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28/06/2022 | FRANCE | N°20/02532

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 28 juin 2022, 20/02532


ARRET N°416



N° RG 20/02532 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GDTA















[N]

[C]



C/



S.A. SOGESSUR















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 28 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02532 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GDTA



Décision déférée à la Cour : jugeme

nt du 13 octobre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.





APPELANTS :



[C] Madame [U] [N] veuve [C] tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur :

Mademoiselle [X] [C],

née le 25 Septe...

ARRET N°416

N° RG 20/02532 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GDTA

[N]

[C]

C/

S.A. SOGESSUR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02532 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GDTA

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 octobre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTS :

[C] Madame [U] [N] veuve [C] tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur :

Mademoiselle [X] [C],

née le 25 Septembre 1981 à DAKAR (SENEGAL)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Monsieur [L] [C]

né le 31 Juillet 2001 à DAKAR (SENEGAL)

[Adresse 1]

[Localité 3]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me François CUFI de la SELARL DGCD AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON et pour avocat plaidant Me Ludovic HAISSANT, avocat au barreau de NANTES, substitué par Me Anne-Sophie DUPIRE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

S.A. SOGESSUR

[Adresse 12]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Nicolas STROEBER, avocat au barreau de PARIS

PARTIEINTERVENANTE :

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

[I] [C] est décédé le 27 juin 2012 à l'hôpital Purpan de Toulouse où il venait d'être transféré en urgence du Gabon à la suite d'une dégradation de son état de santé.

Sa veuve [U] [N] épouse [C] a demandé pour elle et les deux enfants mineurs du couple, [X] et [L] [C], à la compagnie Sogessur de mobiliser la garantie des accidents de la vie qu'il avait souscrite le 12 mai 2011.

L'assureur ayant répondu que sa garantie n'était pas mobilisable, Mme [N] veuve [C] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante des deux enfants, l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de La-Roche-sur-Yon, par acte du 16 novembre 2018, en vue d'être indemnisés de leurs préjudices économiques et d'affection.

Elle indiquait à l'appui de cette action qu'[I] [C] était décédé consécutivement à un traumatisme qu'elle lui avait accidentellement causé en lui portant involontairement à la tête un coup avec une bouteille qu'elle brandissait pour les protéger de l'agression d'une femme dans une discothèque où ils se trouvaient.

La société Sogessur concluait à titre principal au rejet des demandes adverses en objectant d'une part, qu'il n'était pas prouvé qu'à la date de l'accident, l'assuré -de même que son épouse- disposait d'un lieu de résidence habituel en France métropolitaine comme requis par le contrat, et d'autre part qu'il résultait des pièces de la procédure pénale française et des pièces médicales que la cause du décès ne relevait pas d'une infraction pénale ni n'entrait dans la définition des 'accidents de la vie privée', de sorte que la garantie souscrite n'était pas mobilisable. À titre subsidiaire, elle contestait le montant des demandes et chiffrait ses propres évaluations.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal entre-temps devenu tribunal judiciaire de La-Roche-sur-Yon a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [U] [N] veuve [C] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale des mineurs [X] et [L] [C] et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à verser 1.000 euros d'indemnité de procédure à la compagnie d'assurances.

Pour statuer ainsi, il a retenu que par une clause claire et formelle intitulée 'où votre contrat s'applique-t'il '' la police stipulait que les garanties souscrites s'exerçaient pour les accidents survenus en France et en Europe pendant la période de validité du contrat, ainsi que dans le reste du monde pour des accidents survenant lors de voyages et de séjours n'excédant pas trois mois, et que le lieu de résidence habituelle de l'assuré tel que déclaré dans les conditions particulières devait être situé en France métropolitaine, alors qu'il ressortait des productions qu'[I] [C] avait quitté la France en novembre 2011 pour aller travailler au Gabon, où sa femme et leurs deux enfants étaient venus le rejoindre en fin d'année, de sorte que la résidence habituelle de l'assuré et de sa famille était établie à l'étranger depuis plus de trois mois au jour de son décès.

