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08/09/2022 | FRANCE | N°20/02599

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 08 septembre 2022, 20/02599


JMA/PR































ARRET N° 558



N° RG 20/02599



N° Portalis DBV5-V-B7E-GDXS













[H]



C/



S.A.S. PHILIPPE VINCENT FINANCE

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRÊT

DU 08 SEPTEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 octobre 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer





APPELANTE :



Madame [X] [H]

née le 12 juillet 1965 à [Localité 5] (ALLEMAGNE)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Ayant pour avocat plaidant Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-...

JMA/PR

ARRET N° 558

N° RG 20/02599

N° Portalis DBV5-V-B7E-GDXS

[H]

C/

S.A.S. PHILIPPE VINCENT FINANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 octobre 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer

APPELANTE :

Madame [X] [H]

née le 12 juillet 1965 à [Localité 5] (ALLEMAGNE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMEE :

S.A.S. PHILIPPE VINCENT FINANCE

N° SIRET : 444 138 432

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle MONTERAGIONI-LAMBERT de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2022, en audience publique, devant:

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Philippe Vincent Finance a embauché Mme [X] [H], suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 janvier 2005, en qualité d'adjoint administrateur réseau.

Le 29 août 2018, la société Philippe Vincent Finance a infligé à Mme [X] [H] un avertissement.

La société Philippe Vincent Finance a convoqué Mme [X] [H] à un entretien préalable à son éventuel licenciement et lui a concomitamment notifié sa mise à pied à titre conservatoire. Cet entretien a eu lieu le 23 novembre 2018.

Le 29 novembre 2018, la société Philippe Vincent Finance a notifié à Mme [X] [H] son licenciement pour faute lourde.

Le 16 mai 2019, Mme [X] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Rochefort-sur-Mer aux fins, en l'état de ses dernières prétentions, de voir :

- à titre principal :

- juger que son licenciement était nul ;

- condamner la société Philippe Vincent Finance à lui payer les sommes suivantes :

- 44 100 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- 4 900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 490 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 9 248 euros 'bruts' à titre d'indemnité de                                     licenciement ;

- à titre subsidiaire :

- juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Philippe Vincent Finance à lui payer les sommes suivantes :

- 28 175 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 490 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 9 248 euros 'bruts' à titre d'indemnité de                                     licenciement ;

- 5 442,98 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonner à la société Philippe Vincent Finance de lui remettre un bulletin de paie mentionnant les sommes qui lui seront allouées, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du jour de la notification la décision à intervenir.

Par jugement en date du 22 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Rochefort-sur-Mer a :

- dit que le licenciement de Mme [X] [H] était fondé sur une faute grave ;

- débouté Mme [X] [H] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la société Philippe Vincent Finance à payer à Mme [X] [H] la somme de 5 442,98 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires congés payés y afférents inclus ;

- ordonné à la société Philippe Vincent Finance de remettre à Mme [X] [H] des 'documents régularisés' et une attestation Pôle Emploi rectifiée ;

- condamné la société Philippe Vincent Finance à payer à Mme [X] [H] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Philippe Vincent Finance de sa demande reconventionnelle.

Le 17 novembre 2020, Mme [X] [H] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- avait dit que son licenciement était fondé sur une faute grave ;

- l'avait déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Par conclusions reçues au greffe le 20 mai 2021, Mme [X] [H] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a dit que son licenciement était fondé sur une faute grave ;

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

- et, statuant à nouveau :

- à titre principal :

- de juger que son licenciement est nul ;

- de condamner la société Philippe Vincent Finance à lui payer les sommes suivantes :

- 44 100 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 4 900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 490 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 9 248 euros 'bruts' à titre d'indemnité de licenciement ;

- à titre subsidiaire :

- de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la société Philippe Vincent Finance à lui payer les sommes suivantes :

- 28 175 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 4 900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 490 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 9 248 euros 'bruts' à titre d'indemnité de licenciement ;

- en tout état de cause, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société Philippe Vincent Finance à lui payer la somme de 5 442,98 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires congés payés inclus ;

- ordonné à la société Philippe Vincent Finance de lui remettre des documents régularisés et une attestation Pôle Emploi rectifiée ;

- de débouter la société Philippe Vincent Finance de ses demandes de réformation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner la société Philippe Vincent Finance à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 22 avril 2021, la société Philippe Vincent Finance demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail de Mme [X] [H] était bien fondé ;

