ARRÊT N° 426
N° RG 20/02809
N° Portalis DBV5-V-B7E-GEGH
S.A.R.L. LA ROUE TOURNE
C/
S.A.R.L. [R] MACHINES OUTILS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 05 JUILLET 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 novembre 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON
APPELANTE :
S.A.R.L. LA ROUE TOURNE
exerçant sous l'enseigne FIXALU
N° SIRET : 521 503 219
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Sandra BROUT-DELBART, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE :
S.A.R.L. [R] MACHINES OUTILS
N° SIRET : 378 418 057
[Adresse 2]'
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LATOURNERIE, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
qui a présenté son rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
La société La Roue Tourne exerce sous l'enseigne commerciale 'Fixalu' une activité de réparation et rénovation de jantes pour cycles et automobiles.
La société [R] Machines Outils (la société [R]) est spécialisée dans le négoce et la location de machines-outils, de matériels de levage et de pièces détachées.
Les deux sociétés ont entretenu entre 2016 et 2018 des relations d'affaires dans le cadre desquelles [R] a mis en dépôt pour une durée de six mois chez Fixalu un prototype de tour à commandes numériques qu'elle venait de créer, avec faculté pour celle-ci de l'acquérir et remise d'un chèque d'acompte non encaissable de 11.800 euros, ce dépôt s'accompagnant aussi d'une action de formation du personnel à l'utilisation de cette machine.
[R] s'engageait, d'autre part, à verser à Fixalu une commission de 5% pour toute vente ferme de machine, payée par le client, qu'elle réaliserait grâce à elle, comme apporteur d'affaires et prestataire d'actions de démonstrations et de formation à l'utilisation des machines.
Les relations entre les deux partenaires se sont dégradées à l'automne 2017, Fixalu reprochant à [R] de ne pas lui avoir versé les commissions qu'elle estimait lui être dues.
Fixalu a notifié à [R] le 20 février 2018 qu'elle n'entendait pas acquérir le tour numérique, et qu'elle mettait fin à leur collaboration commerciale.
[R] lui a répondu le jour même d'une part, qu'elle reprenait la machine et restituait l'acompte, d'autre part qu'elle lui réglait la moitié des 9.750 euros de commissions qu'elle lui devait soit 4.875 euros, que l'autre moitié lui serait versée à la prochaine nouvelle affaire que Fixalu lui apporterait, et que pour les prochaines affaires, elle lui proposait un 'gentleman agreement par lequel nous nous engageons pour toute nouvelle affaire à vous verser 20% de commission pour chaque machine vendue par vos soins, en contrepartie de l'engagement pris par Fixalu de ne commercialiser que les tours à jantes de [R]'.
Le dirigeant de Fixalu répondait par courriel du lendemain, 21 février, être d'accord avec cette proposition, en indiquant qu'il conviendrait de la réviser le moment venu.
Le tour à jantes a été repris à la fin du mois de mars par [R], qui a restitué l'acompte.
Fixalu lui a adressé en date du 9 avril 2018 une facture de 15.600 euros au titre de sa commission sur quatre ventes de machines-outils qu'elle estimait avoir été conclues par son intermédiaire.
[R] n'a pas réglé cette facture malgré relance puis mises en demeure, et a par la suite aussi refusé de déférer à une injonction de communiquer la liste des machines vendues entre le 30 août 2017 et le 1er mars 2018, en objectant que Fixalu n'avait pas respecté ses obligations.
La société La Roue Tourne - 'Fixalu' a alors fait assigner la SARL [R] Machines-Outils, par acte du 26 novembre 2018, devant la juridiction consulaire de Vendée en sollicitant, dans le dernier état de ses prétentions, sa condamnation sous exécution provisoire à lui payer 15.600 euros avec intérêts à compter de sa mise en demeure du 15 mai 2018 au titre de sa facture de commissions en souffrance, ainsi que 40 euros d'indemnité pour retard de paiement, 736,09 euros au titre de ses frais de constat et 50.000 euros de dommages et intérêts pour agissements fautifs et déloyaux, demandant aussi qu'il soit enjoint sous astreinte à la défenderesse de communiquer le registre des ventes de machines à jantes entre février 2017 et février 2018 et indiquant se réserver le droit de réévaluer sa demande en paiement de commissions après avoir pris connaissance de ce document.