Mme [N] veuve [C] en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure [X] [C], et [L] [C], devenu majeur en cours d'instance, ont relevé appel de ce jugement le 12 novembre 2020.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 4 mars 2022 par les consorts [C]

* le 10 mars 2022 par la société Sogessur.

Les consorts [C] demandent à la cour d'infirmer le jugement,

.de dire acquise la garantie de Sogessur suite au décès ,

.en tout état de cause de dire que Sogessur a manqué à son obligation d'information à l'égard de M. [C] et de juger inopposables les clauses stipulant 'votre lieu de résidence habituelle, tel qu'il est déclaré sur vos conditions particulières, doit se situer en France métropolitaine'

.à titre subsidiaire, de dire que la Sogessur a engagé sa responsabilité en manquant à son obligation d'information et que cette dernière doit les indemniser de leurs préjudices à ce titre

En tout cas, de condamner Sogessur

-à indemniser avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2014

.le préjudice économique comme suit :

.Mme [C] : (3.357 + 1.270.090,60) = 1.273.448,18 euros

.[X] [C] : 129.808,11 euros

.[L] [C] : 102.398,02 euros

.le préjudice d'affection comme suit :

.Mme [C] : 35.000 euros

.[X] [C] : 35.000 euros

.[L] [C] : 35.000 euros

-à payer à Mme [U] [C] 20.000 euros au titre de la résistance abusive

-aux dépens et à payer 5.000 euros d'indemnité de procédure à Mme [C].

Les appelants soutiennent que la garantie est bien applicable car les conditions générales n'exigent pas que le lieu de résidence habituelle soit situé en France au jour du sinistre mais au jour de la souscription du contrat, comme l'exprime la clause ' lieu de résidence habituelle, tel qu'il est déclaré sur vos conditions particulières', et ils font valoir que précisément, le lieu de résidence d'[I] [C] était situé en France au 11 mai 2011, date de la souscription, ainsi qu'ils en justifient en produisant quittances de loyers, factures et relevés de compteurs.

Ils affirment que la résidence habituelle d'[I] [C] était en tout état de cause en France où il revenait toujours à l'issue de ses missions d'expatrié, et où il conservait ses comptes, acquittait l'impôt, avait toute sa famille, y compris un enfant né d'une première union, ce qui caractérise le centre de ses intérêts. Ils nient que le simple fait d'avoir accepté une mission professionnelle de quelques mois au Gabon, avec d'ailleurs des retours périodiques en métropole, comme encore en avril 2012, puisse être considéré comme la volonté non équivoque d'établir sa résidence habituelle au Gabon. Ils affirment que la résidence habituelle de la famille se situait à [Adresse 7], dans une maison où ils avaient vécu ensemble de 2007 à 2010, où le frère de Mme [N]-[C] était ensuite venu vivre en prenant à son nom le bail pour des raisons tenant à la régularité de sa situation administrative, où la famille était revenue au début de l'année 2012 après avoir quitté [Localité 5], et où Mme [N]-[C] est revenue vivre après le décès de son mari. Ils soutiennent que Mme [C] n'était venue qu'en visite au Gabon à l'époque du décès, et déclarent prouver qu'elle avait ses billets-retour à une date située quatre jours après l'accident, avec un déménagement des meubles prévu. Ils estiment que l'assureur ne peut s'appuyer sur les déclarations faites par Mme [C] aux enquêteurs, qui ont reformulé ses propos.

Ils constatent que Sogessur ne conteste pas que la condition d'un séjour hors métropole de trois mois maximum était vérifiée, et font valoir à cet égard qu'il ressort du passeport d'[I] [C] que celui-ci avait quitté le Gabon le 24 avril 2012 et y était entré à nouveau le 29 avril, de sorte que son décès le 27 juin est survenu alors qu'il séjournait depuis moins de trois mois au Gabon.

Ils soutiennent que les garanties contractuelles sont ainsi dues.

