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02/06/2022 | FRANCE | N°19/03388

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 juin 2022, 19/03388


ASB/PR































ARRET N° 382



N° RG 19/03388



N° Portalis DBV5-V-B7D-F3U7













S.A. COVAP



C/



CPAM DE LA VENDÉE

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale



ARRÊT DU 02 JUIN 20

22







Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON - Pôle social





APPELANTE :



SA COVAP

N° SIRET : 324 096 197

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Cyrille BERTRAND de la SELAS NEOCIAL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON







INTIMÉE :



CPAM DE LA V...

ASB/PR

ARRET N° 382

N° RG 19/03388

N° Portalis DBV5-V-B7D-F3U7

S.A. COVAP

C/

CPAM DE LA VENDÉE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON - Pôle social

APPELANTE :

SA COVAP

N° SIRET : 324 096 197

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Cyrille BERTRAND de la SELAS NEOCIAL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMÉE :

CPAM DE LA VENDÉE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [L] [G] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, devant :

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 7 avril 2022. A cette le délibéré a été prorogé au 5 mai 2022 puis à la date de ce jour.

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [F], salarié de la société COVAP (Comptoir Vendéen de l'Artisan Plombier) en qualité de réceptionniste, a été victime d'un accident du travail le 20 janvier 2011. Selon la déclaration formalisée par l'employeur, M. [F] a ressenti une douleur à l'épaule droite en voulant rattraper un carton qui avait glissé.

Le certificat médical initial, daté du 20 janvier 2011, fait état d'une entorse acromio-claviculaire droite.

M. [F] a repris le travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 24 mars 2014.

Son état de santé a été déclaré consolidé au 26 mai 2014.

Contestant la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des arrêts de travail prescrits pour la période du 11 février 2011 au 26 mai 2014, la société COVAP a saisi le 6 juin 2017 la commission de recours amiable de la CPAM, qui dans sa séance du 23 novembre 2017 a rejeté son recours.

Le 15 septembre 2017, la société COVAP a saisi d'une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche sur Yon.

Par jugement du 13 septembre 2019, le tribunal de grande instance de La Roche sur Yon, pôle social, a':

- débouté la société COVAP de son recours,

- déclaré opposable à la société la prise en charge des arrêts et soins prescrits à M. [F] à la suite de son accident du 20 janvier 2011,

- condamné la société COVAP aux dépens nés postérieurement au 1er janvier 2019.

Le 11 octobre 2019, la société COVAP a formé appel à l'encontre du jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon, en visant chacune des dispositions du jugement 18/01897 rendu par le tribunal de grande instance de La Roche sur Yon.

Le 15 octobre 2019, la société COVAP a de nouveau formé appel dans les mêmes termes, sauf à préciser que le jugement attaqué avait été rendu par le tribunal de grande instance de La Roche sur Yon.

Par ordonnance du 20 mai 2021, la présidente de la chambre sociale ' pôle de la protection sociale, a ordonné la jonction des deux procédures et dit que la procédure sera poursuivie sous le numéro 19/03388.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':

Soutenant oralement ses écritures, la société COVAP demande à la cour d'infirmer le jugement et de':

$gt; à titre principal, juger que tous les arrêts de travail pris en charge du 20 janvier 2011 au 26 mai 2014 ne sont pas imputables à l'accident du travail du 20 janvier 2011, et les juger inopposables à l'employeur';

$gt; à titre subsidiaire, juger que les arrêts de travail pris en charge du 15 février 2011 au 26 mai 2014 ne sont pas imputables à l'accident du travail du 20 janvier 2011, et les juger inopposables à l'employeur';

$gt; à titre infiniment subsidiaire, ordonner avant dire droit une expertise sur pièces du dossier médical de M. [F] (mission précisée), et lui donner acte qu'elle sera assistée dans le cadre de cette expertise du Dr [D] [P]';

$gt; condamner la caisse à supporter les dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société COVAP admet que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur, dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi, de prouver que les lésions invoquées ne sont pas imputables à l'accident dans ses rapports avec la caisse. Elle considère légitime la prise en charge des arrêts de travail des 20 et 31 janvier 2011, au regard des constatations qu'ils contiennent. Mais elle fait remarquer qu'à partir du 15 février 2011, la notion d'entorse a disparu pour faire place à trois nouvelles lésions successives (conflit sous-acromial'; algodystrophie'; syndrome anxio-dépressif), et soutient que ces trois lésions ont des causes antérieures à l'accident du travail.

