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02/06/2022 | FRANCE | N°20/00795

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 juin 2022, 20/00795


VC/PR





























ARRÊT N° 372



N° RG 20/00795



N° Portalis DBV5-V-B7E-F7QU













[W]-[X]



C/



Association LE MOULIN DU ROC





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRÊT DU 02 JUIN 2022
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Décision déférée à la cour : Jugement du 17 février 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Niort





APPELANTE :



Madame [I] [W]-[X]

née le 20 septembre 1965 à [Localité 5] (59)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Ayant pour avocat plaidant Me Ségolène BARDET, avocat au barreau des DEUX-SEVRES



(bénéficie d'une aide juridictionnelle tot...

VC/PR

ARRÊT N° 372

N° RG 20/00795

N° Portalis DBV5-V-B7E-F7QU

[W]-[X]

C/

Association LE MOULIN DU ROC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du 17 février 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Niort

APPELANTE :

Madame [I] [W]-[X]

née le 20 septembre 1965 à [Localité 5] (59)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Ségolène BARDET, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/149 du 09/09/2021 accordée par ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers - Service des recours en matière d'aide juridictionnelle)

INTIMÉE :

Association LE MOULIN DU ROC

SCENE NATIONALE A [Localité 2]

N° SIRET : 318 022 332

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie TRAPU, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par plusieurs contrats à durée déterminée, Mme [I] [W]-[X] a été engagée par l'Association Moulin du Roc en qualité d'opératrice de saisie, du 26 septembre 2005 au 14 octobre 2005, puis du 7 septembre 2006 au 13 octobre 2006, puis en qualité d'hôtesse d'accueil du 18 novembre 2006 au 30 juin 2007, à temps partiel (32 heures hebdomadaires). Elle a également travaillé du 18 août 2007 au 31 octobre 2007 à temps partiel (32 heures hebdomadaires) en qualité de caissière cinéma et d'opératrice de saisie. Du 1er novembre 2007 au 30 novembre 2007, Mme [I] [W]- [X] a travaillé à temps partiel (32 heures hebdomadaires) en qualité de caissière cinéma. Enfin selon deux contrats de travail à durée déterminée, Mme [I] [W]-[X] a travaillé à hauteur de 24 heures par semaine du 1er novembre 2007 au 30 novembre 2008 puis du 1er décembre 2008 au 31 mai 2009, en qualité de caissière cinéma et hôtesse d'accueil.

A compter du 1er juin 2009, l'Association Moulin du Roc a engagé Mme [W]-[X] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 24 heures par semaine en qualité de caissière cinéma et hôtesse d'accueil.

Mme [W]-[X] a bénéficié d'un congé maternité du 10 décembre 2009 au 23 juin 2010.

Elle a ensuite bénéficié de congés du 24 juin 2010 au 17 août 2010 inclus.

Le 21 juillet 2010, un avenant a été signé à effet au 1er août 2010 afin de réduire le temps de travail de Mme [W]-[X] à 69 heures par mois dans le cadre d'un congé parental, jusqu'au 31 juillet 2011, l'avenant prévoyant une possibilité de deux renouvellements devant prendre fin au plus tard en janvier 2013.

Mme [W]-[X] a été placée en arrêt maladie du 21 octobre 2010 au 7 novembre 2010.

Le 6 décembre 2010, la médecine du travail a déclaré la salariée apte en préconisant '12h/semaine hôtesse d'accueil standardiste, 12h/semaine caissière cinéma'.

Mme [W]-[X] a bénéficié de congés annuels du 15 au 16 décembre 2010 puis du 27 décembre 2010 au 30 décembre 2010.

Mme [W]-[X] a été placée en arrêt maladie à compter du 11 mars 2011.

Par courrier du 23 septembre 2011, l'Association Moulin du Roc a convoqué Mme [W]-[X] à un entretien préalable fixé le 18 octobre 2011, sans que cela n'aboutisse à une sanction disciplinaire.

Le 7 janvier 2013, la médecine du travail a déclaré Mme [W]-[X] inapte à son poste de travail en raison d'un danger immédiat.

Mme [W]-[X] a été placée en arrêt maladie à compter du 8 janvier 2013.