Elle sollicitait à titre subsidiaire l'institution d'une expertise.
Elle concluait à l'irrecevabilité et subsidiairement au rejet des demandes adverses, et sollicitait en toute hypothèse 6.000 euros d'indemnité de procédure.
La société [R] concluait au rejet de ces prétentions et sollicitait elle-même à titre reconventionnel la condamnation de Fixalu à lui payer
.7.836 euros TTC au titre de ses frais de bureau d'études
.2.978 euros HT au titre du coût d'un prototype de mors spécialement commandé
.10.754,72 HT au titre de ses frais de reprise et de remise en état de sa machine-outils
.6.366,60 euros TTC au titre de ses dépenses de re-formations
.50.000 euros de dommages et intérêts
.744,09 euros TTC au titre du coût d'établissement d'un constat
ainsi qu'à communiquer sous astreinte son registre complet de ventes de machines-outils-tour sur jantes depuis le 1er février 2018 jusqu'au jour du jugement à intervenir.
Elle soutenait que Fixalu n'avait pas respecté loyalement ses engagements, et avait fait preuve de parasitisme à son détriment, en commercialisant pour son propre compte des tours à jantes qu'elle avait commandés à ses propres fournisseurs en leur demandant d'y intégrer le mors spécifique que [R] avait conçu et posé sur le prototype mis en dépôt dans ses locaux.
Par jugement du 10 novembre 2020, le tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon a
*condamné la société [R] Machines-Outil à payer à la société La Roue Tourne
4.875 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018
. 40 euros de pénalité pour paiement tardif
*dit les demandes reconventionnelles de [R] recevables, mais mal fondées
*débouté les parties de leurs autres demandes indemnitaires
*débouté les parties de leurs demandes de production des registres des ventes
*dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
*condamné [R] aux dépens
*condamné [R] à verser à Fixalu 1.000 euros à titre d'indemnité de procédure.
Pour statuer ainsi, la juridiction consulaire a retenu, en substance,
-que [R] s'était engagée dans l'accord conclu en février 2018 à verser la moitié des 9.750 euros de commissions dont elle se reconnaissait redevable
-qu'elle n'établissait pas de manquement adverse justifiant qu'elle ne s'acquitte pas de cette moitié, Fixalu étant libre de ne pas acquérir son prototype
-qu'en vertu du 'gentleman agreement' conclu, la seconde moitié était payable à la prochaine affaire apportée par Fixalu, et que celle-ci n'établissait pas en avoir apporté une, la preuve de la réalité des deux opérations invoquées faisant défaut et a fortiori celle que ces ventes, si elles furent conclues, l'auraient été par son entremise ; que le solde n'était donc pas exigible
-qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la communication du fichier des ventes, en l'absence d'indices et alors que Fixalu ne détenait aucune exclusivité sur la commercialisation des machines-outils de [R]
-qu'il n'y avait pas lieu à expertise, pareille mesure ne pouvant suppléer la carence d'une partie dans la preuve qui lui incombe
-que Fixalu ne rapportait pas de preuves, mais tout au plus des indices insuffisants, d'un dénigrement qu'elle impute son ex partenaire
-qu'elle ne justifiait d'aucun préjudice financier non réparé par les intérêts moratoires
-que les demandes reconventionnelles de [R] étaient recevables car toutes, y compris pour parasitisme, étaient afférentes aux machines-outils litigieuses
-que [R] devait assumer les frais du prototype, développé à ses risques
-qu'ayant elle-même proposé de reprendre sa machine, elle l'avait fait à ses frais
-qu'elle n'établissait pas les actes de parasitisme imputés à Fixalu
-qu'elle ne prouvait pas les améliorations à la machine de Fixalu qu'elle allèguait
-qu'elle ne démontrait pas que Fixalu ait commis des fautes à son préjudice.
