JYF/SD COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRET DU 24 JANVIER 2006 ARRET N AFFAIRE N : 05/01338 AFFAIRE : ASSOCIATON ANTENNA C/ Catherine X... APPELANTE : ASSOCIATON ANTENNA Rue de l'Etenduère BP 413 85504 LES HERBIERS Représentée par Me Cyrille BERTRAND (avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON) Suivant déclaration d'appel du 27 Avril 2005 d'un jugement AU FOND du 18 AVRIL 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LA ROCHE SUR YON. INTIMEE : Appelante Incidente Mademoiselle Catherine X... 29 Avenue de Villebois Mareuil 85600 MONTAIGU Représentée par Me Laurence AUDIDIER-ANTONA (avocat au barreau de LA ROCHELLE) COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Président : Yves DUBOIS, Président Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller Greffier : Edith BOYER, Greffier uniquement présent(e) aux débats, DEBATS :
A l'audience publique du 07 Décembre 2005,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au greffe le 24 Janvier 2006
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant : ARRET :
EXPOSÉ DU LITIGE
Mlle X... a été engagée le 12 octobre 1998 par l'association Antenna, d'abord, par contrat à durée déterminée puis, à compter du 1er janvier 1999, par contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante administrative coordinatrice. Après un congé maternité, elle a repris le travail, le 1er avril 2004, mais elle a pris acte, le 14 avril 2004, de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Par jugement en date du 18 avril 2005, le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon a dit que l'Association avait modifié unilatéralement le contrat de travail de Mlle X... en ne la rétablissant pas dans ses fonctions à son retour de congé maternité, que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et il a condamné l'Association à payer diverses sommes à Mlle X...
L'Association Antenna a régulièrement interjeté appel du jugement dont elle sollicite l'infirmation. Elle soutient qu'elle n'a pas modifié le contrat de travail de Mlle X... en sorte que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission et au surplus que la rupture du contrat de travail est intervenue après la fin de la période de protection. Elle conclut donc au rejet de toutes les demandes de Mlle X... et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mlle X... forme appel incident sur les sommes qui lui ont été allouées et conclut à la condamnation de l'Association à lui payer les sommes de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 000 euros pour non-respect du statut protecteur de la femme en état de grossesse, 1 000 euros pour violation de l'article 8 de la convention collective des organismes de formation, et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
A l'audience la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'éventuelle application d'office des dispositions de l'article L 122-14-4 du Code du Travail relatives au remboursement des indemnités de chômage. Leurs conseils s'en sont rapportés à justice n'étant pas contesté que l'entreprise employait
habituellement plus de dix salariés à l'époque de la rupture.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la qualification de la rupture du contrat de travail
Il est de règle que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif que l'employeur ne l'avait pas rétabli dans ses fonctions au retour de son congé maternité et qu'il avait ainsi modifié unilatéralement son contrat de travail. L'employeur, de son côté, soutient qu'il a simplement changé les conditions de travail de la salariée et qu'elle ne pouvait s'y opposer.
Il est sûr qu'une modification unilatérale du contrat de travail d'un salarié par l'employeur constitue un fait suffisamment grave pour justifier que le salarié ne puisse poursuivre le contrat de travail par le fait de l'employeur et le fonde à prendre acte de la rupture à ses torts.
Encore convient-il de vérifier si c'est le cas de l'espèce.
A cet égard, il est constant qu'à son retour de congé maternité, Mlle X... a été affectée exclusivement à des fonctions de secrétaire administrative.
Or, il résulte des dispositions des avenants du 1er juin 2001 et du 2 janvier 2002 que Mlle X..., qui avait été engagée initialement en qualité d'assistante administrative, était employée en vertu de ces avenants, d'une part, en qualité de formatrice en informatique, pour assurer le remplacement d'une autre salariée partie en congé parental et cela jusqu'à son retour prévu pour le mois de septembre 2004, d'autre part, en qualité de secrétaire administrative. Il se déduit
de la combinaison des deux avenants, et en particulier du détail de la répartition de son temps de travail telle que prévu par l'avenant du 1er juin 2001 que, pendant le temps de l'absence pour congé parental de l'autre salariée, Mlle X... était engagée à temps plein en qualité de formatrice en informatique, après quoi elle exercerait tout à la fois des fonctions de formatrice en informatique et des fonctions de secrétaire administrative. A supposer même qu'on ne doive pas lire l'avenant du 2 janvier 2002 en combinaison avec celui du 1er juin 2001, il en ressort en toute hypothèse que jusqu'au retour de la salariée remplacée, Mlle X... devait partager son temps de travail entre des fonctions de formatrice en informatique et des fonctions de secrétaire administrative.
