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15/05/2001 | FRANCE | N°00/1487

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 15 mai 2001, 00/1487


P.V./C.G. Arrêt n du 15 mai 2001

COUR D'APPEL DE POITIERS CHAMBRE SOCIALE Arrêt du 15 mai 2001

Rôle n 0001487 SA SBLF C/ M. X... Y... : S.A. SBLF dont le siège social est Rue du Moulin de la Groie Z.I. Saint Médard des Prés 85202 FONTENAY LE COMTE Suivant Déclaration d'appel du 28 avril 2000 d'un jugement rendu par le Conseil de Prud'Hommes de LA ROCHE SUR YON, le 10 avril 2000, Représentée par Maître GALLET François-Xavier substitué par Maître MENARD, Avocats au Barreau de POITIERS. INTIME :

Monsieur Claude X...,... par Maître JOUTEUX Jean-Pascal, Avocat au

Barreau de POITIERS. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
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P.V./C.G. Arrêt n du 15 mai 2001

COUR D'APPEL DE POITIERS CHAMBRE SOCIALE Arrêt du 15 mai 2001

Rôle n 0001487 SA SBLF C/ M. X... Y... : S.A. SBLF dont le siège social est Rue du Moulin de la Groie Z.I. Saint Médard des Prés 85202 FONTENAY LE COMTE Suivant Déclaration d'appel du 28 avril 2000 d'un jugement rendu par le Conseil de Prud'Hommes de LA ROCHE SUR YON, le 10 avril 2000, Représentée par Maître GALLET François-Xavier substitué par Maître MENARD, Avocats au Barreau de POITIERS. INTIME :

Monsieur Claude X...,... par Maître JOUTEUX Jean-Pascal, Avocat au Barreau de POITIERS. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Yves DUBOIS, Président

Madame Sophie Z... et Monsieur Pascal VIDEAU, Conseillers GREFFIER :

Mme Edith JACQUEMET présente uniquement aux débats, DEBATS :

A l'audience publique du 4 avril 2001,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été fixée pour que le délibéré soit rendu au 15 mai 2001

Ce jour a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant: *************

A R R E T :

Monsieur X... a été le 1er février 1995, engagé par la société ARCHIMBAUT comme prospecteur et démarcheur pour des produits existants et mise au point de nouveaux produits. Il a collaboré dans ce cadre à la mise au point d'un produit de lamellé collé en châtaignier à usage de carrosserie industrielle.

A la suite d'une restructuration, la société ARCHIMBAUT cédant son

activité de lamellé collé à la société SBLF, Monsieur X... va être transféré au sein de cette société à compter du 1er novembre 1997 avec reprise de son ancienneté ; il devient alors directeur commercial de la société. Dans ses attributions, il assure le contrôle de qualité des produits finis en liaison avec la direction générale (article 3 du contrat de travail du 19 novembre 1997).

Le 2 novembre 1998, est engagé Monsieur A... qui doit succéder à terme au B... de la société SBLF Monsieur C... et qui dans un premier temps va travailler avec Monsieur X... au service commercial ; les relations de Monsieur X... avec ce dernier ainsi qu'avec Monsieur D... responsable du service production apparaissent difficiles.

Le 17 mai 1999, Monsieur X... est mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour un entretien préalable à un licenciement ; le licenciement sera prononcé le 26 mai 1999 pour cause réelle et sérieuse Monsieur X... étant dispensé d'effectuer son préavis de trois mois.

Monsieur X... considérant ce licenciement injustifié saisit le conseil des prud'hommes de LA ROCHE SUR YON qui, par jugement du 10 avril 2000, dit le licenciement intervenu sans cause réelle et condamne dès lors la société SBLF à payer à Monsieur X... sur le fondement de l'article L.122.14.4 180.000 F à titre de dommages-intérêts et 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; la société SBLF est en outre condamnée à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage dans la limite de six mois.

La société SBLF a régulièrement interjeté appel de ce jugement dont elle demande la réformation.