La SARL La Roue Tourne a relevé appel le 2 décembre 2020.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique
* le 22 mars 2022 par la société La Roue Tourne - 'Fixalu'
* le 21 mars 2022 par la société [R] Machines-Outils.
La société La Roue Tourne - 'Fixalu' demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu que [R] lui était redevable de commissions, et l'a condamnée au paiement de la pénalité forfaitaire de 40 euros ainsi qu'à une indemnité de procédure, mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner [R] à lui payer
.15.600 euros avec intérêts au taux légal depuis le 15 mai 2018 pour sa facture
.50.000 euros de dommages et intérêts pour agissements fautifs et déloyaux
.736,09 euros au titre de ses frais de constat.
Avant dire droit, elle redemande qu'il soit enjoint sous astreinte à [R] de communiquer l'ensemble des documents comptables permettant d'établir la réalité des ventes et commandes de tours à jantes numériques entre février 2017 et février 2018 et indiquant se réserver le droit de réévaluer sa demande en paiement de commissions après avoir pris connaissance de ce document.
Elle conclut au rejet de l'appel incident, en maintenant que la demande fondée sur le parasitisme est irrecevable, et en soutenant subsidiairement qu'elle n'est pas fondée.
En toute hypothèse, elle sollicite 10.000 euros d'indemnité de procédure.
Elle affirme que c'est l'entreprise [R] qui était venue la solliciter en 2016, pour tester et présenter à la clientèle sa nouvelle machine-outils, dans un secteur qu'elle ne connaissait pas.
Elle soutient que l'accord que son dirigeant avait donné le 20 février 2018 au courriel de [R] portait uniquement sur la proposition de définir un
gentleman agreement, mais nullement sur la prétention adverse à ne lui payer la moitié de ses commissions qu'une fois réalisée une autre vente par son intermédiaire.
Elle fait valoir que [R] a expressément reconnu sa dette.
Elle indique rapporter la preuve des quatre ventes réalisées par son intermédiaire, et que [R] a elle-même écrit le 16 novembre 2017 avoir déjà vendu trois machines à installer en décembre.
Elle affirme que sa facture est donc due, et soutenant avoir appris l'existence d'au moins une autre vente à l'un de ses clients, les Éts Rouyer ; elle fustige la mauvaise foi adverse et réitère sa demande en production sous astreinte des registres de ventes et pièces comptables.
Elle conteste avoir manqué à ses propres obligations, en niant s'être obligée à acquérir le tour à jantes, et rappelle que c'est [R] qui offrit de venir le reprendre et lui remboursa son acompte.
Elle conteste devoir supporter quelque frais que ce soit au titre de la reprise du matériel comme de sa prétendue remise en état, de même que pour une formation.
Elle maintient être victime d'un dénigrement systématique de la part de [R], qui a ouvert un atelier de réparation de jantes concurrent du sien et dont les animateurs traitent son gérant de voleur et d'escroc, et elle se prévaut de plusieurs attestations en ce sens.
Elle maintient que la demande adverse de dommages et intérêts pour parasitisme est irrecevable car sans lien de connexité avec sa propre action, et subsidiairement elle objecte, sur le fond, que [R] est bien mal en peine de prouver son savoir faire antérieur au sien, alors qu'elle est novice sur ce segment des rénovations de jantes qui est depuis 2010 la spécialité de Fixalu. Elle observe que [R] se vante d'avoir mis au point un mors qui est, en réalité fabriqué en Tunisie, et qui permettrait selon elle de réparer des jantes voilées jusqu'à 24 pouces,
alors qu'il ressort de ses propres productions qu'il s'agit de mors pour 22 pouces maximum. Elle indique que c'est Fixalu qui a commandé les mêmes machines que celles qu'elle utilise. Elle se prévaut d'une expertise qui a conclu à l'absence de similitude entre les mors qu'elles utilisent respectivement. Elle conteste que le mors créé par [R] l'ait été à sa demande, ou seulement même dans le cadre de leur partenariat, et refuse de payer quelque somme que ce soit au titre des frais d'études et de mise au point supportés à ce titre par [R].
