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31/05/2022 | FRANCE | N°20/02172

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 31 mai 2022, 20/02172


ARRÊT N°321



N° RG 20/02172





N° Portalis DBV5-V-B7E-GCZ7















MACIF



C/



[I]

[K]

et autres (...)

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 31 MAI 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 septembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT







APPELANTE :



La MACIF

[Adresse 3]

[Adresse 3]



ayant pour avocat postulant Me Nicolas CHAN de la SELARL ELIGE DEUX-SEVRES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES









INTIMÉS :



Madame [U] [I]

née le 24 Novembre 1963 à [Localité 8] (59)

[Adresse 6]

[Localité 1]



S.A...

ARRÊT N°321

N° RG 20/02172

N° Portalis DBV5-V-B7E-GCZ7

MACIF

C/

[I]

[K]

et autres (...)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 31 MAI 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 septembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT

APPELANTE :

La MACIF

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ayant pour avocat postulant Me Nicolas CHAN de la SELARL ELIGE DEUX-SEVRES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

INTIMÉS :

Madame [U] [I]

née le 24 Novembre 1963 à [Localité 8] (59)

[Adresse 6]

[Localité 1]

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

[Adresse 4]

[Adresse 4]

ayant toutes deux pour avocat postulant Me Gaëlle KERJAN de la SCP SCP KERJAN-TILLEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

ayant toutes deux pour avocat plaidant Me Emily THELLYERE, avocat au barreau de LYON

Madame [R] [K]

née le 27 Mars 1967 à [Localité 9] (02)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Monsieur [T] [Z]

né le 03 Octobre 1972 à [Localité 7] (59)

[Adresse 2]

[Localité 1]

ayant tous deux pour avocat postulant Me Stéphanie MICHONNEAU CORNUAUD de la SCP PAQUEREAU-PALLARD-MICHONNEAU CORNUAUD, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

ayant tous deux pour avocat plaidant Me Aurélie GAQUIERE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

Le 9 juin 2015,M. [X] a incendié le local poubelle de l'immeuble dont il était locataire ,immeuble situé [Adresse 5].

L'incendie s'est ensuite propagé à l'immeuble appartenant aux consorts [K]-[Z] , puis à un immeuble voisin, propriété de Mme [I].

Les deux immeubles étaient assurés par la compagnie Assurances du Crédit Mutuel Iard (ACM).

M. [X] a été condamné le 10 septembre 2015 par le tribunal correctionnel de Laon pour destruction volontaire du bien d'autrui par un moyen dangereux à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis.

Il était assuré auprès de la société Macif.

La société ACM a versé une indemnité de 155.781,78 euros aux consorts [K]-[Z].

Par actes du 21 décembre 2018, la société ACM a exercé un recours subrogatoire contre la société Macif .

Mme [I] a demandé la condamnation de la société Macif à lui payer le préjudice non indemnisé par son assureur.

Les consorts [K]-[Z] sont volontairement intervenus à l'instance, ont demandé réparation du préjudice non indemnisé par leur assureur, préjudice qu'ils évaluaient à la somme de 184 126,18 euros.

La société Macif a conclu au rejet des demandes au motif que sa garantie serait exclue , évoqué une faute intentionnelle de l'assuré.

Par jugement du 7 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Niort a statué comme suit :

'

- DIT que la MACIF est tenue à garantir les dommages causés par M. [X] du fait de l'incendie qu'il a allumé le 9 juin 2015,

-CONDAMNE la MACIF à payer à Mme [U] [I] la somme de 11.797,49 €,

-CONDAMNE la MACIF à payer à M. [T] [Z] et Mme [R] [K] la somme de 184.126,18 €,

-CONDAMNE la MACIF à payer à la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD la somme de 204.845,39 €,

-DIT que ces sommes porteront intérêts à taux légal à compter de la présente décision,

-DIT que les intérêts dus à Mme [U] [I] et à la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD pour plus d'une année se capitaliseront,

-CONDAMNE la MACIF à payer à Mme [U] [I] et la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-CONDAMNE la MACIF à payer à M. [T] [Z] et Mme [R] [K] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-CONDAMNE la MACIF aux entiers dépens.

Le premier juge a notamment retenu que :

La société Macif ne prouve pas que les conditions particulières contenant la clause d'exclusion invoquée et qui n'étaient pas signées étaient connues et acceptées de M. [X].

