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05/09/2007 | FRANCE | N°476

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre civile 1, 05 septembre 2007, 476


ARRÊT No

R.G : 05 / 02566

CK / SB / SA

X...

C /

SARL LE VIEUX BOUCHET
SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGERAUD
SEGARD
Y...
SCP BEHIN-CARELY-VIE
Z...
SA SAFER POITOU CHARENTES
FREMAUX
FREMAUX
FREMAUX

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2007

APPELANT :

Monsieur Gérald X...
né le 17 janvier 1955 à TOURS
demeurant...
86180 BUXEROLLES

représenté par la SCP PAILLE et THIBAULT, avoués à la Cour,

assisté de la SCP CHATEAU

-BUFFET, avocats au barreau de POITIERS, entendu en sa plaidoirie ;

Suivant déclaration d'appel du 11 août 2005 d'un jugement du 27 JUIN 2005 rendu par le TRIBUNAL ...

ARRÊT No

R.G : 05 / 02566

CK / SB / SA

X...

C /

SARL LE VIEUX BOUCHET
SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGERAUD
SEGARD
Y...
SCP BEHIN-CARELY-VIE
Z...
SA SAFER POITOU CHARENTES
FREMAUX
FREMAUX
FREMAUX

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2007

APPELANT :

Monsieur Gérald X...
né le 17 janvier 1955 à TOURS
demeurant...
86180 BUXEROLLES

représenté par la SCP PAILLE et THIBAULT, avoués à la Cour,

assisté de la SCP CHATEAU-BUFFET, avocats au barreau de POITIERS, entendu en sa plaidoirie ;

Suivant déclaration d'appel du 11 août 2005 d'un jugement du 27 JUIN 2005 rendu par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE POITIERS.

INTIMÉS :

S.A.R.L. LE VIEUX BOUCHET
dont le siège social est Le Vieux Bouchet
86460 AVAILLES LIMOUZINE
agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par la SCP GALLET et ALLERIT, avoués à la Cour,

assistée de Maître Daniel A..., avocat au barreau de POITIERS, entendu en sa plaidoirie ;

SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGERAUD
dont le siège social est situé 86410 VERRIERES
agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par la SCP ALIROL et LAURENT, avoués à la Cour,

assistée de la SCP BARRIERE EYQUEM LAYDEKER, avocats au barreau de BORDEAUX, entendu en sa plaidoirie ;

Mademoiselle Catherine Y...
née le 4 août 1951à NEUILLY
demeurant Le Chamossaire 10
1860 AIGLE SUISSE

représentée par la SCP MUSEREAU et MAZAUDON, avoués à la Cour,

assistée de Maître Cécile B..., avocat au barreau de POITIERS, entendue en sa plaidoirie ;

SCP BEHIN-CARELY-VIE
dont le siège social est situé ...Charles de Gaulle
94130 NOGENT SUR MARNE
agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par la SCP ALIROL et LAURENT, avoués à la Cour,

assistée de la SCP BARRIERE EYQUEM LAYDEKER, avocats au barreau de BORDEAUX, entendu en sa plaidoirie ;

Maître François Z...
né le 28 mai 1949 à NEUILLE PONT PIERRE
7 Place des Carmes
86000 POITIERS

représenté par Maître Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour,

assisté de la SCP MADY-GILLET, avocats au barreau de POITIERS ;

S.A. SAFER POITOU CHARENTES
dont le siège social est...
86000 POITIERS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par la SCP LANDRY et TAPON, avoués à la Cour,

assistée de la SCP INTER-BARREAUX FORT-FORT BLOUIN-MASSON, avocats au barreau de BRESSUIRE, entendu en sa plaidoirie ;

Madame France C... épouse D..., prise en sa qualité d'héritière de Madame Anne E... épouse Y...
née le 09 mai 1946 à LILLE
demeurant1 N...
77370 LA CROIX EN BRIE

Monsieur Hervé C..., pris en sa qualité d'héritier de Madame Anne E... épouse Y...
né le 10 juillet 1947 à MARCQ EN BAROEUL
demeurant...
59420 MOUVAUX

