VC/LD
ARRET N° 466
N° RG 20/00377
N° Portalis DBV5-V-B7E-F6QL
[I]
C/
S.A. [14]
S.A. [10]
CPAM DE LA VENDEE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 janvier 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON
APPELANT :
Monsieur [J] [I]
né le 17 Août 1991 à [Localité 9] (85)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Céline ROY, avocat au barreau de POITIERS
Représenté par Me Benoît POQUET, avocat plaidant de la SARL POQUET GOUACHE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
dispensé de comparution par courrier en date du 25 janvier 2022
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000957 du 11/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)
INTIMÉES :
SA [14]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
Représentée par Me Nathalie HERMOUET de la SELAS NEOCIAL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
S.A. [10]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Gérald FROIDEFOND, substitué par Me Aline ASSELIN, tous deux de la SCP B2F AVOCATS, avocats au barreau de POITIERS,
CPAM DE LA VENDEE
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Dispensée de comparution par courrier en date du 28 février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, devant :
Madame Valérie COLLET, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 09 juin 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 30 juin 2022.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de mise à disposition signé le 3 octobre 2017, M. [J] [I] a été mis à la disposition de la SA [14] par la société [12], en qualité de mouleur.
Le 3 octobre 2017, M. [I] a été victime d'un accident du travail dans les conditions suivantes : 'en perçant un hublot de coque avec une scie cloche afin de passer la sangle de levage, cette dernière lui serait revenue sur son visage', le certificat médical initial faisant état d'une 'importante plaie au niveau du nez'.
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM de la Vendée.
Par courrier reçu le 6 novembre 2017, M. [I] a demandé à la CPAM de la Vendée l'application des dispositions des articles L.452-1 à L.452-4 du code de la sécurité sociale pour l'accident dont il a été victime le 3 octobre 2017.
Le 23 novembre 2017, la CPAM a constaté l'absence de conciliation entre les parties.
L'état de santé de M. [I] a été déclaré consolidé le 31 mars 2018 et un taux d'incapacité permanente a été fixé à 5 %.
Par requête reçue le 14 septembre 2018, M. [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-Sur-Yon afin de voir notamment reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 14 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon a :
- débouté M. [I] de son recours visant à faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable des sociétés [14] et [10] à l'origine de l'accident du travail survenu le 3 octobre 2017 et de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [I] aux dépens.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 février 2020, M. [I] a interjeté appel du jugement.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 16 juin 2021 lors de laquelle un renvoi a été ordonné à leurs demandes.
A l'audience du 14 septembre 2021, la cour relevant notamment que :
- la requête introductive d'instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale était dirigée contre d'une part la société [14] et d'autre part la SA [10], inscrite au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3] dont le siège social était situé [Adresse 1],
- le chapeau du jugement du 14 janvier 2020 mentionne en qualité de défenderesses, la SA [14] d'une part et 'La SA [10] dont le siège social est sis [Adresse 1]' d'autre part, outre la CPAM de la Vendée,
- dans sa déclaration d'appel, M. [I] a indiqué que 'les parties contre lesquelles l'appel est dirigé sont :....2) la société [10], société anonyme au capital social de 1 000 000 euros, inscrite au Registre du commerce et des sociétés d'Orléans sous le numéro 340 347 202, dont le siège social est situé [Adresse 1]',
- les conclusions notifiées le 14 mai 2020 par M. [I] et soutenues à l'audience étaient présentées notamment contre 'La société [10], société anonyme au capital social de 1 000 000 euros, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d'Orléans sous le numéro 340 347 202, dont le siège social est situé [Adresse 1]',
alors que :
- le contrat de mise à disposition du 3 octobre 2017 et les bulletins de salaire étaient établis par la société [12] ayant le numéro siret [N° SIREN/SIRET 6], ayant pour adresse : [Adresse 7],
- des conclusions d'intimée avaient été notifiées le 29 juillet 2020 (reçues par courrier le 8 juin 2021) au nom de 'La société [10], inscrite au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5] située [Adresse 1]',
a invité les parties à préciser l'identité de l'employeur de M. [I] et à présenter, le cas échéant, leurs observations sur la recevabilité de l'appel de M. [I] et de son action à l'encontre de la SA [10] inscrite au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3].
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 15 décembre 2021. En raison d'un mouvement de grève, l'affaire a de nouveau été renvoyée à l'audience du 15 mars 2022.
A cette date, M. [I], représenté par son avocat dispensé de comparaître selon autorisation donnée le 25 janvier 2022, s'en est rapporté à ses conclusions n°2 datées du 15 septembre 2021 et notifiées le 5 octobre 2021. Aux termes de ses écritures, il demande à la cour de :
- dire son appel recevable et bien fondé,
- constater l'intervention volontaire de la SARL [10],
- ordonner une expertise médicale au contradictoire des sociétés défenderesses et de la CPAM afin d'évaluer ses préjudices,
- prononcer la majoration des indemnités perçues,
- condamner les sociétés intimées à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice définitif,
- assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire,
- condamner les sociétés intimées à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les sociétés intimées aux dépens.
