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17/05/2022 | FRANCE | N°20/01972

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 17 mai 2022, 20/01972


ARRET N°282



N° RG 20/01972 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GCMG













S.A.R.L. ART E SOL

S.A. AXA FRANCE IARD



C/



S.A. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

S.A.R.L. MG + ARCHITECTES

S.C.I. DE L'AUTO



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 17 MAI 2022





Numéro d'inscription

au répertoire général : N° RG 20/01972 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GCMG



Décisions déférées à la Cour : jugement du 22 novembre 2019 et jugement du 04 septembre 2020 rendus par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.





APPELANTES :



S.A.R.L. ART E SOL

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ARRET N°282

N° RG 20/01972 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GCMG

S.A.R.L. ART E SOL

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

S.A.R.L. MG + ARCHITECTES

S.C.I. DE L'AUTO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 17 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01972 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GCMG

Décisions déférées à la Cour : jugement du 22 novembre 2019 et jugement du 04 septembre 2020 rendus par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.

APPELANTES :

S.A.R.L. ART E SOL

3 Rue Jean Mermoz

17200 SAINT SULPICE DE ROYAN

S.A. AXA FRANCE IARD ès-qualité d'assureur de la Société ART ET SOL

163 Avenue du Haut L'Evèque

33600 PESSAC

ayant toutes les deux pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Jérôme GARDACH, avocat au barreau de La Rochelle-Rochefort, substitué par Me Amélie GUILLOT, avocat au barreau de Poitiers

INTIMEES :

S.A. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

189 Bd Malesherbes

75856 PARIS

S.A.R.L. MG + ARCHITECTES

9 A RUE DE COURBIAC

17100 SAINTES

ayant toutes les deux pour avocat Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-VEYRIER- LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS

S.C.I. DE L'AUTO

La Prévoterie

16590 BRIE

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Philippe-Henri LAFONT, avocat au barreau de SAINTES, substitué par Me Aurélie FORBIN, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller qui a présenté son rapport

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

La SCI de l'Auto (SCI) a fait construire un bâtiment à Saintes d'une surface de 1494 m2.

Elle avait confié la maîtrise d'oeuvre des travaux au cabinet MG+ Architectes (MG+) par contrat du 19 septembre 2011, assuré auprès de la MAF.

Le lot 10 : revêtement sols et faïence était attribué à la société Art E Sol pour un prix de 18 846,60 euros TTC.

Il a été réceptionné le 13 septembre 2012 sans réserves.

Le 9 novembre 2012, la SCI de l'Auto a donné l'immeuble à bail commercial.

Par constat du 18 novembre 2014 établi à la demande du preneur, l'huissier de justice relevait :

-au rez de chaussée, la fissuration générale du sol en béton,

-à l'étage, dans la salle de réunion, deux rangs de carrelage soulevés, deux carreaux décollés, un son creux, un défaut de planéité, l'effritement des joints.

Par ordonnance du 22 septembre 2015, la SCI obtenait du juge des référés la désignation d'un expert.

Les opérations ont été étendues par ordonnance du 7 juin 2016 à la société Axa, assureur du carreleur.

M. [E] a déposé son rapport le 6 février 2017.

Par actes des 12,19, 30 mai 2017, la SCI et le preneur ont assigné devant le tribunal de grande instance de Saintes le carreleur, l'architecte leurs assureurs aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Ils fondaient leurs demandes sur la garantie décennale , à titre subsidiaire, sur la responsabilité contractuelle.

Par ordonnance du 11 avril 2018, le juge de la mise en état a condamné solidairement les sociétés Art E Sol et Axa d'une part, MG + et MAF d'autre part à payer à la SCI chacune la somme provisionnelle de 8148,60 euros à valoir sur les travaux de reprise du 1er étage.

Par conclusions du 19 février 2019, la SCI a réitéré ses demandes d'indemnisation.