Pour renverser la présomption d'imputabilité au travail, qui n'est pas irréfragable, la société COVAP soutient':

- que l'accident déclaré a été le facteur révélateur d'un état antérieur (syndrome sous-acromial) jusqu'alors muet, dont l'ensemble des arrêts de travail qui ont suivi le 20 janvier 2011 sont exclusivement la conséquence';

- qu'il n'existe aucune lésion susceptible d'être directement rattachée à l'accident du travail'; que cette analyse a été retenue par le tribunal du contentieux de l'incapacité dans les motifs décisoires de son jugement du 10 mars 2015, non contesté et donc aujourd'hui définitif'; que l'autorité de la chose jugée doit conduire à juger inopposables à l'employeur tous les arrêts de travail du 20 janvier 2011 au 26 mai 2014';

- ensuite et en tout état de cause, que les lésions apparues à compter du 15 février 2011 sont exclusivement rattachables à un fait générateur antérieur à l'accident du travail, ainsi que cela ressort des analyses unanimes du médecin qu'elle a mandaté, du médecin consultant du TCI et du TCI lui-même.

Se prévalant de ces éléments médico-administratifs convergents émanant de tiers qualifiés, l'employeur considère qu'ils constituent à tout le moins des commencements de preuve très sérieux remettant en cause la présomption d'imputabilité.

'

Soutenant oralement ses écritures, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement.

Elle estime qu'il appartient à l'employeur de démontrer que les soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail sont sans lien avec celui-ci. Elle ajoute que la présomption d'imputabilité s'étend également aux nouvelles lésions médicalement constatées entre le fait initial et la consolidation de l'état de santé.

Elle fait valoir que le médecin conseil, parfaitement informé de l'état antérieur du salarié, n'a jamais émis d'avis défavorable à la prise en charge des soins et arrêts prescrits.

Elle souligne que le certificat médical initial mentionne une entorse acromio-claviculaire, également appelée disjonction acromio-claviculaire, mais que les certificats médicaux ne font pas état d'un conflit sous-acromial. Elle soutient que si la société mentionne un état antérieur, elle ne démontre pas pour autant en quoi les arrêts de travail prescrits ne sont pas en rapport avec l'accident initial. Elle précise que lorsqu'un accident vient aggraver un état pathologique antérieur, il convient d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme. Elle indique qu'une algodystrophie, complication imprévisible pouvant survenir même après un traumatisme bénin, a été diagnostiquée à partir d'octobre 2011.

'

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur le fondement des articles 1353'du code civil et L.'411-1'du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que M. [F] a été victime d'un accident de travail le 20 janvier 2011.

Il n'est pas non plus contesté que le certificat médical initial était assorti d'un arrêt de travail.

Dans ces conditions, la présomption d'imputabilité, non contestée, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail ayant précédé la consolidation de l'état de santé de M. [F], à savoir jusqu'au 24 mai 2014.

Il appartient à l'employeur qui conteste la présomption d'imputabilité d'apporter la preuve contraire.

A cet égard, il est précisé que la cause étrangère peut consister en un état pathologique préexistant, évoluant en dehors de toute relation avec le travail, sous réserve que cet état pathologique préexistant n'ait pas été aggravé par l'accident du travail, auquel cas il doit être indemnisé au titre de cet accident.

En tout état de cause, s'il est constant que l'accident du travail a révélé un état antérieur jusqu'alors muet, ce seul fait ne saurait valoir preuve de ce que les arrêts, soins et lésions nouvelles pris en charge seraient sans lien, même ténu, avec l'accident du travail du 20 janvier 2011.

