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10/05/2022 | FRANCE | N°20/01913

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 10 mai 2022, 20/01913


ARRÊT N°260



N° RG 20/01913



N° Portalis DBV5-V-B7E-GCH2













[B]

[F]



C/



[Y]

SYNDICAT DES EAUX

DE LA CHARENTE MARITIME

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 10 MAI 2022









Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 août 2020 rendu par le Tr

ibunal Judiciaire de LA ROCHELLE





APPELANTS :



Madame [R] [B]

née le 22 Octobre 1968 à [Localité 22]

[Adresse 1]

[Localité 20]



Monsieur [P] [F]

né le 10 Mars 1965 à ARPAGEON (91)

[Adresse 1]

[Localité 20]



ayant tous deux pour avocat postulant Me Cécile HIDREAU de la SCP ...

ARRÊT N°260

N° RG 20/01913

N° Portalis DBV5-V-B7E-GCH2

[B]

[F]

C/

[Y]

SYNDICAT DES EAUX

DE LA CHARENTE MARITIME

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 10 MAI 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 août 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE

APPELANTS :

Madame [R] [B]

née le 22 Octobre 1968 à [Localité 22]

[Adresse 1]

[Localité 20]

Monsieur [P] [F]

né le 10 Mars 1965 à ARPAGEON (91)

[Adresse 1]

[Localité 20]

ayant tous deux pour avocat postulant Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉS :

Madame [W] [Y]

née le 27 Octobre 1943 à [Localité 20] (17)

[Adresse 15]

[Localité 14]

ayant pour avocat postulant Me Vincent LAGRAVE de la SCP LAGRAVE - JOUTEUX, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

SYNDICAT DES EAUX DE LA CHARENTE MARITIME 'EAU 17"

[Adresse 24]

[Adresse 19]

[Adresse 19]

[Localité 13]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Pascaline DUPUY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant acte authentique du 25 novembre 2004, Mme [R] [B] et M. [P] [F] ont acquis de Mme [W] [Y] un terrain à bâtir sis [Adresse 21] (Charente-Maritime) composé de cinq parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7]. [Cadastre 11], pour une contenance totale de 26 a 42 ca et moyennant un prix de 68.600 €.

Au cours de l'été 2013, M. [F] a constaté une présence d'eau anormale en superficie de son terrain. Après recherches, il a découvert l'existence d'une canalisation souterraine allant du château d'eau de la commune jusqu'à [Localité 23], ayant rompu, et appartenant au syndicat des eaux de Charente-Maritime. Ce dernier est intervenu pour effectuer les réparations nécessaires.

M. [F] a déclaré le sinistre à son assureur de protection juridique lequel a mis en demeure Mme [Y], par courrier du 6 décembre 2013, de proposer une solution quant à l'existence de la servitude de canalisation qui n'avait pas été mentionnée dans l'acte de vente.

Malgré une expertise amiable, aucun accord n'a pu être trouvé entre les parties. C'est dans ces conditions que Mme [B] et M. [F] ont obtenu la désignation de M. [J], en qualité d'expert judiciaire, par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE, rendue le 1er septembre 2015, au contradictoire de Mme [Y] et du syndicat des eaux.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 20 février 2019.

Par acte d'huissier en date du 22 août 2019, Mme [B] et M. [F] ont assigné Mme [Y] devant le tribunal de grande instance de LA ROCHELLE, aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices en raison de l'existence d'une servitude de canalisation non déclarée au moment de la vente.

Suivant acte d'huissier en date du 19 décembre 2019, Mme [Y] a fait assigner en garantie le syndicat des eaux de Charente-Maritime.

La jonction a été prononcée par ordonnance du juge de la mise en état du 30 janvier 2020.

Mme [B] et M. [F], au visa des articles 1231-1 et suivants, 1626 et suivants et 1638 et suivants du code civil, demandaient au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de:

- condamner Mme [Y] à les garantir de l'éviction résultant de l'existence de la canalisation non déclarée lors de la vente,

- condamner en conséquence Mme [Y] à leur verser la somme de 29.000 € au titre de la perte de la valeur vénale de la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 4],

- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance subi en raison des interventions prévisibles du gestionnaire du réseau d'eau potable sur la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 6],

- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral subi,

- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens comprenant ceux de référé et notamment les frais d'expertise judiciaire.