Ils font subsidiairement valoir que la compagnie Sogessur doit être jugée défaillante dans son devoir d'information renforcée envers le consommateur qu'était [I] [C], et qui lui faisait obligation d'informer son client sur les caractéristiques et les risques du produit d'assurance qu'elle lui proposait et sur son adéquation avec sa situation personnelle et ses attentes, dans la mesure où il travaillait depuis des années uniquement à l'étranger pour des missions comme l'atteste son passeport et les ordres de mission entre 2007 et 2011 qui sont produits, et revenait en France où se trouvaient son foyer et sa résidence habituelle entre chaque mission, ce qu'elle savait, selon les appelants, puisque Sogessur est une filiale de la Société Générale où il avait ses comptes bancaires mentionnant comme profession à leur ouverture 'plate-forme pétrolière', de sorte qu'elle aurait dû l'informer des conséquences potentielles sur les garanties de la localisation de sa résidence habituelle, au vu de l'interprétation qu'elle faisait de cette notion, non définie dans le contrat. Ils indiquent qu'à l'époque de la signature du contrat d'assurance, en mai 2011, [I] [C] se trouvait d'ailleurs basé depuis décembre 2010 en Angola.

Ils en déduisent que la clause invoquée par l'assureur relative à la résidence habituelle doit leur être déclarée inopposable et ne peut donc pas faire obstacle à la mobilisation de des garanties.

Ils contestent le refus de garantie en ce qu'il est aussi fondé sur l'affirmation que le décès ne serait pas accidentel mais lié à la maladie, en soutenant que cette allégation procède d'une analyse trop rapide de la situation par le juge d'instruction chargé d'investiguer sur les circonstances du décès, l'autopsie n'excluant pas expressément un traumatisme crânien et mentionnant la nécessité d'examens et analyses complémentaires qui ne furent pas réalisés, et ils indiquent avoir consulté un neurologue qui a étudié le dossier médical et conclut que le décès est dû à un traumatisme crânien, ce qui implique une cause accidentelle au sens du contrat. Ils tiennent pour sans conséquence que l'ordonnance de non-lieu énonce que le décès est sans rapport avec le traumatisme crânien,et font valoir que Mme [C] ne pouvait pas le discuter. Ils redisent que Mme [C] a involontairement porté un coup à la tête de son mari avec une bouteille, ce qui caractérise un accident. Ils citent plusieurs documents médicaux accréditant un traumatisme crânien. Ils soutiennent que c'est en tout état de cause à l'assurance de prouver la réalisation de la clause d'exclusion, et que Sogessur ne rapporte pas avec certitude la preuve d'un décès exclusivement dû à une maladie n'ayant pas pour origine un accident garanti.

Ils indiquent que l'indemnité recouvre les frais divers, justifiés pour 3.357,58 euros, et le préjudice économique, qu'ils chiffrent par capitalisation viagère en référence aux tables publiées par la Gazette du Palais 2020, sur la base d'une autoconsommation du défunt de 15%.

Ils justifient le montant demandé au titre du préjudice d'affection.

Ils fustigent la résistance abusive de la compagnie, qui a multiplié les refus de garantie en arguant d'un nouveau cas de refus à chaque fois qu'ils réfutaient celui qu'elle avançait.

La société Sogessur demande à la cour de constater qu'il n'est apporté aucune preuve de ce qu'à la date de l'accident M [C], de même que son épouse, disposait d'un lieu de résidence habituelle en France métropolitaine, et de confirmer en conséquence le jugement.

À titre subsidiaire, elle demande de juger que la garantie couvrant le cas où l'assuré a subi un dommage causé par une infraction pénale n'est pas applicable en l'espèce, la procédure pénale du chef de violences ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner s'étant conclue sur la base d'une expertise médicale et sur avis conforme du Parquet par une ordonnance de non-lieu du 30 juillet 2012 disant qu'il n'y avait pas d'infraction pénale à l'origine du décès, et Mme [N]-[C] ayant déclaré lors de l'enquête que s'il y avait eu une dispute il n'y avait pas eu de violence et que son mari s'était écroulé, sans raison, à leur arrivée à leur domicile, puis ayant invoqué dans son assignation au soutien de sa demande d'exécution de la garantie, l'existence de violences ayant entraîné involontairement le décès d'[I] [C].

