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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00728

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 14 juin 2022, 20/00728


ARRET N° 356



N° RG 20/00728 - N° Portalis DBV5-V-B7E-F7LY















[R]



C/



[V]















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 14 JUIN 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00728 - N° Portalis DBV5-V-B7E-F7LY



Décision déférée à la Cour : jugement du 31 dé

cembre 2019 rendu par le Tribunal d'Instance de Saintes.







APPELANTE :



Madame [E] [R]

née le 25 Décembre 1989 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 3]



ayant pour avocat postulant Me Sylvie MARTIN de la SELARL SYLVIE MARTIN, avocat au barreau de POITIERS et ...

ARRET N° 356

N° RG 20/00728 - N° Portalis DBV5-V-B7E-F7LY

[R]

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 14 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00728 - N° Portalis DBV5-V-B7E-F7LY

Décision déférée à la Cour : jugement du 31 décembre 2019 rendu par le Tribunal d'Instance de Saintes.

APPELANTE :

Madame [E] [R]

née le 25 Décembre 1989 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 3]

ayant pour avocat postulant Me Sylvie MARTIN de la SELARL SYLVIE MARTIN, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Sophie LAGARDE, avocat au barreau d'AGEN

INTIME :

Monsieur [H] [V]

né le 13 Avril 1987 à [Localité 4] (47)

[Adresse 2]

[Localité 1]

ayant pour avocat Me Fanny GREVIN, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

Mme [E] [R] soutient avoir prêté une somme de 4500 euros à M. [H] [V], son ancien compagnon.

Une reconnaissance de dette était établie le 21 juin 2011 : 'Je, soussigner M. [V] [H] ,déclarant sur l'honneur devoir la somme de quatre mille cinq cents euros à Melle [R] [E] et s'engage à lui verser mensuellement la somme de deux cents euros à compter du 20 juin 2011.'

Mme [R] a rappelé sa dette à M. [V] à plusieurs reprises courant 2013, 2015.

Le 10 septembre 2018, elle lui a fait délivrer une sommation interpellative, demandé paiement du solde, soit la somme de 4050 euros.

M. [V] déclarait à l'huissier : 'Je penserai à elle quand je pourrai '.

Mme [R] a obtenu une injonction de payer le 14 novembre 2018.

Le 26 mars 2019, elle a délivré un commandement aux fins de saisie-vente.

M. [V] a formé opposition à l'ordonnance du 14 novembre 2018 qui lui a été signifiée le 26 mars 2019. Il a conclu à l'irrecevabilité de l'action pour prescription, subsidiairement, contesté l'existence de la dette.

Par jugement du 31 décembre 2019 , le tribunal d'instance de Saintes a statué comme suit :

-Déclare Monsieur [H] [V] recevable en son opposition,

-Dit en conséquence non avenue l'ordonnance d'injonction de payer,

-Statuant à nouveau, dit l'action de Madame [E] [R] irrecevable comme prescrite,

-Déboute Madame [E] [R] de l'ensemble de ses demandes,

-Condamne Madame [E] [R] aux entiers dépens.

Le premier juge a notamment retenu que :

Le remboursement devait s'effectuer en 22 versements mensuels de 200 euros à compter du 20 juin 2011.

Le point de départ de la prescription est l'exigibilité du prêt.

La dernière échéance se prescrivait le 20 avril 2018.

Les mini-messages des 23, 24 janvier 2015, 16 janvier 2016 attestent de l'existence d'un litige financier. Ils ne sauraient s'analyser en une reconnaissance claire et non équivoque d'une créance.

La déclaration du 10 septembre 2018, ' je penserai à elle quand je pourrai ' est imprécise et postérieure au 20 avril 2018.

L'action en paiement diligentée le 15 octobre 2018 sera déclarée prescrite.

LA COUR

Vu l'appel en date du 13 mars 2020 interjeté par Mme [R]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 15 mars 2022, Mme [R] a présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 1376 et suivants du Code Civil

Vu les articles 1315 , 1341, 1353 du Code Civil, Vu l'article 1240 du Code Civil,

Vu les pièces versées aux débats,

-Déclarer recevable et bien fondée Madame [R] en son appel,

Y FAISANT DROIT,

-Réformer en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le Tribunal d'Instance de SAINTES,

EN CONSEQUENCE,

-Constater que l'action judiciaire diligentée par Madame [R] n'est pas prescrite,

-Constater l'existence et la validité de la reconnaissance de dette établie le 20 juin 2O11,

-Condamner Monsieur [V] à verser à Madame [R] la somme de 4 050 € outre les intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2015,

-Condamner Monsieur [V] à lui verser la somme de 3 000 € à titre de dommages intérêts,

-Débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes et conclusions contraires,

-Condamner Monsieur [V] à lui verser la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais et le constat d'huissier.