A l'audience, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'éventuelle application d'office des dispositions de l'article L.122.14.4 du code du travail relatives au remboursement

des indemnités de chômage. leurs conseils s'en sont rapportés n'étant pas contesté que l'entreprise employait habituellement plus de 10 salariés à l'époque de la rupture.

Vu la décision entreprise,

Vu les conclusions des parties confirmées à l'audience, en date du 30 mars 2001 pour la société SBLF et 4 avril 2001 pour Monsieur X..., SUR QUOI LA COUR : 1 / Sur la recevabilité des attestations :

Attendu que Monsieur X... demande que soient écartées des débats trois pièces versées par la société SBLF ; que les deux premières concernent, l'une l'attestation de Monsieur C... B... de la société SBLF, l'autre un témoignage intitulé "témoignage de la société ARCHIMBAUT" au motif que ce document n'aurait aucune valeur juridique

;

Attendu que dans le débat judiciaire l'administration de la preuve est libre et que tout document peut être valablement versé aux débats sauf s'il a été obtenu frauduleusement ou s'il est contraire aux bonnes moeurs et à l'ordre public ;

Attendu en l'état, que les deux pièces visées ci-dessus sont parfaitement recevables ; que par contre, la Cour n'en tiendra pas compte, le témoignage de Monsieur C... B... de la société SBLF qui a licencié Monsieur X... ne pouvant être pris en considération, et le document intitulé "témoignage de la société ARCHIMBAUT" ne présentant aucun intérêt dans la mesure où l'identité de son auteur n'est pas précisée et où il n'est pas signé ;

Attendu concernant les notes personnelles de Monsieur X..., que la société SBLF indique les avoir trouvées bien en vue sur le bureau de ce dernier dans les locaux de la société après son départ ; que

Monsieur X... prétend qu'elles lui auraient été manifestement "subtilisées" sans cependant en rapporter la moindre preuve, le simple fait qu'elles soient en la possession de la société SBLF n'étant pas la preuve d'une soustraction frauduleuse ; qu'au contraire, Monsieur X... reconnaît qu'elles se trouvaient bien dans son bureau dans un tiroir ; que ces notes qui n'ont pas trait à sa vie personnelle mais exclusivement à ses relations professionnelles sont parfaitement recevables dans le cadre du débat judiciaire ; qu'ainsi donc l'objection de Monsieur X... tendant à les voir écartées des débats sera rejetée ; 2 / Sur le licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement doit énoncer les motifs précis de celui-ci qui fixe les termes du litige et interdisent à l'employeur d'en évoquer d'autres.

Attendu qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des faits qu'il allègue ;

Attendu que la lettre de licenciement du 25 mai 1999 vise deux motifs : d'une part l'existence d'une situation de mésentente que Monsieur X... entretenait avec les autres cadres et employés de l'entreprise et d'autre part, une attitude dénigrante à l'égard de la société ou de ses actionnaires ;

a) attitude à l'égard des cadres et des autres membres de l'entreprise :

Attendu qu'en réponse à sa lettre de licenciement du 25 mai 1999, Monsieur X..., le 9 juin 1999 s'adressait à Monsieur C... B... de la société SBLF pour contester les motifs de son licenciement ; qu'il concluait sa lettre ainsi :

..."depuis mon arrivée au sein de la société après avoir été imposé par mon ancien employeur, je pense que vous avez tout fait pour me rejeter de la société. Seule, l'opiniâtreté à défendre un produit que j'ai lancé techniquement et commercialement et mon sens des responsabilités m'ont fait endurer le