Cela étant, ainsi qu'il a été vu, la salariée a été affectée exclusivement à des fonctions de secrétaire administrative à son retour de congé maternité.
Pour soutenir que cela ne caractériserait pas une modification du contrat de travail de la salariée, l'employeur fait valoir que les activités de formatrice en informatique et de secrétaire administrative constituent les deux tâches d'une même fonction en sorte qu'il n'a fait que changer la tâche de Mlle X... à son retour de congé maternité sans modifier son contrat de travail.
Il est sans doute vrai que le changement des tâches confiées à un salarié ne caractérise pas une modification de son contrat de travail dès l'instant que ses attributions ou responsabilités demeurent celles pour lesquelles il a été recruté et correspondent à sa qualification. Mais il ne peut être sérieusement soutenu que les attributions de formatrice en informatique sont analogues à celle de secrétaire administrative. Il va de soi que ce sont là deux fonctions distinctes. Au demeurant, l'employeur le sait si bien que quand il a affecté Mlle X... par les avenants du 1er juin 2001 et 2 janvier
2002 aux fonctions de formatrice en informatique, alors qu'elle avait été recrutée en qualité d'assistante administrative, il a considéré que ce "changement" devait être formalisé dans un avenant, ce qui revenait à admettre qu'il s'agissait bien d'une modification du contrat de travail de la salariée. Et, de la même manière, quand la salariée a protesté à son retour de congé maternité contre son affectation exclusive aux fonctions de secrétaire administrative, il lui a proposé de formaliser cette affectation dans un avenant, ce qui là encore revenait à admettre qu'il s'agissait bien d'une modification du contrat de travail de la salariée.
Il suit de ces motifs qu'en affectant d'autorité Mlle X... à son retour de congé maternité à des fonctions exclusives de secrétaire administrative, l'Association a modifié unilatéralement son contrat de travail, peu important qu'elle lui ait soumis ultérieurement pour signature un avenant, ce qui ne pouvait constituer une proposition de modification, dès l'instant que la modification avait déjà été imposée à la salariée.
En conséquence, le conseil de prud'hommes a justement décidé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mlle X... produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué sur la qualification de la rupture du contrat de travail et les conséquences indemnitaires, sauf à porter à 17 000 euros la somme qui sera allouée à Mlle X... à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au vu des pièces produites pour justifier du préjudice ayant résulté pour la salariée de la perte de son emploi.
Sur l'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 122-25 à L. 122-28-7 du code du travail
Mlle X... prétend que son licenciement serait intervenu avant le terme de la période de protection dont elle bénéficiait en application de la loi et qu'elle est bien fondée en application de l'article L. 122-30 du code du travail à prétendre au paiement des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité.
En l'espèce, la période de protection a pris fin 4 semaines après l'expiration des périodes de suspension auxquelles la salariée avait droit en application de l'article L. 122-26 du code du travail, ce qui signifie que la période de congés et de congés sans solde qui ont été pris par Mlle X... après la fin de son congé maternité n'ont pu avoir pour effet de prolonger la période de protection en différant le point de départ du délai de quatre semaines précédemment visé.
Il s'ensuit qu'à la date à laquelle Mlle X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail, soit le 14 avril 2004, la période de protection avait déjà pris fin.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de ce chef et de rejeter la demande comme mal fondée.
Sur la demande en dommages et intérêts pour violation de la convention collective
Mlle X... n'a subi aucun préjudice particulier à raison de la violation d'une disposition conventionnelle qui prévoit qu'une modification du contrat de travail doit être soumise à l'accord préalable du salarié puisque ce n'est là que l'application de la loi. Aussi le jugement attaqué sera t-il également infirmé de ce chef et la demande de Mlle X... rejetée.
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
En application de ce texte, il convient de condamner l'Association Antenna, partie perdante et tenue aux dépens, à payer à Mlle X..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tels les honoraires d'avocat, une somme qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon en date du 18 avril 2005 sur la qualification de la rupture du contrat de travail et sur l'indemnité de préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement, les intérêts, et l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau,
- Condamne l'association Antenna à payer à Mlle X... la somme de 17 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Rejette la demande de Mlle X... à titre de dommages et intérêts pour inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 122-25 à L. 122-28-7 du code du travail et sa demande en dommages et intérêts pour violation de la convention collective,
- Ordonne le remboursement par l'association Antenna à l'organisme concerné des indemnité de chômage versées à Mlle X... à la suite de la rupture et dans la limite de six mois,
- Condamne l'association Antenna à payer à Mlle X... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne l'association Antenna aux dépens d'appel.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président assisté de Monsieur Michel Y..., Greffier.
Le Greffier,
Le Président,