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05/07/2022 | FRANCE | N°20/02836

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 20/02836


ARRET N°430



N° RG 20/02836 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GEIJ















S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (SCT TELE COM)



C/



S.A.R.L. AH TOUT GRAVER



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 05 JUILLET 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02836 -

N° Portalis DBV5-V-B7E-GEIJ



Décision déférée à la Cour : jugement du 06 octobre 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.





APPELANTE :



S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (SCT TELECOM)

[Adresse 4]

[Localité 3]



ayant p...

ARRET N°430

N° RG 20/02836 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GEIJ

S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (SCT TELE COM)

C/

S.A.R.L. AH TOUT GRAVER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02836 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GEIJ

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 octobre 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (SCT TELECOM)

[Adresse 4]

[Localité 3]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Valérie PONS-TOMASELLO, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

S.A.R.L. AH TOUT GRAVER

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat Me Catherine CHAILLEUX de la SELARL SELARL CHAILLEUX, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 02 Mai 2014, la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER souscrivait auprès de la société SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (SCT) un ensemble de contrats comprenant :

- l'installation d'un accès internet (29,00 € HT par mois), l'installation du matériel (55,00 € HT par mois) + maintenance (5,50 € HT par mois) d'un montant total de 89,50 € HT mensuel.

L'installation était souhaitée pour le 03 juin 2014. Les frais de mise en service s'élevaient à 700,00 € HT,

- un service de téléphonie fixe pour la somme de 77,35 € H.T par mois,

- un service de téléphonie mobile pour la somme de 96,00 € HT par mois ;

Le 13 mai 2014, la société SCT confirmait la souscription du contrat mais fixait le montant mensuel de l'installation accès web à 110,00 € mensuels et non 55,00 € HT.

En outre, cette missive précisait que ces tarifs incluaient la reprise des lignes fixes, accès web et mobiles actuelles de la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER.

Enfin, la société SCT confirmait que le matériel serait installé le 03 juin 2014.

Le 14 novembre 2014, la société AH TOUT GRAVER sollicitait dans un courrier émis à la Société SCT des précisions quant à certains montants facturés et faisait part des difficultés à obtenir des réponses à ses questions et aux difficultés rencontrées quant à la création d'adresses mails.

Cinq jours plus tard, la Société AH TOUT GRAVER a mis en demeure la société SCT d'avoir à finaliser l'installation des matériels et les mettre en service, de régulariser les montants des mensualités d'installation et de procéder aux remboursements des sommes indûment prélevées par la société SCT, à savoir la somme de 451,56 €.

Par un courrier daté du 02 décembre 2014, émis par lettre recommandée avec accusé de réception, la SCT expliquait sa facturation, admettait diverses erreurs, en conséquence de celles-ci, et déclarait faire un avoir d'un montant de 26,30 € à valoir sur la prochaine facture et reconnaissait un retard dans l'installation des matériels qui serait dû à une particularité technique de l'installation de la société AH TOUT GRAVER.

Par un courrier daté du 02 décembre 2014, émis également en AR et reçu le lendemain par la société SCT, la Société AH TOUT GRAVER a dénoncé le contrat la liant à la société SCT au visa de l'article 1184 du Code Civil (pris dans sa rédaction contemporaine aux faits énoncés) pour cause d'inexécution.

Le 16 novembre 2014,1a société SCT prenait acte de la résiliation du contrat la liant à la société AH TOUT GRAVER et sollicitait d'une part la restitution des matériels et d'autre part le paiement d'une indemnité égale à la somme de 4.446,00 € HT. soit 5.335.20 € T.T.C.

Le matériel était retourné le 31 décembre 2014, les cartes SIM sont également renvoyées le 23 décembre 2014.

Le 4 septembre 2019, aucun paiement n'étant intervenu, la société SCT a mis en demeure la Société AH TOUT GRAVER de s'acquitter de la somme de 5.358,48 € T.T.C., en vain ;

Le ler octobre 2019, après avoir reçu la requête d'injonction de payer de la Société SCT, le président du tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON a fait droit à la demande de cette dernière suivant ordonnance rendue le 1er octobre 2019, et a enjoint la société AH TOUT GRAVER à payer la somme de 5.358,48 € T.T.C., outre la somme de 535,84 euros au titre de la clause pénale, outre frais, accessoires et dépens de l'instance.