La société [R] Machines-Outils demande à la cour de débouter la société La Roue Tourne de son appel, d'accueillir son propre appel incident, de réformer le jugement entrepris et, reprenant ses demandes, de condamner la société La Roue Tourne à lui payer
.7.836 euros TTC au titre de ses frais de bureau d'études
.2.978 euros HT au titre de sa facture du prototype
.10.754,72 HT au titre de ses frais de reprise et de remise en état de sa machine-outils
.6.366,60 euros TTC au titre de ses dépenses de re-formations
.50.000 euros de dommages et intérêts
outre 10.000 euros d'indemnité de procédure et les dépens, incluant le coût du constat.
Elle affirme que c'est la société Fixalu qui s'est rapprochée d'elle à l'origine afin qu'elle lui propose une machine spécifique en vue d'améliorer sa productivité. Elle indique avoir pour ce faire, conçu et fait fabriquer des mors
spéciaux pour répondre aux problèmes de saut et de voile qui se posaient à sa cliente lors de la réparation de jantes voilées.
Elle affirme que Fixalu devait bien acquérir la machine qui lui avait été livrée en février au terme du délai de six mois, qu'elle a, pour ce faire bénéficié de conditions financières de faveur, qu'elle a sollicité un financement bancaire
en vue duquel elle lui a même demandé une attestation technique, que la facture a donc été émise le 9 octobre 2017 mais qu'elle n'a jamais été ensuite acquittée, malgré diverses relances.
Elle relate que Fixalu ayant finalement souhaité mettre un terme à leur collaboration, les deux parties s'étaient accordées en février 2018 dans les termes de la proposition émise dans le courriel du 20 février acceptée le 21 ; qu'elle a exécuté ses engagements, en reprenant le tour et en restituant l'acompte ; et que c'est Fixalu qui n'a pas respecté les siens.
Elle estime qu'en n'ayant pas acheté la machine mise en dépôt dans ses locaux, et en n'ayant pas dispensé aux clients la démonstration et la formation prévues, au point que c'est elle-même qui dut s'y employer, Fixalu n'a pas rempli ses obligations, et qu'elle ne peut donc prétendre à aucune commission.
Elle affirme que Fixalu ne prouve de toute façon nullement que les quatre ventes pour lesquelles elle réclame une commission aient été conclues par son entremise.
Elle reproche à Fixalu au visa de l'article 1104 du code civil d'avoir fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi, en ayant acheté dès le mois d'avril 2018 la même machine auprès du fournisseur de [R], Crystal Machinery, qui l'atteste, puis en lui faisant une concurrence déloyale en commercialisant des tours à jantes, se mettant au négoce alors qu'elle ne faisait jusque là que de la réparation, comme le montrent ses bilans. Elle observe que la vente a constitué dès lors près de la moitié de son chiffre d'affaires, et elle soutient que c'est par parasitisme, et concurrence déloyale, en pillant son savoir-faire, qu'elle a développé cette activité, faisant valoir que c'est même une photo du tour de [R] qui illustre le site internet de Fixalu. Elle conteste l'expertise unilatérale produite par l'appelante, et dit justifier des frais et études développés pour mettre au point un nouveau mors et un modèle de tour adapté.
Elle réfute tout dénigrement, et récuse les attestations invoquées par l'appelante, et la licéité de la preuve tirée d'enregistrements subreptices.
La clôture est en date du 24 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur la demande de Fixalu en paiement de commissions et ses demandes annexes
Il est établi que les parties qu'elles étaient convenues d'un commissionnement de Fixalu par [R].