Elle affirme avoir rempli son devoir d'information et de conseil en mentionnant en termes clairs et lisibles dans les conditions générales et particulières dont [I] [C] a reconnu avoir reçu un exemplaire et pris connaissance la condition d'application des garanties tenant à une résidence habituelle en France et à l'obligation pour l'assuré de signaler tout changement dans sa situation postérieurement à la souscription du contrat.

À titre plus subsidiaire, la compagnie Sogessur conclut au rejet des demandes en faisant valoir que Mme [C] ne peut revendiquer le bénéfice de la garantie pour accident alors qu'elle se prétend auteur du dommage, et qu'elle n'invoque aucune autre cause accidentelle susceptible d'entrer dans les conditions de la garantie 'accidents de la vie privée'.

À titre toujours plus subsidiaire, l'intimée fait valoir que la charge de la preuve que sont réunies les conditions de la garantie pèse sur l'assuré ou le bénéficiaire de la garantie ; que Mme [C] ne rapporte aucune preuve de la réalité du prétendu coup qu'elle aurait porté à M. [C] ni, à le supposer même réel, de ce que ce coup serait à l'origine des ecchymoses constatées sur le front d'[I] [C] ; qu'elle a fourni des versions des faits différentes et contradictoires, affirmant ne pas avoir touché son mari pour échapper aux poursuites pénales puis prétendant l'avoir frappé pour obtenir la garantie ; qu'il résulte des éléments de la procédure pénale et en particulier du rapport des experts que le décès est secondaire à une hémorragie intra-cérébrale massive dans un contexte d'hémophilie et d'importante alcoolisation, les experts ayant précisé que l'hématome n'était pas en regard de la lésion cutanée frontale droite ; que l'avis médical du docteur [W] établi à la demande de Mme [N]-[C] ne présente aucun caractère contradictoire et ne peut être probant à lui seul ; que Mme [N]-[C] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du fait que le décès serait consécutif à un événement soudain et imprévu dû à des causes extérieures à la victime et constituant la cause du dommage, en présence d'un contexte d'hémophilie constituant un état pathologique qui ne constitue pas une cause extérieure à la victime ; qu'ainsi, la garantie n'est pas mobilisable.

À titre infiniment subsidiaire, Sogessur demande si la cour jugeait sa garantie mobilisable :

-que le préjudice économique soit chiffré avec 25% de part d'autoconsommation et en recourant au barème BCRIV 2018 à :

.444.205,04 euros pour Mme [N] veuve [C]

.84.831,77 euros pour [L]

.105.035,44 euros

-que le préjudice moral de chacun des consorts [C] soit chiffré à 25.000 euros

et de rejeter en tout cas toute demande excédant le plafond de garantie d'1 million d'euros.

Elle récuse en toute hypothèse avoir fait preuve de résistance abusive, et demande à la cour de rejeter la demande de dommages et intérêts formulée sur ce fondement.

Elle réclame 5.000 euros d'indemnité de procédure.

L'ordonnance de clôture est en date du 14 mars 2022.

À l'audience, la cour a invité les parties à faire toutes observations éventuelles sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que le préjudice susceptible de résulter d'un manquement au devoir d'information et de conseil tel qu'invoqué subsidiairement par les appelants a nécessairement la nature d'une perte de chance, laquelle ne peut, par nature être égale à l'intégralité du dommage.

Par note contradictoire en délibéré reçue au greffe de la cour le 11 mai 2022, les consorts [C] indiquent qu'au vu du caractère particulièrement restrictif de la notion, non définie au contrat, de 'résidence habituelle', qui fait qu'[I] [C] n'avait pratiquement aucune chance d'être couvert, même entre deux missions en France, ils perdent une chance conséquente d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice, qu'ils demandent à la cour de chiffrer à un taux non inférieur à 90%, sur la base duquel ils déclarent solliciter ainsi subsidiairement si la cour retenait que la garantie n'est pas mobilisable

¿ quant aux préjudices économiques :

.Mme [C] : (1.273.448,18 x 90%) = 1.146.103,36 euros

.[X] [C] : (129.808,11 x 90%) = 116.827,29 euros

.[L] [C] : (102.398,02 x 90%) = 92.158,21 euros

¿ quant au préjudice d'affection :

.Mme [C] : (35.000 x 90%) = 31.500 euros

.[X] [C] : (35.000 x 90%) = 31.500 euros

.[L] [C] : (35.000 x 90%) = 31.500 euros.

