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02/06/2022 | FRANCE | N°19/02359

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 juin 2022, 19/02359


ASB/PR































ARRET N° 377



N° RG 19/02359



N° Portalis DBV5-V-B7D-FZLP













[K]



C/



CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale


>ARRÊT DU 02 JUIN 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON - Pôle social





APPELANT :



Monsieur [S] [O] [K]

né le 17 septembre 1957 à [Localité 8] (974)

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par la [6] en la personne de Mme [L] [E], juriste munie d'un pouvoir
...

ASB/PR

ARRET N° 377

N° RG 19/02359

N° Portalis DBV5-V-B7D-FZLP

[K]

C/

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON - Pôle social

APPELANT :

Monsieur [S] [O] [K]

né le 17 septembre 1957 à [Localité 8] (974)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par la [6] en la personne de Mme [L] [E], juriste munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Mme [Y] [U], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, devant :

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 7 avril 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 5 mai 2022 puis à la date de ce jour.

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [O] [K], salarié de la société [9] ([9]) en qualité de chauffeur routier, a été placé en arrêt de travail à partir du 2 mai 2014.

Il a adressé à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de la Vendée une déclaration de maladie professionnelle datée du 3 mars 2015 ainsi qu'un certificat médical du 16 février 2015 faisant état d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche.

La CPAM a adressé des questionnaires à l'employeur et au salarié.

Estimant que les conditions du tableau des maladies professionnelles n'étaient pas toutes remplies, la caisse a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) des Pays de Loire, qui le 14 janvier 2016 a indiqué ne pouvoir établir une relation directe entre la pathologie présentée par M. [K] et son activité professionnelle et a émis en conséquence un avis défavorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle 57 AAM 96 D.

Par courrier du 20 janvier 2016, la caisse a notifié à M. [K] son refus de prendre en charge la maladie déclarée « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche » au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestant cette décision, M. [K] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM, qui dans sa séance du 3 mars 2016 a indiqué s'en tenir à l'avis du CRRMP et a rejeté son recours.

Par LRAR du 4 mai 2016, M. [K] a saisi d'une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon, qui par jugement avant dire droit du 20 avril 2018 a désigné le CRRMP d'Aquitaine pour donner un avis motivé sur le caractère professionnel ou non de la maladie déclarée par M. [K].

Le 18 janvier 2019, le CRRMP d'Aquitaine a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, estimant qu'il y avait un lien direct entre celle-ci et le travail habituel de M. [K].

Par jugement du 14 juin 2019, le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, a débouté M. [K] de son recours.

Par courrier recommandé reçu le 2 juillet 2019, M. [K] a formé appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Soutenant oralement ses écritures (reçues au greffe le 20 décembre 2021), M. [K] demande à la cour de :

$gt; « à titre principal :

- infirmer le jugement,

- constater qu'il remplit les conditions du tableau 57 A,

- juger en conséquence que la pathologie déclarée doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

- le renvoyer devant la CPAM de la Vendée pour la liquidation de ses droits,

$gt; à titre subsidiaire :

- annuler l'avis du CRRMP des Pays de la Loire pour insuffisance de motivation, à tout le moins l'écarter des débats,

- juger que l'avis du CRRMP d'Aquitaine est régulier, clair, précis et motivé,

- reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée,

- le renvoyer devant la CPAM de la Vendée pour la liquidation de ses droits,

$gt; en tout état de cause, condamner la caisse aux dépens.

Il fait valoir, en premier lieu, qu'il remplit l'ensemble des conditions du tableau 57 A, de sorte qu'il bénéficie de la présomption d'imputabilité visée à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Concernant en particulier le délai de prise en charge, de six mois en l'occurrence, il se prévaut d'un certificat médical de son médecin traitant du 14 avril 2016, selon lequel les premières manifestations de la tendinopathie litigieuse sont apparues en mai 2014. Il en déduit que la condition est remplie.

Concernant la liste des travaux, il fait remarquer que l'unique motif de saisine du CRRMP par la caisse était le délai de prise en charge, de sorte que cette condition doit également être considérée comme remplie.

Il fait valoir, ensuite, que le CRRMP des Pays de Loire n'a pas répondu à la question de savoir si le travail de l'assuré pouvait ou non être à l'origine de la pathologie en cause, dès lors que ses conclusions ne reposent sur aucun élément objectif, circonstancié et vérifiable et que son avis n'est pas motivé conformément aux dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Il estime que le dépassement du délai de prise en charge ne peut être retenu pour rejeter son recours dès lors qu'il constitue le motif même de la saisine du CRRMP. Il estime qu'en revanche, l'avis du CRRMP de [Localité 5] est parfaitement clair, précis et motivé et tire les conséquences de ses constatations nonobstant le dépassement du délai de prise en charge.