Les termes de cet accord sont relatés par [R] dans le document qu'elle a établi en date du 30 août 2017, selon elle afin d'être remis par Fixalu à son banquier dans le cadre d'une demande de crédit, ce qui est plausible, vu la formulation de ce courrier ('Monsieur, je vous confirme par la présente que notre société [R] Machines Outils entretient des accords commerciaux avec la société Fixalu...').
Il s'agissait de 5% sur le prix de toute machine vendue par l'entremise de Fixalu, laquelle en réalisait des démonstrations ainsi que les formations des utilisateurs de ces machines ses propres locaux (cf pièce n°3 de l'appelante).
La société [R] n'est pas fondée à soutenir que le paiement des commissions aurait été intégré dans le cadre d'un contrat synallagmatique incluant l'achat par Fixalu du tour à jantes CN Olympic AWR24 qu'elle avait mis en dépôt chez celle-ci.
Cette affirmation ne repose sur aucun élément probant liant le droit au commissionnement à l'achat de cette machine.
En tout état de cause, le dirigeant de [R] a adressé le 20 février 2018 à celui de Fixalu une proposition ainsi libellée :
'Suite à entretien téléphonique de ce jour, je vous confirme les informations ci-dessous:
.Nous reprenons le tour à jante actuellement en dépôt en vos ateliers et vous remboursons votre acompte de 11.800 euros
.Nous vous réglons la moitié des commissions dues soit 9750 euros/2 = 4.875 euros
.La deuxième partie des commissions dues vous sera versée à la prochaine nouvelle affaire que vous apporterez
.Pour les prochaines affaires, nous définissions un gentleman agreement par lequel nous nous engageons pour toute nouvelle affaire à vous verser 20% de commission pour chaque machine vendue par vos soins
.Il est entendu que chaque nouvelle proposition faite par vous, même si cette dernière se réalise avec un différé important
.En contrepartie, vous vous engagez à ne commercialiser que nos tours à jantes'.
Le dirigeant a lui répondu le lendemain matin 21 février par un mail ainsi formulé :
'Un gentleman agreement est un engagement de bonne conduite entre les parties.
Il ne tient dans le temps que s'il est équilibré.
Je suis d'accord avec votre proposition qu'il conviendra de réviser le moment venu.
D'autant que va se poser rapidement le problème de l'exclusivité territoriale qu'exige chaque nouveau client.
La facturation, la formation et l'édition de la notice d'utilisation devront être évoqués'.
Cet échange de courriels manifeste un accord entre les parties et ce,
-sans condition de la part de [R], qui assortissait simplement d'un terme le paiement de la seconde moitié des commissions dont elle se reconnaissait redevable, et ne peut pas soutenir utilement aujourd'hui que le paiement des commissions qu'elle acceptait de régler serait demeuré conditionné à l'achat du tour par Fixalu, à qui elle renonçait au contraire de le vendre
-et sans réserves de la part de Fixalu, contrairement à ce qu'elle vient désormais prétendre, l'indication que l'accord aurait à être révisé le moment venu ne constituant ni une condition ni une restriction et ne retirant rien au caractère ferme de son acceptation, ni au caractère applicable de la convention aussi longtemps qu'elle ne serait pas révisée.
[R] a aussitôt repris dans les locaux de Fixalu le tour qu'elle lui avait remis et remboursé l'acompte encaissé de 11.800 euros, par l'émission d'une facture d'avoir et d'un chèque bancaire de 11.800euros que Fixalu a encaissé (pièces n°14,15 et 16-1 de [R]).
Il n'est pas démontré, ni soutenu, qu'elle aurait versé à Fixalu la somme de 4.875 euros qu'elle s'était engagée à régler au titre de la première moitié des commissions.
La société Fixalu a émis à l'intention de [R] une facture de 13.000 euros HT soit 15.600 euros TTC en date du 9 avril 2018 pour 'commission due au titre des ventes que vous avez effectuées par notre intermédiaire', que [R] a refusé de payer.