La signification de ladite ordonnance a été faite par exploit d'huissier de justice en date du 20 novembre 2019.

Par déclaration au greffe en date du 06 décembre 2019, le conseil de la société AH TOUT GRAVER a formé opposition à ladite ordonnance d'injonction de payer.

Par ses dernières conclusions la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER demandait au tribunal de :

Vu l'article 34-2 du code des Postes et des Communications Electroniques,

Vu l'article 1184 du Code Civil applicable à l'espèce,

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

Au principal,

Constater que l'action initiée par la SAS SCT TELECOM est prescrite,

En conséquence,

Déclarer la SAS SCT TELECOM irrecevable en toutes ses demandes, et l'en débouter,

Subsidiairement,

Constater que la SAS SCT TELECOM n'a pas exécuté le contrat souscrit par la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER,

Prononcer la résiliation de l'ensemble contractuel souscrit le 02 Mai 2014 avec effet au 03 décembre 2014,

Dire que la résiliation du contrat se fait aux torts exclusifs de la SAS SCT TELECOM,

Dire qu'en conséquence, la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER n'est pas redevable de l'indemnité de résiliation demandée,

En tout état de cause,

Condamner la SAS SCT TELECOM à payer à la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER la somme de 2.000,00 par application de l'article. 700 du code de procédure civile,

Condamner la SAS SCT TELECOM aux entiers dépens.

En réponse, la société SCT demandait au tribunal de :

Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 du Code Civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer bien fondée les demandes de la Société SCT TELECOM à l'encontre de la Société AH TOUT GRAVER,

Constater la résiliation du contrat de téléphonie aux torts exclusifs de la Société AH TOUT GRAVER,

En conséquence,

Débouter la Société AH TOUT GRAVER de ses demandes.

Condamner la Société AH TOUT GRAVER au paiement de la somme de 23,28€ T.T.C. au titre de ses factures,

Condamner la Société AH TOUT GRAVER au paiement de la somme de 5.335,20 € T.T.C. au titre de l'indemnité de résiliation mobile,

Condamner la Société AH TOUT GRAVER au paiement de la somme de 2.000,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Société AH TOUT GRAVER aux entiers dépens,

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir'.

Par jugement contradictoire en date du 06/10/2020, le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :

'VU l'article L34-2 du code des Postes et Communications Electroniques,

VU l'article 1184 du Code Civil pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 N° 2016-131,

DIT et JUGE que l'action intentée à l'encontre de la Société AH TOUT GRAVER par la SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION - SCT est recevable car non prescrite.

DIT et JUGE l'opposition de la Société AH TOUT GRAVER recevable et bien fondée.

DIT le JUGE que la SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION - SCT n'a pas exécuté l'ensemble de ses obligations stipulées dans l'ensemble contractuel indivisible liant les parties.

PRONONCE la résiliation de l'ensemble contractuel souscrit le 02 Mai 2014 avec effet au 03 décembre 2014 aux torts exclusifs de la SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION - SCT.

DÉBOUTE la SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION - SCT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

CONDAMNE la SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION - SCT à payer à la société AH TOUT GRAVER la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000,00 €) par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION - SCT aux entiers dépens et frais de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de greffe liquidés à la somme de QUATRE VINGT EUROS ET SOIXANTE DIX CENTS (90,70 €), qui comprendront également les frais exposés pour l'injonction de payer'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- la prescription annale prévue à l'article L34-2 du code des Postes et Communications Électroniques, texte spécial, ne s'étend pas aux indemnités de résiliation des contrats de prestations.

La demande en paiement de la société SCT est relative à une indemnité de résiliation des contrats de prestations signées entre les parties, de sorte que la Société AI-1 TOUT GRAVER n'est pas fondée à opposer la prescription, celle quinquennale de droit commun s'appliquant, et la demande en paiement litigieuse ayant été formulée en date du 16 décembre 2014.

- au fond, la société SCT allègue que le montant de 5.335,20 € T.T.C. sollicité correspond à l'indemnité stipulée dans ses conditions générales de vente, à savoir le prix du forfait multiplié par le nombre de mois restant jusqu'au terme initial du contrat mobile.