Monsieur Dominique C..., pris en sa qualité d'héritier de Madame Anne E... épouse Y...
né le 12 mars 1951 à LILLE
demeurant Chemin des Guerles
59700 MARCQ EN BAROEUL

représentés par Maître Jean-Michel DAUDE, avoué à la Cour,

assistés de Maître François F..., avocat au barreau de POITIERS, substitué par sa collaboratrice, entendue en sa plaidoirie ;

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Axel BARTHELEMY, Conseiller,
Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller,
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Sandra BELLOUET, Greffier, présente uniquement aux débats,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mai 2007,

Le Président a été entendu en son rapport,

Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoirie,

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2007, prorogé au 05 septembre 2007

Ce jour, a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ARRÊT :

... Vu le jugement rendu le 27 juin 2005 par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS qui a :

• débouté la S.A.R.L. " Le Vieux Bouchet " de ses demandes tendant tant à voir constater à son profit une vente définitive, qu'à voir condamner Mademoiselle Y... à lui verser des dommages-intérêts,
• condamné la S.A.R.L. " Le Vieux Bouchet " à verser à Mademoiselle Catherine Y... les sommes de 50000 et 5000 € en réparation de préjudices financier et moral,
• dit caduc le compromis signé le12 février 2003 avec Monsieur Gérald X...,
• débouté Monsieur Gérald X... de toutes ses demandes à l'encontre de Mademoiselle Y...,
• condamné les SCP de Notaires de Béhin-Carely-Vie et Robineaud-Favreau-Bernuau-Augereau, in solidum avec la S.A.R.L. " Le Vieux Bouchet ", à verser à Mademoiselle Catherine Y... les sommes de 50000 et 5000 € en réparation de ses préjudices financier et moral,
• condamné Maître Gasse, Notaire, à verser à Mademoiselle Y..., en réparation de son préjudice tant financier que moral, la somme totale de 10000 €, in solidum à concurrence de cette somme avec les SCP de Notaires Behin-Carely-Vie et Robineaud-Favreau-Bernuau-Augereau et avec la S.A.R.L " Le Vieux Bouchet ",
• assorti de l'exécution provisoire les chefs de décision intervenus sur les demandes de la S.A.R.L. " Le Vieux Bouchet " et de Monsieur X..., ainsi, qu'à concurrence de moitié, sur les condamnations ci-dessus prononcées au profit de Mademoiselle Y... à titre de dommages-intérêts,
• condamné les SCP de Notaires Béhin-Carely-Vie et Robineaud-Favreau-Augereau, in solidum avec Maître Gasse et avec la S.A.R.L. " Le Vieux Bouchet ", aux dépens, dont distraction au profit de Maître B..., Avocat,
• condamné in solidum à verser à Mademoiselle Y... la somme de 4000 € pour frais irrépétibles de procédure.

... Vu l'appel interjeté le 11 août 2005 par Monsieur X... et le 9 septembre 2005 par la SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGERAUD et la SCP BEHIN-CARELY-VIE,

... Vu les conclusions signifiées le 23 avril 2007 par Monsieur X...,

... Vu les conclusions signifiées le 27 avril 2007 par la SARL LE VIEUX BOUCHET,

... Vu les conclusions signifiées le 21 avril 2006 par Catherine Y...,

... Vu les conclusions signifiées le 25 avril 2007 par Maître GASSE,

... Vu les conclusions signifiées le 3 janvier 2006 par la SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGERAUD et la SCP BEHIN-CARELY-VIE,

... Vu les conclusions signifiées le 2 juin 2006 par la SAFER,

... Vu les conclusions signifiées le 27 avril 2007 par les consorts C...,
... Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 avril 2007,

