ARRÊT N°344
N° RG 21/02326
N° Portalis DBV5-V-B7F-GKWG
S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS
C/
BPCE IARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 07 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 juillet 2021 rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de NIORT
APPELANTE :
S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS
N° SIRET : 391.277.878
[Adresse 3]
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant Me Nicolas GILLET de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Damien VERGER, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMÉE :
SA B.P.C.E. IARD
N° SIRET : 401 380 472
Chaban
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant Me Gaëlle KERJAN de la SCP SCP KERJAN-TILLEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 13 novembre 2011, un incendie a pris naissance dans l'appartement loué par [F] [O], assuré auprès de la société Assurances Banque Populaire Iard. Le bien dépendait d'un immeuble en copropriété situé à [Localité 4] (Val-d'Oise), assuré auprès de la société Swiss Life Assurances de biens.
Par jugement du 9 février 2012, le tribunal correctionnel de Pontoise a condamné [F] [O] des chefs de destruction volontaire du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes et de mise en danger de la vie d'autrui. Par jugement du 16 novembre 2012 sur intérêts civils, il a condamné [F] [O] à indemniser de leurs préjudices [D] [E], propriétaire du logement qu'il louait et le syndicat des copropriétaires.
La société Swiss Life Assurances de biens a indemnisé son assuré à hauteur de 55.248,97 €. Par courrier en date du 25 novembre 2013, elle a demandé à la société Assurances Banque Populaire Iard paiement de la somme de 61.056,20 €. Par courrier en date du 6 mai 2014, cet assureur a refusé sa garantie, un fait volontaire de son assuré ayant été la cause du sinistre.
Par acte du 2 mars 2020, la société Swiss Life Assurances de Biens a fait assigner la société Assurances Banque Populaire Iard devant le tribunal judiciaire de Niort pour obtenir paiement en principal de la somme de 50.226,34 €, en remboursement de l'indemnisation versée à son assuré.
Par conclusions d'incident, la défenderesse a soulevé la prescription de l'action exercée plus de 5 années après le paiement l'ayant subrogée aux droits de son assuré. La demanderesse a soutenu son action recevable, le délai de prescription ayant été interrompu entre les assureurs par l'effet de la convention 'Coral'.
Par ordonnance du 5 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Niort a statué en ces termes :
'DÉCLARE la demande irrecevable, comme prescrite ;
CONDAMNE la SA Swiss Life Assurances de Biens à payer à la SA Assurances Banque Populaire IARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA Swiss Life Assurances de Biens aux entiers dépens'.
Il a considéré que le délai de prescription de l'article 2224 du code civil avait commencé à courir à compter de la date de l'incendie, qu'il n'avait pas été interrompu et qu'en conséquence, il était expiré à la date de l'assignation.
Par déclaration reçue au greffe le 22 juillet 2021, la société Swiss life Assurances de biens a interjeté appel de ce jugement, intimant la société Banque Populaire Iard.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, elle a demandé de :
'Vu les articles 122 et 789 du Code de procédure civile,
Vu l'article 2224 du code civil,
Vu la convention CORAL,
Vu l'article 2250 du Code Civil,
Vu les pièces,
INFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2021 ;
Statuant à nouveau :
Débouter la BPCE IARD de sa demande formulée au titre de la prescription;
- À titre principal au motif qu'elle a valablement été interrompue par l'envoi du courrier à l'échelon direction le 07/04/2017,
- A titre subsidiaire au motif que la BPCE IARD y a en toute hypothèse renoncé, si par extraordinaire la Cour estimait la prescription n'aurait pas été valablement interrompue par le courrier du 07/04/2017.
Dire et Juger recevable la procédure diligentée par la SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS ;
Condamner BPCE IARD sera au versement de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance'.
Elle a soutenu que :
- le délai de prescription avait commencé à courir à compter du paiement subrogatoire intervenu le 11 mai 2012, pour expirer au 11 mai 2017 ;
- le courrier adressé à l'échelon direction avait été interruptif de la prescription en application de la convention 'Coral' à laquelle les parties avaient adhéré ;
- l'auteur du sinistre à l'encontre duquel elle pouvait exercer un recours n'avait été connu que le 26 juillet 2013, date de la transmission du jugement précité par son avocat ;
- la société Assurances Banque Populaire Iard, qui avait scindé ses activités entre la société Bpce Assurances et la société Bpce Iard, avait confié la gestion des sinistres à la société Maaf, laquelle avait transmis son courrier à la société Bpce Iard qui lui avait apporté réponse ;
- la société Bpce Iard avait dans un courrier en date du 15 juin 2018 tacitement renoncé au bénéfice de la prescription.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2021, la société Bpce Iard a demandé de :
'Vu les articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 2224 du Code Civil,
Vu les pièces versées aux débats,
[...]
