ARRÊT N°338
N° RG 20/01648
N° Portalis DBV5-V-B7E-GBTM
[F]
C/
SMABTP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 07 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 juillet 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE
APPELANTS :
Madame [R] [Z] [O] épouse [F]
née le 25 Juillet 1948 à LINDARDS (87)
[Adresse 1]
Monsieur [T] [F]
né le 29 Novembre 1947 à [Localité 3] (87)
[Adresse 1]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Hervé BLANCHÉ de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT
ET DES TR AVAUX PUBLICS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par contrat de construction de maison individuelle en date du 30 novembre 2000, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont confié à la Société Maisons Elysées Ocean la construction d'une maison d'habitation à La Tremblade (Charente-Maritime). Le constructeur avait souscrit auprès de la société Smabtp une assurance de responsabilité décennale et au profit de ses clients une assurance dommages-ouvrage.
La réception de l'ouvrage, sans réserve, est en date du 20 mars 2002.
Courant 2007, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont constaté l'apparition de fissures sur le dallage béton du garage et un mauvais fonctionnement de l'évacuation des eaux vannes. Ils ont déclaré le 2 juillet 2007 à la société Smabtp un sinistre survenu le 28 mai 2007. Une expertise amiable a été réalisée. Par courrier en date du 24 août 2007, la Smabtp a refusé sa garantie, considérant que les désordres ne relevaient pas de la police dommages-ouvrage.
Par acte des 29 avril et 4 mai 2009, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle la société Smabtp et la société Elyseo (anciennement Maisons Elysées Ocean). L'assignation mentionnait une obstruction de la canalisation des eaux vannes, des fissures sur le dallage béton du garage et un irrespect des règles parasismiques de construction. Par ordonnance du 30 juin 2009, [J] [D] a été commis en qualité d'expert judiciaire. Par ordonnance du 21 janvier 2010, la mission de l'expert a été étendue à de nouveaux désordres constatés lors de la première réunion d'expertise (fissures en façades et décollement de l'enduit). Le rapport d'expertise est en date du 10 février 2011.
L'expert judiciaire n'ayant selon eux pas répondu sur la conformité de l'ouvrage aux normes parasismiques, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont de nouveau fait assigner en référé la société Smabtp et la société Elyseo par actes des 1er et 5 mars 2012. Cette demande a été rejetée par ordonnance de référé du 10 avril 2012.
La société Maif leur assureur a confié une nouvelle expertise au cabinet Eurexo. Des sondages destructifs ont été réalisés pour vérifier la conformité des fondations. Les opérations d'expertise ont été exécutées le 24 septembre 2014, en présence d'un huissier de justice pour les rendre opposables à la société Smabtp et à la société Elyseo n'ayant pas déféré à la convocation de l'expert. Se fondant sur les termes du rapport d'expertise ayant conclu à l'absence de conformité de l'ouvrage aux normes parasismiques, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont sollicité de la Smabtp l'indemnisation de leur préjudice. Cet assureur leur a opposé la prescription décennale.
Par acte du 8 mars 2016,les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont de nouveau fait assigner en référé expertise la société Smabtp. Par ordonnance du 31 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle a rejeté la demande d'expertise.
Par acte du 25 mars 2019, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont fait assigner la société Smabtp devant le tribunal de grande instance de La Rochelle. Soutenant que la non-conformité aux normes parasismiques compromettait la solidité de l'ouvrage, ils ont sollicité sur le fondement de la garantie décennale du constructeur l'indemnisation de leur préjudice, soit 238.023,79 € en principal. Ils ont subsidiairement demandé que soit ordonnée une mesure d'expertise. La société Smabtp a à titre principal opposé la prescription de l'action. Subsidiairement, elle a contesté le caractère décennal des désordres allégués.
Par jugement du 2 juillet 2020, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de La Rochelle a statué en ces termes :
'DÉCLARE recevable l'action de M. [T] [F] et Mme [R]-[Z] [O] épouse [F] formée à l'encontre de la SMABTP,
DÉBOUTE M. [T] [F] et Mme [R]-[Z] [O] épouse [F] de l'intégralité de leurs demandes,
CONDAMNE M. [T] [F] et Mme [R]-[Z] [O] épouse [F] à payer à la SMABTP la somme de 2.000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [T] [F] et Mme [R]-[Z] [O] épouse [F] aux dépens de la présente instance'.
Il a considéré que :
- l'assignation en référé, qui avait visé l'irrespect des normes parasismiques, avait interrompu le délai de prescription ;
- l'irrespect des normes parasismiques de construction n'était pas certain ;
- les désordres allégués n'étaient pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination.