EXPOSE DU LITIGE

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la Cour se réfère expressément au jugement déféré qui en contient une relation précise et exacte.
Elle rappelle, qu'en règlement de la succession de Pierre Y..., décédé le 27 juillet 2002, sa veuve Anne Y... née E... et sa fille Catherine Y... sont convenues, tant lors d'un protocole signé le 8 novembre 2002, qu'aux termes d'un acte de partage établi le 7 février 2003, que Catherine Y... serait attributaire, en toute propriété, d'un domaine agricole, situé à ORANVILLE, commune de PERSAC 86, d'une contenance totale de 503 ha,70 a,86 ca.
L'acte de partage a été établi par Maître Philippe G..., notaire à l'ISLE JOURDAIN 86 (que s'était adjoint Maître H..., notaire parisien chargé de la succession par Madame Veuve Y...) avec la participation de Maître GASSE, notaire choisi par Mademoiselle Y....
Concernant le domaine agricole, la SAFER DE POITOU CHARENTE a bénéficiait d'un droit de préemption légale, en application des articles L 143-1 et R 143-1et suivants du Code Rural, imposant aux notaires instrumentaires des actes de cession envisagés une information à son égard par voie de notification. Le délai durant lequel la SAFER pouvait exercer son droit de préemption est de deux mois. La SAFER, en application des articles L 141-1 et R 141-1 et suivants du même Code peut également procéder à l'attribution par cession ou substitution de biens agricoles, après avoir été bénéficiaire d'une promesse de vente, le délai dont elle disposait alors pour désigner l'attributaire de ses droits étant de six mois.
Enfin Madame Veuve Y... étant décédée en cours de procédure, le 2 août 2006, ses héritiers, les consorts C..., ont régulièrement repris l'instance.

MOTIFS

SUR LA VENTE Y... / SARL LE VIEUX BOUCHET

Il n'est pas contesté que selon courrier en date du 30 septembre 2002 adressé à l'étude de Maître G..., Marie I... épouse J..., exploitante agricole a offert la somme de 1 113 000 euros pour la totalité du Domaine d'ORANVILLE, précisant ne pas recourir à un prêt et ne pas solliciter la condition suspensive d'autorisation d'exploiter. Elle a ajouté in fine du document " je me réserve la possibilité de me substituer à toute personne morale. Je maintiens mon offre d'achat pour une période de 40 jours à compter d'aujourd'hui ".
Il ne peut être soutenu, sauf à procéder par affirmation, que cette offre correspond à celle reçue par Maître K..., offre non produite aux débats et seulement évoquée, sans identification de l'offrant, dans un courrier de Maître H... en date du 9 octobre 2002 adressé à Maître GASSE, à l'intention de Mademoiselle Y..., puisque le prix de vente visé s'élevait alors à la somme de 1 068 000 euros. Cette différence sur un élément essentiel de la vente, le prix, ne peut être contournée par la coïncidence entre l'absence de recours à un emprunt, et la date d'expiration de l'offre, fixée au 9 novembre 2002. En outre cette première offre n'a pas été retenue par Mademoiselle Y..., les échanges de courriers entre notaires étant clairs sur ce point.
Le document en date du 30 septembre 2002, censé, sans certitude, être écrit et signé par Madame I..., constitue clairement et sans ambiguïté une offre d'achat, qui n'engage que son rédacteur. Le rajout sur ce document, à une date non précisée, de la simple formule " bon pour offre d'achat au prix de 1 113 000 euros aux conditions ci dessus ", suivie de la signature de Madame veuve Y... et Mademoiselle Y... (signatures non authentifiées et au surplus contestées en ce qui concerne celle de Mademoiselle Y... sans que l'interessée agisse en inscription de faux) ne suffit pas à constituer une acceptation de l'offre liant les parties par un accord sur la chose et le prix. Cette formule se limite à un accusé de réception de l'offre par les consorts Y..., sans date certaine et sans autre effet juridique à leur égard.
De même c'est avec pertinence que les premiers juges ont indiqué que le protocole en date du 8 novembre 2002 évoquait avec laconisme d'une part la vente du " surplus du domaine après attribution à Mademoiselle Y... de la partie ci-dessus " ce qui se révèle insuffisant pour définir la chose objet de la vente, et d'autre part la vente " au vu de l'offre ci-jointe " l'offre citée n'étant pas jointe à l'acte, ni remise à la venderesse, sa date et sa nature juridique n'étant pas précisées (offre de vente ou offre d'achat) et l'identité de l'éventuel acquéreur n'étant pas ajoutée. La seule mention du prix de vente envisagé, soit 1 113 000 euros devant être payé comptant au jour de la réalisation de l'acte authentique (notion différente de l'absence de recours à un prêt) est insuffisante pour considérer que la signature du protocole par Mademoiselle Y... vaut acceptation de l'offre d'achat en date du 30 septembre 2002 de Madame I..., dans le délai imparti expirant le 9 novembre 2002. Il ne peut donc être considéré que la mention figurant dans le protocole correspond à un échange de consentements sur la vente du domaine litigieux au sens de l'article 1589 du Code Civil.
En outre il n'est pas contesté que d'une part seul Maître GASSE avait reçu mandat exclusif et non révoqué de vendre le domaine d'ORANVILLE, par Mademoiselle Y... dès le 11 octobre 2002 et que d'autre part, le 31 octobre 2002 a été signé entre Mademoiselle Y... et la SAFER une promesse de vente du domaine concerné, pour la somme de 1 115 000 euros, valable jusqu'au 15 janvier 2003. Tenue par cet engagement, qui dépasse le droit de préemption de la SAFER, limité à deux mois, lorsque la notification d'un projet de vente lui est faite, Mademoiselle Y... ne pouvait vendre le domaine à un tiers, sauf à ce que la SAFER lui ait fait connaitre son choix de se voir substituer ce tiers, et ce dans un délai de six mois.