Par note contradictoire en délibéré datée du 19 mai 2022, la société Sogessur a indiqué qu'elle considère avoir rempli son devoir d'information et que les appelants ne peuvent nullement se prévaloir de la moindre perte de chance.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

[I] [C] avait souscrit le 12 mai 2011 auprès de la compagnie Sogessur une police d'assurance 'garantie des accidents de la vie'couvrant les risques décès et incapacité permanente.

Il a apposé sur les conditions particulières sa signature et la mention manuscrite 'lu et approuvé' sous une mention rédigée en caractères apparents quelques lignes plus haut indiquant qu'il reconnaissait avoir reçu un exemplaire des conditions générales et en avoir pris connaissance.

Ces conditions générales énoncent en page 5 sous l'intitulé très lisible et ressortant en caractères gras 'où votre contrat s'applique-t'il '' :

'¿ Vos garanties s'exercent pour des accidents survenus en France, dans les principautés d'Andorre et [Localité 9], dans les pays membres de l'Union Européenne, en Suisse, en Islande, au Liechtenstein, à Chypre, à Malte, à San Marin, au Vatican et en Norvège, pendant la période de validité du contrat.

Elles s'exercent également dans le reste du monde pour des accidents survenant lors de voyages et de séjours n'excédant pas une durée continue de trois mois.

¿ Votre lieu de résidence habituel, tel qu'il est déclaré sur vos Conditions Particulières, doit se situer en France métropolitaine'.

Si la société Sogessur formule de vives contestations relativement à la période de séjour effectif d'[I] [C] et de sa famille au Gabon, elle le fait du chef des conséquences qu'elle en infère au titre de leur résidence habituelle au sens du troisième paragraphe de cette clause, mais elle ne soutient pas que la condition d'application de la garantie tenant au lieu de survenance de l'accident ne serait pas remplie.

De fait, si l'accident, défini au contrat comme 'tout événement soudain et imprévu dû à des causes extérieures à la victime et constituant la cause du dommage', est regardé comme le décès, celui-ci est survenu en France, à [Localité 11], où [I] [C] avait été rapatrié par avion sanitaire du Gabon la veille, 26 juin dans la nuit.

Si l'accident est regardé comme l'apparition de l'hématome de l'hémisphère cérébral droit qui a été diagnostiqué à la clinique de [Localité 10] où [I] [C] avait été transporté en urgence au matin du dimanche 24 juin 2012 -que cet hématome procède d'une cause intérieure et naturelle ou d'une cause extérieure tel le traumatisme crânien qui lui fut aussi diagnostiqué, ou qu'il procède d'un coup de bouteille tel que les pièces médicales consignent qu'il en fit état à plusieurs reprises à son admission avant de perdre conscience et tel que Mme [N]-[C] affirme en avoir été l'auteur involontaire- il est alors survenu au Gabon et donc 'dans le reste du monde' au sens de deuxième paragraphe de la clause, mais ainsi que le premier juge l'a indiqué au vu des explications des consorts [C] et de leur production du passeport du défunt (cf pièce n°25 page 3), il est établi qu'[I] [C] avait quitté le Gabon entre le 24 et le 29 avril 2012, de sorte qu'il y séjournait au jour de l'accident depuis moins de trois mois continus, constat et analyse que la compagnie ne remet pas en cause devant la cour.