- toutefois, les conditions générales de ventes de la société SCT fournies aux débats sont illisibles dans des conditions de lecture normale

- en tout état de cause, la société AH TOUT GRAVER s'opposait à cette demande en paiement considérant que l'inexécution de la société SCT à ses obligations contractuelles a entraîné la résiliation du contrat, de sorte que cette dernière n'est pas fondée en sa demande indemnitaire.

- contrairement aux allégations de la société SCT, l'ensemble contractuelle liant les parties est indivisible et l'inexécution d'une partie du contrat par la société SCT entraîne la résiliation de l'ensemble contractuel y compris la prestation mobile.

- à réception du courrier de dénonciation de la société AH TOUT GRAVER, la société SCT a pris acte dans sa lettre recommandée N° 103 402 1583 5 de la résiliation de l'ensemble des lignes fixes et mobiles, sans considérer que l'ensemble contractuel était divisible.

- l'ensemble contractuel désigné par les parties « le contrat » est indivisible, quand bien même le contrat résilié porte sur des prestations différentes pour lesquels des conditions générales de vente différentes et des prix différents ont été signés, et la résiliation du dit ensemble contractuel prend effet au 03 décembre 2014.

- SCT n'est pas fondée à solliciter une quelconque indemnité au titre de la résiliation anticipé de l'ensemble contractuel liant les parties.

- SCT sollicite le paiement de la somme de 23,28 € T.T.C. au titre du solde de la facture N° MVNO 2014-12-02000249 datée du 31 Décembre 2014 dont le montant s'élevait à la somme de 123,64 € T.T.C.

SCT fournit au débat en pièce 8 un extrait de son Grand Livre Auxiliaire sur lequel apparaît sur une des lignes le nom de la Société AH TOUT GRAVER sans aucune autre référence que « CHQ » et un montant au crédit de 100,36 €, et ces pièces ne sauraient être suffisantes à justifier le bien-fondé de la demande en paiement de la facture N° MVNO 2014-12-02000249 datée du 31 décembre 2014.

LA COUR

Vu l'appel en date du 04/12/2020 interjeté par la société SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (SCT)

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 27/07/2021 la société SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (SCT) a présenté les demandes suivantes :

'Vu le jugement du tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON du 6 octobre 2020

Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu les conditions générales et particulières de vente de la Société SCT TELECOM,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la cour de :

DÉCLARER la société SCT TELECOM bien fondée en son appel,

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de La ROCHE SUR YON du 6 octobre 2020 en ce qu'il a déclaré l'action de la Société SCT TELECOM recevable car non prescrite ;

REFORMER le jugement rendu le 6 octobre 2020 par le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON en ce qu'il a :

- Dit et jugé que la société SCT TELECOM n'a pas exécuté l'ensemble de ses obligations stipulées dans l'ensemble contractuel indivisible liant les parties;

- Prononcé la résiliation de l'ensemble contractuel souscrit le 2 mai 2014 avec effet au 3 décembre 2014 aux torts exclusifs de la société SCT TELECOM ;

- Débouté la société SCT TELECOM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamné la société SCT TELECOM à payer à la société AH TOUT GRAVER la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ;

- Condamné la société SCT TELECOM aux entiers dépens et frais de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de greffe liquidés à la somme de 90,70 €.

Statuant à nouveau,

DÉCLARER bien fondée les demandes de la société SCT TELECOM à l'encontre de la société AH TOUT GRAVER.

CONSTATER que la Société AH TOUT GRAVER a conclu avec la Société SCT TELECOM trois contrats distincts,

CONSTATER que ces trois contrats ne constituent pas un ensemble contractuel;

CONSTATER que le contrat objet du présent litige est celui relatif aux services de téléphonie mobile,

CONSTATER la résiliation du contrat de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la société AH TOUT GRAVER.

Par conséquent,

CONDAMNER la société AH TOUT GRAVER au paiement de la somme de 23,28 € T.T.C. au titre du reliquat de la facture émise au titre du mois de décembre 2014,

CONDAMNER la société AH TOUT GRAVER au paiement de la somme de 5.335,20 € T.T.C. au titre de l'indemnité de résiliation du contrat relatif au service de téléphonie mobile,

DÉBOUTER la société AH TOUT GRAVER de toutes demandes contraires aux présentes conclusions ;

CONDAMNER la société AH TOUT GRAVER au paiement de la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société AH TOUT GRAVER aux entiers dépens'.