S'il est ajouté dans le paragraphe sus évoqué du protocole que " Maître G... est chargé de recueillir l'offre à soumettre à la SAFER dans le cadre d'une promesse de vente substituée " il apparait que Maître G... s'est mépris sur la signification de cette formule, cette erreur ne pouvant engager contractuellement Mademoiselle Y.... En effet, Maître G... a, le 14 novembre 2002, notifié à la SAFER une information sur l'aliénation du domaine, valant offre de vente, afin de permettre à la SAFER d'exercer éventuellement droit de préemption dans le délai de deux mois, alors qu'il devait proposer l'offre à la SAFER pour l'interroger sur une éventuelle substitution de sa part, au profit de l'offrant. Il n'a pas répondu à un courrier de Maître GASSE, en date du 15 novembre 2002, l'informant que la promesse de vente faite à la SAFER et signée de Mademoiselle Y... avait été transmise, et lui demandant de lui faire parvenir, comme convenu la proposition d'achat faite. Dans un courrier très explicite en date du 19 décembre 2002, Mademoiselle Y... a confirmé à la SAFER avoir accepté le 8 novembre 2002 que soit transmise à la SAFER une offre d'achat, afin de lui permettre, compte tenu de la promesse de vente déjà signée avec l'organisme, de choisir le meilleur acquéreur, et elle a ajouté par courrier du 20 décembre 2002 n'avoir jamais signé de compromis de vente avec un tiers. Dès le 20 décembre 2002, par lettre recommandée avec accusé réception la SAFER a fait connaitre à Maître G... qu'elle considérait comme nulle et non avenue la notification intervenue, et qu'elle faisait toutes protestations et réserves conservatoires d'usage. La SAFER dans ses écritures a maintenu ses protestations et a revendiqué l'antériorité de ses droits résultant de la promesse de vente en date du 31 octobre ce qui exclut qu'elle se soit substituée dans ses droits Madame I.... Enfin si l'offre d'achat a été rédigée par un non professionnel du droit et est donc susceptible, en cas d'ambiguïté d'interprétation, la formule " je me réserve la possibilité de me substituer à toute personne morale " ne peut signifier tout à la fois que Madame I... pouvait se substituer à la SAFER et se substituer la SARL LE VIEUX BOUCHET.
L'analyse juridique des actes prive d'intérêt la discussion de la SARL LE VIEUX BOUCHET sur leur sincérité et authenticité et l'absence de procédure en inscription de faux.

En conséquence c'est à juste titre que Mademoiselle Y... a estimé n'avoir jamais contracté avec la SARL LE VIEUX BOUCHET et la décision déférée sera confirmée en ce sens.

SUR LA VENTE Y... / X...