Par courrier du 1er février 2013, l'Association Moulin du Roc a convoqué Mme [W]-[X] à un entretien préalable fixé au 13 février 2013.

Le 11 mars 2013, l'Association Moulin du Roc a notifié à Mme [W]-[X] son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et estimant notamment avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, Mme [W]-[X] a saisi, par requête du 9 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Niort en paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 17 février 2020, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [W]-[X] de sa demande au titre du préjudice pour licenciement nul,

- pris acte que l'Association Moulin du Roc acceptait de verser la somme de 2.000 euros au titre du préjudice lié aux interruptions journalières d'activités et condamné en conséquence l'Association Moulin du Roc à verser la somme de 2.000 euros à Mme [W]-[X],

- condamné l'Association Moulin du Roc à verser à Mme [W]-[X] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire sur l'ensemble ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 17 mars 2020, Mme [W]-[X] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 19 octobre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [W]-[X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- déclarer recevable son action aux fins de nullité de son licenciement,

- déclarer nul son licenciement,

- condamner l'Association Le Moulin du Roc à lui payer les sommes de :

* 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 10.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral,

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en sus de la somme de 2.000 euros que l'Association s'est engagée à lui verser pour les interruptions journalières d'activité,

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Se fondant sur les articles L.1152-1 et L.1152-4 du code du travail et des articles L.4121-1 et L.4121-2 du même code, elle soutient avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur ayant débuté à son retour de congé maternité à la fin du mois de juin 2010. Elle fait valoir que son employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail en lui retirant ses prérogatives relatives à ses fonctions d'hôtesse d'accueil, qu'il n'a jamais respecté les préconisations du médecin du travail du 6 décembre 2010 puisque ses horaires étaient entrecoupés et que son employeur lui a indiqué qu'elle ne pourrait retrouver ses fonctions que si elle reprenait un trois quarts temps. Elle estime avoir été victime de discrimination et affirme que la dégradation de ses conditions de travail a eu un impact important sur sa santé puisqu'avant d'être déclarée inapte, elle a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie pour des troubles psychiques et un état de dépression manifeste. Elle explique avoir averti en mai 2011 son employeur du non-respect des dispositions du code du travail, précisant qu'il ne respectait pas non plus la règle du jour de repos fixe par semaine. Elle indique que la médecine du travail a sollicité la reconnaissance de la maladie professionnelle, le 21 décembre 2012 et que la CPAM l'a déclarée en invalidité 2ème catégorie. Elle ajoute encore qu'elle a été convoquée pour un premier entretien préalable en octobre 2011 alors qu'elle était en arrêt maladie et qu'aucun motif sérieux n'était avancé. Elle expose enfin que durant ses arrêts maladies, elle a rencontré d'importantes difficultés pour se faire régler de ses indemnités.

Elle rappelle que le défaut de respect de l'article L.3123-16 du code du travail dans sa version applicable qui interdit, dans le cadre d'un travail à temps partiel, plus d'une interruption d'une activité ou une interruption supérieure à deux heures, ouvre droit à réparation du préjudice subi. Elle affirme que la convention collective applicable ne déroge pas à l'article L.3123-16 et affirme qu'elle était régulièrement contrainte, après son retour de congé maternité, d'effectuer plus de deux coupures par jour.

Par conclusions notifiées le 8 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, l'Association Moulin du Roc demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter Mme [W]-[X] de l'ensemble de ses demandes, sauf à fixer le montant du préjudice subi au titre du non-respect des coupures à la somme de 2.000 euros.