A l'appui de ses prétentions, la société SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (SCT) soutient notamment que :

- son action n'est pas prescrite, la prescription annale spéciale ne s'appliquant pas aux indemnités de résiliation, dès lors que le calcul des frais de résiliation est défini au contrat comme le total des abonnements et communications restant à facturer jusqu'au terme du contrat. La prescription quinquennale de droit commun doit s'appliquer.

-La société SCT TELECOM a conclu, le 2 mai 2014, trois contrats avec la société AH TOUT GRAVER, ayant pour objet les services suivants : installation et accès web, téléphonie fixe et téléphonie mobile, pour une durée de 63 mois, jusqu'au 2 août 2019.

- alors que le service mobile était parfaitement fonctionnel, la société AH TOUT GRAVER sollicitait la résiliation des trois contrats conclus avec la Société SCT TELECOM par courrier du 2 décembre 2014, au motif que l'installation des services (N.B. de téléphonie fixe et accès web) n'était pas finalisée

- pour le seul contrat de téléphonie mobile, par courrier du 16 décembre 2014, la société SCT TELECOM prenait acte de la résiliation de ce service et sollicitait la somme de 4.446 € HT, soit 5.335,20 € T.T.C. au titre de l'indemnité de résiliation, outre la somme de 23,28 € T.T.C. au titre du reliquat de la facture de téléphonie mobile établie pour le mois de décembre 2014.

- sur la violation par la SOCIÉTÉ AH TOUT GRAVER de ses obligations contractuelles, en usant du service mobile souscrit, elle n'a procédé qu'au règlement partiel de la facture émise au titre du mois de décembre 2014, d'un montant total de 123,64€ T.T.C. En effet, elle a effectué un règlement qu'à hauteur de 100,36 €.

Elle a donc sciemment violé les dispositions contractuelles en ne procédant pas à son total règlement et se trouve redevable envers la société SCT TELECOM de la somme totale de 23,28 € T.T.C. à ce titre.

- sur la résiliation anticipée du contrat de téléphonie mobile, il y a indépendance des contrats conclus avec la Société SCT TELECOM.

Le service mobile était fonctionnel, mais la SOCIÉTÉ AH TOUT GRAVER a sollicité la résiliation de tous les services le 2 décembre 2014, alors qu'aucun grief n'est émis à son égard.

- les contrats SCT TELECOM permettent aux clients de celle-ci, de souscrire à différents services qui sont indépendants les uns des autres à savoir : le service d'installation/accès web, de téléphonie fixe et de téléphonie mobile.

Un tarif est expressément prévu pour chaque service distinctement et il n'existe aucune interdépendance technique et juridique des services, les contrats étant bien dissociés et identifiés et chaque service disposant de conditions particulières propres.

- il est loisible au client de résilier l'un des services auquel il a souscrit sans que cela n'ait de conséquences sur le service non résilié et pour chaque service, le contrat prévoit des dispositions relatives à la résiliation du service concerné.

- il s'agit d'une sortie anticipée du contrat de téléphonie mobile, du fait de la société AH TOUT GRAVER et à ses torts.

- l'indemnité de résiliation est fondée, selon forfait de téléphonie mobile de 78€ HT sur 57 mois.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 20/05/2021, la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER a présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 34-2 du code des postes et des communications électroniques,

Vu l'article 1184 du Code civil applicable à l'espèce,

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires, il est demandé au tribunal de :

AU PRINCIPAL

CONSTATER que l'action initiée par la SAS SCT TELECOM est prescrite

En conséquence,

REFORMER le jugement rendu en ce qu'il a déclaré l'action de la SOCIÉTÉ COMMERCIALE TÉLÉCOMMUNICATION SCT recevable puisque non prescrite,

DÉCLARER la SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE TELECOM SCT irrecevable en toutes ses demandes, et l'en débouter ;

SUBSIDIAIREMENT

CONSTATER que la SAS SCT TELECOM n'a pas exécuté le contrat souscrit par la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER

CONFIRMER le jugement rendu dans toutes ses autres dispositions,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER la SAS SCT TELECOM à payer à la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SAS SCT TELECOM aux entiers dépens'.

A l'appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER soutient notamment que :

- l'action engagée est prescrite, s'agissant de sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques, ces frais de résiliation étant dus en contrepartie des services de communications électroniques.