Il fait valoir que son activité de chauffeur livreur sollicitait fortement ses deux membres supérieurs, plusieurs dizaines de fois par jour.

Soutenant oralement ses écritures (reçues au greffe le 17 décembre 2021), la caisse demande à la cour de :

« - infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance du 14 juin 2019 ;

- dire et juger que l'avis du CRRMP d'Aquitaine ne s'impose pas au Tribunal ;

- confirmer le refus de prise en charge de la pathologie déclarée le 16 février 2015 au titre de la législation professionnelle ».

La caisse fait remarquer que ce n'est que devant la cour d'appel que M. [K] conteste la date de première constatation médicale retenue par le service médical (26 janvier 2015), ou qu'il remet en cause l'envoi du dossier au CRRMP. Elle en déduit « une forme d'acceptation ». Elle estime sans fondement l'argumentation de M. [K] reposant sur le certificat médical post-daté que M. [K] n'avait jamais produit jusqu'à présent, qui évoque une date qui n'est ni celle déterminée par le médecin conseil, ni celle donnée par l'assuré lui-même dans sa déclaration (12 janvier 2015). Elle en déduit que c'est à juste titre que le dossier a été soumis au CRRMP.

Elle estime par ailleurs que l'avis du CRRMP d'Aquitaine ne repose sur aucun élément concret et présente des contradictions évidentes sur l'activité, les dates retenues et la pathologie concernée (l'assuré est droitier, or la pathologie concerne l'épaule gauche, moins sollicitée ; l'assuré n'était plus exposé aux risques depuis le 5 mai 2014 ; le comité mentionne une rupture partielle de la coiffe des rotateurs alors que l'IRM ne faisait état que d'un « aspect de fissure » ; les gestes pathogènes retenus par le comité ne sont pas réalisés de façon prolongée ; le comité mentionne un emploi dans la même entreprise depuis septembre 2014, alors qu'à cette date M. [K] était en arrêt depuis quatre mois). Elle ajoute que sur la base d'éléments identiques, le CRRMP de [Localité 7] avait émis un avis clair et motivé concluant à l'absence de lien entre la pathologie et l'activité professionnelle. Elle en déduit que l'avis du CRRMP d'Aquitaine n'a aucun fondement, de sorte que la juridiction, qui n'est pas tenue par cet avis, conviendra que le lien attendu n'est pas prouvé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

1.A titre liminaire, il est relevé que la formulation du dispositif des conclusions de la caisse est ambiguë, en ce qu'elle demande l'infirmation du jugement qui lui a pourtant donné raison et, tout à la fois, demande la confirmation de sa décision de refus de prise en charge. Cette ambiguïté se retrouve au début et à la fin de la partie « discussion » de ses conclusions, dans lesquelles elle « entend démontrer que c'est à juste titre que le TGI de La Roche sur Yon a, par jugement du 14 juin 2019, débouté Monsieur [K] de son recours » et dit que la cour « infirmera le jugement du TGI de La Roche sur Yon du 14 juin 2019 et confirmera le refus initial de la Caisse de refuser de prendre en charge la maladie... ». Au regard de la teneur des conclusions, qui soutiennent l'absence de lien entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle, cette ambiguïté s'apparente à une maladresse de rédaction qui ne laisse cependant aucun doute sur la position qu'entend adopter la caisse dans le présent litige, de sorte que la cour s'estime saisie d'une demande de confirmation du jugement qui a débouté M. [K] de son recours.

2.Sur le fondement de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il appartient à l'assuré, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, de rapporter la preuve que les conditions du tableau sont réunies.

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles, relatif aux affections périarticulaires de l'épaule provoquées par certains gestes et postures de travail, dans sa version en vigueur du 4 août 2012 au 8 mai 2017, désigne notamment comme maladie professionnelle la « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM) », en prévoyant :

- un délai de prise en charge de 6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois),

- une liste limitative de travaux susceptibles de provoquer ces maladies, à savoir les travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (les mouvements en abduction correspondant aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps) :

*avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

* ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

S'agissant en particulier de la condition tenant au délai de prise en charge, il est rappelé que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée suppose que la première constatation médicale de celle-ci intervienne pendant le délai de prise en charge fixé à chaque tableau, après la fin de l'exposition au risque.

Cette première constatation médicale concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, même si son identification n'est intervenue que postérieurement, et n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical accompagnant la déclaration de cette maladie.

À défaut de certificat médical établi à une date antérieure, la date de première constatation médicale de la maladie est celle qui figure dans le certificat médical joint à la déclaration de maladie professionnelle.