Les sociétés MG+ et MAF ont conclu à l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre en l'absence de saisine préalable du conseil de l'ordre régional des architectes, à titre subsidiaire, au débouté.

Les sociétés Art E Sol et Axa ont conclu au débouté, subsidiairement, ont demandé au tribunal de limiter leur condamnation au paiement de la moitié des sommes allouées pour la remise en état du carrelage du 1er étage et à 5% de tous les frais, accessoires et dépens qui seraient alloués aux demandeurs.

Par jugement du 22 novembre 2019, le tribunal judiciaire de Saintes a statué comme suit :

-Dit que les travaux de carrelage réalisés à l'étage de l'immeuble propriété de la SCI de l'AUTO situé à SAINTES 1 rue de la Côte de beauté sont affectés de désordres qui résultent d'une faute du carreleur la société ART E SOLS,

- Donne acte à la SARL ART E SOLS de son accord pour régler à la SCI DE L'AUTO la somme de 14 574,48 € TTC destinée à la réparation des désordres du carrelage au 1 er étage,

-L'y condamne en tant que de besoin in solidum avec son assureur AXA France IARD après déduction de la somme versée le cas échéant à ladite SCI au titre de la provision accordée par le juge de la mise en état,

-Dit que les travaux de carrelage du rez de chaussée du même immeuble sont affectés de désordres qui relèvent de la garantie décennale,

-Déclare la SARL AUBIN BATIMENTS TRAVAUX PUBLICS tenue à la réparation desdits désordres,

-Condamne en conséquence in solidum la SARL AUBIN BATIMENTS TRAVAUX PUBLICS et son assureur la SMABTP à payer à la SCI de L'AUTO la somme de 238 343,89 €,

-Condamne la mutuelle de POITIERS ASSURANCES à relever indemne la SARL AUBIN BATIMENTS TRAVAUX PUBLICS à hauteur de 36 460 €,

-Met hors de cause la société MG PLUS ARCHITECTE, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS et la société BRUNET,

-Déboute les parties de leurs autres demandes,

-Condamne in solidum la SARL ART E SOLS, la SARL AUBIN BATIMENTS PUBLICS, et la MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES à payer à la SCI de L'AUTO la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant précisés qu'un quart de cette somme ne devra être supporté in fine par la SARL ART E SOLS,

-Condamne les mêmes aux dépens de l'instance lesquels comprendront les frais d'expertise avec la même répartition que ci-dessus entre les défenderesses.

Le premier juge a notamment retenu que :

Les désordres du rez de chaussée sont des désordres futurs relevant de la garantie décennale.

Les désordres du carrelage à l'étage ne sont pas de gravité décennale.

Ils incombent selon l'expert au carreleur et à l'architecte qui aurait dû se rendre compte de la mauvaise exécution.

Les responsabilités sont recherchées sur le fondement contractuel.

Le carreleur ne conteste pas la faute, demande que le coût des travaux de reprise soit limité à la somme de 14. 574,48 euros.

L'expert a validé ce chiffrage.

Cette somme sera mise à la charge de la société Art E Sol et de son assureur qui accepte de faire jouer sa garantie.

L'irrecevabilité soulevée par l'architecte est fondée dès lors que la clause relative à l'obligation préalable de saisir avant tout litige l'ordre des architectes n'a pas été appliquée.

Par jugement du 4 septembre 2020, le tribunal a débouté les sociétés Art E Sol et Axa de leur requête en omission de statuer.

Elles soutenaient que le tribunal n'avait pas statué sur le recours en garantie qu'elles avaient dirigé contre l'architecte et son assureur.

Le premier juge a retenu qu'il ne statuait que sur les prétentions énoncées au dispositif, que la demande n'avait pas été expressément formulée.