A l'appui de ses prétentions, Mme [R] soutient notamment que :

-M. [V] a reconnu sa dette le 23 janvier 2016, écrivait : j'ai pas de sous à te donner, j'ai pas à me justifier, tu sauras quand je commencerai.

-Il a déposé un dossier de surendettement le 17 août 2012, a fait figurer Mme [R] au rang de ses créanciers, indiqué le montant exact de sa dette.

-Les SMS sont des preuves recevables directement adressées à leur auteur.

-Le constat d'huissier de justice du 18 mai 2020 a retranscrit les échanges du 16 janvier 2016, 7 octobre 2019.

-L'huissier a précisé que le pseudonyme de M. [H] [V] est [L] [F].

-Les conversations du 16 janvier 2016, 7 octobre 2019 ont également interrompu la prescription.

-Le frère de M. [V] atteste avoir été présent lors de la signature de la reconnaissance de dette rédigée par son frère [H].

-Le point de départ est le 20 avril 2013. La prescription a été interrompue le 16 janvier 2016.

-La reconnaissance de dette est valide. Il a admis être débiteur, n'a pas contesté les mesures d'exécution.

-Il a hérité d'un immeuble, a fait preuve de résistance abusive.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 16 mars 2022, M. [V] a présenté les demandes suivantes :

DIRE ET JUGER recevables mais non fondés Madame [R] en son appel.

DIRE ET JUGER que l'action de Madame [R] est irrecevable comme prescrite.

En conséquence,

-CONFIRMER la décision du Tribunal d'Instance de SAINTES du 31 Décembre 2019

-DEBOUTER Madame [E] [R] de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire et avant dire droit,

-ORDONNER une mesure d'expertise graphologique afin de vérifier si Monsieur [V] est le rédacteur et le signataire de l'acte de reconnaissance de dette

A titre infiniment subsidiaire,

-CONSTATER l'irrégularité de l'acte de reconnaissance de dette

-CONSTATER l'absence de preuve de l'obligation invoquée par la requérante

En tout état de cause,

-CONDAMNER Madame [E] [R] à payer à Monsieur [H] [V] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

-CONDAMNER la Madame [E] [R] aux entiers dépens de la procédure.

A l'appui de ses prétentions, M. [V] soutient notamment que :

-Mme [R] a attendu 7 ans avant de faire des démarches.

-Le point de départ du délai est le 20 avril 2013. Elle l'a assigné le 15 octobre 2018.

-Il n' y a pas eu d'interruption de la prescription. Les messages sont imprécis. Il n'est pas établi qu'ils émanent de lui.

-La teneur, l'identité de l'expéditeur sont incertains. Aucune somme n'est mentionnée.

Ils ne peuvent s'analyser comme une reconnaissance de dette.

-La déclaration de la commission de surendettement ne peut interrompre le délai compte tenu de sa date.

-Subsidiairement, il ne se souvient pas avoir rédigé la reconnaissance de dette litigieuse.

Il soutient que la signature qui figure sur la reconnaissance diffère de celle qui figure sur la sommation interpellative, sur sa carte nationale d'identité et son contrat de mobile.

-Il n'y a pas de somme en chiffres. La reconnaissance est irrégulière de ce chef.

-Mme [R] ne prouve pas lui avoir prêté de l'argent.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 mars 2022 .

SUR CE

-sur la fin de non recevoir

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La preuve du prêt, dont l'existence continue d'être contestée en appel, résulte de la reconnaissance de dette produite, des déclarations faites par M. [V] lors de la saisine de la commission de surendettement courant décembre 2012 désignant comme créancier Mme [R] au titre d'un prêt de 4500 euros, du remboursement partiel du prêt à hauteur de 450 euros.

La reconnaissance de dette convenait d'un remboursement du prêt avant le 20 avril 2013.

Les parties retiennent cette date comme la date d'exigibilité du prêt, le point de départ de la prescription.

M. [V] soutient que la prescription n'a pas été interrompue entre le 20 avril 2013 et le 20 avril 2018.

Mme [R] soutient que M. [V] a reconnu sa dette à plusieurs reprises et notamment les 23, 24 janvier 2015, 16 janvier 2016 à l'occasion d'échanges.