Il soutient que la dénomination de la Société [10] dans le jugement attaqué, dans la déclaration d'appel et dans ses conclusions d'appelant résulte d'une simple erreur alors que l'orthographe de la dénomination de l'entreprise est conforme à son identité légale tout comme l'adresse de son siège social et le RCS auquel elle est immatriculée. Il estime que son erreur n'affecte en rien la recevabilité de son action à l'encontre des parties régulièrement intimées. Il fait valoir que la SARL [10] s'est régulièrement constituée en première instance puis en appel et qu'aucun grief n'a été évoqué par cette dernière. Se fondant sur un arrêt rendu le 10 février 2014 (RG 13/3723) par la cour d'appel d'Orléans, il déclare que le numéro d'immatriculation n'est pas une condition de recevabilité de la désignation d'une partie à la procédure. Il prétend qu'en se constituant au soutien de la SARL [10], en rédigeant des conclusions dûment transmises au greffe et en plaidant le dossier, les conseils successifs de la SARL [10] ont matérialisé leur intervention volontaire pour comparaître à l'audience de la cour d'appel de Poitiers du 14 septembre 2021. Il en conclut que la cour ne peut que constater l'intervention volontaire de la SARL [10]. Il se fonde également sur un arrêt rendu le 4 février 2021 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n°20-10.685) et sur un arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la même chambre (n°18-12.574) pour soutenir qu'une erreur ne constitue qu'un simple vice de forme qui n'affecte pas la capacité d'ester en justice attaché à la personne.
Sur le fond, il soutient que son accident a été causé par les manquements de son employeur et de l'entreprise utilisatrice à leur obligation de sécurité et à l'obligation de formation renforcée. Il rappelle que l'article L.4154-3 du code du travail institue une présomption de faute inexcusable de l'employeur, au profit des salariés intérimaires, dès lors que le poste de travail présente des risques particuliers. Il explique qu'au moment de l'accident, il occupait un poste de travail en hauteur et qu'il utilisait des outils dangereux à hauteur de visage. Il fait valoir que son employeur n'a pourtant jamais mis à sa disposition le moindre équipement de protection collectif ou individuel alors que depuis son accident, des équipements sont désormais obligatoires. Il ajoute qu'aucun équipement ne permettait d'assurer la stabilité de l'escabeau sur lequel il se trouvait. Il considère que les outils mis à sa disposition n'étaient pas adaptés et que la scie n'était peut être pas entretenue dans des conditions conformes pour que le foret se détache. Il précise qu'aucune recommandation concernant l'usage de cet outil ne lui avait été dispensée par son employeur et que la formation qu'il a reçue l'avait été en matière de moulage et non de démoulage.
La SA [13] ([13]), exerçant sous le nom commercial [10], demande à la cour, aux termes de ses conclusions notifiées le 18 janvier 2022, de débouter M. [I] de ses demandes.
Elle rappelle que l'employeur de M. [I] était la SARL [12] mais que le salarié a saisi le tribunal d'une requête aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la SA [10], que le tribunal a rendu une décision dans le litige concernant la SA [10], que M. [I] a formé appel du jugement en désignant la SA [10] comme partie intimée de sorte que M. [I] a toujours dirigé son action contre la SA [10] et non contre la SARL [10]. Elle conclut que M. [I] n'a pas agi contre la bonne personne juridique. Elle fait valoir que les conclusions diffusées au nom de la SARL [10] constituent une simple erreur alors qu'il n'a jamais été mentionné une intervention volontaire de l'employeur de M. [I]. Elle
explique que la cour d'appel ne peut pas mettre en cause une personne et qu'en l'espèce, aucune intervention forcée ne pourrait être réalisée puisque le litige n'a pas évolué au sens de l'article 555 du code de procédure civile. Elle estime donc que M. [I] ne peut plus mettre en cause l'employeur devant la cour d'appel.
A titre subsidiaire, si l'intervention volontaire de la SARL [10] était retenue, elle s'en remet à ses conclusions du 29 juillet 2020 (reçues par courrier à la cour le 8 juin 2021) selon lesquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- subsidiairement, si la faute inexcusable était retenue, de condamner la société [14] à la relever indemne des conséquences financières résultant de l'action de M. [I] et de dire que dans les rapports avec la CPAM, elle ne sera tenue que dans la mesure où la rente lui aurait été notifiée et à hauteur du contenu de cette notification,
- rejeter les demandes de provision et de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulées par M. [I] ou tout au moins, dire qu'elles seront couvertes par la garantie de la société [14].