Certes, le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) de Nantes a retenu dans sa décision du 10 mars 2015 «'qu'il ne subsiste aucune lésion traumatique en lien avec l'accident du travail'; que l'accident a été le facteur révélateur d'un état antérieur jusqu'alors muet, état reconnu par le médecin conseil'; que les lésions décrites ne peuvent être reconnues comme des séquelles imputables à l'accident du travail du 20 janvier 2011'; qu'il est alors impossible d'imputer un quelconque taux à cet accident du travail'».

Mais ces motifs ne sont pas revêtus de l'autorité de la chose jugée, attachée au seul dispositif de la décision.

En tout état de cause, ces motifs ne portent que sur les éventuelles lésions subsistant au jour de la consolidation, à savoir les séquelles. Ils ne permettent donc pas d'apprécier le lien existant ou non entre, d'une part, les soins, arrêts et lésions nouvelles antérieurs à la consolidation et, d'autre part, l'accident du travail litigieux.

La décision du TCI est donc insusceptible de contenir la preuve d'une cause étrangère permettant de renverser la présomption d'imputabilité.

Par ailleurs, l'examen des certificats médicaux produits permet de constater que':

- les deux premiers (20 et 31 janvier 2011) évoquent une entorse acromio-claviculaire droite';

- à partir du 15 février 2011, les certificats mentionnent une «'disjonction acromio-claviculaire droite'» (et non un conflit sous-acromial, comme l'indique l'employeur en page 5 de ses conclusions)';

- à partir du 10 mars 2011, les certificats évoquent un traumatisme de l'épaule droite et une IRM';

- le certificat du 9 juin 2011 évoque une acromioplastie';

- à partir du 6 octobre 2011, les certificats évoquent une algodystrophie, certains précisant son lien avec l'acte chirurgical que constitue l'acromioplastie';

- à partir du 24 avril 2013, les certificats évoquent un syndrome dépressif réactionnel à l'algodystrophie ou aux douleurs (seul le certificat de prolongation du 28 juin 2013 est peu lisible, mais il évoque tout de même l'épaule droite)';

- le certificat du 22 mai 2014 n'évoque plus que la persistance d'une douleur à l'épaule droite.

Les parties ne produisent pas d'éléments relatifs à l'état antérieur, qui est évoqué dans le jugement du TCI comme un syndrome sous-acromial. Elles ne contestent cependant pas son existence. Pour autant, la seule existence d'un tel syndrome ne suffit pas à exclure tout lien entre les arrêts, soins et lésions d'une part, et l'accident d'autre part, dès lors que cet état antérieur n'a été révélé qu'à l'occasion de l'accident.

C'est donc sans pertinence que l'employeur prétend que «'le conflit sous acromial n'est pas imputable à l'accident du travail'».

Par suite, c'est également en vain que la société COVAP réfute tout lien entre, d'une part, l'algodystrophie puis le syndrome anxio-dépressif et, d'autre part, l'accident du travail. Ces lésions nouvelles, apparues à la suite de l'acromioplastie et de la persistance des douleurs, sont en effet les conséquences de l'état antérieur révélé par l'accident du travail, et l'employeur n'apporte pas d'élément probant tendant à établir qu'elles seraient sans lien aucun avec cet accident.

Ainsi, non seulement l'employeur n'apporte pas la preuve contraire attendue, mais il n'apporte pas non plus d'élément pouvant laisser supposer que les arrêts, soins et lésions considérés ne seraient pas survenus sans l'accident du travail, que cet accident n'a joué aucun rôle dans la nécessité de les prendre en charge.

Dès lors, et sans qu'il soit justifié d'ordonner une expertise, il y a lieu de débouter la société COVAP de son recours. Il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

La société COVAP, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle est, par suite, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de La Roche sur Yon, pôle social,

Et y ajoutant,

Déboute la société COVAP de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société COVAP aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03388
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.03388 ?
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