L'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription

Sont notamment constitutives d'une reconnaissance du droit une demande de remise, une demande d'un plan conventionnel de surendettement.

La reconnaissance doit émaner du débiteur.

Il résulte du constat d'huissier de justice produit les éléments suivants.

L'huissier a transcrit le 18 mai 2020 un échange du 16 janvier 2016.

Mme [R] : 'si je te contact car je pensais que tu allais me contacter comme tu m'avais dit quand tu descendais pour aller à la banque pour le versement permanent...'

M. [V] : 'Alors écoute-moi bien [E] oui je t'es dit ça mais je suis pas à ta dispo donc voila de deux pour le moment j'ai pas de rentrer d'argent donc voilà après tu me crois ou pas je m'en tape honnêtement après comme je Ted dit la dernière fois je veux que tu me retrouves le cahier avec tous les montants donc voilà à toi de voir puis si tu es pas contente comme je Ted dit la dernière fois débrouille toi avec la banque de France si ses pas assez rapide a ton goût ...

Re-contacte moi et je ferai le nécessaire dès que possible. '

Si cette conversation ne rappelle pas le montant de la somme restant due, elle fait référence à une dette d'agent, évoque la saisine de la banque de France.

Or, il est établi que M. [V] a déclaré une dette de 4500 euros à Mme [R] au titre d'un prêt .

Si M. [V] conteste le montant précis de la dette restant due, il ne conteste pas devoir de l'argent à Mme [R], conclut au demeurant la conversation en s'engageant à faire le nécessaire dès que possible.

Il met en avant ses difficultés financières.

L'échange du 16 janvier 2016 est parfaitement conciliable avec les propos tenus les 23 et 24 janvier 2015 :

' Puis je suis entrain de chercher un organisme ou une banque qui puisse me faire un crédit pour rembourser tout se ce que je dois donc voila .... et donc voila j'ai pas de sous à te donner

après soit tu comprend ou soit tu comprend pas après t'inquiète pas je sais que je te doit des sous juste que à chaque fois j'ai une couille qui arrive voiture ou autres donc voilà '.

'Après toute façon j'ai pas à me justifier bref tu sauras quand je commencerai'

La teneur des échanges ne permet aucun doute sur l'identité des protagonistes ni sur l'objet de leurs échanges.

Contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, les propos tenus par M. [V] les 23 janvier 2015 et le 16 janvier 2016, propos qui se corroborent mutuellement caractérisent des reconnaissances de dette successives interruptives de prescription.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré l'action prescrite.

-sur la demande subsidiaire d'expertise graphologique

M. [V], à titre subsidiaire, conteste être le rédacteur et le signataire de la reconnaissance de dette litigieuse. Il assure ne pas se souvenir l'avoir rédigée, demande à la cour de prononcer une expertise graphologique.

Mme [R] produit une attestation émanant du frère de M. [V] qui atteste qu'il était présent lors de la rédaction de la reconnaissance litigieuse.

Les spécimens de signature produits par M. [V] ne sont pas suffisants pour faire naître un doute sur sa signature.

La cour observe que M. [V] n' a produit aucun spécimen de son écriture alors qu'il conteste également avoir rédigé la reconnaissance de dette.

Il sera donc débouté de sa demande d'expertise graphologique .

-sur la régularité de l'acte

M. [V] se prévaut, à titre subsidiaire, de l'irrégularité de la reconnaissance de dette.

L'ancien article 1326 devenu l' article 1376 du code civil dispose que l'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement , ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.

En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

Il est de jurisprudence constante que le seul fait que le montant emprunté figure en lettres et non en chiffres n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'acte.

L'omission de l' indication en chiffres est donc sans conséquence.

En l'espèce, il est certain que l'acte est signé et que la mention de la somme empruntée figure en toutes lettres.

M. [V] sera donc débouté de sa demande de nullité.

Mme [R] est donc fondée à demander condamnation de M. [V] à lui payer la somme de 4050 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019, date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer.

-sur la demande de dommages et intérêts

Mme [R] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui financier.

Elle sera donc déboutée de sa demande d'indemnisation.

-sur les autres demandes

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de M. [V].

Ces dépens n'incluent pas le coût du constat d'huissier de justice.

Il est équitable de le condamner à payer à Mme [R] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-infirme le jugement entrepris

Statuant de nouveau :

-dit l'action en paiement recevable car non prescrite

-condamne M. [H] [V] à payer à Mme [E] [R] la somme de 4050 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne M. [V] aux dépens de première instance et d'appel

-condamne M. [V] à payer à Mme [R] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00728
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00728 ?
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