IG/SD COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRET DU 17 OCTOBRE 2006 ARRET N AFFAIRE N : 05/01235 AFFAIRE : Marie-Bernardette X... C/ SA GROUPE ORPEA APPELANTE : Madame Marie-Bernardette X... ... Comparante en Personne Assistée de Me Claudy VALIN (avocat au barreau de LA ROCHELLE) Suivant déclaration d'appel du 20 Avril 2005 d'un jugement AU FOND du 14 AVRIL 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LA ROCHELLE. INTIMEE : SA GROUPE ORPEA 06 Rue du Gué 17000 LA ROCHELLE Représentée par Me François DRAGEON (avocat au barreau de LA ROCHELLE) COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Président : Yves DUBOIS, Président Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller Greffier : Joùlle BONMARTIN, Greffier uniquement présent(e) aux débats, DEBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2006,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au greffe le 17 Octobre 2006
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :
ARRET :
Mme X... a été engagée en qualité d'agent de service le 17 décembre 2001 par la société Résidence d'Accueil du Monastère, qui exploitait la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE à La Rochelle, en qualité d'auxiliaire de vie selon un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, qui a été renouvelé et qui s'est poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ; le 16 septembre 2002, la société a été absorbée par le Groupe ORPEA, qui gère 93
maisons de retraite en France ; le contrat de travail de Mme X... a été repris ; la salariée, qui effectuait les fonctions d'auxiliaire de vie, a été mise à pied à titre conservatoire le 14 avril 2004 et licenciée le 5 mai 2004 pour cause réelle et sérieuse en raison de faits d'insubordination constatés le 13 avril 2004.
Par jugement du 14 avril 2005, le Conseil des Prud'hommes de La Rochelle, a dit que le licenciement était fondé et a débouté Mme X... de ses demandes.
Mme X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.
A l'audience de plaidoirie, ont été examinées 4 autres affaires concernant les licenciements de salariés de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE intervenus courant février, mars et avril 2004.
La société ORPEA et la directrice de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE, Mme Y..., ont fait citer Mme Z..., une des salariés concernés, devant le tribunal correctionnel de La Rochelle du chef de diffamation publique, exposant qu'à l'occasion d'un mouvement social dans l'entreprise, un reportage a été diffusé sur France 3 le 15 avril 2004, au cours duquel Mme Z... s'est exprimée en rapportant des propos tenus par la directrice de l'établissement, précisant, en réponse à une question du journaliste, qu'il s'agissait de menaces claires du fait de la constitution d'une liste CGT aux élections professionnelles. Mme Z..., qui avait été licenciée le 16 avril 2004, a été relaxée par jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle du 31 mars 2005. Ce jugement a été frappé d'appel par la partie civile. Il a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 23 février 2006.
C'est dans ces conditions que les salariés concernés ont formé des demandes nouvelles devant la cour, dans le cadre des procédures prud'homales, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
Mme X... conclut à l'infirmation du jugement entrepris ; elle demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et de lui allouer la somme de 46 800 ç pour licenciement abusif ; elle forme une demande nouvelle de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 ç pour discrimination syndicale et sollicite la somme de 2 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
La société ORPEA conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet de la demande nouvelle formée reconventionnellement par la salariée; elle sollicite la somme de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; la société ORPEA soutient que le licenciement est justifié et conteste avoir pratiqué à l'égard de la salariée une discrimination syndicale.
Mme X... a demandé que soient écartées des débats 2 nouvelles pièces communiquées par la société ORPEA le 1er septembre 2006, à savoir un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 11 octobre 2005 et une attestation de Mme A...
A l'audience de plaidoirie du 5 septembre 2006, la cour a dit, sur le siège, n'y avoir lieu d'écarter les pièces incriminées, sauf à justifier en cours de délibéré du caractère définitif du jugement communiqué. En cours de délibéré, le conseil de Mme X... a justifié du fait que le jugement est frappé d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Vu les conclusions des parties reçues au greffe et développées oralement à l'audience de plaidoirie ;
Il convient d'observer au préalable que la salariée ne soulève pas la
nullité du licenciement en raison d'une discrimination syndicale ; elle demande à la cour de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de lui allouer des dommages et intérêts en raison de son caractère abusif et de lui allouer des dommages et intérêts supplémentaires pour son caractère discriminatoire.
Sur le licenciement, Mme X... a été convoquée le 14 avril 2004 pour un entretien préalable le 20 avril suivant ; elle a été licenciée le 5 mai 2004 pour faute avec un préavis de 2 mois, dont elle a été dispensée.
La lettre de rupture lui reproche d'avoir le 13 avril 2004 refusé de nettoyer une chambre pour accueillir une nouvelle résidente en répondant d'un ton sec et arrogant au responsable qu'elle ne le ferait pas parce qu'elle n'en avait pas le temps.
La salariée conteste les faits invoqués par l'employeur exposant qu'au contraire, elle a fait 2 fois le ménage de cette chambre dans des circonstances qu'elle a détaillées dans une lettre de contestation du licenciement.
La société ORPEA prétend que la faute de la salariée est avérée et qu'elle a fait preuve d'un comportement inadmissible.