LA COUR

Vu l'appel en date du 29 septembre 2020 interjeté par les sociétés Art E Sol et Axa

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 11 février 2022, les sociétés Art E Sol et Axa ont présenté les demandes suivantes :

Vu l'article 1792 du Code Civil,

JUGER recevables et bien fondés les deux appels interjetés à l'encontre des jugements des 22 novembre 2019 et 4 septembre 2020 ;

REFORMER la décision du 22 novembre 2019, ce qu'il a :

- condamné la SARL ART E SOL, en tant que de besoin in solidum avec son assureur AXA FRANCE IARD après déduction de la somme versée le cas échéant à la SCI DE L'AUTO au titre de la provision accordée par le Juge de la Mise en Etat,

- débouté la Compagnie AXA FRANCE IARD de ses autres demandes, notamment celle tendant à voir limiter sa condamnation et celle d'ART E SOL au paiement de la moitié de toutes sommes allouées pour la remise en état du carrelage du premier étage et à 5 % de tous les frais, sommes accessoires et dépens qui seraient alloués aux demandeurs.

Soit en ce qu'elle n'a pas limité à 50% la condamnation de la SARL ART E SOL, avec la garantie son assureur AXA FRANCE IARD, dans la réparation des désordres du carrelage du 1 er étage, au motif que l'action de la SCI DE L'AUTO aurait été irrecevable ;

Statuant à nouveau

-CONDAMNER la SARL ART E SOL et son assureur AXA FRANCE IARD à régler à la SCI DE L'AUTO la somme de 7 287,24 € TTC correspondant à 50% du coût de la réparation des désordres du carrelage du 1 er étage, tel que retenu et évalué par l'Expert judiciaire.

-REFORMER le jugement du 4 septembre 2020 en ce qu'il a considéré que la décision précédente du 22 novembre 2019 ne comportait aucune omission de statuer, alors que le Tribunal n'avait pas tenu compte de la demande formulée par la société ART E SOL et son assureur AXA FRANCE IARD, de voir limiter à 50% le montant des condamnations ;

Pour le surplus du jugement du 22 novembre 2019,

-CONFIRMER la décision entreprise puisque la déclaration d'appel ne portait que sur ce seul chef de condamnation ;

-RAPPELER en tant que de besoin que le Tribunal a, dans son jugement du 22 novembre 2019, indiqué que les sommes versées au titre de la provision accordée par le Juge de la mise en état, devaient venir en déduction des condamnations prononcées ;

En tout état de cause,

-DEBOUTER la société SCI DE L'AUTO de son appel incident et de toutes demandes, fins ou conclusions ;

-DEBOUTER toute partie de toute demande contraire aux présentes conclusions ;

-CONDAMNER la société SCI DE L'AUTO à payer à la société ART E SOL et à AXA FRANCE IARD une indemnité de 2 500 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

-LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les sociétés Art E Sol et Axa soutiennent notamment que :

-Les demandes formées contre l'architecte sont recevables.

-Il suffit que l'action exercée soit fondée sur l'article 1792 du code civil pour rendre la clause de saisine préalable du conseil de l'ordre inapplicable. La recevabilité s'apprécie au jour de l'introduction de la demande.

-Les désordres du carrelage portent atteinte à la destination.

-La destination est fonction de l'utilisation projetée. Il y a atteinte à la sécurité si le décollement entraîne des désaffleurements.

-Les fautes de l'architecte selon l' expert sont grossières.

-La responsabilité entre le carreleur et l'architecte doit être partagée.

-Le tribunal a omis de statuer sur le recours formé à l'encontre de l'architecte.

-Rien n'interdisait au tribunal de limiter la responsabilité du carreleur.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 1 octobre 2021, la SCI de l'Auto a présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 1792 et suivants et 1217, 1231-1 du code civil,

Vu les pièces versées au débat et notamment le rapport d'expertise judiciaire,

Vu la jurisprudence visée,

-CONFIRMER le jugement du 22 novembre 2019 du Tribunal de Grande Instance de SAINTES en ce qu'il a dit que les travaux de carrelage réalisés à l'étage de l'immeuble propriété de la SCI DE L'AUTO sont affectés de désordres qui résultent d'une faute du carreleur la société ART E SOLS, et en ce qu'il a condamné in solidum la société ART E SOLS, à payer in solidum avec les autres défendeurs, la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné la société ART E SOLS in solidum avec les autres défendeurs aux dépens dont les frais d'expertise,

