YD/AF
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRET DU 29 AVRIL 2008
ARRET N 261
AFFAIRE N : 06/00560
AFFAIRE : S.A. DEBUSCHERE C/ Michel X..., G.I.E. LA MONDIALE, SOCIETE D'ASSURANCE LA MONDIALE
APPELANTE au principal
INTIME à titre incident :
S.A. DEBUSCHERE
23 Avenue des Temps Modernes
86360 CHASSENEUIL DU POITOU
Représentée par Me Jean Jacques PAGOT (avocat au barreau de POITIERS)
Suivant déclaration d'appel du 21 février 2006 d'un jugement au fond du 30 janvier 2006 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.
INTIMÉ au principal et APPELANT à titre incident :
Monsieur Michel X...
...
86440 MIGNE AUXANCES
Représenté par Me Jacques STERVINOU (avocat au barreau de POITIERS)
INTIMEES :
G.I.E. LA MONDIALE
32 Avenue Emile Zola
59370 MONS EN BAROEUL
SOCIETE D'ASSURANCE LA MONDIALE
32 Avenue Emile Zola
59370 MONS EN BAROEUL
Représentés par la SCP PAILLE-THIBAULT-CLERC (avoués à la Cour) assistée de Me Gwendoline MUSELET (avocat au barreau de LILLE)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Président : Yves DUBOIS, Président
Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller
Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller
Greffier : Annie FOUR, Greffier, uniquement présent aux débats,
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 mars 2008,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au Greffe le 29 avril 2008.
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :
ARRÊT :
Salarié de la Société DEBUSCHERE depuis le mois de Février 1984, Monsieur X... exerçait les fonctions d'attaché de direction avec le statut de cadre et avait atteint l'âge de 60 ans lorsqu'il a été victime le 23 Juin 2003 d'un grave malaise immédiatement supposé d'origine cardiaque.
Les arrêts maladie qui ont suivi sans interruption jusqu'au départ à la retraite de Monsieur X... le 31 Janvier 2005 ont donné lieu dans un premier temps au versement par la Société d'assurances LA MONDIALE de compléments de rémunération à 100% en vertu d'une convention de groupe à laquelle la Société DEBUSCHERE avait adhéré conformément aux dispositions de l'article 52 de la Convention Collective des IAC du Bâtiment.
La Société DEBUSCHERE a cru devoir réduire le montant des compléments maladie, ce qui a motivé la saisine de la juridiction prud'homale par Monsieur X... le 17 Mars 2004, suivie d'une demande de résiliation du contrat de travail.
Le 7 Juillet 2004, la Société LA MONDIALE a fait savoir à Monsieur X... qu'elle cessait toute indemnisation et lui réclamait le remboursement des prestations reçues depuis le 1er Août 2003, date à laquelle l'expert mandaté par la compagnie avait considéré son état comme consolidé et guéri.
Le médecin expert désigné par jugement avant dire droit du Conseil de Prud'hommes de Poitiers du 24 Janvier 2005 ayant conclu que les arrêts de travail délivrés à Monsieur X... étaient justifiés jusqu'à la date de son départ à la retraite, celui-ci a réclamé à la Société DEBUSCHERE le paiement des indemnités non versées par la Société LA MONDIALE. Il a également présenté des demandes en paiement de dommages et intérêts et d'heures supplémentaires.
Par jugement du 30 Janvier 2006, le Conseil de Prud'hommes a alloué à Monsieur X... les sommes de 50.000 € à titre de dommages et intérêts à raison du comportement de la Société DEBUSCHERE et 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, mais il a débouté le salarié de ses autres demandes. Il a mis hors de cause le G.I.E. LA MONDIALE appelé en intervention forcée et déclaré le jugement commun à la Société LA MONDIALE qui était intervenue volontairement.
La Société DEBUSCHERE a régulièrement interjeté appel de cette décision dont elle sollicite la réformation. Elle entend voir débouter Monsieur X... de toutes ses demandes et réclame les sommes de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Par voie d'appel incident, Monsieur X... réclame les sommes suivantes :
- indemnités LA MONDIALE: 29.306,08 €
- heures supplémentaires: 35.130,00 €
- congés payés correspondants: 3.513,00 €
- dommages et intérêts: 100.000,00 €
- préjudice moral: 10.000,00 €
frais irrépétibles d'appel: 5.000,00 €
Le G.I.E. et la Société LA MONDIALE concluent à la confirmation du jugement entrepris; la Société réclame la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.
MOTIFS
Vu, développées oralement à l'audience, les conclusions reçues au Greffe les 22 Novembre 2007 et 5 Mars 2008 pour l'appelante, le 14 Décembre 2007 pour Monsieur X... et le 18 Décembre pour LA MONDIALE.
Sur les indemnités complémentaires d'ITT
Il convient de rappeler que toute origine cardiaque du malaise dont a été victime Monsieur X... le 23 Juin 2003 a été écartée par le Professeur Z... mandaté par la Société LA MONDIALE, que cette constatation n'a pas été remise en cause par le Docteur A..., désigné par le Conseil de Prud'hommes, mais qu'au contraire de l'expert de la compagnie l'expert judiciaire a estimé que la prolongation des arrêts de travail au moins jusqu'au départ à la retraite du salarié était justifié, considérant qu'il présentait un "trouble somatoforme" à type de "trouble douloureux".