S'agissant du troisième paragraphe de la clause, sur lequel les parties glosent longuement, et au vu duquel le premier juge a retenu que la garantie ne trouvait pas à s'appliquer au motif que la condition d'application relative à la résidence habituelle de l'assuré en France n'était pas remplie car les consorts [C] ne rapportaient pas la preuve leur incombant d'une résidence de la famille en France métropolitaine au cours du premier semestre de l'année 2012, il n'a pas à être interprété au vu de la clarté de son sens littéral, qui ne signifie rien d'autre, comme les appelants le font pertinemment valoir, que ce que le lieu de résidence habituel de l'assuré tel que celui-ci l'a déclaré dans les conditions particulières doit être situé en France métropolitaine, ce qui est le cas, puisque le lieu de résidence qu'[I] [C] avait déclaré lors de la souscription du contrat dans les conditions particulières était

'C/O MR MME [R] [C]

[Adresse 6]

[Localité 2]'

soit donc en France métropolitaine.

La clause n'a pas à être interprétée ; elle ne dit pas qu'au jour de l'accident, l'assuré et/ou sa famille doivent avoir leur résidence habituelle en France métropolitaine, mais que le lieu de résidence habituel tel qu'il est déclaré par l'assuré dans les conditions particulières doit l'être.

Elle ne dit pas non plus qu'il doit l'être encore au jour de l'accident.

Cette condition est donc vérifiée, M. [C], alors en mission sur une plate-forme pétrolière en Angola (cf pièce n°25 p.18 à 25 du passeport et pièce n°37), ayant déclaré l'adresse de ses père et mère dans la Manche comme sa résidence habituelle au 12 mai 2011 et la compagnie Sogessur ne prétendant pas qu'il se serait agi d'une fausse déclaration.

Ce constat que cette condition de garantie est remplie rend sans objet les prétentions subsidiaires des appelants tendant d'une part, à s'entendre déclarer inopposable cette clause relative à la résidence habituelle, ou d'autre part plus subsidiairement à voir juger au cas où elle leur serait reconnue opposable que l'assureur aurait alors manqué à son devoir d'information et de conseil en n'informant pas le souscripteur des conséquences potentielles sur les garanties de la localisation de sa résidence habituelle, au vu de l'interprétation qu'il faisait de cette notion.

La compagnie Sogessur est, en revanche, fondée à faire valoir que la condition de mise en oeuvre de sa garantie tenant à la nature de l'accident n'est pas vérifiée, et qu'elle rapporte la preuve que l'exclusion tenant au dommages causés par la maladie est caractérisée.

Le contrat énonce en effet en sa page 9 'Les Garanties' au § 2 'ce qui est garanti' :

'¿ les accidents de la vie privée

Les conséquences des dommages corporels que vous subissez au cours de votre vie privée, à la suite d'un événement soudain et imprévu dû à des causes extérieures à la victime et constituant la cause du dommage.

¿ les accidents médicaux

*Les conséquences des dommages corporels subis par vous à la suite d'un accident médical, c'est-à-dire résultant d'un acte ou d'un ensemble d'actes à caractère médical, ayant eu sur vous des conséquences dommageables pour votre santé et indépendantes de l'évolution de l'affection dont vous étiez atteint et de votre état antérieur.

* Sont également prises en charge les conséquences des dommages corporels subis par vous à la suite d'une infection nosocomiale. Une infection est dite nosocomiale si elle a été contractée par vous pendant un séjour hospitalier et qu'elle n'était ni présente ni en incubation dans votre organisme au moment de l'admission.

¿ Les accidents dus à des attentats ou à des infractions

Les conséquences des dommages corporels subis par vous à la suite d'un attentat ou d'une infraction, c'est-à-dire résultant de faits volontaires ou non, auxquels vous n'avez pas pris part et qui présentent le caractère matériel d'une action ou d'une omission définie et punie par le code pénal.

¿ Les accidents dus à des catastrophes naturelles ou technologiques

Les conséquences des dommages corporels subis par vous à la suite d'un phénomène naturel d'une intensité exceptionnelle ou d'un événement accidentel imputable à une installation technologique défaillante (pollution, transports collectifs, effondrement d'ouvrage d'art...).'.

Le contrat énonce en effet en sa page 10 'Ce qui est exclu' :

'.....

......