Par déclaration reçue au greffe le 10 août 2020, les époux [T] [F] et [R] [Z] [O] ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 août 2020, ils ont demandé de :
'Vu les dispositions des articles 2220, 2239 et 2241 du Code civil,
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 144 et suivant du Code de procédure civile,
Dire et juger recevable l'action engagée par Monsieur [T] [F] et Madame [R] [Z] [F] et en conséquence, débouter la SMABTP de son appel incident soulevant le moyen d'irrecevabilité.
Réformer la décision rendue le 2 juillet 2020 par le Tribunal judiciaire de LA ROCHELLE,
Et en conséquence,
Constater que l'ouvrage appartenant à Monsieur [T] [F] et Madame [R] [Z] [F] et réalisé par la SAS ELYSEO ne respecte pas les normes parasismiques PS MI 89 révisée 92 obligatoires en zone 1A.
Dire et juger que la non-conformité aux normes parasismiques est un facteur avéré et certain de risque de perte de l'ouvrage par séisme constitutif de la garantie décennale.
Dire et juger en conséquence que la garantie décennale de la SMABTP es qualité d'assureur décennal de la SAS ELYSEO se trouve mobilisée.
Condamner la SMABTP à régler Monsieur [T] [F] et Madame [R] [Z] [F] la somme de 238 023,79 € se décomposant comme suit :
- la somme de 204 628 € au titre de la reprise de l'ouvrage ;
- la somme de 31 951 € au titre des frais annexes résultant de la reprise de l'ouvrage ;
- la somme de 1 444.79 € en remboursement des frais d'huissier et de la facture de la société COREN
Condamner la SMABTP à régler à Monsieur [T] [F] et Madame [R] [Z] [F] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC
Condamner la SMABTP aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FLICHE BLANCHÉ & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC'.
Ils ont soutenu que :
- le délai décennal avait été interrompu par la procédure de référé, l'irrespect des règles parasismiques ayant été mentionné à l'assignation et dans la mission de l'expert qui n'avait pas répondu sur ce point ;
- le rapport en date du 7 juillet 2015 du cabinet Eurexo établissait cet irrespect ;
- ce manquement était un désordre de nature décennale.
Ils ont chiffré leurs prétentions par référence aux termes du rapport du cabinet Eurexo.
Les conclusions de la société Smabtp ont été notifiées par voie électronique le 3 février 2021.
Par ordonnance du 11 mai 2021, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions et pièces de la Smabtp ;
- rejeté la demande de la société Smabtp tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions des appelants ;
- déclaré irrecevable l'exception de nullité de la déclaration d'appel invoquée par la Smabtp.
L'ordonnance de clôture est du 10 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LA PRESCRIPTION
L'article 1792-4-1 du code civil dispose que : 'Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration
du délai visé à cet article' et l'article 1792-4-3 que : 'En dehors des actions
régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux'.
L'article 2239 du code civil dispose que :
'La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée'.
Aux termes de l'article 2241 du même code, 'La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion'.
La réception de l'ouvrage est en date du 20 mars 2002. La première assignation en référé a été délivrée le 4 mai 2009 à l'intimée. Il y est exposé en page 2 que :
'Au mois de mai 2007, Monsieur et Madame [F] ont fait une déclaration de sinistre se plaignant notamment :
- d'une obstruction de la canalisation des eaux vannes,
- des fissures sur dallage béton dans le garage,
- du non respect des règles de construction sismique',
et en page 3 que :
'Il apparaît en outre que la dalle béton aurait une épaisseur insuffisante et que le treillis soudé est posé sur le polyane n'assurant pas sa fonction de renfort de la dalle, ce qui ne répondrait pas aux normes parasismiques'.
L'énoncé de ces désordres est repris en page 3 des motifs de l'ordonnance du 30 juin 2009 ayant ordonné la mesure d'expertise. Le rapport d'expertise est en date du 10 février 2011.
Cette assignation a interrompu le délai de prescription précité qui n'était pas écoulé, notamment s'agissant du grief d'irrespect des normes parasismiques de construction. Les opérations d'expertise ont suspendu le cours du nouveau délai, qui a recommencé à courir au plus tôt le 10 août 2011. L'assignation au fond a été délivrée le 25 mars 2019, avant expiration du nouveau décennal.
L'action des appelants est dès lors recevable. Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
SUR LES DÉSORDRES
L'expert judiciaire a indiqué en page 18 de son rapport que :
'Concernant la canalisation EV reliant le WC au tout a l'égout ( sous le dallage du garage) et qui était partiellement obstruée par le présence d'un fer à béton piqué verticalement dans l'axe de celle-ci, il s'agit d'un vice caché non détectable lors de la réception des travaux le 20 mars 2012. S'agissant d'une résidence secondaire à faible taux d'occupation, il n'est pas anormal que ce vice caché n'est pas été détecté plutôt. Il est probable que ce fer à béton malencontreusement piqué dans cette canalisation, a servi de pige pour la mise à niveau du dallage du garage.