RECEVOIR la société BPCE IARD en ses demandes et les dire bien fondées,
CONFIRMER l'Ordonnance du 5 juillet 2021 du Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de NIORT en toutes ses dispositions hormis concernant les frais irrépétibles et lesdépens,
CONSTATER que l'action engagée par la société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS est irrecevable, comme prescrite,
DEBOUTER la société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Statuant à nouveau,
CONDAMNER la société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS à verser à la concluante la somme de 3 500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
Elle a fait sienne la motivation de l'ordonnance sur le point de départ du délai de prescription. Elle a ajouté que l'auteur du sinistre était connu à la date du jugement de la juridiction correctionnelle. Elle a soutenu que le courrier de l'appelante, expédié après expiration du délai de prescription à un autre assureur que celui du locataire, n'en avait pas été interruptif.
L'ordonnance de clôture est du 10 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LA RECEVABILITÉ
L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
L'article 2224 du code civil dont l'application au cas d'espèce n'est pas contestée dispose désormais que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.
L'incendie est du 13 décembre 2011.
Le jugement de la juridiction correctionnelle sur l'action publique est du 9 février 2012. Celui sur intérêts civils est du 16 novembre suivant. Le syndicat des copropriétaires assuré auprès de l'appelante était partie à ces jugements.
La société Swiss Life Assurances de biens avait indemnisé son assuré, par lettre chèque en date du 11 mai 2012 pour un montant de 55.248,97 €.
Un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages et en date du 26 février 2013. Les deux assureurs étaient représentés. Il y est précisé que le sinistre est un 'incendie volontaire', que : 'plusieurs ponts de départ de feu ont été constatés
- Sur le lit de la chambre enfant
- Sur le lit de la chambre parents
- Sur le canapé dans le séjour, à côté de l'arbre de Noël
- Dans un saladier sur la table de la cuisine'
et que : 'Sur chaque point de départ, il semble que Mr [O] ait tenté de mettre le feu au mobilier en incendiant des feuilles de papier'.
Le délai de prescription de l'action de l'assureur subrogé par l'effet de l'indemnisation versée aux droits de son assuré a commencé à compter la date à laquelle ce dernier a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettaient d'exercer son action à l'encontre de l'auteur du dommage.
Le jugement sur la culpabilité de [F] [O] est du 9 février 2012. Le syndicat des copropriétaires s'était constitué partie civile. Le délai de l'article 2224 précité a ainsi commencé à courir au plus tard à compter du 9 février 2012, date à laquelle la culpabilité de [F] [O] était certaine. Le délai de prescription expirait ainsi au 9 février 2017.
Pour justifier de l'interruption de ce délai, l'appelante se prévaut des termes d'une convention 'Coral'. L'intimée conteste, non être partie à cette convention, mais la tardiveté du courrier de l'appelante n'ayant pu interrompre un délai expiré.
La convention ayant pour but de favoriser le règlement amiable des litiges entre assureurs en évitant les procédures judiciaires stipule en son article 6.1 que :
'Outre les causes d'interruption de droit commun, une société qui souhaite interrompre le délai de prescription peut le faire valoir expressément lors d'un échange à l'échelon « Direction » dans le cadre du strict respect de la procédure d'escalade visée à l'article 4".
Le courrier de recours à l'échelon direction de la société Swiss life Assurances de biens, adressé à la société Maaf Assurances qui l'a transmis à l'intimée, est en date du 7 mars 2017. Ce courrier est postérieur au 9 février 2017. Il est sans effet interruptif, peu important que l'appelant y ait indiqué qu'il interrompait la prescription, celle-ci étant acquise.
La société Bpce Iard a a répondu en ces termes à ce courrier :
'J'ai pris connaissance de votre saisine à l'échelon Direction.
Je vous informe que je demeure dans l'attente du procès-verbal d'enquête établi dans cette affaire.
S'agissant de votre réclamation, je ne pourrai prendre position qu'à réception de cet élément'.
La société Bpce Iard, en indiquant qu'elle apporterait réponse à l'appelante à réception de documents non encore transmis, n'a renoncé, ni tacitement, ni expressément au bénéfice de la prescription.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera pour ces motifs confirmée.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance du 5 juillet 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Niort ;
CONDAMNE la société Swiss Life Assurances de biens à payer en cause d'appel à la société Bpce Iard la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Swiss Life Assurances de biens aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,