Mme [Y], au visa des articles 122 du code de procédure civile, 2224 et 1638 du code civil, demandait au tribunal de :

- à titre principal et sur la forme, dire et juger irrecevable l'action des consorts [F] [B] du fait de la prescription,

- à titre subsidiaire et sur le fond, débouter les consorts [F] [B] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire, condamner le syndicat des eaux de la Charente-Maritime à la garantir et relever indemne de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge,

- en tout état de cause, condamner les consorts [F] [B] ou tout succombant au paiement de la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le syndicat des eaux de Charente-Maritime, au visa des articles 803, 690, 693 du code de procédure civile, 6 §1 de la convention européenne des Droits de l'Homme, 122 du code de procédure civile, 1638 et 2224 du code civil, demandait au tribunal de :

- révoquer l'ordonnance de clôture du 2 avril 2020 et ordonner la réouverture des débats,

Sur le fond :

- à titre principal, dire et juger prescrite l'action introduite par M. [F] et Mme [B] et en conséquence les débouter de toutes leurs demandes,

- à titre subsidiaire, dire et juger que M. [F] et Mme [B] ne justifient d'aucun dommage ni préjudice et en conséquence les débouter de toutes leurs demandes,

- à titre très subsidiaire, dire et juger que la présence de la canalisation sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6] est légale et que Mme [Y], son notaire et les demandeurs connaissaient l'existence de la servitude avant la vente du 25 novembre 2004, et en conséquence. débouter Mme [Y] de sa demande de garantie,

- en tout état de cause, condamner tout succombant à lui payer la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire en date du 31/08/2020, le tribunal judiciaire de LA ROCHELLE a statué comme suit :

'RÉVOQUE l'ordonnance de clôture rendue le 2 avril 2020,

PRONONCE la clôture de l'instruction au 23 juin 2020,

DÉCLARE recevable l'action de [U] [R] [B] et M. [P] [F],

DÉBOUTE Mme [R] [B] et M. [P] [F] de l'intégralité de leurs demandes,

CONDAMNE Mme [R] [B] et M. [P] [F] à payer à Mme [W] [Y] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [R] [B] et M. [P] [F] à payer au syndicat des eaux de Charente-Maritime la somme de 2.000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [R] [B] et M. [P] [F] aux dépens,

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- l'action de Mme [B] et M. [F] est une action indemnitaire soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Le point de départ de l'action des demandeurs est le jour où leur fût révélée l'existence de la servitude de canalisation grevant leur fonds.

- l'acte de vente du 25 novembre 2004 ne mentionne aucune servitude grevant les parcelles acquises par Mme [B] et M. [F].

- Mme [Y] et le syndicat des eaux se prévalent d'un courrier émis par le notaire en charge de la vente, et adressé à Mme [Y], du 2 novembre 2004, qui indiquait 'Vos acquéreurs m'indiquent qu'il y aurait une conduite d'eau qui traverserait une partie de votre terrain et qui rejoindrait le château d'eau.

Dans l'affirmative. vous voudrez bien ni 'indiquer de quelle convention cela résulte et à qui appartient cette canalisation'.

- Mme [Y] n'a pas donné suite à ce courrier. Elle ne peut valablement reprocher aux demandeurs de ne pas avoir fait de plus amples recherches sur la canalisation alors même qu'il appartient exclusivement au vendeur d'informer l'acheteur de servitudes occultes et non à l'acquéreur de se renseigner à cet égard.

- il résulte des termes du courrier du notaire, rédigé au conditionnel, que les demandeurs n'avaient pas la certitude de la présence de la conduite d'eau évoquée et n'en connaissaient pas l'étendue.

- les termes du courrier adressé au notaire après découverte d'eau sur le terrain en juillet 2013 démontrent que Mme [B] et M. [F] n'avaient aucune connaissance de la canalisation avant la fuite d'eau survenue en juillet 2013. De surcroît, ils n'ont eu connaissance de son emprise exacte sur leur terrain qu'après avoir obtenu un exemplaire de la convention du 20 mars 1972 conclue entre le syndicat des eaux et l'auteur de Mme [Y].

- le délai de prescription a commencé à courir à compter du mois de juillet 2013 et non à compter du mois de novembre 2004. Il a été suspendu du fait de l'assignation en référé des 25 et 26 juin 2015. L'action n'est pas prescrite.

- sur les demandes indemnitaires, le vendeur, même de bonne foi, doit garantir l'acquéreur, qui n'est pas tenu de se renseigner à cet égard, de toute éviction en cas de servitudes non apparentes.

- suivant convention du 20 mars 1972, M. [K] [Y], père de Mme [W] [Y], a consenti au syndicat des eaux de Charente-Maritime une autorisation de passage pour la mise en place d'une canalisation d'eau potable sur les parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 18], [Cadastre 17], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], et sur une longueur de 140 mètres dans une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres.

- il ressort d'un acte de donation-partage du 9 novembre 1981 que Mme [W] [Y] s'est vu attribuer les parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 11], ces parcelles étant issues de la division des parcelles anciennement cadastrées section D n°[Cadastre 18], [Cadastre 17] et [Cadastre 16].

Cet acte précise par ailleurs que 'M. et Mme [Y] déclarent que les articles 2, 3 et 4 sont traversés par une canalisation d'eau. Les donataires déclarent vouloir faire leur affaire personnelle de l'existence de cette construction'.