Elle soutient que face aux difficultés à concilier les exigences de Mme [W]-[X] à son retour de congé maternité avec les plannings des autres salariés, elle a affecté toutes les heures de présence de la salariée à l'activité de caissière cinéma, insistant sur le fait qu'avant son congé maternité, Mme [W]-[X] ne faisait fonction d'hôtesse d'accueil qu'en l'absence de la titulaire de sorte que ses tâches n'avaient pas été modifiées. Elle ajoute n'avoir jamais exercé de pression ni formulé de remarques ou avertissements, soulignant avoir accepté la demande de congé parental en sachant que cela entraînerait des difficultés d'organisation des plannings. Elle reconnaît ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L.3123-16 du code du travail mais fait observer que le planning de janvier 2013 prenait en compte cette disposition et que la méconnaissance de cet article n'a pas entraîné une augmentation des jours de présence. Elle estime que le lien de causalité entre l'état de santé de Mme [W]-[X] et son inaptitude est inexistant, le mal être de la salariée trouvant son origine dans une autre cause que celle du harcèlement moral. Elle affirme que le harcèlement moral dont se prévaut la salariée n'a jamais été porté à sa connaissance avant la saisine du conseil de prud'hommes et que l'inspection du travail n'est jamais venue au sein de l'association. Elle fait observer que la maladie de Mme [W]-[X] n'a pas été reconnue comme maladie professionnelle.

S'agissant de la demande d'indemnité au titre des interruptions d'activité, elle reconnaît ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L.3123-16 du code du travail et propose de payer une somme de 2.000 euros pour indemniser les 103 jours et 51h30 de travail concernées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 9 mars 2022 lors de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 2 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. A titre liminaire, la cour observe que l'association Le Moulin du Roc ne soutient pas que l'action intentée par Mme [W]-[X] serait prescrite. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ce point, étant précisé qu'aucun débat n'a eu lieu de ce chef devant le conseil de prud'hommes.

2. Il résulte de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, que, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En vertu des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail (à savoir qu'aucun 'salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.') . Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [W]-[X] expose :

1° s'être vue retirée unilatéralement ses fonctions d'hôtesse d'accueil à son retour de congé maternité, avec l'obligation de travailler avec de multiples coupures dans la journée, et en violation des préconisations du médecin du travail résultant de la visite du 6 décembre 2010,

2° avoir subi des pressions de la part de son employeur et une discrimination ainsi qu'une augmentation de ses jours de présence,

3° avoir alerté son employeur du non-respect des dispositions du code du travail à son égard,

4° avoir été convoquée à un premier entretien préalable à un licenciement pendant son congé maladie,

5° avoir rencontré des difficultés pour se faire payer par son employeur les indemnités qu'il devait lui reverser au titre de la prévoyance,

6° avoir vu son état de santé psychique se dégrader fortement.

Il résulte des pièces versées aux débats que :

- le fait n° 1 est établi.

En effet, le contrat de travail à durée indéterminée signé le 29 mai 2009 à effet au 1er juin 2009 prévoyait que Mme [W]-[X] était employée en qualité de caissière cinéma et hôtesse d'accueil. Les plannings que Mme [W]-[X] produit pour les mois de mars, avril, mai et surtout septembre 2009, c'est-à-dire antérieurement à son congé maternité, révèlent qu'elle occupait effectivement les deux fonctions. L'attestation de Mme [E] [J], fille de Mme [W]-[X], ne fait que corroborer cette constatation.

Mme [W]-[X] a ensuite été placée en arrêt de travail du 29 septembre 2009 au 17 août 2010, congés inclus. Or, l'avenant signé le 21 juillet 2010 à effet au 1er août 2010 n'a eu pour objet que de modifier la durée hebdomadaire de travail de Mme [W]-[X] en la réduisant à 16h au lieu de 24h, sans aucune autre modification notamment quant aux fonctions exercées.

Il ressort de l'attestation de la fille de Mme [W]-[X] que cette dernière, à son retour de congé maternité, 'a été uniquement affectée au cinéma. Une autre salariée était affectée à l'accueil et au standard', ce que l'employeur ne conteste pas puisqu'il reconnaît dans ses écritures qu'il a 'affecté toutes les heures de présence de Mme [W]-[X] à l'activité de caissière cinéma.'.

Par ailleurs, le 6 décembre 2010, le médecin du travail, tout en déclarant Mme [W]-[X] apte à son poste de travail, a préconisé la répartition de ses heures de travail de la manière suivante : '12h par semaine hôtesse d'accueil, standardiste et 12h par semaine caissière de cinéma'. Or, ces préconisations n'ont jamais été respectées par l'employeur ni avant le 11 mars 2011, date de l'arrêt maladie de la salariée, ni après dans les plannings prévisionnels proposés par l'employeur.

