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28/06/2022 | FRANCE | N°19/03070

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 28 juin 2022, 19/03070


ARRÊT N° 413



N° RG 19/03070





N° Portalis DBV5-V-B7D-F3AA













MACIF



C/



CPAM DES HAUTS DE SEINE



CPAM DU VAL D'OISE





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 28 JUIN 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juillet 2019 rendu par le Tr

ibunal de Grande Instance de NIORT





APPELANTE :



MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIÉS DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE dénommée MACIF

[Adresse 5]

[Localité 10]



ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITI...

ARRÊT N° 413

N° RG 19/03070

N° Portalis DBV5-V-B7D-F3AA

MACIF

C/

CPAM DES HAUTS DE SEINE

CPAM DU VAL D'OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juillet 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT

APPELANTE :

MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIÉS DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE dénommée MACIF

[Adresse 5]

[Localité 10]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Philippe ARION, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

Madame [S] [Z] veuve [R]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 13] (95)

[Adresse 9]

[Localité 8]

agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de Mademoiselle [L] [R]

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Madame [S] [Z] veuve [R]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 13] (95)

[Adresse 9]

[Localité 8]

agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur [I] [K] [Z], héritier de Mademoiselle [L] [R]

ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 7]

[Localité 11]

défaillante bien que régulièrement assignée

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 12]

défaillante bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

qui a présenté son rapport

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur, Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ :

Un accident de la circulation est survenu le 24 avril 1998 à [Localité 13] (Val d'Oise), lorsque [D] [R] a perdu le contrôle du véhicule automobile assuré à la MACIF qu'il conduisait et à bord duquel avaient pris place en qualité de passagers son épouse [S] née [Z] et leur fille [L] [R], alors âgée d'1 an.

M. [R] est décédé lors de l'accident.

Mme [R] a été gravement blessée.

L'enfant a été hospitalisé en état de coma avec score de Glasgow à 4. Il a notamment été diagnostiqué une fracture de l'odontoïde avec un grand déplacement entraînant une contusion médullaire de C4 à D1 responsable d'une tétraplégie complète.

[L] [R] a été périodiquement examinée dans le cadre d'expertises contradictoires organisées par la MACIF, qui a versé pour elle à sa mère en qualité de représentante légale plusieurs provisions et une rente tierce personne dans le cadre de transactions validées par le juge des tutelles.

Elle a été considérée comme consolidée au 3 juin 2014 sur le plan fonctionnel par le docteur [T], qui l'assistait, et le docteur [G], mandaté par la MACIF, dans leur rapport déposé en juin 2014.

Par actes des 23, 25 et 30 mars 2016, [L] [R], [S] [Z] veuve [R] et les époux [J] et [U] [Z], grands-parents paternels d'[L], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Niort la Macif et les caisses primaires d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et du Val d'Oise afin de voir liquider leur préjudice.

[L] [R] est décédée en cours d'instance, dans la nuit du [Date décès 3] 2016.

L'instance a été reprise par Mme [Z] veuve [R] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de sa fille.

Par jugement du 15 juillet 2019 le tribunal de grande instance de Niort, après avoir constaté que les défendeurs ne contestaient pas leur obligation de réparer l'entier préjudice de la victime, a

* fixé ainsi le préjudice d'[L] [R] :

¿ préjudices patrimoniaux

° avant consolidation

.dépenses de santé actuelles : 146.363 euros

.frais divers : 7.314,86 euros

.assistance tierce personne : 1.001.619,38 euros

.frais de logement adapté : 625.698,27 euros

.frais de véhicule adapté : 15.016,22 euros

° après consolidation

.assistance tierce personne : 242.120 euros

.préjudice de scolarité ou de formation : REJET

¿ préjudices extra-patrimoniaux

° avant consolidation

.déficit fonctionnel temporaire (DFT ) : 221.460 euros

.souffrances endurées : 70.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 30.000 euros

° après consolidation

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 26.918,86 euros.préjudice esthétique permanent : 1.769,46 euros (proratisé)

