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11/12/2007 | FRANCE | N°704

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Ct0268, 11 décembre 2007, 704


YD / CP

COUR D'APPEL
DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRET DU 11 DECEMBRE 2007

ARRET N 704

AFFAIRE N : 07 / 01271

AFFAIRE : Aouda FOUDAD épouse X... C / S. A. R. L. FRANCK MARIE

DEMANDEUR :

Madame Aouda Y... épouse X...
...
87140 COMPREIGNAC

Comparante en personne
représentée par la SCP MUSEREAU-MAZAUDON (avoués à la Cour)
assistée de Me Philippe Z..., avocat à LIMOGES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 07 / 2753 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POIT

IERS)

Suivant déclaration de saisine du 03 Avril 2007 après arrêt de la Cour de Cassation du 20 décembre 2006 cassant et annulant l'...

YD / CP

COUR D'APPEL
DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRET DU 11 DECEMBRE 2007

ARRET N 704

AFFAIRE N : 07 / 01271

AFFAIRE : Aouda FOUDAD épouse X... C / S. A. R. L. FRANCK MARIE

DEMANDEUR :

Madame Aouda Y... épouse X...
...
87140 COMPREIGNAC

Comparante en personne
représentée par la SCP MUSEREAU-MAZAUDON (avoués à la Cour)
assistée de Me Philippe Z..., avocat à LIMOGES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 07 / 2753 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

Suivant déclaration de saisine du 03 Avril 2007 après arrêt de la Cour de Cassation du 20 décembre 2006 cassant et annulant l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de LIMOGES le 19 octobre 2004 sur appel d'un jugement du 16 février 2004 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LIMOGES.

DEFENDEUR :

S. A. R. L. FRANCK MARIE
33 Bd Louis Blanc
87000 LIMOGES

Représentée par Me Alain NAINTRE (avocat au barreau de LIMOGES)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Président : Yves DUBOIS, Président
Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller
Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller
Greffier : Christine PERNEY, Greffier uniquement présente aux débats,

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Novembre 2007,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.

Vu les conclusions écrites du Ministère Public,

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 11 Décembre 2007

Ce jour a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :

ARRET :

Madame X... a été engagée le 30 Juillet 2002 par la Société FRANK MARIE en qualité de coiffeuse. Le 5 Février 2003, elle a saisi la juridiction prud'homale en alléguant un harcèlement moral et pour voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. A titre reconventionnel, la Société FRANK MARIE a demandé de voir prononcer la résiliation du contrat de travail avec les conséquences l'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 16 Février 2004, le Conseil des Prud'hommes de Limoges, considérant que la preuve d'un harcèlement moral n'était pas rapportée et que le comportement de la salariée avait rendu impossible le maintien de la relation de travail, a constaté que les relations contractuelles étaient devenues impossibles et donné acte à la Société FRANK MARIE de ce qu'elle solderait le compte de Madame X....

Ce jugement a été confirmé par la Cour d'Appel de Limoges, mais la décision de cette juridiction, en date du 19 Octobre 2004, a été cassée et annulée en toutes ses dispositions par Arrêt de la Cour de Cassation du 20 Décembre 2006.

Demanderesse au renvoi et appelante, Madame X... a régulièrement saisi la Cour d'Appel de Poitiers, désignée comme juridiction de renvoi. Elle entend voir infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Limoges, reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de la Société FRANK MARIE. Elle réclame, outre les salaires jusqu'à la date de la rupture, les sommes suivantes :

-dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10. 000 €
-indemnité de préavis : 2. 400 €
-congés payés correspondants : 240 €
-indemnité de licenciement : 600 €
-dommages et intérêts pour rupture abusive : 21. 600 €
-frais irrépétibles : 3. 000 €

La Société FRANK MARIE conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame la somme de 3. 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'affaire a été communiquée au Ministère Public, qui s'en rapporte.

MOTIFS

Vu, développées oralement à l'audience, les conclusions reçues au Greffe le 24 Octobre 2007 pour l'appelante et le 6 Novembre pour l'intimée.

Au vu des pièces versées aux débats, le déroulement du contrat de travail peut être reconstitué comme suit :

Madame X... ayant été engagée depuis le 30 Juillet 2002, l'employeur a cru pouvoir mettre fin à la période d'essai par courrier du 17 Septembre, mais s'est ravisé après que la salariée lui ait fait observer que la période d'essai n'avait pas été valablement renouvelée.

Le 29 Octobre 2002, Madame X... a adressé au gérant de la Société FRANK MARIE une lettre pour se plaindre de la dégradation de ses conditions de travail due selon elle à l'hostilité ouverte de la responsable du salon et caractérisée par diverses vexations, l'interdiction d'exécuter les travaux correspondant à sa qualification, le confinement dans des tâches dévalorisantes ou l'obligation de rester debout derrière la caisse sans rien faire.

Après enquête, l'employeur a conclu à l'existence d'un conflit de personnes et, après un entretien avec Madame X... en présence de son mari le 5 Novembre 2002, il lui a proposé par courrier du 15 Novembre un contrat de travail à temps partiel dans un autre salon devant ouvrir au début de l'année 2003. La salariée s'est montrée " très favorable " à cette proposition, mais celle-ci n'a pas été suivie d'effet car pour préserver les droits de son épouse à une indemnisation de l'ASSEDIC Monsieur X... a exigé un licenciement alors que la Société FRANK MARIE proposait une rupture amiable du contrat de travail.