De même, les plannings et récapitulatifs des heures quotidiennes travaillées établis par Mme [W]-[X] constituent des éléments suffisants pour retenir comme établi le fait selon lequel elle a été contrainte de travailler, dans la période comprise entre le 18 août 2010 et le 11 mars 2011, avec plusieurs entre coupures certains jours et ce en violation de l'article L.3123-16 du code du travail dans sa version applicable au litige.

- le fait n° 2 n'est pas établi.

La cour constate que le fait selon lequel l'association Le Moulin du Roc aurait indiqué à la salariée qu'elle retrouverait ses fonctions d'hôtesse d'accueil à la seule condition qu'elle reprenne son temps partiel initial n'est nullement établi, reposant sur les seules affirmations de Mme [W]-[X]. De même, la 'discrimination' évoquée par la salariée n'est étayée par aucun élément du dossier, étant observé qu'aucun motif illicite de discrimination n'est expressément soutenu. Enfin, aucune pièce du dossier n'établit que l'affectation de Mme [W]-[X] aux seules tâches de caissière, en horaires de coupures, aurait eu pour conséquence d'augmenter le nombre de jours de présence mensuelle, la comparaison de ses plannings avant et après son congé maternité ne révélant aucune différence significative.

- le fait n°3 est établi.

Mme [W]-[X] justifie, en effet, s'être adressée à son employeur pour lui signaler le non-respect des dispositions du code du travail applicables au travail à temps partiel. Ainsi, dans un mail du 3 mai 2011 adressé à son employeur, elle a écrit : 'je te reconfirme (malgré ton refus lors de notre dernière conversation téléphonique) que je souhaite une réunion du service afin d'évoquer tous les problèmes et de trouver une solution à l'amiable (gestion du service accueil, coupures : article L.3123-16 du code du travail, convention collective, etc)'. Dans un courrier du 30 novembre 2011, elle a également écrit 'je vous demande de me préciser avant le 16 décembre 2011 : les raisons 'inéluctables' pour lesquelles je ne retrouve pas mon ancien poste de travail - le jour de repos fixe dans la semaine - des horaires précis de travail et explication pour cette marge de 4 heures par semaine'. De même encore, par courrier du 21 mars 2012, Mme [W]-[X] a écrit à son employeur : 'vous avez réceptionné ma lettre recommandée du 30 novembre 2011 et je suis toujours à ce jour dans l'attente de votre réponse, malgré deux relances par mail en janvier 2012. Je vous demande ne me faire parvenir par retour de courrier :

- un avenant à mon contrat de travail conforme au code du travail, à la convention collective et à l'accord d'entreprise (jours et horaires de travail, prime de panier, etc.),

- de justifier des raisons objectives qui vous amènent à modifier la nature des tâches qui m'étaient précédemment affectées avant mon congé maternité et mon congé parental à temps partiel,

- la copie de mon contrat de travail du 18/11/2006 au 23/06/2007.

[...]

Je tiens à vous informer qu'une procédure civile et pénale va être mise en oeuvre dans la mesure où :

- aucune discussion n'a été possible depuis septembre 2010 (sauf une convocation à un entretien pour un éventuel licenciement) malgré mes demandes répétées et celles du délégué du personnel,

- vous avez dégradé, en toute connaissance de cause, mes conditions de travail et ce de nature à porter atteinte à mes droits et altérer gravement ma santé,

En sachant que depuis septembre 2010, je ne demandais qu'à pouvoir retrouver mon poste de travail avec le respect du code du travail (ex arrêt des coupures répétées)..'

- le fait n°4 est établi. Mme [W]-[X] justifie en effet par la production de la lettre de convocation du 23 septembre 2011 avoir été convoquée le 18 octobre 2011, alors qu'elle était en arrêt maladie, à un entretien avec la précision que son licenciement était envisagé. A la demande de la salariée, l'entretien a été avancé au 14 octobre 2011, afin de lui permettre de se présenter en étant assistée. Il est également établi qu'à l'issue de cet entretien, aucun licenciement ni aucune autre sanction n'ont été prononcés à l'encontre de Mme [W]-[X].