Seul le dommage effectivement voulu par l'auteur est écarté de la garantie.

La société Macif ne conteste pas les montants qui lui sont réclamés.

Les consorts [Z]-[K] font valoir qu'ils ont perçu la somme de 155 782,09 euros , que le dommage a été contradictoirement évalué à 339 908,27 euros, sollicitent la différence, soit 184 126, 18 euros.

Le Crédit Mutuel a versé à ses assurés la somme de 204 845,39 euros.

Les intérêts commenceront à courir à compter de la décision qui est constitutive de droit.

LA COUR

Vu l'appel en date du 9 octobre 2020 interjeté par la société Macif

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 3 mai 2021, la société Macif a présenté les demandes suivantes :

Vu l'article L.113-1 du Code des Assurances,

Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation,

Vu les pièces du dossier selon bordereau ci-joint,

-Infirmer le Jugement rendu le 7 septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de NIORT en ce qu'il a:

-dit que la MACIF est tenue à garantir les dommages causés par M. [X] du fait de l'incendie qu'il a allumé le 9 juin 2015,

-condamné la MACIF à payer à Mme [U] [I] la somme de 11.797,49 €,

-condamné la MACIF à payer à M. [T] [Z] et Mme [R] [K] la somme de 184.126,18 €,

-condamné la MACIF à payer à la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARDla somme de 204.845,39 €,

-dit que ces sommes porteront intérêts à taux légal à compter de la présente décision,

-dit que les intérêts dus à Mme [U] [I] et à la SA ASSURANCES DUCREDIT MUTUEL IARD pour plus d'une année se capitaliseront,

-condamné la MACIF à payer à Mme [U] [I] et la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-condamné la MACIF à payer à M. [T] [Z] et Mme [R] [K] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-condamné la MACIF aux entiers dépens.

Dire et juger que Monsieur [X] a commis une faute dolosive au sens de l'article L 113-1alinéa 2 du Code des Assurances,

Dire et juger que la MACIF est bien fondée à se prévaloir de l'exclusion de sa garantie,

Dire et juger que Monsieur [T] [Z] et Mme [R] [K] ont déjà été intégralement indemnisés des préjudices subis,

Dire et juger que Monsieur [T] [Z] et Mme [R] [K] ne peuvent être indemnisés au-delà du préjudice réellement subi,

-Débouter Mme [U] [I], la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD,

Monsieur [T] [Z] et Mme [R] [K] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

-Condamner solidairement la compagnie ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, Madame [I] [U], Madame [K] [R] et Monsieur [Z] [T] à verser à la MACIF la somme de 3.000 € sur fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, la Macif soutient notamment que :

-L'article L.113-1 alinéa 2 du code des assurances prévoit que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

La faute dolosive est une faute volontaire ayant rendu objectivement le dommage inéluctable et ayant fait perdre à l'opération son caractère aléatoire.

-En incendiant une poubelle à proximité d'habitations, l'assuré ne pouvait ignorer le risque de propagation.

-Il n'est pas nécessaire que l' assuré ait recherché les conséquences dommageables qui ont résulté de son acte. M. [X] ne pouvait ignorer que le feu allait se propager.

-Le tribunal a confondu faute intentionnelle et dolosive.

-La faute dolosive n'implique pas la recherche du dommage tel qu'il s'est produit à la différence de la faute intentionnelle.

-L'expertise psychiatrique démontre que la pathologie de M. [X] n'a pas joué un rôle direct dans l' accomplissement de l'incendie.

Il a mis le feu dans un local poubelle pour se venger.

-Les consorts [Z]-[K] ont été indemnisés à hauteur de 155 782 ,09 euros.

Ils n'ont jamais reconstruit, ont vendu leur terrain, n'ont droit qu'à la valeur de remplacement de l'immeuble. La valeur vénale de l'immeuble était de 150000 euros.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 4 février 2022, les consorts [K]-[Z] ont présenté les demandes suivantes :

Vu l'article 1240 du Code civil

A TITRE PRINCIPAL,

-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

-Dire et juger que Monsieur [X] assuré par la MACIF est responsable des dommages causés au bâtiment appartenant aux consorts [Z]-[K]

-Ecarter toutes les exceptions et contestations de la MACIF et la débouter de toute demande.