Le 12 février 2003, donc postérieurement à l'acte de partage intervenu le 7 Février 2003, Catherine Y... et Gérald X... ont signé par l'intermédiaire de Maître GASSE, notaire rédacteur, un compromis de vente pour le domaine d'ORANVILLE au prix de 1 198 248 euros incluant la commission du négociateur. Il était prévu que la signature de l'acte authentique devait intervenir au plus tard le 20 juin 2003, la vente étant consentie sous plusieurs conditions suspensives, dont, en ce qui concerne la SAFER, la signature préalable et concomitante d'une promesse de vente aux mêmes charges et conditions, et l'obtention par l'acquéreur, chef d'entreprise, de l'autorisation d'exploiter les terres.
Il apparaît des pièces produites aux débats que dès le 12 février 2003 Mademoiselle Y... a signé avec la SAFER une promesse de vente concernant le domaine, au prix de 1 198 248 euros, la SAFER se réservant la possibilité de se substituer un ou plusieurs attributaires. Maître GASSE indique être intervenu pour la rédaction de cet acte. Il a été prévu une reconduction tacite de mois en mois de la promesse de vente jusqu'à la demande de réalisation ou de dénonciation de la SAFER, la page 3 ne portant aucune mention sur la fixation de la date limite de levée d'option. La SAFER ne mentionne pas cette promesse de vente dans ses écritures et n'en revendique pas le bénéfice, le raisonnement de Monsieur X... selon lequel la SAFER aurait pu de manière " classique ", préempter puis lui rétrocéder ses droits et lui concéder ainsi ipso facto l'autorisation d'exploiter ne peut donc prospérer.
Le compromis de vente n'a été notifié par Maître GASSE à la SAFER que le 6 octobre 2004 et après sommation interpellative délivrée le 30 juin 2004 par Monsieur X..., une première sommation interpellative en date du 29 avril 2003 étant restée sans effet. Selon courrier en date du 8 décembre 2004 la SAFER a fait connaître à Maître GASSE qu'elle avait bien enregistré la notification le 13 octobre 2004, mais que le litige opposant Mademoiselle Y... à la SARL LE VIEUX BOUCHET ne lui permettait pas de s'engager sur un bien revendiqué par un tiers. La SAFER a ainsi considéré comme nulle et non avenue la notification de la vente tout en faisant les réserves d'usage pour ses droits. Elle n'a pas répondu à l'argumentation de Monsieur X... tendant à voir acquise la condition suspensive relative à la purge de son droit de préemption. Compte tenu des observations précédentes sur le silence de la SAFER bénéficiaire de la promesse de vente et le litige opposant Mademoiselle Y... et la SARL LE VIEUX BOUCHET, rendant la situation incertaine, Monsieur X... ne peut se voir reprocher la non réalisation de la condition suspensive dans le délai.
En revanche, Monsieur X... ne démontre pas avoir accompli toutes les formalités nécessaires à l'obtention de l'autorisation d'exploiter dans le délai imparti, ne produit aucun document permettant de retenir que le litige entre Mademoiselle Y... et la SARL LE VIEUX BOUCHET ait pu retarder ces démarches et ne peut, le délai de réalisation expiré, renoncer à cette condition suspensive prise dans son seul intérêt.
En conséquence c'est à juste titre que les premiers juges ont constaté la caducité du compromis signé entre les parties. La caducité du compromis ne permet pas de faire application de la clause pénale qu'il avait prévue.