- le fait n°5 est établi. Mme [W]-[X] justifie par la production de courriels avoir demandé à son employeur de bien vouloir lui reverser les indemnités perçues de l'organisme de prévoyance pendant son arrêt maladie. Ainsi, dans son courrier du 21 mars 2012, elle a indiqué à son employeur ne pas avoir reçu sa fiche de paie du mois de janvier 2012 et les indemnités de prévoyance du mois de février 2012. Par mail du 19 juin 2012, l'organisme de prévoyance Audiens a informé la salariée avoir fait un versement, le 7 juin 2012, à l'employeur des indemnités dues pour la période du 20 mars 2012 au 30 avril 2012 et avoir fait un versement, le 19 juin 2012, à l'employeur des indemnités dues pour la période du 1er au 28 mai 2012. Mme [W]-[X] a sollicité auprès de son employeur, par mail du 5 juillet 2012, la régularisation de sa situation en lui transférant également le mail du 19 juin 2012 de l'organisme Audiens. Elle produit également un courrier du 24 juillet 2012 qu'elle a adressé à son employeur pour lui rappeler qu'elle restait dans l'attente des paiements des mois de mai et juin 2012, tout en lui demandant de nouveau de lui adresser des fiches de paie pour les mois d'avril, mai et juin 2012.

- le fait n°6 est établi. En effet, Mme [W]-[X] produit son arrêt de travail pour maladie du 21 octobre 2010 au 7 novembre 2010 qui mentionne un état dépressif ainsi que l'ensemble de ses arrêts de travail entre le 11 mars 2011 et le 31 janvier 2012 qui mentionnent un 'état dépressif', une 'dépression', des 'difficultés psychologiques', une 'réaction anxio-dépressive' et des certificats médicaux postérieurs qui font état de 'troubles psychiques' et de dépression.

A cet égard, il doit être précisé que si Mme [W]-[X] ne produit des arrêts de travail que du 11 mars 2011 au 31 janvier 2012 puis du 26 mars 2012 au 31 décembre 2012, l'arrêt de travail du 26 mars 2012 est une prolongation ce qui permet de considérer qu'il n'y a pas eu d'interruption dans les arrêts depuis le 31 janvier 2012 (ce qui est confirmé par le Docteur [G] qui indique le 24 mai 2012 à sa consoeur que 'depuis mars 2011, Mme [X] est en arrêt de travail'). Il est également établi que Mme [W]-[X] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude par la médecine du travail en une seule visite pour 'danger immédiat' et qu'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle a été adressée à la CPAM avec un certificat médical initial du 21 décembre 2012 mentionnant des 'troubles de l'adaptation en relation avec les conditions de travail' ainsi qu'une date de première constatation médicale au 15 octobre 2010. Il est enfin établi que Mme [W]-[X] bénéficiait d'une reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé ce dont l'employeur avait connaissance.

*****

Il s'ensuit que les faits invoqués sont matériellement établis à l'exception des faits n°2 et que les faits établis pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. A ce stade, il appartient donc à l'employeur de prouver que les agissements invoqués par Mme [W]-[X] ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'association Le Moulin du Roc explique, tout d'abord, de manière inopérante, que Mme [W]-[X] n'a jamais fait l'objet de la moindre remarque ou avertissement, qu'elle n'a jamais subi une baisse de salaire ou une remarque dégradante, ces éléments n'expliquant en rien les faits matériellement établis par la salariée. De même, il est vain pour l'employeur de prétendre avoir accepté le congé parental à temps partiel de Mme [W]-[X] alors qu'il savait que cela poserait des difficultés d'organisation des plannings, puisqu'il ne pouvait pas refuser ce congé parental.