-Confirmer la condamnation de la MACIF à payer la somme de 184.126,18 € à Monsieur [T] [Z] et Madame [R] [K].

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si la Cour devait limiter le droit à indemnisation des consorts [Z] [K] au motif que leur bien a été vendu en l'état en mars 2018,

-Dire et juger qu'en refusant d'indemniser les consorts [Z] [K] de la perte de leur immeuble, la MACIF a commis une faute,

-Dire et juger que cette faute a causé une perte de chance pour les consorts [Z] [K] de reconstruire et de ne pas vendre l'immeuble pour 1 € symbolique,

-Fixer cette perte de chance à la somme de 184.126,18 €,

-Condamner la MACIF à payer la somme de 184.126,18 € à Monsieur [T] [Z] et Madame [R] [K].

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE,

Si la Cour jugeait que la MACIF n'a commis aucune faute dans le cadre de l'indemnisation due aux consorts [Z] [K],

-Dire et juger que le préjudice subi par les consorts [Z] [K] du fait de la destruction de leur immeuble les ayant obligés à vendre l'immeuble pour 1€ symbolique s'élève à la somme minimale de 103.748,10€, au-delà de l'indemnisation reçue de son assureur ACM IARD.

-Condamner la MACIF à payer la somme de 103.748,10 € à Monsieur [T] [Z] et Madame [R] [K].

EN TOUT ETAT DE CAUSE

-CONDAMNER la MACIF à payer à Monsieur [T] [Z] et Madame [R] [K] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [Z]-[K] soutiennent notamment que :

-La clause d'exclusion est inapplicable faute de caractériser la conscience que l'assuré avait du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son geste.

-Ils avaient acquis l' immeuble le 26 mai 2008 pour un prix de 150 000 euros

-La société ACM a appliqué une réduction proportionnelle car seuls 200 sur 307 m2 avaient été déclarés.

-L' indemnité qui leur a été versée a servi à rembourser l'emprunt immobilier.

-Du fait des multiples arrêtés de péril, ils n'ont perçu au final qu'une provision de 22 500 euros.

-L' absence de réparation a provoqué des infiltrations dans l'immeuble voisin, créé un risque d'effondrement du reste de la toiture.

-Ils ont été contraints de vendre leur terrain pour un prix d'un euro à la commune le 12 mars 2018.

-Ils n'ont pas été intégralement indemnisés de leur préjudice.

-Le montant de l'indemnité totale s'élevait à 339 908,27euros.

-Ils demandent la différence, ont perçu 155 782,09 euros.

-La reconstruction était techniquement possible. Ils ont été contraints de vendre.

-La société Macif a commis une faute en différant leur indemnisation.

-Ils ont au minimum perdu une chance de reconstruire et de ne pas vendre leur terrain un euro.

-Ils évaluent leur perte de chance à la somme de 184 126,18 euros.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 15 février 2021, Mme [I] et la société ACM ont présenté les demandes suivantes :

Vu l'article L.113-1 du Code des assurances,

Vu les pièces,

-CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la MACIF est tenue à garantir les dommages causés par Monsieur [X] du fait de l'incendie du 9 juin 2015 ;

-CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la MACIF à payer à Madame [U] [I] la somme de 11 797,49 € et aux ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL la somme de 204 845,39 € ;

-CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la MACIF à payer à Madame [U] [I] et aux ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL la somme de 3 000 € ;

-INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les intérêts au taux légal seraient décomptés à compter du jugement ;

Y ajoutant,

-STATUER ce que de droit sur les demandes présentées par Monsieur [T] [Z] et Madame [R] [K] ;

-CONDAMNER la MACIF à payer à Madame [U] [I] et aux ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL les intérêts moratoires au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 21 décembre 2018 ;

-ORDONNER la capitalisation des intérêts par année entière ;

-CONDAMNER la MACIF à payer aux ASSURANCES CREDIT MUTUEL et à Madame [U] [I] la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, s'ajoutant aux condamnations prononcées en première instance ;

-CONDAMNER la MACIF aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société ACM soutient notamment que :

-M. [X] n' a jamais souhaité mettre le feu à l'immeuble. Il voulait incommoder un autre locataire qui lui devait 10 euros.