En l'espèce, M. [K] a cessé d'être exposé au risque à compter du 2 mai 2014, date à partir de laquelle il a été placé en arrêt de travail.

Il produit en cause d'appel un certificat établi le 14 avril 2016 par son médecin traitant le Dr [C], selon lequel il « développe une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche dont les premières manifestations sont apparues depuis mai 2014 ».

Ce document, qui n'est pas circonstancié, qui n'apporte aucune précision sur la nature de ces « premières manifestations » et sur les conditions dans lesquelles celles-ci ont été constatées, n'a pas de valeur probante. Cela d'autant moins qu'il entre en contradiction avec les autres éléments du dossier, tels que :

- l'avis du médecin conseil, qui retient la date du 26 janvier 2015, correspondant à la réalisation d'une radiographie, ainsi qu'il résulte du colloque médico-administratif du 15 juillet 2015 et du rapport du service du contrôle médical destiné au CRRMP, daté du même jour. Il ressort de ces documents que le médecin conseil, qui disposait de l'accès au dossier médical de M. [K], n'a manifestement pas eu connaissance d'actes médicaux relatifs à l'épaule gauche en mai 2014.

- la déclaration de maladie professionnelle, sur laquelle M. [K] a mentionné la date du 12 janvier 2015 comme « date de la première constatation médicale ou éventuellement de l'arrêt de travail », sans aucunement faire référence à une quelconque constatation médicale en 2014.

Surabondamment, la cour relève que M. [K] n'apporte pas la moindre explication quant à la production de ce certificat médical seulement en cause d'appel, alors que le document est daté de 2016.

A défaut d'établissement d'une date de première constatation médicale de la maladie antérieure au 2 novembre 2014, la cour retient qu'il n'y a pas de présomption de maladie professionnelle.

2.C'est donc à juste titre que la caisse avait saisi un CRRMP afin d'obtenir son avis.

Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie, la juridiction saisie ne peut se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie déclarée que si elle dispose de l'avis régulier d'un CRRMP désigné judiciairement, conformément aux dispositions de l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale alors en vigueur.

Elle ne saurait statuer sur le fondement de cet avis s'il est entaché de nullité.

En revanche, il est indifférent que le premier avis recueilli par la caisse soit nul, dès lors que l'avis rendu par le second comité, saisi par la juridiction, est régulier (2e Civ., 21 juin 2018, n°17-20.623, Publié).

En l'espèce, M. [K] réclame l'annulation de l'avis du CRRMP des Pays de Loire, en ne s'appuyant que sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis.

A cet égard, la cour relève que le CRRMP a motivé ainsi son avis défavorable :

« Compte tenu :

- de la pathologie présentée par l'intéressé, tendinopathie chronique non rompue de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche,

- de sa profession, chauffeur routier,

- de l'histoire évolutive de sa pathologie, de l'importance des symptômes et du degré de l'atteinte ne permettant pas de faire remonter cette pathologie à une date antérieure à la date de première constatation médicale,

- du dépassement du délai de prise en charge,

et après avoir entendu le représentant de l'ingénieur conseil chef du service de prévention de la CARSAT,

Le comité ne peut établir une relation directe entre la pathologie présentée par l'intéressé et son activité professionnelle ».

Cet avis qui ne contient pas d'éléments précis expliquant concrètement l'absence de lien direct entre la maladie déclarée et le travail habituel de M. [K], n'est pas suffisamment motivé, contrairement à ce que les premiers juges ont estimé dans la motivation de leur décision, et doit donc être annulé.

Mais dès lors que la régularité de l'avis du CRRMP d'Aquitaine, désigné par le tribunal, n'est pas elle-même contestée, l'annulation du premier avis, rendu par le CRRMP des Pays de Loire saisi par la caisse, est sans incidence.

3.En l'absence de présomption due à l'absence d'une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux, il appartient à M. [K] d'établir que la maladie déclarée a été directement causée par son travail habituel.

Ce principe n'implique pas que le travail habituel soit la cause unique ou essentielle de la maladie (2e civ., 19 décembre 2002, 00-13.097, Publié).

L'avis du CRRMP lie la CPAM dans sa prise de décision, mais ne lie en aucune manière la juridiction saisie. L'avis du comité régional constitue un élément du dossier dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur et la portée.

En l'espèce, et en premier lieu, l'existence d'un délai de prise en charge supérieur à celui de six mois requis par le tableau ne saurait exclure la reconnaissance d'une maladie professionnelle puisque c'est justement ce dépassement qui a justifié la saisine d'un CRRMP et qui justifie dans le cadre du présent litige qu'il soit attendu de M. [K] la preuve d'un lien de causalité entre son travail et sa pathologie.