.préjudice sexuel : 2.500 euros

.préjudice d'agrément : 2.500 euros

.préjudice d'établissement : 1.500 euros

* dit que les provisions versées devaient venir en déduction des sommes ainsi allouées

* condamné la MACIF à payer en deniers ou quittances à [S] [Z] en qualité d'héritière d'[L] [R] la somme de 2.394.780,77 euros en réparation de son préjudice

* débouté Mme [Z] veuve [R] prise comme héritière d'[L] [R] du surplus de ses demandes indemnitaires

* condamné la MACIF à payer à [S] [Z] veuve [R] 60.000 euros en réparation de son préjudice d'accompagnement

* débouté [S] [Z] veuve [R] du surplus de ses demandes indemnitaires

* condamné la MACIF à payer à [J] [Z] 15.000 euros en réparation de son préjudice d'accompagnement

* condamné la MACIF à payer à [U] [Z] 15.000 euros en réparation de son préjudice d'accompagnement

* condamné la MACIF aux dépens

* condamné la MACIF à payer 5.000 euros à [S] [Z] veuve [R] en application de l'article 700 du code de procédure civile

* ordonné l'exécution provisoire à hauteur d'1 million d'euros.

La MACIF a relevé le 20 septembre 2019 un appel limité à la liquidation

.à 1.001.619,38 euros de l'assistance temporaire par tierce personne

.à 242.120 euros de l'assistance permanente par tierce personne

.à 221.460 euros du DFT

.à 30.000 euros du préjudice esthétique temporaire.

La MACIF et Mme [R] ont conclu, et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 juin 2021.

Par arrêt du 28 septembre 2021, cette cour a, avant dire droit, ordonné la réouverture des débats ; invité les parties à faire toutes observations sur la question de la recevabilité de Mme [Z] veuve [R] à exercer la présente action sans que ne soit aussi partie à l'instance l'autre héritier, [I] [K], représenté par ses représentants légaux, et renvoyé la cause à la mise en état en réservant les dépens.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 4 novembre 2021, Mme Veuve [R] est intervenue volontairement en la cause en qualité de représentante légale de son fils mineur [I] [K]-[Z], né le [Date naissance 2] 2014.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 17 novembre 2021 par la MACIF

* le 8 mars 2022 par [S] [Z] veuve [R] agissant tant en son nom personnel et comme héritière d'[L] [R] qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur [I] [K]-[Z].

La MACIF, qui récapitule les provisions et les rentes pour tierce personne et pour frais récurrents qu'elle a versées, demande à la cour de réformer ainsi le jugement sur les quatre postes considérés, de débouter Mme [R] de ses prétentions plus amples ou contraires et de ne pas mettre à sa charge d'indemnité de procédure :

¿ s'agissant de l'assistance temporaire par tierce personne, elle prône de la fixer à 114.168 euros en complément des rentes versées jusqu'au 3 juin 2014, en faisant valoir qu'il n'est pas possible de revenir, comme l'a pourtant

fait le tribunal, sur les transactions autorisées par le juge des tutelles et qui ont été exécutées ; que ces transactions stipulaient expressément que lors de la transaction définitive, le montant des rentes versées ne pourrait pas être révisé, étant observé que les rentes ainsi versées ont été revalorisées ; que ces transactions peuvent en revanche être complétées, pour tenir compte des heures

supplémentaires retenues par les experts en 2014 à effet, rétroactivement, du

1er janvier 2009 ; que c'est ce qu'elle fait, sur la base pertinente d'un taux horaire de 15 euros pour l'aide active et de 11 euros pour l'aide non active qui s'applique aux années 2009/2014

¿ s'agissant de l'assistance permanente par tierce personne, elle prône de la fixer après déduction du capital de la rente versée jusqu'au 31 décembre 2015 à la somme de 124.921,18 euros, en faisant valoir qu'elle a versé comme le certifie son service comptable une somme totale de 41.022,82 euros au titre

de la rente tierce personne active pendant la période de 654 jours séparant la

date de consolidation de celle du décès, qui recouvre 359 jours scolarisés et 295

non scolarisés ; que pendant cette période, les experts ont retenu un besoin quotidien de 7 h en aide active et de 7h en aide passive ; que sur la base pertinente de 16 euros de l'heure pour l'aide active et 12 pour l'aide passive, ce poste doit être fixé à 164.944 euros, dont à déduire les 41.022,82 euros versés à titre de provision.