Elle écrit elle-même dans ses conclusions (cf page 7 § 5) que trois des ventes de machines auxquelles correspondaient ces commissions étaient celles visées par [R] dans son courrier du 30 août 2017 qui se terminait par l'indication 'Dans le cadre de notre collaboration, nous avons d'ores-et-déjà vendu 3 machines pour une installation courant décembre 2017.'.
La société Fixalu ne prouve ni ne prétend avoir émis une autre facture de commissions avant celle du 9 avril 2018.
Elle ne justifie pas, et ne soutient d'ailleurs pas véritablement, que les commissions dont [R] s'était reconnue redevable envers elle le 20 février 2018 pour 9.750 euros correspondaient à d'autres ventes que les quatre visées dans sa facture.
Les relations étant définitivement rompues entre les deux sociétés, le terme auquel l'accord noué le 21 février 2018 situait la date d'exigibilité du solde de 4.875 euros, tenant à la conclusion d'une nouvelle vente de machine pour [R] par Fixalu, n'est plus susceptible d'advenir.
L'entière somme de 9.750 euros est donc exigible, et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné [R] à n'en payer que la moitié à Fixalu, qui a en revanche été déboutée à raison de sa demande en paiement de la somme de 15.600 euros TTC au titre de sa facture du 9 avril 2018, et qui recevra ainsi 9.750 euros, la condamnation étant prononcée en deniers ou quittances, au cas où la première moitié s'avérerait avoir été versée, comme annoncé.
Les intérêts sont dus sur cette somme au taux légal depuis le 17 mai 2018 (pièce n°11) date de réception de la mise en demeure de lui payer ses commissions adressée par Fixalu à [R].
Le tribunal a pertinemment alloué aussi à Fixalu la pénalité contractuelle de 40 euros stipulée pour paiement tardif.
Il l'a déboutée à raison de sa prétention à obtenir des dommages et intérêts réparant le préjudice résultant du défaut de paiement du solde de sa créance, compte-tenu des intérêts moratoires assortissant la condamnation et de la pénalité allouée pour retard de paiement, et le jugement sera également confirmé de ce chef.
* sur les demandes de Fixalu en communication de pièces sous astreinte ou d'expertise
La société Fixalu, qui avait les moyens de se constituer des preuves ou du moins des indices des affaires qu'elle apportait à [R], et des démonstrations qu'elle faisait à d'éventuels clients, ne rapporte aucun indice que l'intimée ait vendu grâce à son entremise d'autres machines que les quatre lui ayant ouvert droit aux 9.750 euros convenus entre elles dans l'accord du 21 février 2018 ; elle ne saurait obtenir une mesure en vue de suppléer sa carence à rapporter la preuve qui lui incombe; et elle a été déboutée à raison de sa prétention, qu'elle reprend en cause d'appel, tendant soit à voir ordonner sous astreinte à [R] de communiquer le registre des ventes de machines tour à jantes de février 2017 à février 2018 et le registre des commandes de machines tour à jantes numériques non encore livrées de février 2017 au 20 février 2018 ainsi que ses factures d'achat auprès de Crystal Machineries et son registre d'achat sur la même période, soit à voir ordonner une expertise.
Ses affirmations selon lesquelles [R] commercialiserait des tours à jantes via une société tierce, Mark Techno, sont inopérantes, dès lors que la question n'est pas que [R] commercialise des tours à jantes, ce qui est avéré, mais de savoir si elle lui doit des commissions pour d'autres affaires que
les quatre lui ayant ouvert le commissionnement de 9.750 euros sur lequel leur
accord s'est fait, et à cet égard, l'appelante n'apporte là encore ni preuve ni indice, étant observé que c'est par acte du 26 septembre 2018 soit donc après la résiliation de la relation commerciale entre les plaideurs, que la société [R] Machines-Outils a pris le contrôle de cette société Mark'Techno (cf pièce n°31 de l'intimée).