En revanche, l'employeur explique, à juste titre, que le congé parental à temps partiel de Mme [W]-[X] a entraîné des difficultés dans l'organisation des plannings des salariés, nécessitant une réorganisation, puisqu'avant son congé maternité, Mme [W]-[X] travaillait 24h par semaine alors qu'à son retour et jusqu'en juillet 2011, elle ne travaillait plus que 16h par semaine. En outre, comme le fait observer l'association Le Moulin du Roc, Mme [W]-[X] n'occupait, avant son congé maternité, le poste d'hôtesse d'accueil qu'occasionnellement. En effet, les plannings produits au cours de l'année 2009 révèlent que Mme [W]-[X] travaillait essentiellement sur le poste de caissière cinéma, qu'une fois par semaine environ elle s'occupait du standard et qu'elle travaillait quelques heures par semaine à l'accueil sans aucune régularité. Sa fille confirme cette répartition du temps de travail puisqu'elle indique que 'Mme [W] travaillait sur ces différents postes jusqu'à son départ en congé maternité :

- cinéma où nous étions en binôme,

- standard téléphonique le lundi après midi (jour de repos de la standardiste),

- accueil spectacle en binôme avec Mme [N] (un week-end sur 2 et une partie des vacances scolaires et des spectacles dans l'année),

- saisie abonnements (en septembre et octobre)'.

De plus, le contrat de travail à durée indéterminée de Mme [W]-[X] ne prévoyait aucune répartition de ses horaires de travail entre les fonctions de caissière cinéma et d'hôtesse d'accueil.

L'employeur justifie donc d'une explication objective quant à l'affectation de Mme [W]-[X] lors de son retour de congé maternité au poste de caissière cinéma, liée à la réduction du temps de travail de la salariée qui a nécessairement entraîné une réorganisation des plannings mais également au fait qu'elle occupait essentiellement ce poste avant son congé maternité.

Par ailleurs, et ainsi que le reconnaît Mme [W]-[X] dans ses écritures, les interruptions de travail sont inhérentes aux fonctions de caissière cinéma puisque ces dernières sont dépendantes des projections des films, de sorte que les coupures de travail ne sont que la conséquence de l'affectation, objectivement justifiée, de la salariée à ces tâches.

La cour observe également que la durée hebdomadaire de travail réduite à 16h rendait impossible le respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail du 6 décembre 2010 qui étaient fondées sur une durée hebdomadaire de travail de 24h.

De plus, si Mme [W]-[X] justifie effectivement avoir alerté son employeur quant au fait qu'elle souhaitait être de nouveau affectée au poste d'hôtesse d'accueil et ne plus travailler en horaires de coupure, la cour constate que l'employeur n'est pas resté sans réponse. En effet, dans son courrier du 8 novembre 2011, l'association Le Moulin du Roc a proposé à Mme [W]-[X] le planning suivant :

- 3 semaines sur 4 , du lundi au vendredi, aux fonctions de caissière de cinéma uniquement pour 3 séances par jour nécessitant 4 heures de présence ('une marge de 4 heures est conservée pour faite face à d'éventuelles fortes affluences'),

- et une semaine sur 4 aux fonctions de caissière de cinéma du mardi au vendredi (4h de présence chaque jour) et d'hôtesse d'accueil et caissière de cinéma le samedi (8h30 de présence avec pause d'une heure).

Cette proposition faite, alors que la salariée était en arrêt maladie, visait donc à réintroduire, compte-tenu de la fin du congé parental de Mme [W]-[X] et de la durée hebdomadaire de son travail de nouveau fixée à 24h, la possibilité d'occuper les fonctions d'hôtesse d'accueil et d'éviter les coupures.

De même, à la suite de la demande formulée par la salariée le 4 janvier 2013, son employeur lui a proposé, le jour même, une reprise à compter du 8 janvier 2013 à raison de 4 heures par jour pendant trois semaines en formation au logiciel de billetterie cinéma, puis une affectation principalement aux fonctions de caissière cinéma outre une participation aux tâches d'hôtesse d'accueil, tout en lui indiquant qu'à compter de février 2013, la répartition de ses horaires de travail pourrait être modifiée compte tenu de la nouvelle organisation du service accueil. La cour observe que ces propositions n'étaient pas contraires aux stipulations du contrat de travail de Mme [W]-[X] et tenaient compte de la nécessité de faire cesser les multiples interruptions de travail en journée. L'employeur pouvait, sans encourir de critique, faire de telles propositions de planning en s'affranchissant des préconisations du médecin du travail formulées le 6 décembre 2010 dès lors que Mme [W]-[X] était en arrêt maladie depuis le 11 mars 2011 et que le médecin du travail aurait dû réévaluer ses préconisations avant toute reprise du travail de la salariée.