- Mme [Y], même s' il n est pas démontré qu'elle avait connaissance de la convention conclue par son père en 1972, savait nécessairement, de même que le notaire instrumentaire en possession de l'acte de partage, qu'il existait une canalisation sur les parcelles lui appartenant et n'en a cependant pas informé les acquéreurs.

- aux termes de l'expertise judiciaire, la canalisation litigieuse traverse les parcelles [Cadastre 4], sur une toute petite partie en deux endroits, et [Cadastre 6] de façon plus importante.

- M. [F] et Mme [B] sont recevables à exercer une action en garantie d'éviction,

Toutefois, pour être fondés à obtenir une indemnisation en application des dispositions de l'article 1638 du code civil, il appartient aux consorts [F]-[B] de démontrer la gravité de l'atteinte causée par la servitude.

- en l'espèce, selon le certificat d'urbanisme délivré le 14 octobre 2004, le terrain était constructible sur une superficie de 896 m2 et ainsi, les demandeurs ont pu réaliser leur projet de construction d'une maison d'habitation de 120 m2.

- selon l'expert judiciaire, l'emprise de la canalisation sur la parcelle [Cadastre 4] rend cette dernière inconstructible et indisponible sur une superficie de 290 m2.

- la superficie rendue inconstructible du terrain acquis par les consorts [F]-[B] représente environ 19 % de la superficie totale du terrain.

- aucun des éléments versés aux débats ne permet d'établir que la zone concernée de la parcelle n°[Cadastre 4] fait partie de la surface déterminée comme constructible dans le certificat d'urbanisme du 14 octobre 2004.

- il n'est pas plus démontré que les consorts [F]-[B] n'auraient pas acquis le terrain à bâtir s'ils avaient eu connaissance de la canalisation dont la présence ne pouvait entraver leur projet de construction initial.

- les consorts [F]-[B] ne justifient d'aucun projet effectif de construction sur la parcelle litigieuse, ni d'aucun projet de vente de cette parcelle, étant relevé que celle-ci est totalement enclavée.

- la perte de valeur vénale de la parcelle [Cadastre 4] n'est pas démontrée.

- s'agissant du trouble de jouissance, M. [F] et Mme [B] ne se prévalent que d'un préjudice futur et incertain et ainsi, non indemnisable.

Au demeurant, s'il est exact que le syndicat des eaux sera amené à intervenir sur la parcelle pour les opérations d'entretien et de réparation de la canalisation, ces interventions découlent de la convention du 20 mars 1972 qui s'imposent aux demandeurs, la convention prévoyant ces interventions et leur indemnisation.

- la connaissance tardive de la présence de la canalisation litigieuse est insuffisante à démontrer l'existence d'un quelconque préjudice moral pour les demandeurs.

- les consorts [F]-[B] ne justifient d'aucun préjudice en lien avec la présence de la canalisation. L'existence de cette servitude non apparente ne remplit pas les conditions de gravité suffisantes prévues à l'article 1638 du code civil pour ouvrir un droit à indemnisation des demandeurs.

LA COUR

Vu l'appel en date du 18/09/2020 interjeté par Mme [R] [B] et M. [P] [F]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 12/11/2020, Mme [R] [B] et M. [P] [F] ont présenté les demandes suivantes :

'Vu les articles 1231-1 et suivants,1626 et suivants, et 1638 et suivants du code civil,

Vu les articles 515, 696 et 700 du code de procédure civile,

Réformer le Jugement du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE du 31 août 2020 et statuant à nouveau :

Condamner Mme [W] [Y] à garantir les consorts [F]-[B] de l'éviction résultant de l'existence de la canalisation non déclarée lors de la vente

Condamner, en conséquence, Mme [W] [Y] à verser aux consorts [F]-[B] la somme de 29 000 € au titre de la perte de valeur vénale de la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 4]

Condamner encore Mme [W] [Y] à verser aux consorts [F]-

[B] la somme de 10 000 € au titre du préjudice de jouissance subi par ces derniers en raison des interventions prévisibles du gestionnaire du réseau d'eau potable sur la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 6]

Condamner encore Mme [W] [Y] à verser aux consorts [F]-

[B] la somme de 5 000 € au titre du préjudice subi, notamment en raison de la résistance abusive adverse

Condamner enfin Mme [W] [Y] à verser aux consorts [F]-[B] la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles

Condamner Mme [W] [Y] aux entiers dépens, comprenant ceux d'appel, de première instance, de référé, et les frais d'expertise judiciaire

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires'.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [R] [B] et M. [P] [F] soutiennent notamment que :

- l'action au fond intentée en 2019 n'est nullement prescrite, un simple doute, une simple demande d'information n'ayant pas abouti ne suffisant pas à établir leur connaissance de la servitude non-apparente ni de son étendue.