Les fissurations horizontales et décollement partiel de l'enduit extérieur constatées contradictoirement lors de l'accédit sur trois des quatre façades, le sont au niveau de la planelle située en bout ou dallage porte, et sont consécutives à une rotation du plancher. L'enduit commençant à se décoller, des infiltrations d'eau ne vont pas tarder à se manifester.
La fissuration verticale de l'enduit extérieur constatée contradictoirement lors de l'accédit à l'angle des deux façades du garage, provient de la prise d'assise de la construction et probablement d'une faiblesse du chaînage vertical.
L'étude de sol réalisée par notre sapiteur le cabinet JOSENSI Consultant ne met pas en évidence d'anomalies particulières'.
Il a conclu en page 21 que :
'Concernant la canalisation EV reliant le WC au tout à l'égout (Sous le dallage du garage) et qui était pareillement obturée par la présence d'un fer à béton piqué verticalement. la réparation a été effectuée. Seul le rebouchage au niveau de la dalle béton, n'a pas été fait.
S'agissant des fissures horizontales et commencement de décollement de l'enduit au niveau de la planelle du dallage porté sur trois des quatre façades, et de la fissure verticale de l'enduit au niveau de l'angle gauche du garage, des reprises doivent être effectuées rapidement Nous estimons le montant de celles-ci à 1.812,56 € T.T.C...
Ces travaux sont de nature décennale'.
L'expert ne s'est pas prononcé dans son rapport sur le respect ou l'irrespect des règles parasismiques de construction.
La société Smabtp s'est opposée aux demandes d'expertises complémentaires des appelants.
[B] [M] de la société Eurexo a dans son rapport en date du 7 juillet 2015 indiqué avoir procédé à divers sondages destructeurs de la construction et que : 'Les constatations qui ont été faites, à l'issue de ces sondages, sont les suivantes :
Sondage n° 1
Constatations
- Armature verticale : 2 fers, uniquement dont seul l'un d'eux semble assurer une continuité avec la fondation.
- Aucune épingle revenant, dans l'angle, les chainages horizontaux.
- Arrivée en diagonale d'un fer de 8 non raccordé.
Non-conformité constatée
Les règles applicables sont les règles PS MI 89, révisées 92, parues en 95 et amendées en 2001.
La zone de La Tremblade est classée en zone 1a au titre de cette règle.
Les chainages verticaux et horizontaux devraient être constitués, au minimum d'un ferraillage de 2 cm² soit, pour le cas le plus fréquent d'un chainage standard de section 10 x 10 constitué de 4 aciers HA8.
L'angle devrait être traité de telle sorte que la continuité des recouvrements des armatures soit assurée dans les 3 directions, ce qui n'est pas le cas ici, de toute évidence.
Il est à noter que le sondage n'a pas permis de constater le ferraillage du chainage horizontal.
Sondage n° 2
Constatations
Le seuil a été recreusé dans la dalle du rez-de-chaussée pour s'adapter aux dimensions de la porte de garage.
- L'armature est constituée d'une barre triple 3HA8 dont la barre supérieure n'est enrobée que de 18 mm.
- Le TS est posé sur le polyane et se trouve ainsi non enrobé dans la dalle.
Non-conformité constatée
Les mêmes règles sont applicables au niveau des chainages horizontaux :
- Manque de ferraillage qui devrait être assuré par un chainage standard de section avec 4 fers HA8.
- Concernant l'enrobement des aciers. celui existant (18 mm) est insuffisant au regard du DTU 201 mais l'armature elle-même étant insuffisante, cette remarque est superflue.
- Le TS devrait être enrobé sinon sa fonction est inexistante.
Sondage n° 3
Constatations
Le jambage de l'ouverture où le sondage a été pratiqué ne présente aucune trace de poteau ou d'encadrement en béton armé.
Non-conformité constatée
'Les baies de dimension supérieure a 0.60 cm, situées dans les parties de construction autres que les voiles de contreventement, doivent recevoir un encadrement,...à moins qu'elles soient comprises entre deux lits d'armatures horizontales conformes (au DTU 22.1)' Extrait de la norme PS MI 89 révisée 92.
Cette disposition n'est pas celle adaptée dans le cas présent.
Sondage n° 4
Constatations
Le jour pratiqué dans le libage de la fondation sur le pignon permet de constater qu'aucun poteau en béton armé ne remonte de la fondation pour constituer l'encadrement de la baie.
Non-conformité
Cette disposition ne constitue pas en soi une non-conformité, toutefois, la façade Est étant de plus de 5 mètres de large, on devrait trouver un poteau en BA quelque part sur cette façade et, de préférence, au droit d' un encadrement de fenêtre. Un tel poteau n'a pas été identifié en l'état actuel'.