Ensuite, la cour relève au vu des pièces produites que :

- M. [K] a exercé une activité de chauffeur livreur de meubles à partir de 1987, sans discontinuer ;

- s'il est droitier, son activité de chauffeur livreur l'a amené à solliciter ses deux épaules de manière significative à l'occasion des activités de conduite (environ 5 heures par jour), de chargement et déchargement de meubles lourds, de l'ordre de 10 à 150 kg (environ 5 heures par jour), et cela six jours par semaine ; et cela d'autant plus que le seul équipement d'aide à la manutention qui est signalé est un petit « diable » ;

- cette activité, qui résulte de la description faite par M. [K] lui-même dans son questionnaire, n'est aucunement contredite, l'employeur n'ayant pas renseigné son propre questionnaire et la caisse n'ayant pas procédé à une enquête sur place ; seul le médecin du travail y apporte une nuance, dans son avis du 19 mai 2015, en ne signalant à propos du risque d'exposition de M. [K] dans l'entreprise que la manutention lourde 5 heures par jour ;

- ce médecin du travail énonce que la tendinopathie de l'épaule gauche dont souffre M. [K] a une origine professionnelle « probable » ;

- le médecin traitant de M. [K], dans le certificat médical initial du 16 février 2015 concernant l'épaule gauche, estime que l'état de son patient est « directement et exclusivement consécutif à l'activité professionnelle » ;

- le médecin conseil évoque, dans l'historique de la maladie contenu dans le rapport à destination du CRRMP, une « douleur épaule gauche ayant nécessité des explorations complémentaires à compter de janvier 2015 » et admet ainsi une antériorité de la douleur par rapport au mois de janvier 2015. Il fonde son avis selon lequel le lien de causalité est « improbable » au seul motif que le délai de prise en charge est dépassé et qu'il n'y a pas d'autre DPCM [date de première constatation médicale] que celle retenue ;

- le colloque médico-administratif démontre que selon la caisse, seule faisait défaut la condition tenant au délai de prise en charge, mais non celle relative à la durée d'exposition ou à la liste des travaux ;

- M. [K] a souffert de la même maladie affectant l'épaule droite, et la caisse a accepté de prendre en charge au titre de la législation professionnelle cette maladie datée du 29 août 2014 ;

- la littérature produite par M. [K] (notamment l'impression d'une page web du site « Alsace Santé au travail ») évoque les douleurs aux épaules comme l'un des principaux risques encourus par les chauffeurs-livreurs-coursiers.

Ces éléments sont parfaitement cohérents avec l'avis motivé du CRRMP de [Localité 5] qui, après avoir repris les éléments du dossier dont il avait connaissance et avoir entendu l'ingénieur conseil, a considéré que « les gestes et postures décrits [démontraient] une hyper sollicitation des épaules avec port de charges (sollicitations répétitives des muscles des épaules, abductions sans soutien avec un angle égal ou supérieur à 60°) pouvant être directement à l'origine de la pathologie tendineuse déclarée de l'épaule gauche, nonobstant le dépassement du délai de prise en charge » et a considéré finalement que « les éléments de preuve d'un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle incriminée [étaient] réunis dans ce dossier ».

Les approximations et contradictions dénoncées par la caisse à propos de cet avis ne sont pour certaines pas caractérisées et en tout état de cause n'emportent aucune conséquence, dès lors notamment que la cour n'est pas tenue par cet avis. Ainsi, l'évocation d'un « aspect de fissure » apparaissant sur l'IRM s'insère dans l'historique du dossier et la remarque finale de la motivation, relative à une rupture partielle de la coiffe des rotateurs, n'exclut pas la pertinence globale de l'avis. L'évocation d'un emploi de M. [K] dans la même entreprise depuis septembre 2014 n'est que la reprise de la déclaration (erronée, manifestement) du salarié dans son questionnaire.

La cour retient en conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, que M. [K] rapporte la preuve d'un lien de causalité direct entre la pathologie affectant son épaule gauche et son travail habituel.

Il s'en déduit que la maladie déclarée est d'origine professionnelle et doit être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Il convient donc de renvoyer M. [K] devant la caisse pour la liquidation de ses droits. Le jugement est infirmée en ce sens.

4.La caisse, partie perdante, est condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement rendu le 14 juin 2019 par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l'avis du CRRMP des Pays de Loire,

Dit que la maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche » déclarée par M. [S] [O] [K] le 3 mars 2015 et objet du certificat médical du 16 février 2015 est d'origine professionnelle,

Renvoie M. [S] [O] [K] devant la CPAM de la Vendée pour la liquidation de ses droits,

Condamne la CPAM de la Vendée aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02359
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.02359 ?
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