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08/09/2022 | FRANCE | N°20/02409

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 08 septembre 2022, 20/02409


JMA/PR































ARRET N° 556



N° RG 20/02409



N° Portalis DBV5-V-B7E-GDLU













[L]



C/



S.E.L.A.F.A. MJA ès qualités

de mandataire liquidateur de la SARL Meubles [L]



AGS CGEA DE BORDEAUX



ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA

ILE DE FRANCE OUEST























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 septembre 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Thouars





APPELANT :



Monsieur [R] [L]

né le 30 octobre 1980 à [Localité 4] (79)

[Adresse 3]

[A...

JMA/PR

ARRET N° 556

N° RG 20/02409

N° Portalis DBV5-V-B7E-GDLU

[L]

C/

S.E.L.A.F.A. MJA ès qualités

de mandataire liquidateur de la SARL Meubles [L]

AGS CGEA DE BORDEAUX

ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA

ILE DE FRANCE OUEST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 septembre 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Thouars

APPELANT :

Monsieur [R] [L]

né le 30 octobre 1980 à [Localité 4] (79)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien REY de la SAS AVODES, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

INTIMÉES :

S.E.L.A.F.A. MJA

prise en la personne de Maître[C]e [V]

ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MEUBLES [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe GAND de la SCP GAND-PASCOT, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS

AGS CGEA DE BORDEAUX

Les Bureaux du Parc

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Défaillante

ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Meubles [L] est spécialisée dans la fabrication de meubles.

Elle a embauché M. [R] [L], suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 18 août 2003, en qualité d'agent d'encadrement. A cette date la société Meubles [L] avait pour dirigeant M. [E] [L], le père de M. [R] [L].

Courant mars 2014, M. [E] [L] a cédé les parts qu'il détenait dans la société Meubles [L] et il a été embauché par cette société selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 mars 2014 en qualité de directeur d'établissement.

Le 14 février 2018, la société Meubles [L] a convoqué M. [R] [L] à un entretien préalable à son éventuel licenciement et lui a concomitamment notifié sa mise à pied à titre conservatoire. Cet entretien a eu lieu le 22 février 2018.

Le 15 mars 2018, la société Meubles [L] a notifié à M. [R] [L] son licenciement pour faute grave.

Le 22 février 2019, M. [R] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Thouars aux fins de voir condamner la société Meubles [L] à lui payer diverses sommes.

Par jugement en date du 9 juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Meubles [L].

Par jugement en date du 4 octobre 2019, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] et a désigné la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [C] [V], en qualité de liquidateur judiciaire.

En l'état de ses dernières prétentions, M. [R] [L] demandait au conseil de prud'hommes de Thouars, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir, de voir :

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] aux sommes suivantes :

- 56 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 5 443,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 544,31 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 11 067,55 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 2 482,83 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail ;

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- de dire les condamnations opposables au 'CGEA AGS de Bordeaux'.

Par jugement en date du 28 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Thouars a :

- débouté M. [R] [L] de toutes ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné M. [R] [L] aux entiers dépens.

Le 28 octobre 2020, M. [R] [L] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- l'avait débouté de toutes ses demandes ;

- avait dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'avait condamné aux entiers dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 29 janvier 2021, M. [R] [L] demande à la cour :

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

- l'a débouté de toutes ses demandes ;

- a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'a condamné aux entiers dépens ;

- et, statuant à nouveau :

- de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] aux sommes suivantes :

- 32 658,32 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 5 443,06 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 544,31 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 11 067,55 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 2 482,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail ;

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du  Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance outre celle de 3 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions reçues au greffe le 5 février 2021, la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [C] [V], sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris, déboute M. [R] [L] de l'ensemble de ses demandes, et condamne ce dernier à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin par conclusions reçues au greffe le 28 avril 2021, l'Unedic Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest, ci-après dénommée le CGEA d'Ile de France Ouest, réclame à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter M. [R] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- subsidiairement, de réduire les sommes éventuellement allouées à proportion du préjudice subi et dûment justifié ;

- de juger que la décision à intervenir ne lui sera opposable que dans les limites légales et sous réserve d'un recours pouvant être introduit ;

- de juger qu'il ne pourra consentir d'avances au liquidateur que dans la mesure où la demande entre bien dans le cadre des dispositions des articles L 3253-6 et suivants du Code du travail ;

- de juger que sa garantie ne pourra s'exercer que dans les limites des plafonds applicables prévus par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail ;

- de dire que les sommes ne découlant pas directement de l'exécution du contrat de travail telle notamment la somme éventuellement allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne relève pas de sa garantie.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 16 mai 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 juin 2022 à 14 heures pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au soutien de son appel, M. [R] [L] expose en substance :

- qu'en matière de licenciement pour faute grave, l'employeur supporte la charge de la preuve ;

- qu'en l'espèce la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [C] [V], ne produit aucun élément tant au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait reconnu les faits aux motifs desquels il a été licencié que de nature à établir les quatre griefs énoncés dans la lettre de licenciement ;

- que, même à supposer établis ces griefs, ils ne sauraient justifier un licenciement pour faute grave ;

- qu'il peut prétendre, outre les indemnités compensatrices de préavis et de licenciement et outre un rappel de salaire correspondant à la période de sa mise à pied, au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ce à hauteur de 12 mois de salaire correspondant au maximum prévu par le barème de l'article L 1235-3 du Code du travail ;

- qu'en outre il a dû quitter brutalement ses fonctions face à des salariés dont il avait assuré l'encadrement depuis de très nombreuses années, ce qui justifie qu'il obtienne une indemnité complémentaire en raison des conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail.