- le passage de la canalisation rend radicalement inconstructible le terrain sur une emprise de 10 mètres de large (5 mètres de part et d'autre de la canalisation), compte tenu de la forte section de la canalisation (450 mm).

- l'expert judiciaire a pu déterminer avec certitude que la canalisation métallique de forte section traverse la parcelle cadastrée n°[Cadastre 6] et deux petites portions de la n°[Cadastre 4].

- Mme [Y] aurait donc dû connaître l'existence de cette canalisation.

- la parcelle n°[Cadastre 6], classée en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 20], et donc inconstructible, subit des contraintes du fait des interventions prévisibles du Syndicat des eaux.

La parcelle n°[Cadastre 4] est parfaitement constructible selon le document d'urbanisme applicable. L'Expert en a logiquement déduit que le passage de la canalisation implique une perte de constructibilité de 290 m2.

- le prix de vente d'un terrain constructible sur le secteur de la commune de [Localité 20], évalué à 100 €/m2, la valeur du terrain de Mme [B] et de M. [F] est diminuée de 29 000 €.

- la présence de cette très importante canalisation sur leur propriété, sans qu'aucune servitude ne soit mentionnée en ce sens dans l'acte de vente, leur cause un préjudice considérable.

- l'article 1626 du Code civil pose le principe général de la garantie d'éviction pesant sur tout vendeur.

La mise en jeu de la garantie du vendeur peut intervenir dès la découverte de la charge non déclarée, la diminution de la jouissance étant immédiate et constituant un risque d'éviction suffisant. La juste crainte d'une éviction est donc assimilée à un trouble actuel.

- la présence d'une canalisation non apparente, diminuant l'usage du terrain vendu et n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration par le vendeur, constitue une charge occulte grevant le fonds.

- l'acquéreur doit avoir été pleinement informé de l'existence, mais également de l'étendue de la charge non-révélée.

- le risque d'éviction subi par les consorts [F]-[B] est avéré, puisque, selon les propres dires du Syndicat des Eaux de la Charente-Maritime, la canalisation n'a aucunement vocation à être déplacée compte tenu de son ampleur, et devra être entretenue régulièrement.

- sur les préjudices, l'article 1637 du code civil prévoit que ' Si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursé suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que le chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur'.

- l'indemnisation du préjudice tiré de la perte de valeur vénale du terrain du fait de l'éviction s'effectue donc au regard de la valeur estimée actuelle et est fixée souverainement par le juge du fond.

- la canalisation induit donc une surface inconstructible de 290 m2 pour la parcelle n°[Cadastre 4] qui est constructible, et de 221 m2 pour la parcelle n°[Cadastre 6].

Lors de la vente, le terrain de la parcelle n° [Cadastre 4] était déjà constructible et se situait en zone Ua, au sein de laquelle l'emprise au sol n'était pas limitée. Les 200 m2 déjà construits ne sauraient donc limiter le préjudice des consorts [F]-[B], qui peuvent encore construire sur leur terrain.

Cette parcelle n'est pas enclavée puisqu'un passage existe le long de la maison des consorts [F]-[B] pour accéder à la parcelle [Cadastre 4].

- le fait de ne pas pouvoir construire une piscine, un logement annexe ou toute autre construction constitue pourtant à l'évidence un préjudice certain, né et actuel.

- la parcelle n°[Cadastre 6] est inconstructible puisque classée en zone agricole du document d'urbanisme applicable, mais les interventions prévisibles du Syndicat des eaux constituent toutefois un trouble de jouissance important que subiront les propriétaires. Un somme de 10 000 € est sollicitée au titre du trouble de jouissance.

- le tracas causé à l'occasion de cette longue procédure et la résistance abusive adverse doivent être indemnisés à hauteur de 5 000 €.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 24/01/2022, Mme [W] [Y] a présenté les demandes suivantes:

'Vu les dispositions des articles 122 du code de procédure civile ;

Vu les articles 1638, 1231-1 et 2224 du code civil,

Vu l'ensemble des pièces versées au débat,

Plaise à la Cour :

A titre principal :

- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé recevable l'action des consorts

[F] [B] ;

A titre subsidiaire et sur le fond

Vu l'article 1638 du code civil,

Vu l'ensemble des pièces versées au débat,

- Confirmer, le jugement du 31 août 2020 ;

A titre infiniment subsidiaire

- Infirmer le jugement et condamner le syndicat des eaux de la Charente maritime à garantir et relever indemne la concluante de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge

En tout état de cause

- Condamner les consorts [F] [B] ou tout succombant au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance'.

A l'appui de ses prétentions, Mme [W] [Y] soutient notamment que :

- bien que l'acte de donation partage de 1981 (page 8) vise le document d'arpentage établi par M. [M] géomètre le 10.07.1980 qui reportait la canalisation objet d'une servitude conventionnelle, il n'a pas été rappelé dans celui-ci l'existence de la servitude inhérente à la présence de la canalisation du syndicat des eaux.