¿ les dommages causés par des maladies n'ayant pas pour origine un accident garanti et les dommages causés par un changement brutal et imprévisible de l'état de santé, les 'accidents' cardio-vasculaires et les 'accidents' cérébraux.

....'

Or les deux experts légistes qui ont pratiqué l'autopsie d'[I] [C] le 29 juin 2012 ont conclu (pièce n°7) que le décès était secondaire à une hémorragie intracérébrale massive dont les circonstances seront à préciser par analyse anatomopathologique et toxicologique.

Au vu de ces conclusions, le procureur de la république requérait (cf pièce n°10) moins d'un mois plus tard du juge d'instruction un non-lieu en indiquant qu'il résultait de l'autopsie que M. [C] présentait une toute petite blessure à la tête pouvant résulter d'une chute et aucune lésion de défenses ; qu'il présentait une hémorragie intracérébrale massive, d'origine médicale, sans rapport avec l'intervention d'un tiers ; qu'il apparaissait en outre de l'audition de son épouse qu'il avait des problèmes d'alcool, qu'il était hémophile et atteint du sida , qu'elle relatait également la soirée en précisant que s'il y avait eu une dispute, il n'y avait pas eu de violences et que son mari s'était écroulé, sans raison, à son arrivée à leur domicile. Il concluait qu'[I] [C] était 'décédé en raison de cause médicale et sans l'intervention d'un tiers', qu' il n'y avait 'donc pas d'infraction pénale'.

Le magistrat instructeur rendait le 30 juillet 2012 une ordonnance de non-lieu motivée par la considération que les actes de l'information, notamment l'autopsie, avaient établi que M. [C] était décédé en raison d'une cause étrangère à l'intervention d'un tiers, et qu'il n'y avait donc pas d'infraction pénale à l'origine de son décès (pièce n°11).

Les conclusions des légistes ont été prises par les deux médecins requis dans le cadre d'une information judiciaire ouverte pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ainsi qu'ils le mentionnent en tête de leur rapport et qu'il ressort des productions, et non pas dans le cadre d'une recherche des causes de la mort.

Ils avaient connaissance de par les pièces médicales qu'ils relatent dans la partie 'commémoratifs' de leur rapport, qu'il avait été fait état d'une 'bagarre avec sa compagne', que M. [C] présentait une 'plaie du cuir chevelu' à son arrivée à la clinique de Port Gentil, et qu'il avait 'dit à plusieurs reprises qu'il avait été frappé sur la tête par une bouteille...'.

Ils étaient donc pleinement conscients de la problématique pour l'élucidation de laquelle il leur était demandé de prêter leur concours, tenant à l'incertitude entre un décès en relation de causalité ou non avec un coup à la tête susceptible d'avoir été porté à [I] [C].

Ils ont considéré l'incidence d'un tel coup sur le décès ; décrit et constaté un ensemble lésionnel (cutané superficiel et profond, ecchymoses arachnoïdiennes frontales droites, sans fracture osseuse) ; dit qu'il était évocateur d'une production par mécanisme contondant d'intensité moyenne ; observé que le décès était la conséquence d'une hémorragie sylvienne droite massive dont le siège n'était pas en regard de la lésion cutanée frontale droite. Ils ont pris en compte le contexte d'hémophilie, et considéré son incidence ; consigné l'absence d'autres sites hémorragiques viscéraux ; noté l'absence d'autre élément traumatique en particulier au niveau des zones de préhension ou de défense faisant évoquer l'intervention d'un tiers sans leur mécanisme de production.

Ces conclusions ne sont pas affaiblies par l'indication de leurs auteurs que le mécanisme de l'hémorragie sera à préciser par une analyse anatomo-pathologique du cerveau dont il est constant qu'elle n'a pas été réalisée, dans la mesure où elles sont affirmatives et non pas conditionnées à l'issue d'une telle analyse.