Le montant est fixé en relation avec le montant mensuel du contrat de téléphonie fixe, 77,35 euros HT mensuels arrondis à 78 euros HT, et donc directement rattaché à la prestation qui devait être fournie.

Dans l'hypothèse où cette somme serait légitimement exigible au 16 décembre 2014, SCT TELECOM devait introduire une instance en demande de paiement le 16 décembre 2015 au plus tard, mais la requête en injonction de payer a été présentée devant le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON le 27 septembre 2019.

- au fond, le 2 mai 2014, la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER souscrivait auprès de SCT TELECOM un ensemble de contrats

- par mail du 13 mai suivant, SCT TELECOM précisait que SCT TELECOM inclus dans ces tarifs la reprise des lignes fixes, accès web et mobiles actuelles de la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER.

- la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER fait part des retards d'installation et des inexécutions contractuelles auxquels elle est confrontée, d'abord par courrier simple (le 14/11/2014), puis par courrier RAR, reçu le 20 novembre 2014, AH TOUT GRAVER met SCT TELECOM en demeure, sous 8 jours à compter de sa réception, de : finaliser l'installation du matériel et le mettre en service, régulariser le montant des mensualités d'installation comme fixées au contrat, procéder au remboursement des sommes indues qui ont été prélevées alors que le service n'est pas fonctionnel, soit 451,56 euros.

- SCT TELECOM répondra le 20 novembre 2014 et reconnaîtra ses manquements mais n'y apportera aucun remède

- par courrier RAR du 2 décembre 2014, reçu le 3 décembre, la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER notifiait sa décision de résilier le contrat pour cause d'inexécution.

- SCT TELECOM constatait l'effectivité de la résiliation au 16 décembre 2014, alors que le courrier a été réceptionné 2 semaines plus tôt.

Par un autre courrier du même jour, la SCT TELECOM réclame à la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER la somme de 4 4446 euros HT au titre de la résiliation anticipée du contrat de téléphonie mobile, sans tenir compte du fait qu'elle ne l'a pas exécuté entièrement et n'a pas remédier à ses manquements.

- le montant de 78 euros HT ne correspond à aucune des prestations souscrites, et la TVA ne s'applique pas aux indemnités. La société SCT TELECOM n'est donc pas fondée à réclamer cette somme.

- sur le bien fonde de la rupture du contrat par AH TOUT GRAVER, la SCT TELECOM n'a pas exécuté le contrat signé et la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera pas à son engagement.

- les services souscrits en mai et qui devaient être installés en juin, ne l'étaient toujours pas.

SCT TELECOM reconnaissait n'avoir pas satisfait à ses obligations par courrier du 2 décembre 2014.

La facturation établie faisait apparaître des frais d'installation qui ne figurent pas aux contrats pour un montant de 451,56 euros T.T.C. alors que le matériel n'était que livré et non pas installé et de toute évidence non opérationnel.

- les échanges démontrent que les prestations souscrites forment une offre unique sous le vocable 'votre offre'.

- le jugement rendu doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation de l'ensemble des contrats souscrits entre les parties et constaté que la S.A.R.L. AH TOUT GRAVER était fondée à rompre le lien contractuel.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21/03/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'action engagée à l'encontre de la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER :

L'article L 34-2 du code des postes et communications électroniques dispose que 'la prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précèdent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité'.

Toutefois, une demande de paiement d'une indemnité de résiliation ne peut être assimilée à une demande en paiement de prestations de communications électroniques, faute de réalisation de telles prestations au regard de la résiliation intervenue, cela d'autant que la société SCT a qualité d'intermédiaire entre les opérateurs et les clients et non d'opérateur au sens de l'article L 33-1 du CPCE.

Dès lors que les textes spéciaux sont d'interprétation stricte, il ne peut être retenu en l'espèce l'application d'une durée de prescription abrégée à un an, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir fondée sur l'argument de prescription de l'action engagée, le délai quinquennal de droit commun s'appliquant en l'espèce.

En conséquence, la recevabilité de l'action sera confirmée en ce qui concerne l'indemnité de résiliation.