¿ s'agissant du DFT, elle demande à la cour de le fixer à 155.022 euros sur la base de 28 euros par jour, en récusant les critères retenus par le tribunal pour retenir la valeur journalière de 40 euros inhabituellement élevée, dès lors

que ce poste recouvrant par définition les difficultés rencontrées en milieu

scolaire et la perte des agréments de l'enfance, il n'a pas à s'en trouver accru pour en tenir compte

¿ s'agissant du préjudice esthétique temporaire, elle demande à la cour de le fixer à 13.000 euros, en faisant valoir qu'il faut raisonner sur la même base que le préjudice esthétique permanent, proratisé, et qu'il n'est pas cohérent d'indemniser comme l'a fait le tribunal à hauteur de 30.000 années un préjudice subi pendant 16 ans et de 40.000 euros pour la période de plus de 60 années allant de la date de consolidation où la victime avait 17 ans à celle de son espérance de vie statistique.

[S] [Z] veuve [R] forme appel incident et réclame en toute hypothèse 3.500 euros d'indemnité de procédure.

¿ S'agissant de la tierce personne temporaire, elle affirme n'avoir accepté que deux protocoles d'accord au titre de l'indemnisation de l'assistance par tierce personne, ceux signés le 23 mai 2003 et le 9 juin 2009, qui ne réglaient ce poste que jusqu'au 31 décembre 2008, et elle approuve le tribunal d'avoir considéré que les parties n'avaient pas transigé pour la période courant à compter du 1er janvier 2009. Elle récuse les prétentions de l'appelante en objectant que la méthodologie appliquée par la MACIF ne permet pas de s'y retrouver dans les rentes qu'elle prétend défalquer ; elle indique qu'il n'y a rien à déduire pour la période antérieure au 1er janvier 2009 puisqu'elle ne réclame rien avant cette date au titre de l'aide temporaire d'une tierce personne ; qu'il n'y a a priori rien à déduire pour la période à compter du 1er janvier 2009 car il n'est justifié d'aucun versement effectif, mais que si la MACIF démontre le paiement de 317.701,88 euros qu'elle allègue à ce titre, il faudra alors bien sûr déduire la somme justifiée, qu'elle-même ne retrouve pas.

Elle soutient qu'il ne faut pas distinguer entre aide active et aide passive compte-tenu de l'état concret d'[L], qui était sujette jusqu'en 2013 à de fréquents malaises nocturnes d'allure comitiale avec convulsions voire perte de connaissance, ainsi qu'à un syndrome d'apnée du sommeil dû à son diabète nécessitant le port d'un masque pour assurer une ventilation intermittente, de sorte qu'il existait jour et nuit une nécessité d'intervention active en urgence. Sur la base d'un taux horaire de 20 euros, et de 57 semaines et 410 jours par an pour tenir compte des congés payés, elle réclame sur appel incident 814.360 euros en se disant d'accord pour en voir déduire toute provision dont le versement serait justifié sous réserve qu'elle ait bien été réglée au titre de cette période et non de celle, transigée, antérieure au 1er janvier 2009 comme c'est le cas de celle de 38.340 euros dont la MACIF fait état.

¿ s'agissant de la tierce personne définitive, elle prône de même un taux horaire unique, expliquant qu'[L] avait en effet besoin d'une aide 24h/24 y compris les jours où elle était à l'université car elle n'avait plus l'assistance d'infirmières qu'elle pouvait trouver auparavant en milieu scolaire, et indiquant

que son brusque décès en Angleterre d'une infection brutale interroge

justement sur les conditions dont son handicap était pris en compte à cette époque, et sur la base d'un taux horaire de 24 euros, elle sollicite par voie d'appel incident une somme de 416.044,80 euros, en indiquant qu'il ne conviendrait d'en déduire la provision prétendument versée de 41.022,84 euros que s'il est justifié de son règlement effectif.