- de réformer ce jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement pour faute grave ;

- subsidiairement, de confirmer ce jugement en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Mme [X] [H] était fondé sur une faute grave ;

- en tout état de cause, de confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] [H] de sa demande de dommages et intérêts ;

- de réformer ce jugement en ce qu'il :

- l'a condamnée à payer à Mme [X] [H] la somme de 5 442,98 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires congés payés y afférents inclus ;

- lui a ordonné de remettre à Mme [X] [H] des 'documents régularisés' et une attestation Pôle Emploi rectifiée ;

- l'a condamnée à payer à Mme [X] [H] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'a déboutée de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de débouter Mme [X] [H] de l'ensemble de ses             demandes ;

- de condamner Mme [X] [H] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 4 000 euros sur ce même fondement en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 16 mai 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 juin 2022 à 14 heures pour y être plaidée.

Par courrier en date du 18 mai 2022, Maître Emmanuelle Monteragioni-Lambert, conseil de la société Philippe Vincent Finance, a indiqué qu'elle n'intervenait plus dans l'intérêt de cette dernière et ne serait pas présente à l'audience du 13 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la demande formée par Mme [X] [H] tendant à voir déclarer son licenciement nul et ses demandes subséquentes :

Au soutien de son appel, Mme [X] [H] expose en substance :

- que M. [I] [K], président de la société Philippe Vincent Finance, s'est livré à son égard, à compter de 2017, à un véritable harcèlement moral et psychologique ;

- que les agressions verbales de M. [I] [K] étaient quotidiennes et que ce dernier essayait de la déstabiliser par tous les moyens, en l'ignorant ou au contraire en l'invectivant ou encore en tentant de la 'mettre au placard' ;

- qu'elle a été placée en arrêt de travail à six reprises entre le 10 février 2017 et mai 2018 en raison des faits de harcèlement dont elle était alors victime ;

- qu'elle verse aux débats des attestations d'anciens collègues qui rendent compte de la réalité des faits de harcèlement moral dont elle a été victime dans l'entreprise ;

- que M. [I] [K] est finalement parvenu à ses fins en procédant à son licenciement pour faute lourde, faisant état de fautes toutes plus farfelues les unes que les autres ;

- que son licenciement est nul et qu'elle peut donc prétendre aux indemnités de rupture de son contrat de travail, étant précisé qu'en pareille hypothèse les dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail ne sont pas applicables et qu'en conséquence elle doit être indemnisée de l'intégralité de son préjudice, l'indemnisation ne pouvant être inférieure à six mois de salaire ainsi qu'en dispose l'article L 1235-3-1 du Code du travail.

En réponse, la société Philippe Vincent Finance objecte pour l'essentiel :

- qu'en matière de harcèlement moral la charge de la preuve incombe d'abord au salarié lequel doit présenter des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral ;

- qu'en l'espèce Mme [X] [H] ne justifie de rien ;

- que Mme [X] [H] ne s'est jamais plainte d'avoir été victime de harcèlement moral avant l'entretien préalable à son licenciement ;

- que les arrêts de travail produits par Mme [X] [H] sont insuffisants ;

- que les attestations versées aux débats par Mme [X] [H] sont rédigées en termes généraux, ne font état d'aucun fait précis, et pour partie, ne sont pas conformes aux conditions posées par l'article 202 du Code de procédure civile ;

- que Mme [X] [H] n'apporte aucun élément en lien avec sa prétendue 'mise au placard' ;

- que pour sa part elle produit plusieurs attestations d'anciens collègues de Mme [X] [H], attestations qui contredisent la thèse de cette dernière, étant précisé que le Code du travail n'interdit pas à un salarié de témoigner en faveur de son employeur.

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article L 1152-3 du Code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce, dans le but d'établir des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime, Mme [X] [H] verse aux débats les pièces suivantes :

- sa pièce n°10 : il s'agit d'un ensemble d'arrêts de travail couvrant la période du 10 février au 30 juin 2017, prescrits à son profit par le docteur [M], médecin à [Localité 6], dont le premier, ainsi que deux autres, mentionnent : 'Conflit avec son employeur à type de harcèlement professionnel'.

S'agissant de cette mention, s'il s'agit là de considérations tirées des déclarations de Mme [X] [H], faute pour son rédacteur de connaissance objective des conditions de travail de sa patiente, il reste qu'outre la réalité de la dégradation de l'état de santé de cette dernière dûment constatée par ce médecin, ces déclarations sont apparues crédibles à ce dernier et compatibles avec cette dégradation.