- INFIRMER le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau,

- DIRE ET JUGER l'action de la SCI de l'AUTO recevable et bien fondée,

-DIRE ET JUGER que la responsabilité de la SARL ART E SOL est engagée principalement en application de l'article 1792 et suivants, pour les dommages du premier étage de nature décennale, et subsidiairement, en application des articles 1217 et 1231-1 du code civil,

- DIRE ET JUGER que la responsabilité de la SARL MG + ARCHITECTES est engagée principalement en application de l'article 1792 et suivants, pour les dommages du premier étage, et subsidiairement, en application des articles 1217 et 1231-1 du code civil, pour manquement à son obligation de conseil et d'information et défaut d'exécution de sa mission de direction d'exécution des travaux,

-CONDAMNER in solidum la SARL ART E SOL et AXA et le cabinet MG + ARCHITECTES et LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à payer à la SCI DE L'AUTO la somme de 16 297.20 euros TTC au titre des travaux de reprise des dommages au premier étage au, soit le montant équivalent à la provision mise à leur charge par l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 11 avril 2018, de la manière suivante :

o CONDAMNER in solidum la SARL MG+ ARCHITECTURE et la MAF à payer à la SCI DE L'AUTO la somme de 8148.60 euros TTC,

o CONDAMNER in solidum la société ARTE SOLS et la société AXA France IARD à payer à la SCI DE L'AUTO la somme de 8148.60 euros TTC.

- ORDONNER que les frais d'exécution et de recouvrement forcés de l'ordonnance du juge de la mise en état du 11 avril 2018 resteront à la charge de la société MG +ARCHITECTES et de son assureur la MUTUELLE DES ARCHITECTES DE France,

-DEBOUTER les société ART E SOLS et son assureur AXA France IARD, MG + ARCHITECTURES et son assureur la MUTUELLE DES ARCHITECTES DE France de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société SCI de l'AUTO,

- CONDAMNER in solidum la société ART E SOLS et son assureur la société AXA France IARD à payer à la SCI DE L'AUTO la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER in solidum la société MH + ARCHITECTES et son assureur la MUTUELLE DES ARCHITECTES DE France à payer à la SCI DE L'AUTO la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- METTRE à la charge de tout autre que la SCI DE L'AUTO les dépens d'appel

A l'appui de ses prétentions, la SCI soutient notamment que :

-L'appel est limité aux désordres du premier étage qui comprend une salle de réunion, des bureaux.

-L'action dirigée contre l'architecte est recevable.

La clause de saisine préalable de l'ordre ne s'applique pas lorsque la responsabilité est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

-Les désordres sont apparus dès l' entrée dans les lieux du preneur , n'ont cessé de s'aggraver.

-En l'absence de joint périphérique, les carreaux se soulèvent, révèlent un simple encollage.

Le revêtement est à reprendre entièrement, l'exécution est défectueuse.

L'expert dit que les désordres sont évolutifs, ne sont pas décennaux.

-La dégradation va s'accentuer et poser des difficultés pour l'utilisation commerciale du bâtiment.

-La salle de réunion est inexploitable.

-L'absence de joint est évidente, pouvait être constatée après réalisation.

-La responsabilité est partagée entre le carreleur et l' architecte selon l'expert.

-L'architecte avait une mission complète de direction, exécution des travaux, assistance à réception.

-Subsidiairement, sa responsabilité contractuelle est engagée.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 9 février 2022, les sociétés MG+ et MAF ont présenté les demandes suivantes:

Vu les pièces produites aux débats selon bordereau

-Confirmer les jugements entrepris en date des 22 novembre 2019 et 4 septembre 2020 en ce que la société MG+ ARCHITECTURES et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ont été mises hors de cause et en ce que le jugement du 22 novembre 2019 ne comportait aucune omission de statuer.