- toutefois, il ressort d'une lettre adressée par Me [E] à Mme [Y] le 2.11.2004 que les demandeurs étaient informés de l'existence de la canalisation du syndicat des eaux.

Ils ont décidé en connaissance de cause en 2004 de poursuivre la vente sans plus de précision.

- les demandeurs n'ont pas assumé leur devoir de se renseigner et la demande est donc prescrite.

- à titre subsidiaire, sur les garanties, la question n'est pas de savoir si la garantie du vendeur est acquise mais de savoir si cette dernière donne lieu à indemnisation en application des dispositions de l'article 1638 du code civil qui impose la condition de gravité de l'atteinte.

Or, les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer une quelconque gravité de l'atteinte causée par la servitude.

- la canalisation trouve son emprise en majorité sur une parcelle inconstructible et en limite de fond de propriété pour la petite partie dont l'emprise est en terrain constructible.

- les consorts [F]-[B] ont pu diviser le terrain pour en revendre une partie à un acquéreur qui a construit son habitation et ils ont pu eux-mêmes construire sans difficulté.

- la servitude prévoit un déplacement de la canalisation en cas de construction devant s'implanter sur la même emprise et une indemnisation en cas d'impossibilité de déplacement de l'ouvrage.

- il y a lieu de se placer à la date d'acquisition de la parcelle pour déterminer l'intention des acquéreurs. Or, la présence de cette canalisation n'a aucun impact pour le projet des appelants.

- la condition de l'article 1638 du code civil selon laquelle il doit être présumé que les acquéreurs n'auraient pas acquis s'ils avaient eu connaissance de la servitude n'est pas remplie.

- l'article 1626 du code civil créé une responsabilité automatique du vendeur et non une indemnisation automatique de l'acquéreur, en l'absence d'un préjudice établi.

- il n'existe aucun préjudice certain, dès lors que les demandeurs n'ont aucun projet de construction et l'emprise de la canalisation se trouve au fond de leur jardin en limite de parcelle non constructible. La parcelle n'est pas devenue inconstructible.

- en outre, les dispositions du PLU limitent à 50 % de la surface totale du terrain les droits à construire, et la configuration des lieux fait qu'aucune nouvelle division ne peut être

envisagée, les consorts [F]-[B] ne pouvant enclaver une parcelle.

- la convention de 1972 prévoit que 'si en raison des travaux envisagés, le déplacement des ouvrages est reconnu indispensable, celui-ci sera effectué auprès du syndicat ou de son concessionnaire'. Toutefois, les consorts [F]-[B] n'ont pas formé de demande auprès du syndicat des eaux et leur préjudice n'existe pas.

- sur la demande formée au titre du trouble de jouissance, les consorts [F]-[B] obèrent le fait qu'ils sont bénéficiaires de la servitude et que leur indemnisation est prévue dans le cadre de la convention. Leu préjudice moral n'est pas démontré.

À titre infiniment subsidiaire, la garantie du syndicat des eaux est soutenue, au titre de sa faute dans l'exécution de la convention.

L'expertise a démontré que l'implantation de la canalisation n'était pas conforme aux plans alors même que cette implantation avait été choisie précisément pour limiter les effets pénalisant de cette servitude.

C'est la première faute imputable au syndicat et qui a nécessairement un lien de causalité direct et certain avec le préjudicie dont il est demandé la réparation.

- à considérer que l'implantation de la canalisation soit exacte, il n'en demeure pas moins que la question de l'emprise de la canalisation était traitée dans la convention créant la servitude, à savoir que si cette dernière devait poser difficulté pour la construction d'un bâtiment, le Syndicat s'engageait à la déplacer.

Si après expertise, il apparaît que l'ouvrage réalisé n'est pas déplaçable, cela relève de la responsabilité du syndicat et de personne d'autre.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 25/01/2021, le SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 » a présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1638 et 2224 du code civil,

Vu la jurisprudence et les pièces versées au débat,

Vu le jugement dont appel,

Il est demandé à la cour de céans de :

A TITRE LIMINAIRE,

- DIRE ET JUGER prescrite l'action introduite par M. [F] et Mme [B],

En conséquence,

- DÉCLARER M. [F] et Mme [B] irrecevables en leur appel et leurs demandes.

SUR LE FOND,

- CONFIRMER la décision dont appel en toutes ses dispositions.