SUR LA RESPONSABILITE DES NOTAIRES

Les notaires sont notamment tenus au respect d'une obligation d'information et de conseil et ont le devoir de garantir l'efficacité juridique des actes établis. Maître GASSE a été particulièrement désigné par Mademoiselle Y... et a reçu de sa part mandat exclusif de vendre le Domaine d'ORANVILLE dont elle a hérité. Maître H..., chargé des opérations de succession, s'est adjoint Maître G.... Les trois notaires ont, sans contestation, participé à l'élaboration et la signature du protocole d'accord en date du 8 novembre 2002 entre les co indivisaires successorales.
Il est manifeste que les droits de la SAFER sur la propriété agricole ont fait l'objet d'une confusion juridique par Maître G..., ainsi que déjà exposé, le droit de préemption résultant de la notification d'un projet d'aliénation valant offre de vente étant distinct de la signature d'une promesse de vente avec faculté de cession ou substitution. Sur ce point la formule employée dans le protocole, était incompréhensible pour Mademoiselle Y... et a fait l'objet d'une interprétation inadaptée par le notaire, l'offre ayant dûe être soumise à la SAFER pour qu'elle se substitue éventuellement l'offrant, dans le cadre de la promesse de vente dont elle bénéficiait déjà, alors que Maître L... a notifié à la SAFER le 14 novembre 2002 une information sur une aliénation valant offre de vente. De manière plus grave, ce notaire a persisté dans son erreur, bien qu'alerté par un premier courrier de la SAFER en date du 20 décembre 2002, puis par une sommation interpellative en date du 28 avril 2003, très détaillée sur les risques de la poursuite d'une vente au profit de la SARL LE VIEUX BOUCHET. Il a, en toute connaissance de cause, choisi d'établir un procès verbal de défaut à l'encontre de Mademoiselle Y... le 29 avril 2003. La Cour relève que dans cet acte, Maître L... a considèré unilatéralement que l'offre d'achat autorisait Madame I... à se substituer une personne morale, donc la SARL LE VIEUX BOUCHET, interprétant en ce sens une formule sujette à discussion. La Cour ajoute que par courrier en date du 23 août 2002 Mademoiselle Y... avait avisé Maître G... de la révocation de toutes les procurations ayant pu être signées à son profit, tout en exprimant une certaine défiance à son égard, ce qui aurait dû impliquer de la part du notaire encore plus de rigueur lors de ses interventions.
Parfaitement informé de la promesse de vente signée le 31 octobre 2002 par Mademoiselle Y... au profit de la SAFER Maître GASSE a écrit à l'organisme interessé les 21 novembre 2002 et le 3 décembre 2002 pour attirer son attention sur la difficulté précitée. Toutefois il est manifeste que l'attention de Mademoiselle Y... n'a pas été attirée par Maître GASSE le 8 novembre 2002 sur l'offre visée dans le protocole, ainsi que déjà souligné dans les motifs précédents et que, en dépit de ses réclamations, ce document annexe ne lui a pas été communiqué (cf lettre de Mademoiselle Y... en date du 13 décembre 2002 adressée à Maître GASSE). De même si c'est par un manque de précaution coupable que Maître G... a pu considérer que la mention " bon pour offre d'achat " pouvait constituer une acceptation de l'offre et donc former un engagement synallagmatique, l'absence de vérification de cette offre par Maître GASSE lors de la signature du protocole est un manquement flagrant à la vigilance dans l'obligation de conseil dûe à sa cliente.
Enfin, alors que la SAFER, bénéficiaire d'une promesse de vente en date du 31 octobre 2002, pour le prix de 1 115 000 euros, bénéficiait d'un délai de six mois pour se substituer un acquéreur, délai expirant le 30 avril 2003, en l'absence de dénonciation par l'une ou l'autre de parties et par lettre recommandée avec accusé réception, Mademoiselle Y... ne pouvait, le 12 février 2003 signer un compromis de vente avec Monsieur X..., pour un prix supérieur, les conseils de Maître GASSE se révélant sur ce point erronés et imprudents. En outre le litige avec la SARL LE VIEUX BOUCHET n'était, au surplus, pas réglé, et, compte tenu de la position affichée de Maître G..., nonobstant l'absence de procédure judiciaire en cours, l'efficacité juridique du compromis était donc très incertaine.