Pour dire que le licenciement était justifié, le premier juge a retenu que la salariée avait en effet répondu au "maître de maison", qui lui demandait de faire le nettoyage de la chambre qu'elle n'en avait pas le temps et de n'avoir obtempéré ni à la visite ni au nettoyage du lieu.
Toutefois, il résulte seulement de l'attestation du "maître de maison", qui est la seule pièce versée aux débats par l'employeur à l'appui des griefs, que la salariée lui a "répondu d'un ton sec et arrogant", lorsqu'il l'a convoquée parce qu'il avait constaté que le ménage de la chambre n'était pas fait. Les faits d'insubordination ne sont absolument pas établis. Le ton sur lequel la salariée a répondu
au responsable, alors qu'il est le seul à en attester, ne peut constituer un motif de licenciement, d'autant que Mme X... produit des attestations de collègues en sa faveur.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement n'est pas justifié.
Compte tenu de l'âge et de l'ancienneté de la salariée, il convient de lui allouer la somme de 8 000 ç à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts supplémentaires pour discrimination syndicale, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L 122-45 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de "ses activités syndicales". L'alinéa 4 dispose:
" en cas de litige... le salarié concerné ...présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination."
En l'espèce, le contexte du licenciement est celui de la formation par des salariés de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE d'une section syndicale de la CGT en vue de préparer les élections des délégués du personnel et d'un mouvement social consécutif au licenciement de salariés dans le premier trimestre 2004.
La salariée prouve qu'elle a été signataire d'une pétition du 9 avril 2004 décidant une grève reconductible à partir du 14 avril suivant et portant en particulier sur la dégradation des conditions de travail, le respect de la liberté d'expression, la réintégration des personnels licenciés.
Par ailleurs, il résulte d'une attestation de Mme B..., secrétaire de l'Union Départementale Santé CGT 17 qu'elle a reçu courant février et mars 2004 à plusieurs reprises pour préparer les élections professionnelles l'ensemble du personnel de la maison de retraite LA
CLAIRE FONTAINE, en particulier Mme X.... Le 31 mars 2004, une réunion a eu lieu au cours de laquelle a été créée une section CGT de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE. Le bureau était constitué de Mme C... comme secrétaire, Mme GREFFARD comme secrétaire adjointe et de Mme Z... comme trésorière. Les 3 salariées ont fait l'objet de procédures de licenciements disciplinaires postérieurement à cette réunion et elles ont été licenciées les 14 et 16 avril suivant. Le licenciement de Mme X..., qui avait participé aux réunions de préparation des élections et qui a signé la pétition a suivi ces licenciements.
Dans le cadre de la procédure devant le tribunal correctionnel de La Rochelle relative aux poursuites en diffamation engagées par la société ORPEA et la directrice de la maison de retraite, Mme Y..., à l'encontre de Mme Z..., qui avait dit dans une interview télévisée qu'elle avait été l'objet de menaces de la part de Mme Y... à la suite de la constitution de la liste CGT aux élections professionnelles, les témoins entendus par le tribunal, en particulier Mme X..., ont confirmé l'existence de menaces voilées mais suffisamment nettes de la part de Mme Y... et cette dernière a reconnu avoir indiqué fin mars 2004 à Mme C... qu'elle connaissait l'existence d'un petit groupe déjà constitué pour les élections processionnelles. Mme Z... a été relaxée des poursuites engagées contre elle. En ce qui concerne cette procédure pénale, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la salariée, le jugement du tribunal correctionnel et l'arrêt de la cour d'appel ne s'imposent pas à la juridiction prud'homale puisqu'il ne s'agit pas de décisions ayant statué sur des faits de discrimination syndicale commis à l'encontre de la salariée, ce qui est l'objet du présent litige, mais d'une procédure de diffamation publique intentée à l'encontre de Mme Z.... Néanmoins, les pièces de la procédure
pénale produites aux débats constituent des éléments de preuve, notamment les notes d'audience, qui en l'occurrence étayent la thèse de Mme X....
Pour apporter la preuve contraire, la société ORPEA verse aux débats tardivement une attestation du 5 avril 2005 de Mme TRAJEAN, qui aurait été une représentante CGT au niveau nationale et qui dénigre le syndicat CGT ORPEA de façon tellement outrancière qu'elle ne peut pas être crédible. Compte tenu du fait que le licenciement de la salariée est jugée dépourvue de cause réelle et sérieuse, il y a lieu de constater que la société ORPEA ne justifie pas qu'il est sans lien avec son engagement syndical.
Il y a lieu de faire droit en conséquence à la demande de Mme X... et de lui allouer la somme de 2 000 ç à tire de dommages et intérêts. L'appelante, qui succombe, supportera les dépens d'appel et le paiement à la partie adverse d'une indemnité au titre des frais du procès non compris dans les dépens, tels les frais d'avocat, qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
- Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau:
- Dit que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la société ORPEA à payer à Mme X... les sommes suivantes: - dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 8 000 ç - dommages et intérêts pour discrimination
syndicale: 2 000 ç
- Condamne la société ORPEA SA aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à Mme X... de la somme de 1 400 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président assisté de Madame Joùlle BONMARTIN, Greffier.
Le Greffier,
Le Président,