En conséquence,

- DÉBOUTER M. [F] et Mme [B] de toutes leurs demandes;

- DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu d'examiner la demande de Mme [Y] en sa demande de garantie à l'égard du Syndicat EAU 17.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si la Cour de céans devait infirmer la décision entreprise et faire droit à la demande de M. [F] et Mme [B]

- DIRE ET JUGER que la présence de la canalisation sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6] est légale ;

- DIRE ET JUGER que Mme [Y], son notaire et M. [F] et Mme [B] connaissaient l'existence de la servitude avant la vente du 25 novembre 2004 ;

En conséquence,

- DÉBOUTER Mme [Y] de sa demande de garantie à l'égard du Syndicat EAU 17.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER tout succombant à payer au Syndicat EAU 17 la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jérôme CLERC'.

A l'appui de ses prétentions, le SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 » soutient notamment que :

- sur la prescription, son point de départ est la découverte de ladite servitude, soit dès le 2 novembre 2004 au regard de leur interrogation au notaire. La nature de l'ouvrage, son emplacement et sa destination était connue par M. [F] et Mme [B].

Ils ont négligemment pris le risque de procéder à la vente en 2004 sans se soucier d'obtenir les informations nécessaires détenues par Mme [Y] et leur action est prescrite.

- lors de la vente le 25 novembre 2004, l'ensemble des parties ne pouvait ignorer la présence de cette canalisation

Toutefois, la vente a été conclue sans servitude.

- en 2013, il s'est avéré que l'eau présente sur le terrain provenait de la canalisation d'eau potable enterrée, appartenant au Syndicat EAU 17 qui procédait à réparation.

- l'expertise judiciaire a conclu à un préjudice de jouissance de 29.000 euros subi par M. [F] et Mme [B], sans se prononcer sur une quelconque responsabilité.

- les parties partaient du postulat que la canalisation devait passer sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] (car le Syndicat EAU 17 était propriétaire de ces parcelles) et non sur les parcelles des consorts [F]-[B]. Toutefois, la convention de 1972 fait mention que la canalisation traverse les parcelles cadastrée [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18], aujourd'hui parcelles [Cadastre 3] à [Cadastre 12] selon division opérée par M. [K] [Y]. Ainsi, les propriétaires des parcelles [Cadastre 3] à [Cadastre 12] ne peuvent opposer au Syndicat EAU 17 que cette canalisation n'a pas de droit de passage chez eux.

- au fond, l'absence de gravité suffisante de l'atteinte causé par la servitude ouvrant droit à indemnisation est soutenue.

- sur l'absence de perte de valeur vénale de la parcelle n°[Cadastre 4], la partie impactée par l'existence de la canalisation se situe en zone A du PLU, zone agricole, donc non constructible de par la modification du PLU. Il n'est en outre justifié d'aucun projet de construction.

- sur l'absence de trouble de jouissance consécutif aux interventions prévisibles du Syndicat EAU 17, la convention leur est parfaitement opposable puisque la servitude s'attache au fonds et non à la personne. Toutefois, aucun dommage n'a été causé à M. [F] et à Mme [B].

- à titre subsidiaire, sur la demande de débouté de la garantie soutenue par Mme [Y], aucune faute d'exécution de la convention n'est établie puisque la canalisation passe en toute légalité sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6].

La convention pour autorisation de passage en terrain privé de canalisation d'eau potable en date du 20 mars 1972 fait mention que la canalisation traverse les parcelles cadastrée [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18].

Aujourd'hui, au regard de l'acte de donation-partage du 9 novembre 1981, suite à la division opérée par M. [Y], les parcelles n°[Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18] sont devenues les parcelles [Cadastre 3] à [Cadastre 12].

- Mme [Y] ne pouvait ignorer l'existence de la canalisation et sa responsabilité est manifeste, sans que la garantie du syndicat puisse être soutenue en l'absence de sa faute.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10/02/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'action engagée par Mme [R] [B] et M. [P]

[F] :

L'article 2224 du code civil dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

En l'espèce, par convention pour autorisation de passage en terrain privé de canalisation d'eau potable en date du 20 mars 1972, M. [K] [Y] a autorisé le Syndicat de la SEUDRE, désormais le Syndicat EAU 17, à ce qu'une canalisation d'eau potable enterrée traverse son terrain, notamment sur les parcelles cadastrée [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18].

Par un acte de donation-partage en date du 9 novembre 1981, M. [K] [Y] donnait donc à ses enfants son terrain ainsi divisé, et notamment à Mme [W] [Y] les parcelles nouvellement cadastrées [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 11].

En effet, préalablement à cette donation-partage, M. [Y] avait fait réaliser le 12 juin 1980 un plan de bornage et de division par l'entremise de M. [M], aux fins de séparer en trois parties son terrain.

Notamment, la parcelle n°[Cadastre 16] devenait les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et la parcelle n°[Cadastre 17] devenait les parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

Le plan de bornage et de division matérialisait la canalisation d'eau potable qui traverse l'ensemble des terrains, et en particulier le terrain donné à Mme [W] [Y].