Aucun manquement caractérisé n'est démontré à l'encontre de Maître H... puisque s'il était présent lors de la signature du protocole en date du 8 novembre 2002 sa participation aux actes postérieurs qui ont généré le litige n'est pas avérée. En conséquence sa responsabilité ne sera donc pas retenue et la décision déférée sera réformée en ce sens.
Les comportements décrits sont suffisamment fautifs pour engager la responsabilité contractuelles des deux notaires, Maître G... et Maître GASSE, aucune des causes d'exonération exposées ne se révélant pertinente et efficace. En effet les auxiliaires de justice ne peuvent reprocher à Mademoiselle Y... un comportement impatient dans la vente pour régler ses droits de succession, la conscience d'une telle urgence ayant dû au contraire les inciter à veiller encore plus scrupuleusement à l'efficacité des transactions envisagées. De même si Maître GASSE soutient avoir subi les instructions inconstantes de sa cliente, la contradiction dans les pièces qu'il produit conforte au contraire son manquement à l'obligation d'information. Ainsi, il est indiqué que le 19 décembre 2002 Mademoiselle Y... a dénoncé la notification de vente faite à la SAFER (par courrier simple), que par fax adressé à la SAFER le 5 mars 2003, Mademoiselle Y... a confirmé sa volonté de lui céder sa propriété, pour le prix de 1115000 euros, conformément à la promesse signée le 31 octobre 2002 et que par courrier en date du 15 mai 2003, Mademoiselle Y... a dénoncé à la SAFER la promesse signée le 31 octobre 2002. Ces documents révèlent au contraire que Mademoiselle Y..., antiquaire et non juriste, n'a pas été suffisamment éclairée sur la portée de ses engagements et qu'elle a mélangé les procédures de vente mises en place. Maître GASSE a parfaitement compris les difficultés auxquelles se trouvait confrontée sa cliente, puisqu'il a écrit à son successeur, Maître M..., que Mademoiselle Y... serait en tout état de cause poursuivie en justice par l'acquéreur malheureux, si la vente aboutissait au profit de l'autre acquéreur, et a donc souhaité obtenir une décharge de responsabilité circonstanciée.
En conséquence la décision déférée sera partiellement réformée en ce qu'elle a considéré comme bien fondée l'action en responsabilité de Mademoiselle Y... et la Cour condamnera in solidum les seuls deux notaires concernés à l'indemniser du préjudice subi.
Le raisonnement développé par les notaires admet que la vente du domaine permettait de régler les charges successorales, et qu'une certaine urgence était recherchée par la venderesse. Ils ne peuvent donc, sauf à se contredire, affirmer que c'est par seule recherche d'un avantage monétaire que Mademoiselle Y... a souscrit un emprunt en France pour assumer ces dépenses alors qu'elle disposait des liquidités en Suisse. Mademoiselle Y... justifie avoir du recourir à un prêt pour tout à la fois payer la soulte dûe à sa belle-mère et les droits de succession. Le lien de causalité entre le comportement fautif des trois notaires et le côut de l'opération bancaire est certain et démontré et justifie de retenir un premier préjudice de 63 500 euros (intérêts et assurance). Mademoiselle Y... justifie par ailleurs du coût d'exploitation du domaine, qu'elle n'aurait pas eu à supporter s'il avait été vendu, alors même que le résultat en est déficitaire. Toutefois il ne peut être affirmé, au vu des pièces produites aux débats que le comportement des notaires soit la seule cause de cet état de fait, et la Cour s'estime suffisamment informée, sur ce point, pour fixer à 12 000 euros le préjudice financier complémentaire subi par Mademoiselle Y... depuis cinq ans.
S'agissant de la somme de 5 600 euros, prélevée sur le compte de succession et dont Mademoiselle Y... réclame le remboursement la Cour adopte les motifs retenus par les premiers juges pour confirmer le rejet de la demande.
En l'espèce Mademoiselle Y... invoque un préjudice moral né de la procédure et de l'appel engagé, mais ne produit pas de pièces caractérisant le dommage ressenti, et sera donc débouté de cette prétention, la Cour réformant en conséquence la décision des premiers juges, ayant fixé à 5 000 euros les dommages intérêts à ce titre.
Mademoiselle Y... ne sollicite pas contre Maître GASSE d'autre condamnation en quantum que celle retenue par les premiers juges, soit 10 000 euros à titre de dommages intérêts condamnation prononcée in solidum qui sera donc confirmée mais pour indemniser le seul préjudice financier, la SCP G... et associés étant seule condamnée pour le surplus de dommages intérêts.