Quant au grief de Fixalu envers [R] de s'être appropriée son savoir-faire et d'avoir ouvert un atelier de réparation de jantes, il ne fonde aucune demande de l'appelante, et il n'est pas de nature à justifier d'ordonner une
expertise, l'appelante, qui évoque sans en justifier des mors 'breveté maison', ne rapportant la preuve d'aucune atteinte par [R] à des droits dont elle serait titulaire ni aucun manquement contractuel à ce titre et ne faisant en réalité que répondre en cela aux demandes adverses de dommages et intérêts pour concurrence déloyale à son encontre.
* sur la demande indemnitaire formulée par Fixalu contre [R] pour dénigrement
La société Fixalu ne prouve pas plus en cause d'appel qu'en première instance le dénigrement dont elle prétend avoir fait l'objet de la part du dirigeant et de collaborateurs de la société [R], et que celle-ci réfute.
Deux des trois attestations qu'elle produit en ce sens sont dépourvues de caractère probant
du seul fait qu'une partie du témoignage de leur auteur respectif y est visiblement occultée sur plusieurs lignes par l'application d'un effaceur blanc (cf pièces n°31 et 32) sans explication à ce procédé.
La troisième se présente (cf sa pièce n°33) comme la retranscription d'une conversation téléphonique que son auteur, ébéniste, aurait eue avec un interlocuteur chez [R], contactée pour obtenir des renseignements sur un tour à jantes. Rien ne permet de vérifier l'identité de cet interlocuteur ni la réalité de sa qualité prétendue de collaborateur de l'entreprise [R] Machines-Outils, et en tout état de cause, comme le soutient l'intimée, celle-ci, à retenir même pour les besoins du raisonnement qu'elle fût bien en cause, n'avait pas été informée de ce que la conversation en question, qui n'entrait pas dans le champ de stipulations contractuelles, avait été enregistrée, de sorte que cet enregistrement, réalisé à l'insu de l'auteur des propos par une personne liée à une partie -puisqu'elle le lui a remis et atteste en sa faveur- constitue un procédé déloyal rendant irrecevable la production à titre de preuve de ce qui est présenté comme une retranscription.
Il n'est pas justifié d'autres éléments probants à l'appui du grief de dénigrement, étant observé que la plainte déposée par le gérant de Fixalu -et aussitôt classée sans suite- ne constitue pas une preuve et ne fait que consigner ses dires.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre par la société Fixalu.
* les demandes de [R] relatives au tour à jantes repris chez Fixalu
La société Fixalu avait certainement prévu d'acquérir le tour à jantes que [R] avait mis au point pour elle, mais l'accord trouvé les 20/21 février 2018 entre les parties prévoyait que [R] le reprenait et remboursait l'acompte versé, ce qu'elle a fait.
Il ne stipulait pas que Fixalu reste débitrice de quelque somme que ce soit au titre de cette machine, et aucun accord antérieur ou postérieur ne l'a stipulé.
Cet accord réglait le sort de ce projet, et il a été exécuté.
[R] n'est pas fondée à réclamer à Fixalu la moindre somme à ce titre, que ce soit
-du chef de frais d'études, qu'elle doit assumer
-au titre des frais de reprise, maintenance, transport, remise en état, peinture, qui lui incombent, en l'absence de stipulation contraire dans leur accord initial ou dans celui des 20/21 février 2018.
* les demandes de [R] au titre de frais de 're-formations'
La société [R] soutient avoir dû régler à un prestataire pour un total de 5.305,50 euros HT soit 6.366,60 euros TTC des prestations de formation de clients à l'utilisation des machines que Fixalu aurait dû faire mais n'aurait pas faites ou aurait mal faites.
Elle produit certes pour ce montant total deux factures libellées 'intervention chez votre client', mais ne démontre pas pour autant, en l'état des contestations adverses, qu'il s'agirait de prestations qui incombaient à Fixalu.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette prétention.