En réponse, la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [C] [V], objecte pour l'essentiel :

- que M. [R] [L] a commis de graves manquements dans l'exercice de ses fonctions et que ces manquements ont constitué des actes de déloyauté manifeste à l'égard de la direction de la société Meubles [L] ;

- que la lettre de licenciement énumère ces manquements qui sont au nombre de quatre ;

- que, s'agissant du premier de ces manquements, M. [R] [L] a reconnu les faits lors de l'entretien préalable, étant en outre observé que M. [R] [L] a de nouveau reconnu les faits lors de l'audience de jugement devant le conseil de prud'hommes, ce que mentionne le jugement entrepris ;

- que ce conseil a reconnu que M. [R] [L] avait oeuvré à des fins personnelles contre les intérêts de l'entreprise, ce dont il se déduit que le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi ;

- que M. [R] [L] ne justifie pas du préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il réclame réparation, étant observé qu'il a immédiatement retrouvé un nouvel emploi après son licenciement ;

- que M. [R] [L] ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement dans des conditions vexatoires au seul motif de sa mise à pied à titre conservatoire, sauf à considérer que tout licenciement pour faute grave assorti d'une mise à pied conservatoire serait nécessairement vexatoire.

Egalement en réponse, le CGEA d'Ile de France Ouest fait valoir :

- qu'il s'en rapporte aux explications apportées par la Selafa MJA en ce qui concerne les fautes reprochées à M. [R] [L] ;

- que le licenciement de M. [R] [L] n'encourt aucune critique sérieuse ;

- que M. [R] [L] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant que lui soit allouée, sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail, une indemnité supérieure au minimum de 3 mois de salaire prévu par le barème contenu dans cet article.

Selon les termes de la lettre en date du 15 mars 2018 que la société Meubles [L] lui a adressée, M. [R] [L] a été licencié pour faute grave aux motifs énoncés :

- premièrement qu'il avait demandé un chiffrage des actifs de la société, ce sans avoir été mandaté pour le faire et alors que cette demande n'entrait pas dans le cadre de sa mission, la lettre de licenciement précisant que cette demande allait 'directement à l'encontre des efforts et actions du gérant pour pérenniser l'activité de ce site' et que 'l'environnement professionnel' ne pouvait 'qu'être fortement inquiété par ce type de démarche et d'information' ;

- deuxièmement qu'un projet de commande de bois, représentant un investissement de plus de 20 000 euros, 'difficilement envisageable actuellement', évoqué par M. [R] [L] avec l'un des fournisseurs de l'entreprise, n'avait pas été porté à la connaissance du gérant et ce alors que M. [R] [L] avait été incapable de se souvenir du nom du client concerné par cette commande et qu'il n'était pas acceptable que M. [R] [L] utilise sa fonction dans l'entreprise pour prendre contact avec des fournisseurs de cette dernière afin d'obtenir des informations sur son marché, sans que sa démarche puisse être rattachée à sa mission ;

- troisièmement qu'en tant que responsable de l'atelier, M. [R] [L] n'avait pas informé le gérant de l'importance du volume des stocks physiques et notamment des encours, dans la mesure où ils ne correspondaient pas aux informations effectivement comptabilisées et ce alors qu'il était en charge des approvisionnements et des négociations afférentes avec les fournisseurs et le plus à même de déterminer les coûts de production et d'évaluer la valeur du stock et son potentiel de dépréciation ;

- quatrièmement qu'il était apparu que M. [E] [L] utilisait l'adresse de la messagerie de l'entreprise pour communiquer avec ses interlocuteurs notamment au sujet d'actions qui ne relevaient pas de son contrat de travail et qui n'avaient pas été autorisées par le gérant et qu'il paraissait 'difficilement envisageable, compte-tenu de la relative faible quantité de mail reçus chaque jour' que M. [R] [L] n'ait pas eu connaissance des rendez-vous organisés sans autorisation notamment entre le directeur de la banque détenant le compte de l'entreprise et le potentiel acquéreur de début d'année, M. [M]', ce dont il se déduisait que M. [R] [L] avait 'été associé très en amont à l'ensemble des actions de [E] [L], inacceptables dans le cadre de sa mission' et qui l'étaient 'au moins autant' dans le cadre de la sienne ;

- que ces faits avaient constitué des manquements dans l'exercice de ses fonctions de la part de M. [R] [L] et des actes de déloyauté manifeste à l'égard de la direction de l'entreprise.

Il est de principe que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il est également de principe qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d'en rapporter seul la preuve.