Ces sondages réalisés le 24 septembre 2014 ont été constatés par huissier de justice.
Cet expert a conclu en ces termes :
'ETAT ESTIMATIF GLOBAL DES DOMMAGES AU SOCIETAIRE
Les non-conformités constatées sont sans aucun doute impliquées dans les quelques fissures signalées par l'assuré. Toutefois, compte tenu de la réclamation plus globale sur une remise en conformité de l'ouvrage, nous n'avons pas chiffré les travaux de réparation de ces petits dommages.
En effet, compte tenu de l'impossibilité de remettre en conformité sans une reconstruction complète, nous avons chiffré le préjudice total subi par l'assuré à la somme de 236 579 € selon détail ci-annexé.
ELEMENTS DE RESPONSABILITE
POSITION DES INTERVENANTS:
La norme applicable, et qui semble ne pas avoir été respectée par la Société ELYSEES OCEAN, est la règle PS MI 89, révisée 92, qui était en vigueur à la date de réception de l'ouvrage (rappel 20/02/2002).
Le non-respect de cette règle constitue, de jurisprudence constante, un dommage de nature décennale. Il porte en effet son origine dans un élément constitutif du gros 'uvre et porte aussi atteinte à la solidité de l'ouvrage'.
SUR LA QUALIFICATION DES DÉSORDRES
Les appelants fondent leurs prétentions à l'encontre de la société Smabtp, assureur de responsabilité décennale du constructeur, sur les dispositions de l'article 1792 du code civil qui dispose que :
'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.
La société Smabtp avait soutenu devant le premier juge d'une part que l'irrespect des normes parasismiques n'était pas avéré, d'autre part que le désordre n'était pas de nature décennale.
Il convient dès lors de rechercher si l'irrespect allégué est avéré, d'autre part s'il compromet la solidité de l'ouvrage ou le rend impropre à sa destination.
Le désordre allégué n'était pas apparent à la réception. Il n'a pas été réservé.
L'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur ce désordre qu'il n'a pas examiné.
La société Eurexo a procédé à plusieurs sondages constatés par huissier de justice. Son expert a conclu que les normes parasismiques applicables à la construction ne semblaient pas avoir été respectées. Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir été plus affirmatif dès lors que ni le constructeur, ni son assureur n'étaient présents lors des opérations d'expertise. Ce dernier s'est par ailleurs opposé à deux reprises à un complément d'expertise portant sur ce point précis, qui aurait permis aux parties d'en débattre contradictoirement devant l'expert et à la juridiction de disposer d'un rapport d'expertise complet. L'insuffisance du rapport d'expertise judiciaire ne peut être imputée aux appelants qui avaient sollicité que la mission de l'expert porte sur le respect des normes parasismiques et ont par deux fois tenté d'y remédier et dont l'assureur a finalement fait diligenter une expertise amiable. Le manquement aux normes parasismiques de construction, établi par ces éléments concordants que sont un constat et une expertise régulièrement versée aux débats, doit dès lors être retenu.
Ce manquement, pour revêtir une qualification décennale, doit soit compromettre la solidité de l'ouvrage, soit le rendre impropre à sa destination.
Aucun des experts n'a mentionné que la solidité de l'ouvrage était compromise. Celui-ci, réceptionné en 2002, n'a subi aucun sinistre lié à l'irrespect des normes parasismiques l'ayant fragilisé. Le premier juge, non contredit sur ce point, avait considéré que 'l'ouvrage a été construit il y a près de 18 ans et que des séismes sont, depuis la construction, survenus dans la zone où est situé l'ouvrage, comme le démontre la SMABTP (un séisme d'une magnitude de 5,2 le 28 avril 2016), sans que cela n'aggrave les désordres, ni n'entraîne la perte de l'ouvrage'. En page 17 de son rapport, l'expert judiciaire avait indiqué ne pas avoir constaté le 12 janvier 2011 d'évolution des désordres depuis la première réunion d'expertise du 21 octobre 2009, soit sur 15 mois.
L'impropriété à destination du bien ne résulte d'aucun des rapports d'expertise.
Le manquement du constructeur n'est dès lors pas de nature décennale. Le jugement sera confirmé de ce chef.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions au profit de l'intimée. Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu'il a condamné sur ce fondement les appelants. Les demandes présentées en cause d'appel seront rejetées.
SUR LES DÉPENS
Ces mêmes circonstances justifient que chacune des parties supporte la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal judiciaire de La Rochelle sauf en ce qu'il :
'CONDAMNE M. [T] [F] et Mme [R]-[Z] [O] épouse [F] à payer à la SMABTP la somme de 2.000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [T] [F] et Mme [R]-[Z] [O] épouse [F] aux dépens de la présente instance' ;
et statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation,
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chacune des parties supportera la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,