¿ s'agissant du DFT, elle souhaite le voir fixer à 288.336 euros sur la base de 60 euros par jour, en indiquant qu'[L] a subi un préjudice hors norme, ayant été privée de toutes les possibilités d'un enfant de son âge.

¿ s'agissant du préjudice esthétique temporaire, Mme [R] fait valoir qu'il était majeur, et sollicite l'infirmation du jugement et la fixation de ce poste à 40.000 euros.

La CPAM des Hauts-de-Seine et la CPAM du Val d'Oise ne comparaissent pas. Elles ont été assignées par acte délivré à personne habilitée respectivement des 6 et 7 novembre 2019 contenant dénonciation de la déclaration d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 10 mars 2022.

Par conclusions de procédure notifiées le 10 mars 2022, la MACIF a demandé à la cour de rejeter les conclusions notifiées le 8 mars 2022 par l'intimée par application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, en indiquant n'avoir pu en prendre une connaissance utile.

Par conclusions du 21 mars 2022, Mme [R] s'est opposée à cette demande en faisant valoir que ses conclusions n°4 ne contenaient que quelques lignes d'ajout, pour expliciter un point, sans demande ni moyen nouveau, et que les trois pièces produites étaient des jurisprudences invoquées, dont deux arrêts de la cour d'appel de Poitiers.

À l'audience, sur interrogation spécifique de la cour, le conseil de l'intimée a indiqué que celle-ci avait en effet réellement perçu les 317.701,88 euros de rente certifiés par la MACIF.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la recevabilité des conclusions transmises le 8 mars 2022

Les conclusions transmises par l'intimée le 8 mars 2022 deux jours avant la clôture ne contiennent que de minimes ajouts purement responsifs et réitératifs qui ne nécessitaient aucune réplique et dont la proximité avec la clôture n'a pas porté atteinte à la loyauté de la procédure ni au principe de la contradiction.

Il en va de même des trois pièces transmises en même temps, constituées de décisions de jurisprudence illustrant les taux revendiqués par l'intimée pour le calcul de certains postes d'indemnisation.

Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de les déclarer irrecevables et de les écarter des débats.

* sur l'intervention volontaire en la cause du frère de la défunte victime

Il est pris acte de l'intervention volontaire à l'instance en qualité d'héritier d'[L] [R] de son frère [I] [K] [Z], mineur représenté par sa mère [S] [Z] veuve [R].

* sur la liquidation du préjudice d'[L] [R]

[L] [R] était née le [Date naissance 6] 1997 ; elle était âgée d'1 an à l'époque de l'accident, de 16 ans au jour de la consolidation ; et elle est décédée le [Date décès 3] 2016, alors qu'elle était étudiante.

La compagnie MACIF ne conteste pas le principe de son obligation de réparer son préjudice.

En cause d'appel, seul est en cause le préjudice d'[L] [R], l'indemnisation du préjudice personnel de la mère et des grands-parents maternels ayant été chiffrée par le tribunal en des chefs de décision qui ne sont pas frappés d'appel.

Le rapport d'expertise amiable des docteurs [T] et [G] est accepté par les parties, qui fondent leurs prétentions respectives sur ses conclusions.

Le préjudice d'[L] [R] sera évalué comme suit, dans la limite des appels, au regard de ces conclusions et des autres éléments contenus dans ce rapport, ainsi que des productions et des explications des parties.

1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

1.1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

(avant consolidation)

1.1.1. : dépenses de santé actuelles

Il n'existe pas de contestation sur ce poste, chiffré par le tribunal à 146.363 euros, ce chef du jugement étant donc confirmé, étant précisé que pas plus qu'en première instance, la CPAM des Hauts-de-Seine et la CPAM du Val d'Oise ne comparaissent ni n'ont fait connaître l'état de leurs débours au titre des frais médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques.

1.1.2. : frais divers

Il n'existe pas de contestation sur ce poste, chiffré par le tribunal à 7.314,86 euros.

