MHD/LD
ARRET N° 469
N° RG 20/00802
N° Portalis DBV5-V-B7E-F7RC
S.A.S. [7]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 février 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON
APPELANTE :
S.A.S. [7]
Service accident du travail
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nathalie MANCEAU de la SELARL MANCEAU - LUCAS-VIGNER, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
DE MAINE ET LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Mme [X] [B], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 02 Février 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu 21 avril 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 16 juin 2022 puis au 30 juin 2022.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [K] [V], salarié de la société de travail intérimaire la société [7], mis à disposition de la société [5] à [Localité 6] (49) en qualité de conditionneur, a été victime d'un accident du travail le 3 mai 2016 à 19h30, qui a fait l'objet d'une déclaration de son employeur à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de la Vendée en ces termes':
- activité de la victime lors de l'accident : 'M. [V] changeait la bobine de film sur l'ensacheuse',
- nature de l'accident : 'la bobine est tombée sur son genou et son pied gauche. Il portait ses chaussures de sécurité et le pied a été protégé',
- siège des lésions : 'genou gauche',
- nature des lésions': 'douleur(s)'.
Le certificat médical initial, daté du 3 mai 2016, a constaté des 'douleurs genou gauche' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 31 mai 2016.
Par LRAR du 11 mai 2016, la caisse a notifié à la société [7] sa décision de reconnaître le caractère professionnel de l'accident.
M. [V] a été maintenu en arrêt de travail jusqu'au 3 novembre 2016, puis a bénéficié de soins jusqu'au 30 janvier 2017, date à laquelle la caisse a fixé sa guérison.
L'employeur a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge et l'imputabilité à l'accident des soins et arrêts prescrits, en saisissant la commission de recours amiable de la CPAM, qui dans sa séance du 6 octobre 2016 a rejeté son recours.
Par LRAR du 25 novembre 2016, la société [7] a saisi d'une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Roche-sur-Yon, devenu pôle social du tribunal de grande instance puis du tribunal judiciaire.
Par jugement du 7 février 2020, le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon, pôle social, a':
- débouté la société [7] de son recours,
- déclaré opposable à la société [7] la prise en charge des arrêts et soins prescrits à M. [V] au titre de son accident,
- condamné la société [7] aux dépens nés postérieurement au 1er janvier 2019.
Par courrier recommandé envoyé le 5 mars 2020, la société [7] a formé appel en visant chaque disposition du jugement à l'exception de celle relative aux dépens.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Soutenant oralement ses écritures, la société [7] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de lui déclarer inopposables les arrêts de travail délivrés à M. [V] qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 3 mai 2016. Elle demande à cette fin la mise en oeuvre avant dire droit d'une expertise médicale sur pièces. Elle demande également la condamnation de la CPAM aux dépens.
Elle soutient que la durée de l'ensemble des arrêts de travail octroyés à M. [V] au titre de l'accident du 3 mai 2016 est manifestement disproportionnée, qu'elle ne repose sur aucun élément objectif réel et sérieux mais sur l'existence d'une cause totalement étrangère, et qu'elle est donc injustifiée. Elle se prévaut de l'avis de son médecin conseil pour soutenir que l'imputabilité à l'accident initial des arrêts de travail et lésions subséquentes est sérieusement contestable et que cela justifie le recours à une expertise.
Soutenant oralement ses écritures, la CPAM de la Vendée demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter la société [7] de ses demandes. Subsidiairement, si la cour ordonnait une expertise, elle demande que la mission de l'expert porte sur l'existence d'une cause totalement étrangère à l'accident du travail. Elle demande enfin la condamnation de la société [7] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'il y a continuité des soins et des symptômes, que le médecin traitant a été constant quant au lien entre l'arrêt prescrit et l'accident, et que le médecin conseil a reconnu à deux reprises ce lien.
Elle précise que la société [7] n'a d'intérêt à agir que si elle apporte des éléments permettant de penser sérieusement que la durée d'arrêt de travail imputable à l'accident est inférieure à 150 jours, afin que le coût réclamé à l'employeur soit celui de la catégorie inférieure.
Elle soutient que la longueur disproportionnée des arrêts de travail, de même que l'avis du médecin conseil de l'employeur, ne permettent pas de remettre en cause la présomption d'imputabilité.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
En vertu de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, «'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'».
Cette présomption d'imputabilité s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident du travail, délivrés sans interruption jusqu'à la date de consolidation de l'état de la victime ou de guérison.
Au regard de la corrélation entre la durée de l'arrêt de travail et le coût imputé à l'employeur, celui-ci a intérêt à agir en contestation de l'imputabilité de la totalité des arrêts et soins prescrits, comme il le fait en l'espèce.
Il n'est aucunement contesté que M. [V] a été placé en arrêt de travail sans interruption du 3 mai 2016 au 3 novembre 2016 inclus, ce qui correspond aux 185 jours d'arrêt de travail dénoncés par l'employeur comme excessifs. M. [V] s'est ensuite vu prescrire à compter de cette dernière date des
soins, sans arrêt de travail, et ce jusqu'au 30 janvier 2017. Surabondamment, les certificats médicaux produits par la caisse confirment cette continuité des arrêts et soins.
Il appartient donc à l'employeur, qui souhaite renverser la présomption d'imputabilité, de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, d'établir que les soins et arrêts prescrits sont sans aucun lien avec l'accident survenu le 3 mai 2016.
A cet égard, la société [7] se contente d'émettre un simple doute, qu'elle explique par la longueur de l'arrêt de travail prescrit et qu'elle étaye par la production de l'avis du Dr [L]. Ce dernier considère que la durée de l'arrêt de travail est excessive au regard de la lésion initiale (douleur du genou gauche sans signe de gravité cutané, ligamentaire, osseuse ou vasculo-nerveuse), de l'absence d'élément médical précis et documenté apporté par le médecin traitant pour justifier régulièrement la prolongation de l'arrêt de travail, et de la guérison finale.
Ces éléments sont tout à fait insuffisants, non seulement pour établir la preuve d'une cause étrangère, mais déjà pour constituer un commencement de preuve susceptible de convaincre la cour de la pertinence d'une expertise.
Ils sont d'autant moins suffisants que la caisse produit deux avis de son médecin conseil, qui le 24 juin 2016 puis le 22 novembre 2016 a estimé justifié l'arrêt de travail en lien avec l'accident du travail du 3 mai précédent. En outre, les certificats médicaux versés aux débats font tous porter leur diagnostic sur le genou gauche (douleurs au genou gauche, avec précision éventuelle d'une impotence fonctionnelle ; seul le diagnostic porté sur le dernier certificat, du 3 novembre 2016, est illisible en son premier mot, mais il porte clairement encore sur le genou gauche).
La seule contestation de la durée de l'incapacité de travail prise en charge, pour des motifs purement hypothétiques, ne constitue pas en soi un différend d'ordre médical justifiant de recourir à une expertise.
C'est donc de manière parfaitement justifiée et motivée que les premiers juges ont déclaré opposable à l'employeur la prise en charge des arrêts et soins prescrits. Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
La société [7], partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la CPAM la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon, pôle social,
Condamne la société [7] à payer à la CPAM la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [7] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,