- sa pièce n°11 : il s'agit d'une attestation établie par Mme [P] [J], ancienne collègue de Mme [X] [H], qui y déclare :

'Lorsque j'étais assistante de direction de M. [K] de la société PVF j'ai assisté à plusieurs reprises et envers plusieurs personnes à des faits et situations de harcèlement moral. En effet M. [K] 'utilise' (choix du mot volontaire) ses salariés de ses diverses sociétés en les poussant à bout tant par son changement d'avis et d'humeur constant tant par la multiplicité intensive des tâches requises. Toutes heures supplémentaires n'étant pas rémunérées, pas compensées. M. [K] exerce et pratique une stratégie malicieuse et psychologiquement perverse envers ses salariés. A maintes reprises j'ai été témoin de son abus de pouvoir, son comportement abusif et son abus verbal envers Mme [X] [H], l'humiliant en la dédaignant et la méprisant. La disponibilité, la réactivité et les compétences professionnelles de Mme [X] [H] n'étaient pas satisfaisantes, je dirai jamais assez selon M. [K]. Il la rabaissait alors de plus belle, allant jusqu'à la porter responsable de ses propres fautes, échecs et bêtises. M. [K] a une capacité toute particulière à faire preuve de mauvaise foi, s'autorisant ainsi à se débarrasser de qui bon lui semble quand il le souhaite selon son humeur. Mme [X] [H] est une personne professionnelle, consciencieuse, disponible et compétente' ;

- sa pièce n°13 : il s'agit d'une attestation établie par Mme [G] [Z], ancienne collègue de Mme [X] [H] au sein de l'entreprise, qui y déclare en substance que cette dernière était une collègue de confiance et de grande qualité qui répondait 'aux exigences de la direction sans compter ses heures', que la surcharge de travail ne leur permettait pas de l'effectuer dans leur temps de travail et qu'elles devaient réaliser des heures supplémentaires qui n'étaient pas payées, puis plus avant que 'la manipulation, le non-respect, l'humiliation et le harcèlement moral [sont] étaient le leitmotiv de cette entreprise et viennent à bout des salariés.....' ;

- sa pièce n°14 : il s'agit d'une attestation établie par M. [F] [R], ancien collègue de Mme [X] [H] au sein de l'entreprise, qui y déclare en substance que cette dernière était une professionnelle de grande qualité, très investie dans l'entreprise, et que 'malgré toutes ses qualités, Mme [X] [H] [a] avait très souvent généré de l'insatisfaction chez M. [K] qui ne se privait pas de la rabaisser parfois devant ses collègues et de l'humilier......', puis plus avant que 'pendant une période, M. [K] lui avait interdit d'adresser la parole à ses collègues, par la même occasion il m'avait interdit à moi également de lui adresser la parole'.

S'il n'est pas annexé à cette attestation un document justifiant l'identité de son auteur, la cour considère qu'en présence de l'identité précise de ce dernier, de l'indication de son domicile et de sa profession et plus généralement de l'ensemble des mentions prescrites par l'article 202 du Code de procédure civile, elle présente des garanties suffisantes pour être prise en considération.

La mise en perspective des pièces produites par Mme [X] [H] conduit la cour à retenir que celle-ci a été victime d'agissements de la part de son employeur, agissements qui se traduisaient par des humiliations, un rabaissement et ont pris aussi la forme d'une ostracisation et qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

A cet égard, la cour relève que la société Philippe Vincent Finance, à laquelle il incombe, au vu des éléments communiqués par la salariée, de prouver que les agissements dont celle-ci démontre avoir été victime, ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral, ne produit aucun justificatif sur ce plan.

Aussi, tirant les conséquences de ces éléments et faisant application des dispositions de l'article L 1152-3 du Code du travail, la cour déclare nul le licenciement de Mme [X] [H] et en conséquence, condamne la société Philippe Vincent Finance à payer à celle-ci les sommes suivantes :

- 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul sur le fondement de l'article L 1235-3-1 du code du travail ;

- 4 900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 490 euros bruts au titre des congés payés y afférents, non discutées dans leur quantum ;

- 9 248 euros à titre d'indemnité de licenciement, non discutée dans son quantum.