1.1.3. : assistance temporaire tierce personne

Les conclusions des experts sur le besoin en aide humaine d'[L] [R] avant la consolidation ne sont pas discutées.

La MACIF reprend en cause d'appel son moyen tiré de l'autorité de chose jugée s'attachant aux transactions qu'elle a conclues avec Mme [R].

De ce que le 'procès-verbal de transactions sur offre provisionnelle' signé le 15 décembre 2008 par la MACIF et le 3 juin 2009 par Mme [R] ès qualités énonce après avoir détaillé les règlements opérés jusque là par la MACIF sous forme de rente que 'lors de la transaction définitive, le montant de ces rentes versées antérieurement au titre des offres provisionnelles ne pourra plus être révisé', de ce que le juge des tutelles a par ordonnance du 8 avril 2010 autorisé la mère de la victime à accepter, outre une indemnité en capital pour le fauteuil roulant et du matériel, 'la réévaluation de la rente tierce personne fixée dans le procès-verbal de transaction', et de ce que ces sommes ont été payées, l'appelante n'est pas fondée à déduire que l'autorité de chose jugée s'attacherait pour la période postérieure au 31 décembre 2008 au taux horaire révisable.

La formule selon laquelle 'lors de la transaction définitive, le montant de ces rentes versées antérieurement au titre des offres provisionnelles ne pourra plus être révisé' signifie, comme énoncé, qu'il ne pourra pas être revenu sur le montant de l'indemnité pour assistance d'une tierce personne incombant

à l'assureur pour la période considérée, soit antérieure au 1er janvier 2009, et rien de plus, notamment pas sur l'application du taux horaire à la période postérieure.

Le juge des tutelles n'a, qui plus est, pas 'homologué' une transaction mais autorisé Mme [R] ès qualités à accepter les sommes offertes par la MACIF, dont la réévaluation de la rente tierce personne précédemment convenue, et à les 'accepter à titre provisionnel'.

La précédente autorisation donnée à la mère de la victime par le juge des tutelles selon ordonnance du 2 juin 2003 (pièce n°19) d'accepter des sommes, y compris à titre de rente tierce personne, offertes par la MACIF est pareillement sans incidence sur l'appréciation du montant de l'indemnité due par la MACIF au titre des frais d'assistance temporaire par tierce personne pour la période postérieure au 31 décembre 2008, l'autorisation de les accepter y ayant déjà été donnée 'dans l'attente de la consolidation de l'enfant' et, comme

l'énonce expressément l'ordonnance du juge des tutelles du 8 avril 2010, 'à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel qui fera l'objet d'une proposition de transaction définitive après consolidation' (cf pièce n°38, page 1).

Le premier juge, qui a aussi relevé que la MACIF avait elle-même, en contradiction avec son propre argumentaire, versé à titre de provision pendant la période postérieure au 31 décembre 2008 une rente tierce personne d'un montant différent, et supérieur, au montant révisé de la rente visée dans la transaction des 15.12.2008/03.06.2009, pour tenir compte de la nouvelle amplitude horaire de l'aide rétroactivement retenue par les experts, a pertinemment fixé ce poste de préjudice à compter du 1er janvier 2009 sans référence aux termes de la transaction.

Il l'a chiffré à bon droit, par une évaluation pertinente que la cour adopte, à 735.696 euros

-sur la base de 18 euros de l'heure, l'intimée n'étant pas fondée à réclamer 20 euros

-en retenant une période annuelle de 57 semaines pour tenir compte des congés payés, ce qui était déjà le cas dans la transaction,

-en distinguant les jours scolarisés et non scolarisés

-sans distinguer entre une aide active et une aide passive, au vu des indications des co-experts établissant qu'une aide active devait être apportée à différents moments de la journée sans pouvoir réellement faire l'objet d'un emploi distinct

-et sans tenir compte du caractère familial de l'aide fournie, en rappelant qu'ainsi que la MACIF ne peut l'ignorer, il est de jurisprudence des plus assurées qu'il ne peut être fait de différence selon que l'aide est apportée ou non par un professionnel ni tiré argument de l'absence de production de factures ou devis.