Elle soutient que la SA [10] n'a commis aucune faute inexcusable, insistant sur le fait que le poste occupé par M. [I] ne présentait pas de risques particuliers imposant qu'il bénéficie d'une formation renforcée à la sécurité. Elle ajoute que la scie cloche est un outil commun ne nécessitant pas d'habilitation particulière pour être utilisé et que le travail en hauteur n'est pas en cause dans l'accident de M. [I], celui-ci n'ayant pas chuté avant ou après avoir été blessé. Elle précise qu'il n'est pas établi que l'escabeau aurait joué un rôle causal dans la réalisation de l'accident.
Elle affirme que M. [I] disposait d'équipements de sécurité individuels à savoir une tenue et des chaussures de sécurité ainsi que des gants, un masque, des lunettes et une protection auditive.
Subsidiairement, elle s'oppose à toute provision et sollicite que la société [14] la garantisse des condamnations éventuellement mises à sa charge en application de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale.
La SA [14], s'en rapportant à ses conclusions notifiées le 8 décembre 2021 et réceptionnées au greffe le 13 décembre 2021, demande à la cour de :
- débouter M. [I] de ses demandes dirigées contre une société qui n'a jamais été son employeur,
- subsidiairement de confirmer le jugement entrepris,
- encore plus subsidiairement, si la faute inexcusable était retenue :
* dire que la CPAM devra faire l'avance des sommes,
* statuer sur le principe de l'expertise médicale,
* débouter M. [I] de sa demande de provision voire la réduire à de plus justes proportions,
- très subsidiairement, dire que l'action récursoire de la CPAM sur la majoration de la rente est limitée dans son montant à la majoration de l'indemnité en capital attribuée initialement à M. [I],
- condamner la partie demanderesse aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la SARL [10] n'a jamais été partie à la procédure de première instance, qu'elle n'est pas intimée, qu'en application des articles 328 et suivants et 554 du code de procédure civile, l'intervention volontaire ne se présume pas et que la SARL [10] n'a jamais exprimé sa volonté à hauteur d'appel d'intervenir volontairement à l'instance. Elle ajoute que l'intervention forcée proposée par la CPAM est impossible en l'absence d'évolution du litige prévue par l'article 555 du code de procédure civile. Elle en conclut que M. [I] qui a dirigé sa demande contre une société qui n'a jamais été son employeur doit être débouté.
Subsidiairement et sur le fond, elle affirme que le poste occupé par M. [I] ne présentait pas de risques particuliers pour sa santé. Elle ajoute que le salarié a bénéficié d'une formation à la sécurité adaptée à son poste de travail. Elle prétend également que M. [I] ne démontre pas que son employeur a eu ou aurait dû avoir conscience d'un danger à l'origine de l'accident dont il a été victime et qu'en tout état de cause, il bénéficiait d'un équipement individuel de sécurité.
La CPAM de la Vendée, dispensée de comparution selon courrier du 28 février 2022, s'en remettant à ses conclusions reçues le 6 décembre 2021, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse du 'tribunal' (sic) en ce qui concerne la demande de M. [I] ayant trait à la reconnaissance ou non de la faute inexcusable de l'employeur,
- dans le cas où la faute inexcusable serait reconnue, dire que :
* la majoration de capital attribuée au titre de la faute inexcusable fera l'objet d'une récupération auprès de la société [12],
* les sommes éventuellement octroyées au titre des préjudices personnels tels que prévus par le code pourront être récupérées auprès de la société [12] et ce, conformément, aux dispositions des articles L.452-1 à L.452-4 du code de la sécurité sociale,
* les frais d'expertise seront réglés par la partie qui succombe.
Elle indique que si la cour devait reconnaître la faute inexcusable, elle ne pourrait que mettre en cause la SARL [10], employeur légal de M. [I].
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 9 juin 2022 prorogé au 30 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Lorsque le salarié décide de solliciter une indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur, l'article L452-4 du Code de la sécurité sociale prévoit que 'à défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droits d'une part, et l'employeur, d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie d'en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement ...'
Il résulte de la combinaison des articles L. 451-1, L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-4 du Code de la sécurité sociale que la victime ou ses ayants droit ne peuvent agir en reconnaissance d'une faute inexcusable que contre l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute, et que le versement des indemnités est à la charge exclusive de la caisse primaire d'assurance maladie, laquelle n'a de recours que contre la personne qui a la qualité d'employeur.
En particulier, lorsqu'est invoquée une faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, c'est seulement contre l'entreprise de travail intérimaire, son employeur, que le salarié peut engager une action en faute inexcusable. Aux termes de l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, en effet :
'Pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.'