S'agissant du paiement de la facture de la somme de 23,28 € T.T.C. au titre du solde de la facture N° MVNO 2014-12-02000249 datée du 31 décembre 2014 dont le montant s'élevait à la somme de 123,64 € T.T.C., il s'agit effectivement du paiement de prestations de communications électroniques et le délai d'un an pour agir était expiré au jour du dépôt de la requête en injonction de payer présentée devant le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON le 27 septembre 2019.

La demande en paiement de cette facture sera en conséquence déclarée irrecevable comme prescrite, par infirmation sur ce point du jugement rendu.

Sur la résiliation du contrat :

L'article 1134 ancien du code civil dispose que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,' et 1104 du code civil 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.

L'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

L'article 1353 du même code dispose que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

L'article 1184 ancien du code civil prévoyait que 'la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances'.

En l'espèce, il convient de retenir que par acte en date du 2 mai 2014, la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER souscrivait auprès de la société SCT un ensemble de contrats comprenant :

- l'installation d'un accès web (29,00 € HT par mois), l'installation du matériel (55,00 € HT par mois) + maintenance (5,50 € HT par mois) d'un montant total de 89,50 € HT mensuel.

- un service de téléphonie fixe pour la somme de 77,35 € H.T par mois,

- un service de téléphonie mobile pour la somme de 96,00 € HT par mois.

Si ces diverses prestations étaient chacune régies par des conditions particulières spécialement dédiées, elles formaient néanmoins un ensemble contractuel indissociable, permettant à l'entreprise d'accéder aux divers moyens de communication électroniques, étant relevé que le document contractuel signé forme un ensemble sous la forme d'une liasse, celle-ci portant le n° unique 02858 en bas de chaque page à gauche, ce numéro étant repris quelle que soit la prestation concernée.

S'agissant de l'inexécution contractuelle, la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER dénonce de la part de la société SCT un manquement à ses obligations contractuelles relatives à sa téléphonie fixe et à son accès internet, selon sa mise en demeure en date d'un 19/11/2014.

Il est établi qu'à cette date, le matériel livré n'était pas installé, et donc non fonctionnel, la société SCT adressant à son cocontractant le 02/12/2014 un courrier indiquant ' nous vous prions de bien vouloir accepter nos excuses pour les désagréments occasionnés. Nous comprenons votre mécontentement concernant le retard d'installation de notre offre SCT Cloud'...

La société SCT précise par ses écritures que les lignes fixes n'ont pas pu être reprises par SCT TELECOM en raison des difficultés de la Société ORANGE (ancien opérateur de la Société AH TOUT GRAVER), et que dans ces conditions, la société SCT TELECOM a procédé à la résiliation des contrats sans réclamer d'indemnités de résiliation.

Il résulte de ces éléments que la société SCT n'a pas été en mesure de remplir ses obligations contractuelles, s'agissant des prestation téléphonie fixe et internet.

S'agissant d'un ensemble indivisible de prestations contractuelles, la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER a pu légitimement manifester, par son courrier en date du 2 décembre 2014 intervenant après-mise en demeure, sa volonté de résiliation 'du contrat qui nous lie'.

Il y a lieu sur ce point de remarquer qu'à réception de ce courrier, la société SCT a elle-même retenu une volonté globale de résiliation de la part de sa cliente, y compris de la prestation de téléphonie mobile, résiliation qu'elle indiquait enregistrer selon son courrier du 16 décembre 2014 tout en sollicitant une indemnité de résiliation.

Or, dès lors qu'il est considéré qu'un contrat unique n° 02858 a bien été conclu entre les parties, l'importance du manquement contractuel de la société SCT en ce qui concerne ses prestations internet et lignes fixes justifie que soit prononcée la résiliation du contrat en sa globalité, tel que retenu par le tribunal, cela aux torts exclusifs de la société SCT.

Au regard de cette résiliation, la société SCT ne saurait légitimement prétendre en raison de ses manquements à une indemnité de résiliation, même partielle, et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société SCT.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner la société SCT à payer à la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

DÉCLARE irrecevable comme prescrite l'action engagée à l'encontre de la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER en paiement de la somme de 23,28 € T.T.C. au titre du reliquat de la facture émise au titre du mois de décembre 2014.

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE la société SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (SCT) à payer à la société S.A.R.L. AH TOUT GRAVER la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la société SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (SCT) aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02836
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.02836 ?
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