Elles ne sont pas réfutées par le rapport sur pièces établi à la demande des consorts [C] par un neurologue qui conclut le 19 décembre 2017 qu' 'il est possible d'affirmer que le décès de M. [I] [C] survenu le 27 juin 2012 est en rapport avec une hypertension consécutive à la survenue d'une hémorragie intracérébrale due à un traumatisme crânien, l'hémorragie s'étant constituée progressivement en raison de l'existence d'une hémophilie mineure et de l'absence de mise en route d'un traitement de concentré du facteur de coagulation déficient'

-alors que l'auteur de ces conclusions était nettement moins affirmatif le paragraphe conclusif précédent, où discutant l'incidence du traumatisme crânien, il distinguait une hypothèse 'la plus vraisemblable' d'une hypothèse 'moins probable' tenant à un hématome spontané

-et alors que pareille conclusion, avancée à l'issue d'un examen fait uniquement sur pièces, est moins circonstanciée que celle faite par les deux légistes ayant pratiqué l'autopsie ; qu'elle ne repose sur aucun élément significatif dont ceux-ci n'auraient pas disposé ; et que non probante à elle seule, elle n'est corroborée par aucun élément probant qui lui serait concordant.

L'origine interne, d'ordre médical, du décès, n'est pas contredite par les explications avancées par Mme [C] laquelle a successivement décrit

* aux enquêteurs, une dispute conjugale sans contact, en discothèque, avec un époux qui en était parti seul et qu'elle n'avait retrouvé, sur le signalement téléphonique de leur fils, que gisant sur la pelouse de leur maison d'où il avait été conduit à la clinique ( pièce n°9 : déposition du 12.07.2012 au commissariat de [Localité 8])

* à l'assureur, une altercation du couple avec une femme se présentant comme la maîtresse d'[I] [C] venue les prendre à partie en discothèque où Mme [N]-[C] aurait brandi une bouteille pour la mettre en fuite et involontairement frappé son mari par maladresse dans ce mouvement de défense,

ces deux présentations étant nettement incompatibles entre elles et n'étant corroborées ni l'une ni l'autre par aucun élément, y compris, pour la seconde, quant à la réalité même d'une scène à trois en discothèque.

Ces allégations contradictoires, ne reposant sur aucun élément avéré, ne peuvent primer sur les constatations et conclusions des médecins-experts et l'analyse qu'en a tirée la justice chargée de déterminer les circonstances du décès.

Ainsi, le décès d'[I] [C], qui n'est évidemment pas dû au sens du contrat à un accident médical ni à une catastrophe naturelle ou technologique, n'est pas non plus en lien de causalité avérée avec une infraction pénale -notamment celle d'homicide involontaire invoquée sans l'expliciter par les appelants au vu d'une prétendue maladresse de l'épouse- que la justice a expressément exclue et qui n'est pas avérée.

Il ne constitue pas non plus au sens du contrat un accident de la vie privée, lequel postule contractuellement un événement dû à des causes extérieures à la victime, alors que la cause du décès d'[I] [C] doit être regardée comme tenant à une cause interne, d'ordre médical.

Et la société Sogessur prouve quant à elle que l'exclusion qu'elle invoque subsidiairement trouve à s'appliquer, puisque le décès est regardé comme dû à une hémorragie intracérébrale massive, c'est-à-dire à un 'accident' cérébral exclu au sens de la clause.

Par ces motifs, substitués à ceux du premier juge, il y a lieu de débouter les consorts [C] de toutes leurs prétentions, y compris à des dommages et intérêts pour une résistance abusive qui n'est pas caractérisée au vu du sens de la présente décision, et de confirmer le jugement qui a rejeté leurs demandes et les a pertinemment condamnés aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.

Mme [N] veuve [C] supportera, seule, les dépens d'appel, l'équité justifiant de ne pas mettre d'indemnité de procédure à sa charge.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONSTATE l'intervention volontaire en cause d'appel de [L] [C], devenu majeur en cours d'instance, antérieurement représenté par sa mère Mme [U] [N] veuve [C]

CONFIRME le jugement

ajoutant :

DÉBOUTE les consorts [C] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

CONDAMNE in solidum les consorts [C] aux dépens d'appel

DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure

ACCORDE à Me MICHOT, avocat, le bénéfice de la faculté instituée par l'article 699 du code de procédure civile..

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02532
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;20.02532 ?
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