* la demande indemnitaire formulée par [R] pour concurrence déloyale
¿ la recevabilité de cette demande
La prétention de la société [R] à obtenir la condamnation de Fixalu, qui avait été sa cocontractante, pour concurrence déloyale, présente un lien de connexité manifeste avec les prétentions de Fixalu, demanderesse à une action à son encontre visant, notamment, à obtenir sa condamnation pour agissements déloyaux, et elle a été, comme telle, jugée à bon droit recevable.
¿ son bien ou mal fondé
La société [R] Machines Outils affirme que la société La Roue Tourne 'Fixalu' s'est appropriée le fruit de ses recherches et son savoir faire.
Elle ne le démontre pas.
Elle n'invoque ni n'établit sa titularité sur aucun brevet que Fixalu aurait copié.
Elle revendique la mise au point d'un mors sur lequel elle ne démontre pas bénéficier de droits protégés, et dont elle ne prouve en tout état de cause pas que Fixalu en aurait elle-même fait usage, l'expertise versée aux débats, qui n'est pas contradictoire mais qui est soumise à la libre discussion et vaut comme un élément de preuve parmi d'autres, démontrant au contraire que les mors équipant les tour à jantes vendu par Fixalu étaient des modèles standard, différents de ceux, mobiles et réglables au moyen de vis, que [R] affirme avoir spécialement mis au point, et flatteusement voire fallacieusement présentés par Fixalu dans sa communication comme 'spéciaux' alors qu'ils n'avaient rien de spécial (cf pièce n°16 p. 3).
La circonstance que Fixalu aurait commandé directement des tours à jantes auprès du propre fournisseur de [R] ne caractérise par elle-même ni un manquement contractuel ni un comportement déloyal ou plus généralement fautif.
Les parties sont radicalement contraires sur l'antériorité de l'une ou l'autre dans la vente de tours à jantes, mais chacune est libre d'exercer cette activité et il n'est justifié d'aucune convention régissant entre elles l'exercice de leur activité respective.
Le procès-verbal de constat du 21 janvier 2019 produit par [R] n'établit aucun fait de concurrence déloyale ou parasitaire.
Ce chef de demande a été rejetée à bon droit.
* la demande de [R] au titre des frais de prototype d'un mors
Il a été dit que [R] n'établissait pas de concurrence déloyale ni de parasitisme de la part de Fixalu, et qu'elle ne démontrait pas que celle-ci aurait utilisé, a fortiori indûment, pour ses propres tours à jantes le modèle de mors réglable mis au point en Tunisie pour [R] à l'automne 2016 et sur lequel celle-ci aurait des droits.
La société [R] n'est, dès lors, pas fondée à solliciter la condamnation de Fixalu à lui verser une indemnité quelconque au titre des coûts de prototype de mors qu'elle a déboursés.
* la demande au titre du coût des constats et de l'expertise amiable
Le tribunal a dit à bon droit que les frais non compris dans les dépens ne constituaient pas un préjudice réparable et ne pouvaient être remboursés que sur le fondement et dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Fixalu de sa demande en paiement d'une somme de 736,09 euros au titre du remboursement du coût d'un constat d'huissier de justice et de l'expertise unilatérale.
La société [R] n'est, de son côté, pas fondée à prétendre voir inclure dans les dépens, dont il ne fait pas partie, le coût du constat qu'elle a fait dresser par un huissier de justice.
Les dépens et les frais irrépétibles
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et seront confirmés.
Au vu du sens du présent jugement, qui alloue à Fixalu une somme supérieure à celle reçue en première instance mais rejette ses prétentions, et rejette l'appel incident de [R], chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel, sans indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il condamne la société [R] Machines Outils à payer à la société La Roue Tourne - 'Fixalu' la somme de 4.875 euros correspondant à la moitié des 9.750 euros de commissions dont elle s'est reconnue débitrice à son égard
statuant à nouveau de ce chef :
CONDAMNE la société [R] Machines Outils à payer en deniers ou quittances à la société La Roue Tourne - 'Fixalu' la somme de 9.750 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel
DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,