Il y a pertinemment ajouté purement et simplement la somme totale, justifiée et non discutée, de (38.430 + 72.870,78 + 154.622,60) = 265.923,38 euros versées par la MACIF à la mère ès qualités pendant la période du 22 mars 2001 au 31 décembre 2008, au titre de laquelle Mme [R] ne sollicite rien de plus.

Il a ainsi retenu à raison un préjudice antérieur à la consolidation d'1.001.619,38 euros, et le jugement sera ainsi de ce chef confirmé.

En cause d'appel, la réalité du paiement par la MACIF, en plus des 265.923,38 euros non discutés, d'une somme de 317.701,88 euros au titre de la période postérieure au 31 décembre 2008 est établie, et elle a été reconnue à l'audience.

1.1.4. : frais de logement adapté

Il n'existe pas de contestation sur ce poste, chiffré par le tribunal à 625.698,27 euros.

1.1.5. Frais de véhicule adapté

Il n'existe pas de contestation sur ce poste, que le tribunal a chiffré à 15.016,22 euros.

1.2. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS

1.2.1. : assistance permanente d'une tierce personne

Cette période court du 3 juin 2014 date de la consolidation au [Date décès 3] 2016, date du décès.

Elle correspond aux dernières années de lycée, et au début de la vie d'étudiante en Grande Bretagne, où [L] [R] est décédée subitement.

Le rapport d'expertise conclut à un besoin en tierce personne définitif et viager à raison de 9 heures par jour d'aide active et 15h par jour d'aide passive pour les jours sans scolarité soit une aide 24h sur 24, et pour les jours avec scolarité de 7 heures par jour d'aide active et 7 heures par jour d'aide passive.

Pour les mêmes raisons qu'au titre de la période antérieure à la consolidation, le tribunal a considéré pertinemment qu'il n'y avait pas lieu pour autant de distinguer deux taux de rémunération de l'aide, dès lors qu'une aide active devait pareillement être apportée à différents moments de la journée sans pouvoir réellement faire l'objet d'un emploi distinct.

Il a distingué à bon droit les périodes scolaires ou universitaires des périodes sans scolarité, selon une appréciation convaincante.

Il a retenu un taux horaire de 20 euros qui est adapté.

Sur ces bases, non réfutées en cause d'appel, il a chiffré ce poste de préjudice par des motifs pertinents que la cour adopte à 242.120 euros, le jugement étant ainsi confirmé.

La MACIF demande de déduire de la somme qui sera mise à sa charge à ce titre une somme de 41.022,84 euros qu'elle affirme avoir versée à titre provisionnel au titre du capital représentatif de la rente entre le 4 juin 2014 et le 31 décembre 2015.

Mme [R] écrit que 's'agissant de la somme de 41.022,84 euros versée du 03.06.2014 date de la consolidation , jusqu'au 31.12.2015, elle ne pourra venir en déduction que de la tierce personne définitive post-consolidation et (qu') elle doit être justifiée'.

Elle ne conteste pas l'avoir reçue.

La MACIF produit sous pièce n°42 une attestation de son service de rente certifiant avoir versé à [L] [R] des arrérages de rente en indemnisation du poste tierce personne pour un montant de 41.022,82 euros du

4 juin 2014 au 31 décembre 2015. Elle a sommé l'intimée si celle-ci niait la réalité de ces versements, de produire les relevés du compte ouvert au nom de la jeune fille, ce que Mme [R] n'a pas fait.

Compte-tenu de ces éléments, la preuve du paiement de cette somme doit être regardée comme rapportée, et l'appelante est fondée à demander que cette provision soit déduite.

1.2.2. préjudice de scolarité ou de formation

Il n'existe pas de contestation sur le rejet par le tribunal de ce poste de demande en tant que tel, [L] [R] n'ayant jamais redoublé ni eu de retard et ayant pu commencer un parcours d'étudiante, le premier juge ayant intégré à bon droit dans le DFT les difficultés rencontrées en milieu scolaire et universitaire.