-La juridiction pénale a tenu compte de son absence de volonté de détruire l'immeuble.

-Il n'est pas démontré qu'il ait voulu incendier autre chose que les poubelles.

Il y a eu communication accidentelle de l'incendie.

-La société ACM est subrogée dans les droits de ses assurés.

-Les intérêts doivent courir à compter de l'assignation et non à compter du jugement.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 février 2022.

SUR CE

-sur la faute dolosive

L'article L. 113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'Assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l' assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

La faute dolosive est celle qui fausse l'élément aléatoire attaché à la couverture du risque quand bien même l'assuré n'aurait pas recherché les conséquences dommageables de son action ou de son omission.

Elle a pour condition que l'assuré n'ait pas pu ignorer le caractère inéluctable des conséquences de son action, qu'il l'ait su de manière certaine.

Il appartient donc à la compagnie Macif de démontrer que les moyens employés par M. [X] témoignaient d'une volonté de provoquer l'incendie de l'immeuble, voire des immeubles, que leur destruction était certaine, ne pouvait être ignorée de l'incendiaire.

M. [X] a été entendu par les services enquêteurs et a fait l'objet d'une expertise psychiatrique, auditions de nature à éclairer la cour sur ses intentions à la date des faits.

Aux gendarmes qui l'ont auditionné le 9 juillet 2015, il a indiqué avoir mis le feu à la poubelle pour se venger d'une femme qui travaille à l'accueil dans le hall car elle rouspétait tout le temps après lui.

Il expliquait avoir allumé un bout de papier qui se trouvait dans une des deux poubelles, avoir laissé le couvercle ouvert pour activer le feu.

Il ajoutait : 'Je ne savais pas que cela allait cramer tant que ça.(...) Je voulais me suicider et j'ai voulu me venger également' .

A l'expert psychiatre, M. [X] a indiqué :

'J'ai fait une grosse bêtise alors j'y ai été de moi-même.

J'ai cramé une baraque une maison avant c'était un garage.

C'était pour me venger d'un ami qui me devait dix euros.

Le premier truc c'était de me suicider et ça a pas marché.

Ça cramait de tous les côtés alors je me suis barré.'

L'expert précise que M. [X] ne parle pas spontanément de l'épisode de la poubelle, qu'il indique ensuite : c'est pour me venger d'une femme que je déteste.

Les propos sont décousus. Les explications de M. [X] visent des incendies différents.

Il est impossible de savoir exactement s'il parle de l'incendie du local poubelle ou d'un autre incendie.

L'expert indique que la première hospitalisation en psychiatrie de M. [X] est intervenue à l'âge de 25 ans, qu'il perçoit l'allocation pour adulte handicapé , qu'il est sous curatelle depuis 2006, qu'il avait été récemment hospitalisé, bénéficiait d'un traitement neuroleptique retard, avait fait de nombreux épisodes dépressifs, des tentatives de suicide.

Le médecin indique qu'il est schizophréne.

Il conclut que l'importance de la pathologie psychotique et la composante dépressive qui en découle caractérise un trouble ayant altéré son discernement.

Aux éléments de personnalité qui relient les faits de dégradation par incendie à la dépression et à la pathologie psychiatrique sans que les propos tenus expriment jamais ni la volonté de détruire un immeuble, ni la conscience du risque de communication lors de la mise à feu s'ajoutent des éléments de police scientifique et technique.

Il résulte de l'enquête que M. [X] n'a pas utilisé d'accélérant pour mettre le feu, qu'il s'est servi d'un papier essuie-tout ramassé dans une poubelle.

Le fait de laisser le couvercle ouvert pour activer le feu ne démontre pas qu'il ait eu pour volonté de propager l'incendie au local de poubelle , à l'immeuble, à l'immeuble voisin.

Il a reconnu avoir mis le feu à une ' poubelle ', feu qui s'est ensuite communiqué.

Il ne résulte pas des moyens employés qu'il eût su de manière certaine que le feu allait se communiquer à l'immeuble, ni à l'immeuble voisin.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que l'assureur devait sa garantie, la faute dolosive n'étant pas établie.

-sur le préjudice des consorts [Z]-[K]

a) sur l'indemnité contractuelle

Les consorts [Z]-[K] demandent la confirmation du jugement qui a condamné la société Macif à leur payer la somme de 184 126,18 euros.