- Sur la demande formée par Mme [X] [H] au titre d'heures supplémentaires impayées :

Au soutien de son appel, la société Philippe Vincent Finance expose en substance :

- que les tableaux produits par Mme [X] [H] ne peuvent constituer des preuves au regard de l'adage 'nul ne peut se constituer de preuve à soi-même' ;

- que la mise en place d'heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l'employeur ;

- que seules les heures supplémentaires demandées par l'employeur ou effectuées avec son accord même s'il est implicite ou celles rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié donnent lieu à majoration ;

- qu'en l'espèce il avait été interdit aux salariés de l'entreprise d'effectuer des heures supplémentaires et Mme [X] [H] ne démontre pas que la réalisation de telles heures aurait été rendue nécessaire par les tâches qui lui étaient confiées.

En réponse, Mme [X] [H] objecte pour l'essentiel :

- qu'elle produit aux débats notamment un décompte des heures qu'elle a accomplies, décompte issu de sa badgeuse ;

- que la société Philippe Vincent Finance qui fait état d'une interdiction de réaliser des heures supplémentaires ne produit aucune pièce sur ce point ;

- que les heures supplémentaires en question ont été réalisées entre janvier 2017 et août 2018 et aucune de ces heures ne lui a été payée.

En premier lieu, il est de principe que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l'espèce, la cour relève d'une part qu'il ressort des pièces n° 11 et 13 produites aux débats par Mme [X] [H] qu'elle avait dû, en raison de sa charge de travail, effectuer des heures de travail supplémentaires et d'autre part que la société Philippe Vincent Finance qui soutient avoir interdit à ses salariés de réaliser de telles heures, ne verse aux débats aucun justificatif de cette interdiction.

Ensuite, aux termes de l'article L 3171-4 alinéas 1 et 2 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Ainsi si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments. Les éléments fournis par le salarié doivent être en outre exploitables et, lorsqu'il s'agit d'attestations, celles-ci doivent faire état de faits précis et directement constatés par leurs auteurs.

En l'espèce, outre les pièces n° 11 et 13 déjà citées, Mme [X] [H] produit à l'appui de sa demande, les pièces suivantes :

- sa pièce n°16 : il s'agit d'un ensemble de documents couvrant la période ayant couru du 2 janvier 2017 au 31 août 2018 qui mentionnent, jour par jour de cette période, une heure d'embauche et de débauchage du matin et une heure d'embauche et de débauchage de l'après-midi, un total d'heures de travail pour le matin et un total d'heures de travail pour l'après-midi et enfin un total d'heures de travail par journée ;

- sa pièce n°17 : il s'agit d'un tableau qui mentionne, pour la période de janvier 2017 à août 2018, semaine par semaine, un nombre d'heures supplémentaires, puis mois par mois un nombre total d'heures supplémentaires, puis pour chaque mois un montant de rappel de salaire distinguant les heures supplémentaires majorées à 25 % et celles majorées à 50%, puis enfin un nombre total d'heures supplémentaires sur la période de janvier 2017 à août 2018, soit 252 heures 34 et un rappel de salaire correspondant à hauteur de 5 442,98 euros.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que Mme [X] [H] prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.

Or la cour ne peut que constater que la société Philippe Vincent Finance ne produit aucun élément de nature tant à justifier les temps de travail réels de Mme [X] [H] qu'à remettre en cause l'exactitude de ceux ressortant des documents versés aux débats par celle-ci.

En conséquence de quoi, la cour condamne la société Philippe Vincent Finance à payer à Mme [X] [H] la somme de 5 442,98 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires congés payés inclus ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les prétentions de Mme [X] [H] étant pour une large partie fondées, la société Philippe Vincent Finance sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [X] [H] l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la société Philippe Vincent Finance sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, la cour confirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Philippe Vincent Finance à verser à Mme [X] [H] la somme de 1 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Philippe Vincent Finance à payer à Mme [X] [H] la somme de 5 442,98 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires congés payés y afférents inclus ;

- ordonné à la société Philippe Vincent Finance de remettre à Mme [X] [H] des 'documents régularisés' et une attestation Pôle Emploi rectifiée ;

- condamné la société Philippe Vincent Finance à payer à Mme [X] [H] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau, pour le surplus :

- dit que le licenciement de Mme [X] [H] est nul ;

- condamne la société Philippe Vincent Finance à payer à Mme [X] [H] les sommes suivantes :

- 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- 4 900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 490 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 9 248 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Et, y ajoutant :

- condamne la société Philippe Vincent Finance à verser à Mme [X] [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que de l'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02599
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.02599 ?
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