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

2.1.1. déficit fonctionnel temporaire

S'agissant du déficit temporaire tel qu'apprécié sans contestation par les experts judiciaires comme total pendant les périodes d'hospitalisation et de 90% le reste du temps -que le tribunal a valablement distinguées- le jugement l'indemnise pertinemment sur la base de 40 euros par jour justifiée au vu du caractère véritablement hors norme de ce poste tenant à la durée exceptionnelle du préjudice, subi de l'âge de 1 an à celui de 16 ans, à son ampleur tenant à une

tétraplégie incomplète ayant empêché quasiment tous les actes de la vie courante et grandement compliqué le parcours scolaire, et le jugement sera confirmé en ce qu'il chiffre ainsi ce poste de préjudice à la somme totale de 221.460 euros.

2.1.2. souffrances endurées

Il n'existe pas de discussion sur ce poste, chiffré par le tribunal à 70.000 euros.

2.1.3. préjudice esthétique temporaire

Les experts n'ont pas évalué ce poste, mais la réalité d'un préjudice esthétique temporaire n'est pas discutée. judiciaire.

Ce préjudice a été pertinemment chiffré à 30.000 euros par le premier juge.

[L] [R] ayant été consolidée à 16 ans, elle aura donc présenté toute son enfance et son adolescence une apparence disgracieuse induite par sa tétraplégie incomplète, outre l'apparition d'une pachydermie vorticelle.

La MACIF n'est pas fondée à objecter qu'une telle indemnité serait incohérente avec celle allouée au titre du préjudice esthétique permanent, alors que celle-ci a été proratisée pour tenir compte du décès de la victime survenu moins de deux ans après sa consolidation, et cette proratisation s'étant faite par rapport à une évaluation de 40.000 euros qui était adaptée, et cohérente par rapport à celle du préjudice temporaire, qui couvrait une période particulièrement sensible de l'existence.

Ce chef de décision sera ainsi confirmé.

2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

2.2.1. déficit fonctionnel permanent

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le tribunal par voie de proratisation au vu du taux de 88% retenu par les experts à 26.918,86 euros.

2.2.2. préjudice esthétique permanent

Au vu du taux d'6/7 retenu sans discussion par les experts, c'est à bon droit que le tribunal a évalué ce préjudice à 40.000 euros et chiffré l'indemnité par proratisation à 1.769,46 euros, et le jugement sera de ce chef confirmé.

2.2.3. préjudice sexuel

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré à 2.500 euros.

2.2.4. préjudice d'agrément

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré à 2.500 euros.

En définitive, le jugement qui a chiffré le préjudice de la victime à 2.394.780,77 euros est entièrement confirmé, et il échet seulement de préciser que les provisions que la MACIF est en droit de déduire pour exécuter la condamnation prononcée en deniers ou quittances s'élèvent à (38.430 + 72.870,78 + 154.622,60 + 317.701,88 + 41.022,84) = 624.648,10 euros.

* sur les dépens et l'indemnité de procédure

La MACIF succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.

Elle versera une indemnité de procédure à Mme [R] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

REJETTE la demande de la MACIF tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces transmises par l'intimée le 8 mars 2022

DONNE ACTE à [I] [K] [Z], mineur représenté par sa mère [S] [Z] veuve [R], de son intervention volontaire en qualité d'héritier de sa soeur [L] [R]

CONFIRME le jugement entrepris

DIT que les provisions dont le paiement est avéré et qui sont à déduire de la condamnation prononcée en deniers ou quittances s'élèvent à la somme totale de 624.648,10 euros

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

DÉCLARE le présent arrêt commun à la CPAM des Hauts de Seine et à la CPAM du Val d'Oise

CONDAMNE la MACIF aux dépens d'appel

CONDAMNE la MACIF à payer 3.500 euros d'indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile à [S] [Z] veuve [R] agissant tant comme héritière d'[L] [R] qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur [I] [K]-[Z]

ACCORDE à Me MAZAUDON, avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/03070
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;19.03070 ?
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