Par suite,

-Confirmer le jugement en ce que les demandes présentées par la SCI DE L'AUTO à l'encontre de la Société MG+ ARCHITECTES et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ont été déclarées irrecevables en l'absence de saisine du Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte,

-Confirmer le jugement du 4 septembre 2020 en ce qu'il a été constaté qu'aucune demande n'était formulée par la Société ARTE SOLS à l'encontre de la SARL MG+ ARCHITECTURES et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS par les sociétés ART E SOL et la SA AXA France IARD

-A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit aux demandes précitées,

Dire et juger que les désordres constatés au premier étage n'ont aucun rapport avec les désordres constatés en rez-de-chaussée.

-Débouter la SCI DE L'AUTO de l'intégralité des demandes présentées à l'encontre de la société MG+ ARCHITECTURES et de la MAF.

Dire et juger que les désordres constatés au premier étage ne sont ni futurs, ni évolutifs.

Dire et juger que la responsabilité contractuelle de l'architecte s'agissant des désordres constatés au premier étage n'est pas susceptible d'être engagée.

A titre très subsidiaire,

-Limiter le montant des travaux de reprise concernant la salle de réunion du premier étage à la somme de 14.574,48 € TTC telle que fixée par l'expert judiciaire.

-Rejeter tout autre chiffrage.

Dire et juger que de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à l'encontre de l'Architecte et de son assureur, devra être déduite la provision d'ores et déjà versée

Juger que dans l'hypothèse où la responsabilité de la société MG+ ARCHITECTURES serait retenue, elle ne pourra être condamnée au-delà de 15% du montant des travaux de reprise

-Débouter les demanderesses de leur réclamation concernant les préjudices immatériels

-Débouter les autres parties de toutes leurs autres demandes relatives à l'article 700 et aux dépens

-Dire et juger qu'en application du contrat d'architecte, aucune condamnation in solidum ne peut être présentée à l'encontre de la Société MG+ ARCHITECTURES et de la MAF

Par conséquent,

-Débouter la SCI DE L'AUTO de ses demandes de condamnation solidaire ou in solidum

-Prendre acte des cadres et limites du contrat d'assurance de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, et notamment sa franchise

-Rejeter toutes condamnations in solidum présentées à leur encontre

A titre subsidiaire, condamner la société ART E SOL et son assureur AXA FRANCE IARD à garantir et à relever indemnes la Société MG+ ARCHITECTURES et la MAF de toute condamnation en principal frais et accessoires prononcée à leur encontre

- Condamner in solidum tout succombant à verser à la SARL MG+ ARCHITECTURES et la MAF la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700

- Condamner les mêmes aux entiers dépens

A l'appui de leurs prétentions, les sociétés MG+Architecte et MAF soutiennent notamment que :

-Les demandes sont irrecevables. Le contrat est signé du maître de l'ouvrage. La saisine du conseil régional de l'ordre est un préalable obligatoire sauf expertise.

-Il y a eu un réception sans réserve le 13 septembre 2012. Les marchés ont été soldés.

-Les dégradations ont été constatées très rapidement après l'entrée dans les lieux.

-Les désordres ne correspondent pas à des désordres futurs évolutifs.

-Ce sont des désordres ponctuels. Ce ne sont pas des désordres décennaux dénoncés dans le délai décennal, ni des désordres futurs. Ils sont exclusivement imputables au carreleur.

-Les réclamations chiffrées sont inacceptables. Les devis produits par la SCI n'ont pas été soumis à l'expert.

-Elles demandent la confirmation du jugement qui a fixé le coût des travaux à la somme de 14 574,48 euros.

-Subsidiairement, la responsabilité de l'architecte sera limitée à 15 %.

-La clause d'exclusion de solidarité G6.3.1 cantonne la responsabilité de l'architecte à sa seule part contributive dans l'apparition du dommage.