De même, en page 12 de l'acte de donation-partage, il est mentionné la présence de la canalisation d'eau potable, notamment sur le terrain donné à Mme [W] [Y].

Dans l'acte, il était expressément mentionné que les donataires dont Mme [Y] déclaraient faire leur affaire de l'existence de cette canalisation.

Or, l'acte authentique du 25 novembre 2004, par lequel Mme [R] [B] et M. [P] [F] ont acquis de Mme [W] [Y] un terrain à bâtir sis [Adresse 21] (Charente-Maritime) composé de cinq parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7]. [Cadastre 11], ne fait nulle mention de la servitude antérieurement constituée.

Mme [R] [B] et M. [P] [F] n'en étaient donc pas expressément informés.

Si, par courrier en date du 2 novembre 2004, le notaire écrivait à Mme [Y] : 'Vos acquéreurs m'indiquent qu'il y aurait une conduite d'eau qui traverserait une partie de votre terrain et qui rejoindrait le château d'eau.

Dans l'affirmative. vous voudrez bien ni 'indiquer de quelle convention cela résulte et à qui appartient cette canalisation', les termes conditionnels de ce courrier ne permettent pas de retenir que Mme [R] [B] et M. [P] [F], les acquéreurs, étaient effectivement informés avec certitude de la présence de la canalisation, de son emprise et de l'étendue de la servitude qui pouvait en résulter, étant relevé que Mme [Y] s'est abstenue de répondre à l'interrogation du notaire.

Le simple doute dans l'esprit des vendeurs ne suffit à faire état de leur connaissance de la servitude non-apparente ni de son étendue.

Or, la servitude occulte doit être déclarée dans l'acte de vente, étant relevé qu'en l'espèce, Mme [Y], donataire à l'acte de partage, et qui déclarait faire son affaire de la présence connue de la canalisation, ne justifie pas de sa déclaration.

Au regard de ces constats, il y a lieu de retenir que Mme [R] [B] et M. [P] [F] n'ont découvert la présence de la canalisation et de ses conséquences qu'à l'occasion du sinistre intervenu en juillet 2013, la canalisation étant alors réparée par le SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 ».

Ainsi, le délai de prescription a commencé à courir à compter du mois de juillet

2013 et a été suspendu du fait de l'assignation en référé des 25 et 26 juin 2015 conformément aux dispositions de l'article 2239 du code civil.

L'action au fond a été introduite le 22 août 2019 et le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable comme non prescrite l'action engagée.

Sur les demandes indemnitaires de Mme [R] [B] et M. [P] [F] :

- S'agissant de la demande formée au titre de la perte de valeur vénale de la parcelle n° [Cadastre 4], Mme [B] et M. [F], réclament une indemnisation au titre de la garantie d'éviction, dès lors que cette parcelle constructible présente du fait de la présence de la canalisation une surface désormais inconstructible de 290 m2.

Ils évaluent sa perte de valeur à la somme de 29 000 €, conformément aux conclusions de l'expert judiciaire, soit une valeur de 100 € au m2.

L'article 1638 du code civil dispose que, s'agissant des charges non-déclarées lors d'une vente immobilière, 'si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité'.

En effet, l'article 1626 du même code prévoit que 'quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente'.

Il convient en conséquence de déterminer si, au regard des circonstances de l'espèce et de l'importance de la servitude, la présomption visée s'applique ou si elle est utilement contredite, étant précisé qu'il appartient au juge du fond de fixer l'indemnité revenant à l'acquéreur en réparation de son préjudice, notamment lorsqu'il s'agit d'une éviction partielle.

Mme [B] et M. [F], par acte authentique de vente du 25 novembre 2004, ont acquis de Mme [Y] un terrain à bâtir d'une superficie totale de 26a42ca soit 2642 m2, moyennant un prix de 68.600 €.

La superficie rendue inconstructible du terrain acquis représente environ 19 % de la superficie totale du terrain, et il n'est pas démontré que la surface de 290 m2 faisait effectivement partie de la surface déterminée comme constructible dans le certificat d'urbanisme du 14 octobre 2004.

Mme [B] et M. [F] ont pu mener à bien la construction dont ils avaient le projet, sans qu'il soit justifié que ce projet ait été entravé par l'existence de la servitude, sise en bordure de parcelle. Ils ont pu également procéder à la division et à la vente d'une partie du terrain qu'ils avaient acquis.

Le fait que la parcelle n°[Cadastre 4] ait vu son zonage être modifié postérieurement à la vente, à la suite d'une évolution du PLU, puisque les zones Ua et NC sont devenues respectivement les zones Ub et A, n'a pas modifié l'appréciation que Mme [B] et M. [F] auraient pu avoir au moment de la vente, dès lors que cette modification est postérieure à celle-ci et n'a de conséquence que sur l'appréciation des surfaces constructibles.