En appel, la société Macif conteste la condamnation prononcée en première instance, estime que le quantum de l'indemnité ne saurait excéder la somme de 155 782,09 euros.

Elle fait valoir que les consorts [Z]-[K] ont renoncé à faire reconstruire l'immeuble, que l'indemnité ne saurait excéder la valeur vénale de leur bien, soit la somme de 150 000 euros (prix d'acquisition), qu'ils ont perçu 155 782,09 euros .

L' article 12 des Conditions Générales du contrat souscrit par les consorts [Z]-[K] auprès de la compagnie ACM prévoit ' que le bâtiment est estimé d'après sa valeur au prix de reconstruction au jour du sinistre ( honoraires d'architecte compris) déduction faite, corps de métier par corps de métier) de la vétusté.

Si le bâtiment est reconstruit dans les deux années qui suivent le sinistre sur son emplacement initial, il est versé une deuxième indemnité égale au montant de la vétusté dans la limite de 25 % de la valeur de reconstruction à neuf.'

Il résulte des pièces et des écritures que les consorts [Z]-[K] n'ont pas fait reconstruire l'immeuble dans les deux années qui ont suivi le sinistre, soit avant le 9 juin 2017.

De ce fait, leur droit est limité à l' indemnité correspondant à la valeur de reconstruction de l'immeuble au jour du sinistre, vétusté déduite, indemnité évaluée à 155 782,09 euros. Cette indemnité a été versée par leur assureur.

b) sur la faute de la société Macif

Les consorts [Z]-[K] soutiennent avoir été contraints de vendre leur terrain et de renoncer à la reconstruction, évoquent une faute de la société Macif qui aurait refusé de leur verser le complément d'indemnité qui était nécessaire pour reconstruire.

Ils produisent un courrier émanant du maire leur notifiant le 12 juin 2015 un arrêté de péril ordinaire.

Le 20 janvier 2016, le maire indiquait : l'immeuble représente toujours un danger pour la sécurité publique: la charpente de la toiture menace de s'effondrer à tout moment et la structure du bâtiment a été fragilisée par l'incendie.

Le 15 juin 2016, le maire leur demandait de décrire les travaux qu'ils envisageaient de réaliser.

Il ressort des pièces produites les éléments suivants:

Le crédit mutuel, créancier hypothécaire s'est vu attribuer l'essentiel de l'indemnité immédiate de 155 782,09 euros , soit la somme de 121 540,06 euros le 1er juin 2016.

L'indemnité immédiate a également été amputée des honoraires d'expertise de 11 742,03 euros.

L'indemnité versée a été réduite du fait d'une sous-déclaration de la surface habitable (200 m2 au lieu des 307 m2 surface développée, ce qui a entraîné l'application d'une règle proportionnelle de primes.

Les consorts [Z]-[K] ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice.

Il résulte des conditions générales produites que la compagnie Macif 'garantit ( article 29 responsabilité civile vie privée) les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous-même pouvez encourir à l'égard des tiers pour les dommages qu'ils ont subis, soit de votre propre fait, soit .... '

La compagnie Macif ne conteste pas le chiffrage du coût de la reconstruction de l'immeuble, soit la somme de 339 908,27 euros.

Elle soutient à tort que le préjudice des consorts [Z]-[K] est limité à la valeur vénale de l'immeuble dans la mesure où elle ne peut se prévaloir des dispositions qui régissent le contrat d'assurance souscrit auprès de la société ACM .

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Macif à verser aux consorts [Z]-[K] la somme de 184 126,18 euros ( 339 908,27 - 155 782,09).

-sur les autres demandes

Mme [I] et la société ACM estiment que les intérêts assortissant les sommes qui leur ont été allouées doivent courir à compter du 21 décembre 2018, date de l'assignation.

L'article 1231-7 du code civil dispose: sauf disposition contraire de la loi, les intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

La faculté de report à une date antérieure est donc discrétionnaire.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les intérêts courraient à compter du jugement.

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société Macif.

Il est équitable de laisser à la charge de la société ACM les frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-confirme le jugement entrepris

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne la société Macif aux dépens d'appel

-condamne la société Macif à payer aux consorts [Z]-[K] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02172
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.02172 ?
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