La décision de l'employeur d'engager une première procédure de licenciement à l'encontre de Mme [W]-[X] est également justifiée par l'absence de longue durée de la salariée et les incertitudes sur son éventuel retour ce qui avait pour conséquence de désorganiser notamment le service d'accueil-billetterie. Il doit être relevé que l'employeur à l'issue de l'entretien avec la salariée n'a pas poursuivi la procédure de licenciement mais lui a, au contraire, proposé un nouveau planning prévisionnel, tenant compte des souhaits de Mme [W]-[X] dans le cadre plus global de l'organisation des plannings des autres salariées.

Enfin, si Mme [W]-[X] a écrit à plusieurs reprises à son employeur pour lui demander de lui payer ses indemnités versées par l'organisme de prévoyance, la cour constate que :

- la salariée ne justifie pas de la date à laquelle l'organisme de prévoyance a versé à l'employeur les indemnités du mois de février 2012 et qu'à la suite de son courrier du 21 mars 2012, elle ne s'est plus plaint de l'absence de versement de ces indemnités, de sorte qu'aucun retard de paiement ne peut être sérieusement reproché à l'employeur,

- il ressort du mail de l'organisme de prévoyance du 19 juin 2012 que les indemnités pour la période du 20 mars 2012 au 30 avril 2012 n'ont été versées à l'employeur que le 7 juin 2012 et que les indemnités du 1er au 28 mai 2012 ne l'ont été que le 19 juin 2012. Si l'employeur n'a pas reversé immédiatement les sommes à la salariée, il doit être retenu qu'il faut tenir compte d'un décalage de quelques jours entre le jour du virement opéré par l'organisme de prévoyance et la réception des fonds par l'employeur ainsi que de la nécessité pour l'employeur de rectifier les bulletins de salaire pour les périodes afférentes. Il s'ensuit que le reversement différé par l'employeur des indemnités de prévoyance à la salariée est justifié, et ce d'autant plus que cette dernière ne prétend pas ne pas avoir été payée dès le mois de juillet 2012 c'est-à-dire le mois suivant le versement par l'organisme de prévoyance à l'employeur.

Il s'avère donc que l'employeur justifie que les agissements invoqués par Mme [W]-[X] ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, étant rappelée que la seule dégradation de l'état de santé psychique est insuffisante à caractériser un tel harcèlement.

3. En l'absence de tout harcèlement moral, il convient de débouter Mme [W]-[X] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement nul. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

4. La cour déboute, par ailleurs, Mme [W]-[X] de sa demande de dommages et intérêts visant à réparer le préjudice moral causé par le harcèlement moral qu'elle déclare vainement avoir subi, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur ce point dans le dispositif de son jugement.

5. Aux termes de l'articles L. 3123-16 du code du travail dans sa version applicable au litige :

'L'horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures.

Toutefois, une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à ces dispositions :

1° Soit expressément ;

2° Soit en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée.'

L'Association Le Moulin du Roc qui ne conteste pas ne pas avoir respecté les dispositions de l'article précité offre d'indemniser Mme [W]-[X] par le versement d'une somme de 2.000 euros. Les premiers juges ont justement estimé que cette somme était suffisante pour réparer le préjudice subi par la salariée alors qu'il ressort des plannings postérieurs à son retour de congé maternité, fournis par cette dernière au soutien de sa demande, que le manquement de l'employeur à son obligation ne s'est pas produit quotidiennement et seulement sur une durée limitée entre fin août 2010 et début mars 2011. Le jugement entrepris doit donc être confirmé de ce chef.

6. Compte tenu de la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [W]-[X] à payer à l'association Le Moulin du Roc la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance puisque la salariée a obtenu gain de cause sur l'une de ses prétentions.

Dans la mesure où Mme [W]-[X] succombe en son appel, elle doit en supporter les dépens alors que les dépens de première instance doivent être mis à la charge de l'employeur. Il n'est enfin pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 17 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Niort en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Mme [I] [W]-[X] aux dépens et à payer à l'association Le Moulin du Roc la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [I] [W]-[X] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'association Le Moulin du Roc aux dépens de première instance,

Condamne Mme [I] [W]-[X] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00795
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.00795 ?
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