En l'espèce, la cour observe que ni Maître [C] [V] ès qualités ni le CGEA d'Ile de France Ouest ne produisent la moindre pièce en rapport avec les faits reprochés à M. [R] [L] et a fortiori de nature à rendre compte de la réalité même de ces faits, étant ajouté que :

- s'agissant du premier des griefs énoncés, rien ne permet de retenir que M. [R] [L] avait demandé un chiffrage des actifs de la société ni a fortiori que 'l'environnement professionnel' avait pu 'être fortement inquiété par ce type de démarche et d'information', étant précisé d'une part que, par courrier en date du 30 mai 2018 (pièce de Maître [V] n°2) le salarié a contesté l'intégralité des griefs formulés à son encontre et d'autre part qu'il ne ressort aucunement des notes de l'audience du 15 juin 2020 que le salarié a reconnu les faits constituant ce premier grief mais au contraire qu'il a expressément nié avoir demandé à faire chiffrer les actifs de l'entreprise ;

- s'agissant du deuxième grief, que rien ne permet de considérer que M. [R] [L] avait évoqué, avec un fournisseur de l'entreprise, un projet de commande de bois, représentant un investissement de plus de 20 000 euros ni a fortiori, à supposer exacte cette circonstance, qu'il se soit agi pour M. [R] [L] d'obtenir des informations sur le marché de l'employeur et plus généralement que le salarié avait adopté un comportement contraire aux intérêts de l'entreprise ou simplement fautif ;

- s'agissant du troisième grief, et à supposer que M. [R] [L] ait été en charge des approvisionnements dans l'entreprise et des négociations afférentes avec les fournisseurs, ce qui n'est nullement établi par les pièces produites par les intimées, que rien ne permet de retenir que M. [R] [L] était, dans le cadre de ses fonctions, chargé ou même en mesure de vérifier que les volumes des stocks physiques et notamment des encours ne correspondaient pas aux informations 'effectivement comptabilisées', ce que seules des procédures d'inventaire étaient en mesure de mettre en lumière ;

- s'agissant du quatrième grief, relatif à des agissements imputés à M. [E] [L] et à la connaissance que M. [R] [L] aurait eue de ces agissements, la cour ne peut que relever que la simple connaissance par M. [R] [L] de faits attribués à son père, faits qui au demeurant ne sont pas même établis, ne saurait à elle seule caractériser la faute du salarié, étant ajouté que cette connaissance n'est pas même démontrée mais seulement évoquée comme probable.

Ainsi aucun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'étant établi, le licenciement de M. [R] [L] se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour fixe la créance de M. [R] [L] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Meubles [L], en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail, et en tenant compte, pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due au salarié entre le minimum et le maximum prévu par ce texte, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à ce dernier, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, à la somme de 16 500 euros.

Par ailleurs il convient de fixer la créance de M. [R] [L] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] aux sommes, non discutées dans leurs montants, suivantes :

- 5 443,06 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 544,31 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 11 067,55 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 2 482,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

Certes, il est de principe que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse peut se cumuler avec des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice distinct lorsque l'employeur a commis une faute dans la mise en oeuvre de ce licenciement, ainsi en entourant celui-ci par exemple de circonstances vexatoires ou brutales, et que cette faute a causé un préjudice au salarié concerné.

Toutefois en l'espèce, M. [R] [L] ne justifie pas d'une faute de l'employeur, faute qui ne saurait se déduire de la seule constatation d'une absence de cause réelle et sérieuse de licenciement au titre de laquelle une indemnité est allouée au salarié ni de la mise à pied conservatoire de ce dernier compensée par un rappel de salaire.

En conséquence de quoi la cour déboute M. [R] [L] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice distinct.

M. [R] [L] ayant obtenu gain de cause pour une large partie de ses demandes, les dépens tant de première instance que d'appel seront réputés frais privilégiés de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Meubles [L].

En outre il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [R] [L] les frais par lui exposés et non compris dans les dépens. Aussi sa créance au titre des frais irrépétibles de l'appel sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] à la somme de 1 000 euros, la cour infirmant le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et fixant à la somme de 1 000 euros la créance de M. [R] [L] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [R] [L] sa demande de dommages et intérêts en raison des circonstances de la rupture ;

Et, statuant à nouveau :

- dit que le licenciement de M. [R] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixe la créance de M. [R] [L] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Meubles [L] comme suit :

- 16 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5 443,06 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 544,31 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 11 067,55 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 2 482,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel et 1 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- déclare le présent arrêt opposable au CGEA d'Ile de France Ouest ;

- Rappelle que :

- la garantie de l'AGS est subsidiaire et que donc la présente décision est opposable au CGEA d'Ile de France Ouest dans la seule mesure d'une insuffisance de disponibilités entre les mains du liquidateur judiciaire ;

- l'AGS ne garantit pas l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du Code du travail que dans les limites et conditions

posées par l'article L 3253-17 et suivants et D 3253-5 du même code ;

- l'obligation du CGEA de faire l'avance des créances garanties compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le liquidateur judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

- dit que les dépens de première instance et d'appel seront réputés frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02409
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.02409 ?
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