Par contre, la présence d'une telle canalisation, même en bout de terrain, caractérise une réduction notable de valeur du terrain considéré, dès lors qu'elle est de nature à réduire la constructibilité du fonds sur 290 m2.

Le fait que Mme [B] et M. [F] n'aient jusqu'ici pas été gênés dans la réalisation de leurs opérations immobilières est sans incidence sur ce constat, car la valeur s'apprécie par hypothèse en vue du futur, qu'il s'agisse d'une revente ou d'un projet de nouvelle construction.

Or, dans ces perspectives, la moins-value du terrain est indéniable.

En outre, la présence de cette importante canalisation implique au surplus la contrainte d'entretiens périodiques, avec les intrusions que ceux-ci supposent

Il doit être en conséquence retenu que les 290 m2 considérés impliquent une perte partielle de valeur, en lien direct avec la présence de la servitude de canalisation, qu'il convient d'évaluer à 30 % de la valeur vénale du terrain retenue par l'expert, soit 290 m2 X 30 € = 8 700 €.

Mme [Y] sera condamnée à paiement de cette somme, par infirmation du jugement rendu.

- S'agissant de la demande formée au titre du préjudice de jouissance relatif à la parcelle n°[Cadastre 6], il y a lieu de relever que cette parcelle était au moment de la vente et demeure située dans une zone agricole non constructible.

En outre, la convention pour autorisation de passage en terrain privé de canalisation d'eau potable en date du 20 mars 1972 prévoit une servitude attachée au fonds et non à la personne de son propriétaire.

Elle est ainsi opposable à Mme [B] et M. [F] qui peuvent de ce fait prétendre à l'application des dispositions de l'article 4 de la convention, soit à l'indemnisation en cas de dégâts survenant lors des opérations de maintenance de la canalisation.

Il subsiste néanmoins pour Mme [B] et M. [F] un trouble de jouissance de leur bien, en relation directe avec l'existence d'une servitude dont Mme [Y] a omis de les informer, en dépit de son obligation lors de la vente, dès lors que sa connaissance de cette servitude est retenue au regard des termes de l'acte de donation partage dont elle a bénéficié.

Le préjudice de jouissance de Mme [B] et M. [F] sera indemnisé à hauteur de la somme de 2 000 €, par infirmation du jugement rendu.

- S'agissant du préjudice moral, Mme [B] et M. [F] ne justifient pas avoir subi un préjudice moral distincts de ceux déjà indemnisés, et cette demande sera écartée, par confirmation du jugement rendu.

Sur la demande de garantie formée à l'encontre du SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 » :

Mme [Y] sollicite la garantie du SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 », au regard de la faute commise par ce syndicat dans l'implantation de la canalisation.

Toutefois, la convention en date du 20 mars 1972 prévoyait que la canalisation d'eau potable enterrée traverse le terrain de M. [Y], notamment sur les parcelles cadastrée [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18].

Or, il résulte que le plan de bornage et de division du 12 juin 1980 réalisé à la demande de M. [Y] que les parcelles n°[Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18] sont devenues les parcelles [Cadastre 2] à [Cadastre 12].

Il n'est ainsi pas démontré une erreur d'implantation de la canalisation de la part du SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 »,

et Mme [Y] ne peut prétendre au bénéfice de la convention de 1972

souscrite par son père, seuls Mme [B] et M. [F] pouvant désormais prétendre à son application du fait de la vente intervenue.

En outre, aucune faute n'est établie par Mme [Y] à l'endroit du SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 », ni d'ailleurs soutenue par Mme [B] et M. [F].

Faute de cette démonstration, Mme [Y] doit être déboutée de sa demande de garantie de ses condamnations qu'elle supportera seule.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de Mme [W] [Y].

Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Jérôme CLERC, avocat.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner in solidum Mme [W] [Y] à payer à Mme [R] [B] et M. [P] [F] ainsi qu'au SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 » les sommes fixées au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 2 avril 2020,

- prononcé la clôture de l'instruction au 23 juin 2020,

- déclaré recevable l'action de Mme [R] [B] et M. [P] [F],

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE Mme [W] [Y] à payer à Mme [R] [B] et M. [P] [F] la somme de 8 700 € au titre de la diminution de valeur vénale de la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 4], avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

CONDAMNE Mme [W] [Y] à payer à Mme [R] [B] et M. [P] [F] la somme de 2 000 € au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance de la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 6], avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

DÉBOUTE Mme [W] [Y] de sa demande de garantie formée à l'encontre du SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 ».

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE Mme [W] [Y] à payer à Mme [R] [B] et M. [P] [F] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE Mme [W] [Y] à payer à SYNDICAT DES EAUX DE CHARENTE-MARITIME « EAU 17 » la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE Mme [W] [Y] aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de référé et d'expertise judiciaire et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Jérôme CLERC, avocat.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01913
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;20.01913 ?
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