SUR LES AUTRES ACTIONS EN RESPONSABILITÉ

La SARL LE VIEUX BOUCHET, qui n'était pas bénéficiaire d'une promesse de vente, ne peut rechercher la responsabilité de Mademoiselle Y..., qui n'était pas son co contractant, ni au surplus celle de Madame Veuve Y... ou celle de ses héritiers et la décision des premiers juges sera confirmée sur le débouté prononcé.
Il a déjà été statué sur les prétentions de Monsieur X... qui ne peut se prévaloir, pour fonder ses demandes, d'un compromis devenu caduc.
S'agissant des prétentions d'indemnisation dirigées contre la SARL LE VIEUX BOUCHET il ne peut être considéré que l'action qu'elle a engagé ait généré le préjudice financier de Mademoiselle Y..., un respect des formalités juridiques correctes par les notaires ayant pu permettre d'éviter le litige. En outre le droit d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours devient abusif et donc fautif lorsqu'il révèle une particulière malice ou mauvaise foi, et se trouve animé d'une intention de nuire. Ce comportement ouvre le droit à solliciter le paiement de dommages intérêts selon les règles définies par les articles 1382 et 1383 du Code Civil lorsque le lien de causalité entre cet abus et un préjudice établi et justifié se trouve démontré. En l'espèce aucune pièce du dossier ne permet de retenir que la SARL LE VIEUX BOUCHET (qui souhaitait acquérir le domaine), confortée par l'attitude fautive de Maître G... (qui considérait les parties liées par une promesse de vente), ait attrait devant le Tribunal de Grande Instance Mademoiselle Y... avec la volonté de lui nuire, une issue favorable à la demanderesse du procès ayant abouti à la vente et donc au versement du prix de vente dans un délai relativement bref, au profit de la venderesse, ce qui lui aurait évité tout préjudice financier. Seule l'indemnisation des frais irrépétibles sera donc laissée à sa charge.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

La SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGERAUD succombant, il convient en équité et au regard des circonstances économiques de la condamner à indemniser Mademoiselle Y... des frais irrépétibles engagés devant la Cour et de mettre en conséquence à sa charge le paiement d'une indemnité de 2000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les autres prétentions développées sur ce fondement devant la Cour étant rejetées compte tenu de l'articulation du litige et de l'équité, et la décision déférée étant confirmée sur les frais irrépétibles, sauf en ce qui concerne la condamnation de la SCP BEHIN-CARELY-VIE.

SUR LES DEPENS

La SCP L... et associés et Maître GASSE succombant ils seront condamnés aux entiers dépens et l'application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile sera autorisée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a débouté la SARL LE VIEUX BOUCHET de l'ensemble de ses prétentions, constaté la caducité du compromis de vente signé par Monsieur X... et débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses prétentions ;
REFORME la décision déférée et DEBOUTE Mademoiselle Y... de ses prétentions d'indemnisation à l'encontre de la SARL LE VIEUX BOUCHET, autres que celles fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
REFORME la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SCP BEHIN-CARELY-VIE à indemniser Mademoiselle Y... du préjudice subi lors des transactions relatives à la vente du domaine D'ORANVILLE et déboute Mademoiselle Y... de ses prétentions à l'égard de cette partie ;
CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a retenu la responsabilité professionnelle de la SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGEREAU et de Maître GASSE, REFORME sur les dommages intérêts et les CONDAMNE in solidum à payer à Mademoiselle Y... la somme de 10 000 euros au titre du préjudice financier et CONDAMNE la SCP G... et associés à payer à Mademoiselle Y... la somme de 65 500 euros au titre du préjudice financier ;
DIT que les provisions déjà versées seront déduites de ces sommes ;
CONFIRME la décision déférée sur les frais irrépétibles sauf en ce qui concerne la condamnation de la SCP H... et associés et Y AJOUTANT CONDAMNE la SCP ROBINEAUD-FAVREAU-BERNUAU-AUGEREAU à payer à Mademoiselle Y... pour les frais irrépétibles engagés devant la Cour une somme complémentaire de 2 000 euros ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions y compris sur l'application de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SCP G... et associés et Maître GASSE aux dépens et autorise l'application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Monsieur Axel BARTHELEMY, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sandra BELLOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 476
Date de la décision : 05/09/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Poitiers, 27 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2007-09-05;476 ?
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