Autrement dit, en cas de travail en intérim, l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable doit être dirigée contre l'entreprise d'intérim, ayant seule la qualité d'employeur, laquelle peut solliciter la garantie de l'entreprise utilisatrice.
En l'espèce, les parties s'accordent pour retenir que l'employeur de M. [I] est la SARL [12], immatriculée au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5], dont le siège social est situé [Adresse 1] et que la société [14] n'est que l'entreprise utilisatrice.
Cependant, M. [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, d'une requête présentée à l'encontre de 'La société [10], société anonyme au capital social de 1 000 000 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés d'Orléans sous le numéro 340 347 302, dont le siège social est situé [Adresse 1]'.
En première instance, M. [I] a présenté ses demandes à l'encontre de la SA [10] immatriculée au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3] et le tribunal a rendu sa décision dans un litige opposant M. [I] d'une part et la SA [10] d'autre part (outre la SA [14] et la CPAM de la Vendée).
Par conséquent, M. [I] a introduit et poursuivit une instance à l'encontre de la SA [10] uniquement et non pas contre la SARL [12]. La cour observe que le tribunal n'a retenu aucune intervention volontaire de cette dernière société.
Par ailleurs, M. [I] a interjeté appel en désignant, dans sa déclaration d'appel, comme partie intimée la SA [10] immatriculée au RCS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3] et a formé des demandes, lors de l'audience du 14 septembre 2021, en reprenant oralement ses conclusions notifiées le 14 mai 2020 par RPVA à l'encontre de la SA [10] immatriculée sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3].
Ainsi, jusqu'à l'audience du 14 septembre 2021, M. [I] a dirigé son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur contre la SA [10] alors que son employeur était la SARL [12].
Or, il résulte des extraits K-BIS produits aux débats que la SA [13], ayant pour nom commercial [10], immatriculée au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3], dispose d'une personnalité morale et juridique distincte de celle de la SARL [12], immatriculée au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5], même si ces deux sociétés ont un siège social situé à la même adresse et que la première société a été nommée, selon le procès-verbal d'assemblée générale du 27 mai 2021 enregistré le 24 juin 2021, le président de la seconde laquelle a parallèlement été transformée en SAS.
Il s'ensuit que M. [I] n'a pas commis une simple erreur de forme comme il le prétend mais a simplement attrait en la cause une personne morale qui n'était pas son employeur.
Il est en outre rappelé que, devant la cour d'appel statuant en matière de sécurité sociale, la procédure est orale. Or, lors de l'audience du 14 septembre 2021, la SARL [10] ne s'est pas manifestée en indiquant intervenir volontairement à l'instance d'appel. De plus, lors de l'audience du 15 mars 2022, la SA [13] a clairement précisé que la SARL [10] n'était jamais intervenue volontairement à l'instance en qualité d'employeur de M. [I].
Si des conclusions ont effectivement été notifiées entre les parties au nom de la SARL [10] inscrite au RCS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5], en qualité d'intimé, il est également mentionné dans la partie discussion de ces conclusions : 'A titre principal, sur l'absence de faute de la SA [10]' ce qui ne permet pas de retenir une intervention volontaire de la SARL [10] aux lieu et place de la SA [10] en qualité d'employeur.
Il est également précisé que les arrêts invoqués par M. [I] ne sont pas transposables au présent litige. En effet, dans tous ces litiges, l'erreur de désignation de la partie dans les actes de procédure n'était pas de nature à entraîner le moindre doute puisqu'aucune entité juridique distincte et autonome n'était identifiable du fait de cette erreur alors qu'en l'espèce, l'erreur de désignation commise par M. [I] dès sa requête introductive d'instance a créé un doute légitime quant à la partie qu'elle souhaitait attraire en justice puisque la SARL [10] est une entité juridique distincte de la SA (Groupe) [10].
M. [I] ne justifie donc d'aucune erreur de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la SA [13] sur le fondement des articles 122 et 125 du code de procédure civile, alors que la SARL [10] ne peut être considérée comme partie intervenante.
Enfin, les conditions de l'article 555 du code de procédure civile ne sont pas réunies pour qu'une intervention forcée de l'employeur de M. [I], à ce stade de l'instance, vienne régulariser la procédure introduite par le salarié contre une personne n'ayant pas la qualité d'employeur.
Il y a donc lieu de déclarer irrecevable l'action engagée par M. [I] aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, ce dernier n'étant pas dans la cause.
Le jugement étant infirmé, M. [I] est condamné à supporter tous les dépens. Il n'est pas en revanche inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant la charge de ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 14 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon,
Déclare irrecevable l'action engagée par M. [J] [I] à l'encontre de la SA [10] immatriculée au RCS d'Orléans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3] en reconnaissance de la faute inexcusable,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] [I] aux dépens d'appel et de première instance.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,