servitude conventionnelle relie les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 3]. Elle est insuffisante, ne permet pas l'accès à leur domicile.

-Leur accès à la voirie ne permet pas d'accéder en véhicule à leur domicile.

-Le passage sur la partie nord de la parcelle [Cadastre 3] est l' unique moyen d'accès en véhicule à leur domicile et à leur garage.

Il existe un accès en voiture par le portail qui donne sur la [Adresse 12].

Il existe un autre accès à pied au garage. Ces accès leur sont fermés.

-Ils ne se sont pas enclavés volontairement en divisant les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 8].

-L' utilisation normale implique le passage d'une automobile.

-Ils ont utilisé le passage durant 25 ans pour accéder à leur domicile et au garage.

Cette 'tolérance' n'a jamais fait l'objet d'une contestation.

-[Y] [R] a été condamnée à enlever les obstacles posés.

-L' enclave résulte du non-respect de leur droit de passage par [Y] [R].

-Ils utilisaient le passage avant la division des fonds.

-Le tribunal a retenu un passage depuis le portail donnant sur la voie publique vers les garages, un passage depuis les garages vers l'habitation des époux [Z].

-Un droit de passage ne peut être fautif.

-Les tensions intra-familiales opposaient leur fils et son épouse et non leur fils à ses parents.

-Mme [R] vit sur la parcelle qu'ils ont donnée.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 mars 2022.

SUR CE

- sur le droit de passage

Les époux [Z] fondent leurs demandes sur les articles 682,684 et 686 du code civil, et donc sur l'existence d'une situation d'enclave.

Ces textes s'appliquent au propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui réclame sur le fonds du voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds.

Il résulte des pièces produites que les époux [Z] ne sont plus propriétaires de la parcelle [Cadastre 3] qu'ils ont donnée.

Ils se sont réservé un simple droit d'usage et d'habitation sur une dépendance située sur la parcelle donnée.

Ils ne peuvent donc fonder leurs demandes de droit de passage sur une situation d'enclave.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que les conditions des articles 682 et 684 étaient réunies. Ces textes exigent un fonds dominant et un fonds servant qui ,en l'espèce, font défaut.

- sur le droit d'usage et d'habitation

L'article 627 du code civil dispose: l'usager, et celui qui a un droit d'habitation, doivent jouir raisonnablement.

Selon l'article 628, les droits d'usage et d'habitation se règlent par le titre qui les a établis, et reçoivent, d'après ses dispositions, plus ou moins d'étendue.

L'article 629 du code civil prévoit: Si le titre ne s'explique pas sur l'étendue de ces droits ils sont réglés ainsi qu'il suit.

Selon l'article 633, le droit d'habitation se restreint à ce qui est nécessaire pour l'habitation de celui à qui ce droit est concédé, et de sa famille.

L'étendue du droit est donc strictement limitée à la maison et à ses accessoires et dépendances nécessaires à la commodité de l'habitant.

Enfin, le droit s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

A l'époque de la donation, la résidence des époux [Z] se trouvait sur la parcelle [Cadastre 9].

Ils avaient conservé un droit d'usage et de jouissance sur une dépendance comprise dans la donation, prévu une servitude de passage 's'exerçant sur la partie midi de la parcelle [Cadastre 3] face à la porte du garage'.

Il résulte de ces dispositions que les époux [Z] s'étaient réservé un droit de passage conventionnel entre les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 3], passage leur permettant d'accéder à leur dépendance et d'en ressortir à pied et en voiture.

La situation a évolué pour plusieurs raisons :

-Les époux [W] et [Y] [Z] ont fait construire leur maison d'habitation (à une date non précisée) sur la parcelle donnée.

-Les époux [X] et [S] [Z] ont transformé leur dépendance en maison d'habitation courant 1989.

-Les consorts [Z] père et fils ont érigé deux garages accolés dans l'angle Nord-Est de la parcelle [Cadastre 3] ( à une date non indiquée) .

-[W] [Z] est décédé le 1er septembre 2017.

-Les relations intra-familiales sont devenues très tendues, voire hostiles.

Du fait des constructions successives, il est constant que les époux [X] et [S] [Z] du vivant de leur fils passaient régulièrement à pied et en voiture sur la parcelle [Cadastre 3] pour accéder à leur maison et au garage.

Ils empruntaient le portail et l'allée situés au Nord de la parcelle [Cadastre 3] pour rejoindre le garage se trouvant dans l'angle Nord-Est de la parcelle et leur maison située au midi de la parcelle.

Ils franchissaient en outre la clôture séparant les deux maisons pour se rendre à pied au garage.

Ces itinéraires sont distincts de la servitude conventionnelle.

Il s'agit uniquement de tolérances ainsi que le reconnaissent les intimés, tolérances qui ont cessé au décès de leur fils.

Il résulte cependant du constat d'huissier de justice du 6 août 2018 que la maison des époux [X] et [S] [Z] est enclavée depuis que l'accès au portail et à l'allée figurant au Nord leur est fermé.

Le seul passage existant donnant sur la rue est un passage piéton d'une largeur de 75 cm, passage dont l'huissier de justice indique qu'il est impossible de l'élargir du fait d'un fossé, d'un regard situé en face.

Or, le droit d'usage et d'habitation expressément réservé par l'acte de donation du 10 avril 1989 implique un accès à pied et en voiture à la voie publique et depuis la voie publique (jusqu'à leur maison).

En revanche, la revendication d'un accès au 'garage' construit sur le parcelle donnée est sans fondement dès lors qu'il n'a pas été envisagé en 1989, que la donation fait référence exclusivement à une dépendance ( d'ailleurs dotée à l'époque d'un garage) et alors que le garage, présenté comme appartenant aux époux [X] [Z] a été construit sur la parcelle donnée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a autorisé, prévu un accès au garage.

- sur les autres demandes

Le litige trouve sa source dans l'altération des relations intra-familiales dont les motifs sont étrangers à la solution.

Au regard de la tolérance dont les époux [Z] ont bénéficié durant des années et de leur qualité de donateurs, la revendication d'un droit de passage ne peut être qualifiée de fautive et cela d'autant moins que le juge des référés puis le premier juge leur ont donné raison.

Les appelants seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel ,les frais irrépétibles exposés seront laissés à la charge de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-infirme le jugement entrepris :

Statuant de nouveau :

-dit que le droit d'usage et d' habitation des époux [X] et [S] [Z] implique un droit de passage,

-dit que les époux [X] et [S] [Z] ont un droit de passage à pied et en voiture sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 3], passage d'une largeur de 3,50 m, passage reliant la maison au portail qui donne accès à la voie publique

-déboute les époux [X] et [S] [Z] de leurs autres demandes

-déboute les consorts [Y] [R] et [F] [Z] de leur demande d'indemnisation

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-laisse à la charge de chacune des parties les dépens et frais irrépétibles exposés par elle en première instance et en appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02992
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;20.02992 ?
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