Enfin, Madame X..., qui a saisi le Conseil de Prud'hommes le 5 Février 2003, a interrompu son activité pour cause de maladie à compter du 9 Février.

L'appelante considère que le comportement de la responsable du salon à son égard, dont elle estime rapporter la preuve par les attestations qu'elle produit, est en elle-même constitutive de harcèlement moral, mais qu'en outre le gérant de la Société FRANK MARIE, après avoir pris fait et cause pour la responsable, a tout fait pour la contraindre à quitter l'entreprise, tentant de la sanctionner pour un motif fallacieux le 24 Janvier 2003, lui imposant une prise de congés à la fin du mois de février, tentant de contrôler auprès de son médecin traitant la réalité des motifs de ses absences, lui reprochant d'avoir affilié ses enfants à la mutuelle de l'entreprise sans l'avoir préalablement informée. Elle affirme que le syndrome dépressif qui a nécessité les arrêts maladie à partir du 9 Février 2003 est la conséquence de la dégradation de ses conditions de travail.

Cependant, force est de constater que la preuve des faits allégués dans la lettre du 29 Octobre 2002 ou de faits postérieurs de même nature n'est pas rapportée : en effet, non seulement il résulte des propres attestations de l'appelante, notamment celle de Madame A..., qu'elle accomplissait des tâches relevant de sa qualification, mais il est établi par les attestations et plaintes de clientes produites par l'employeur que Madame X... ne maîtrisait pas toujours les techniques qu'elle devait mettre en oeuvre, ce qui justifiait la prudence de la responsable du salon dans la distribution du travail. Il n'est nullement prouvé en tout cas que la participation de la salariée aux tâches de nettoyage et d'entretien aurait excédé ce qui est couramment exigé de tout le personnel dans la profession.

Par ailleurs, l'employeur n'a pas sanctionné Madame X... le 24 Janvier 2003 mais lui a seulement notifié une observation à la suite de l'oubli de ses outils de travail, et il en a été de même lorsqu'il a constaté l'augmentation des cotisations appelées par la mutuelle à la suite de l'affiliation des enfants de la salariée ; quant à la période de congés de fin Février 2003, elle a été normalement fixée par l'employeur en raison de la fermeture du magasin pendant les vacances scolaires.

Enfin, il convient de souligner que le gérant de la Société FRANK MARIE a immédiatement réagi à la suite de la plainte de Madame X... du 29 Octobre 2002, qu'il l'a reçue avec son mari et lui a proposé une solution qui dans un premier temps l'a satisfaite. Il a également tenu son engagement puisque le contrat de travail proposé au mois de Janvier 2004 était conforme à ce qui avait été promis et comportait notamment une clause de reprise d'ancienneté. De plus, l'accord de rupture amiable proposé en même temps aurait certainement permis à l'appelante d'obtenir une indemnisation de l'ASSEDIC puisque les causes de la rupture étaient clairement exposées, et en tout cas il ne peut être reproché à la Société FRANK MARIE de n'avoir pas mis en oeuvre une procédure de licenciement étant donné les circonstances.

Il y a lieu, dans ces conditions, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

En revanche, il est de règle que l'employeur, qui dispose du droit de résilier unilatéralement un contrat de travail à durée indéterminée par la voie du licenciement, en respectant les garanties légales, n'est pas recevable, hors les cas où la loi en dispose autrement, à demander la résiliation judiciaire dudit contrat, fût-ce par voie reconventionnelle ; d'où il suit que l'exercice de l'action s'analyse en une manifestation de sa volonté de rompre le contrat de travail, valant licenciement, et que de ce fait la rupture, intervenue à la date de la présentation de la demande reconventionnelle devant la juridiction prud'homale, équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi en l'espèce, contrairement à ce qu'a dit le Conseil de Prud'hommes, la rupture est imputable à l'employeur et a pris effet le 17 Novembre 2003, lorsque la Société FRANK MARIE a présenté sa demande reconventionnelle en résiliation du contrat de travail à l'audience du bureau de jugement.

L'ancienneté de Madame X... dans l'entreprise étant à cette date supérieure à un an mais inférieure à deux ans, il lui est dû une indemnité compensatrice de préavis équivalant à un mois de salaire mais elle ne peut prétendre à une indemnité de licenciement. Elle ne peut non plus prétendre à un rappel de salaire entre le 9 Février et le 17 Novembre 2003, puisqu'au cours de cette période elle était en arrêt maladie et que son contrat de travail était suspendu.

Au vu des éléments d'appréciation dont dispose la Cour, le préjudice de la salariée du fait de la rupture de son contrat de travail sera réparée par l'allocation d'une indemnité de 6. 000 €.

Enfin, il sera fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dans les conditions précisées au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Statuant à nouveau,

Condamne la Société FRANK MARIE à payer à Madame X... les sommes suivantes :

-indemnité de préavis : 1. 200 €
-congés payés correspondants : 120 €
-dommages et intérêts pour rupture abusive : 6. 000 €
-frais irrépétibles : 2. 500 €

Condamne la Société FRANK MARIE aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé et signé par Madame GRANDBARBE, Conseiller le plus ancien ayant participé aux débats et au délibéré, en remplacement de Monsieur le Président légitimement empêché, assistée de Madame Christine PERNEY, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 704
Date de la décision : 11/12/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Limoges, 16 février 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2007-12-11;704 ?
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