Monsieur X... ne prétend pas que les compléments de rémunération prévues par la convention d'assurance de groupe à laquelle avait adhéré la Société DEBUSCHERE lui seraient dues par LA MONDIALE au-delà du 1er Août 2003, date à laquelle le Professeur Z... avait considéré que la reprise du travail était possible :
- en ce qu'il n'a pas sollicité de contre-expertise à la suite de la notification de la décision de la compagnie consécutive à l'expertise du Professeur Z..., alors qu'une telle mesure était prévue comme préalable à tout contentieux judiciaire par les conditions particulières de la convention d'assurance dont il avait connaissance,
- en ce que, du fait de la nature de l'affection constatée par l'expert judiciaire, la Société LA MONDIALE serait en droit de lui opposer une exclusion de garantie, le trouble étant apparu moins d'un an après la date de prise d'effet de la convention d'assurance.
La Société DEBUSCHERE conteste les conclusions de l'expert judiciaire et considère que de toute manière elle ne peut être tenue au paiement des prestations d'ITT, une telle obligation n'étant prévue par l'article 52 de la Convention Collective qu'au cas où l'employeur n'aurait pas contracté une assurance destinée à assurer le versement de ces prestations.
D'une part cependant, le Docteur A..., qui dans le corps de son rapport avait envisagé l'hypothèse d'une simulation pour l'écarter par un raisonnement pertinent, a parfaitement répondu aux objections du Professeur Z... et de l'employeur, en soulignant notamment qu'en particulier en raison de l'âge de Monsieur X... et de la nature de son activité professionnelle, l'arrêt de travail associé à une prise en charge psychologique et médicamenteuse adaptée constituait pratiquement la seule réponse susceptible d'être proposée par la médecine face à l'affection bien réelle dont il souffrait.
D'autre part, c'est uniquement en raison de la date à laquelle la Société DEBUSCHERE a souscrit la convention d'assurance en 2002 - alors que l'article 52 de la Convention Collective existait au moins depuis un avenant du 1er Juillet 1969 - que l'affection de Monsieur X... ne pouvait ouvrir droit aux prestations de LA MONDIALE en vertu d'une clause d'exclusion, alors que la Convention Collective ne comporte aucune restriction relative à la nature des affections à l'origine d'un arrêt de travail.
Il s'en suit qu'en vertu du texte susvisé et dans la mesure où elle n'a pas contracté une assurance permettant de garantir au salarié le bénéfice des indemnités conventionnelles en cas d'arrêt de travail, la Société DEBUSCHERE est tenue au paiement des indemnités prévues par la Convention Collective, mais non celles garanties par LA MONDIALE.
Il y a lieu, en conséquence, de réformer sur ce point le jugement entrepris et de condamner la Société DEBUSCHERE à payer à Monsieur X..., à compter de la fin de la prise en charge par LA MONDIALE et jusqu'au quatre-vingt-dixième jour d'ITT, des indemnités complétant à 100% des appointements les indemnités journalières de la Sécurité Sociale, et à compter du quatre-vingt-onzième jour d'ITT, des indemnités complétant à hauteur de 85% du salaire de base les indemnités journalières de la Sécurité Sociale.
Sur la durée du travail
Le Conseil de Prud'hommes a justement rappelé que, s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
À bon droit, il a considéré que, pour ce qui concerne la période non prescrite, Monsieur X... n'apportait pas de tels éléments, les attestations faisant état de sa charge de travail étant insuffisamment précises et les états de frais ne permettant pas de constater l'existence d'heures supplémentaires impayées, compte tenu notamment de la fréquence et de l'importance des déplacements professionnels.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur les demandes de dommages et intérêts
L'appelante estime que son attitude à l'égard de Monsieur X... a été exempte de tout abus, au contraire de ce qu'a dit le Conseil de Prud'hommes; elle affirme qu'elle s'est préoccupée avant tout du devenir du salarié dans l'entreprise et de la nécessité pour elle de prévoir éventuellement son remplacement, et que les renseignements dont elle disposait lui permettaient objectivement de douter du bien fondé des arrêts de travail délivrés par le médecin traitant.
Cependant, s'il ne peut être reproché à la Société DEBUSCHERE d'avoir fait procéder à une vérification de l'état de santé du salarié à un moment où il pouvait ne pas être présent à son domicile, l'exemplaire de l'arrêt de travail en sa possession ne comportant pas la mention "sorties libres" figurant sur les documents remis à l'intéressé et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, les premiers juges ont considéré à bon droit qu'étant donné l'état de santé de Monsieur X... l'insistance de l'employeur à obtenir de lui une décision quant à son départ à la retraite, la réduction sans explication des compléments de salaires puis la suspension du reversement des indemnités journalières, enfin la quasi dénonciation de fraude à la Sécurité Sociale constituaient autant d'abus ayant causé au salarié un préjudice qu'ils ont exactement apprécié.
Sur ce point le jugement doit donc être confirmé, le préjudice moral allégué par Monsieur X... ne justifiant pas une indemnisation complémentaire.
Enfin, il sera fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au bénéfice de Monsieur X... dans les conditions précisées au dispositif, mais il est équitable de ne pas faire application de ces dispositions en ce qui concerne la Société LA MONDIALE.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Réformant pour partie le jugement entrepris,
Condamne la Société DEBUSCHERE à payer à Monsieur X..., à compter de la fin de la prise en charge par LA MONDIALE et jusqu'au quatre-vingt-dixième jour d'ITT, des indemnités complétant à 100% des appointements les indemnités journalières de la Sécurité Sociale, et à compter du quatre-vingt-onzième jour d'ITT et jusqu'au départ à la retraite du salarié, des indemnités complétant à hauteur de 85% du salaire de base les indemnités journalières de la Sécurité Sociale.
Renvoie les parties à faire leurs comptes et dit qu'en cas de difficulté la Cour pourra être saisie par voie de conclusions à l'initiative de la partie la plus diligente.
Confirme le jugement en ses autres dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la Société DEBUSCHERE à payer à Monsieur X... la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
La condamne aux dépens.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président de Chambre, assisté de Madame Annie FOUR, Greffier.
Le Greffier, Le Président.