-Subsidiairement, elles forment des appels en garantie contre le carreleur et la société Axa.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 février 2022.

SUR CE

-sur la recevabilité des demandes dirigées contre l'architecte

Le tribunal a estimé que les demandes de la SCI dirigées contre l'architecte et son assureur étaient irrecevables faute de saisine préalable du conseil de l'ordre.

Le contrat d'architecte prévoit une clause intitulée : litiges G10

'En cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire.

Cette saisine intervient sur l'initiative de la partie la plus diligente.'

Il est de jurisprudence constante que la clause de saisine de l'ordre des architectes préalablement à toute action judiciaire en cas de litige sur l'exécution du contrat ne peut porter que sur les obligations des parties au regard de l'article 1134 du code civil, et n'a pas vocation à s'appliquer lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du même code.

Il résulte de l'assignation et des dernières conclusions déposées par la SCI devant le tribunal de grande instance qu'elle a toujours fondé ses demandes à titre principal sur la garantie décennale, à titre subsidiaire, sur la responsabilité contractuelle des constructeurs.

La SCI fait valoir à juste titre que la clause ne s'applique pas dès lors qu'elle a fondé ses demandes à titre principal sur l'article 1792 du code civil.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société MG+ et la MAF.

Les demandes formées à leur encontre par la SCI sont recevables.

-sur la nature des désordres

Le maître de l'ouvrage, le carreleur, son assureur soutiennent que les désordres sont décennaux.

L'architecte et son assureur demandent la confirmation du jugement qui a retenu que les désordres du carrelage à l'étage engageaient la seule responsabilité contractuelle de droit commun de la société Art E Sol.

L'article 1792 du code civil dispose : tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol,qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Il résulte de l'expertise (page 11) que les carreaux suite à une compression se soulèvent, qu'aucun joint périphérique n'a été réalisé, que les carreaux ont été collés par un simple encollage.

L'expert indique (page 19) que les désordres constatés le 19 juillet 2016 ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage ni ne rendent l'immeuble impropre à sa destination .

S'il indique qu'au fur et à mesure du temps, la dégradation va s'accentuer et poser des difficultés pour l'utilisation commerciale du bâtiment, cette analyse est réservée aux désordres du Rez de Chaussée.

S'agissant de la salle de réunion à l'étage, il apparaît sur la photographie figurant en page 11 du rapport , des chaises, une table qui démontrent que la pièce est utilisable et utilisée malgré une apparence relativement peu engageante.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que les désordres affectant le carrelage du premier étage n'étaient pas de gravité décennale et relevaient de la responsabilité contractuelle pour faute des constructeurs.

-sur les fautes

-le carreleur

L'expert indique que les cahiers du CSTB, le DTU prescrivent :

-un double encollage pour les carreaux dont la surface excède 1100cm2

-en intérieur, un joint périphérique minimum de 3 à 8 mm.

Il estime que le non-respect de ces prescriptions est la cause directe des désordres.

La faute n'est pas contestée par la société Art E Sol.

-l'architecte

La société MG + avait dans ses missions la direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), mission qui correspondait à 34% de sa rémunération ainsi que l'assistance aux opérations de réception des travaux.

Le contrat d'architecte définit (page 6) la mission DET, précise que tout manquement de l'entrepreneur à ses obligations est constaté dans les comptes rendus de chantier de l'architecte et fait, si nécessaire, l'objet d'une mise en demeure par le maître de l'ouvrage.

Page 29 du rapport , l'expert indique que la responsabilité est partagée entre le carreleur et l'architecte. Il précise que l'absence de joint était évidente et pouvait être constatée après la réalisation.

Il résulte des éléments précités des fautes distinctes du carreleur et de l'architecte qui ont causé le préjudice subi par le maître de l'ouvrage dans une proportion que la cour évalue respectivement à 80 % à la charge du carreleur, 20 % à la charge de l'architecte.

-sur les demandes formées par le carreleur et son assureur contre l'architecte et son assureur

La société Art E Sol fait grief au tribunal de n'avoir pas statué sur son recours en garantie dirigé contre l'architecte et son assureur.

Il ressort du jugement du 4 septembre 2020 que les sociétés Art E Sol et Axa avaient demandé au tribunal, à titre subsidiaire, de limiter leur condamnation au paiement de la moitié des sommes allouées pour la remise en état du carrelage du 1er étage.

Le premier juge n'a pas statué sur cette demande.

Il convient donc d'infirmer le jugement du 4 septembre 2020 en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes en réparation d'omission de statuer.

Sur le fond , les société Art E Sol et Axa seront déboutées de leurs demandes dirigées contre l'architecte et son assureur dès lors que les règles de l'art méconnues par le carreleur sont des règles de base élémentaires, règles que le carreleur ne pouvait ignorer et se devait de respecter.

-sur le coût des travaux de reprise

Le revêtement est à reprendre entièrement.

M. [E] avait indiqué n'avoir reçu qu'un seul devis (page 28), devis émanant de la société Art E Sol d'un montant de 14 574,48 euros TTC.

La SCI demande que le coût des travaux soit fixé à la somme de 16 297,20 euros sur la base du devis établi le 23 novembre 2016 par la société Maltese, rappelle que c'est ce devis qui avait été pris en compte par le juge de la mise en état.

Ce juge avait indiqué qu'au regard des 'difficultés rencontrées' avec la société Art E Sol, il était légitime de retenir le devis d'une autre entreprise.

Le devis Maltese qui a été pris en compte par le juge de la mise en état ne saurait être suspect du seul fait qu'il n'a pas été soumis à l'expert judiciaire.

En l'absence de critique argumentée sur les prestations retenues et leur coût, il convient de fixer le coût des travaux de reprise à la somme de 16 297,20 euros.

Compte tenu des provisions allouées et du partage de responsabilité retenu, les sociétés Art E Sol et Axa seront donc condamnées à payer en deniers et quittance à la SCI la somme de 13. 037,76 euros (80% de 16 297,20 ), la société MG + et la MAF la somme de 3259,44 euros (20% de 16 297,20).

-sur les autres demandes

La cour ne saurait se prononcer sur la prise en charge des frais d'exécution et de recouvrement forcé de l'ordonnance du 11 avril 2018 alors qu'elle n'est pas juge d'appel de cette décision.

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge des sociétés MG+, MAF, Art E sol et Axa.

Il est équitable de les condamner à payer à la SCI de l'Auto la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-dit recevable l'action dirigée par la SCI de L'Auto contre la société MG+ Architecte et la société MAF

-infirme le jugement du 4 septembre 2020

-infirme partiellement le jugement du 22 novembre 2019

dans les limites de l'appel interjeté

Statuant de nouveau

-dit que les désordres du carrelage du rez de chaussée relèvent de la responsabilité contractuelle pour faute de la société Arte E Sol et de la société MG +Architecte

-condamne in solidum les sociétés Art E Sol et Axa à payer à la SCI de l'Auto la somme de 13.037,76 euros euros en deniers et quittance

-condamne in solidum les sociétés MG+Architecte et Maf à payer à la SCI de l'Auto la somme de 3259,44 euros en deniers et quittance

-dit applicable la franchise contractuelle

-déboute les sociétés Art E Sol et Axa de leurs demandes dirigées contre la société MG+Architecte et la MAF

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne in solidum les sociétés Art E Sol , Axa, MG+Architecte, MAF aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire.

-dit que dans leurs rapports réciproques la charge définitive des dépens incombera aux sociétés Art E Sol et Axa à hauteur de 80%, aux sociétés MG+ Architecte et MAF à hauteur de 20%

-condamne in solidum les sociétés Art E Sol et Axa à payer à la SCI Auto la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamne in solidum les sociétés MG+Architecte et Maf à payer à la SCI Auto la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01972
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.01972 ?
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