harcèlement moral et les vexations permanentes que vous m'infligiez pour me décourager. Vous avez organisé mon exclusion de la société depuis le premier jour de ma présence au travers de vos intérêts..." Attendu qu'une telle protestation est très révélatrice de la personnalité de Monsieur X... telle qu'elle transparaît à travers les débats et l'ensemble des pièces communiquées, Monsieur X... apparaissant toujours sûr de lui sinon suffisant, sans nuance, rejetant systématiquement la responsabilité sur les autres, incapable de se remettre en cause ; que Madame E..., responsable du personnel écrit : "personnalité complexe... ou tout va bien, ou tout l'entourage est nul; lui seul possède la science infuse -la communication est impossible, il n'accepte d'échanges qu'avec le B...". Qu'il apparaît que ses relations ont été particulièrement difficiles avec Monsieur D..., responsable de la production, intervenant directement auprès de l'équipe de production au prétexte qu'il était responsable du contrôle de qualité des produits, fonction qui lui sera retirée et qui en tout état de cause, ne lui permettait pas d'intervenir directement sans passer par Monsieur D... (cf mémos des 30 avril au 20 octobre 1998 à Monsieur C... et à Monsieur D...) ; qu'également ses relations avec Monsieur A... qui lui a été présenté comme à terme, devant remplacer Monsieur C... le B... ont été particulièrement difficiles, Monsieur X... le traitant "de petit con", acceptant difficilement sa présence à la direction commerciale, reprenant ses propositions faites à des clients (affaire METACO) d'un ton peu amène et sentencieux, cherchant indiscutablement à déconsidérer celui qu'il doit considérer comme un intrus puisque prenant une place à la direction de la société qui aurait dû être la sienne selon sa propre considération... qu'en effet que ce soit à travers ses mémos, sa note manuscrite ou ses compte-rendus de

semaine, Monsieur X... a des avis sur tout, notamment quand il ne s'agit pas de problèmes relevant de sa fonction ; qu'ainsi s'étonne-t-il des nombreuses vacances que selon lui prendrait Monsieur D... sans qu'il soit tenu au courant ; qu'il n'a aucun respect c'est à dire de considération, à l'égard des autres; qu'ainsi selon Madame E... responsable du personnel et qui a recueilli les doléances de Mademoiselle F... sa secrétaire, lui avait-il dit "vous êtes mon paillasson...". Monsieur D... lui aussi relève son esprit de supériorité "comportement agressif, trop peu de critique constructive, dénigrement et absence de partenariat" autant d'éléments révélant une personnalité rigide d'autant plus prompte à la critique qu'il ne dirige pas, créant indiscutablement un climat difficile dans l'entreprise et acceptant d'autant plus mal de se cantonner à sa fonction de direction commerciale qu'il considère que le produit qu'il a en charge de diffuser et de vendre a été conçu par lui et donc doit être exempt de toute imperfection étant précisé que son appréciation est le reflet de sa vérité en dehors de laquelle il n'en existe point... ;

Attendu qu'à l'évidence un tel comportement d'un cadre supérieur est incompatible surtout dans une petite entreprise où doit exister un esprit de partenariat, de coopération, de convivialité, bref, de respect mutuel ;

Attendu qu'ainsi les faits reprochés à Monsieur X... par la société SBLF sont non seulement réels mais sérieux et justifiaient le licenciement ;

b) sur le dénigrement :

Attendu que les faits reprochés à Monsieur X... qui aurait dénigré soit l'un des actionnaires majoritaires soit la société elle-même n'apparaissent pas fondés et ne seront pas retenus ;

Attendu ainsi que le jugement du conseil des prud'hommes de LA ROCHE

SUR YON en date du 10 avril 2000 sera réformé ;

Attendu que le licenciement étant jugé pour cause réelle et sérieuse, l'ensemble des demandes de Monsieur X... seront rejetées ; 3 / Sur les conditions du licenciement :

Attendu que si le licenciement apparaît justifié, par contre les conditions dans lesquelles il est intervenu ont été inutilement brutales et vexatoires ; que dès la convocation à l'entretien préalable, Monsieur X... a été mis à pied et n'est plus revenu dans l'entreprise pouvant laisser penser aux autres membres du personnel à la survenance d'un acte ou d'un fait grave alors qu'en réalité Monsieur X... a été licencié à cause d'une attitude générale connue de l'employeur depuis de nombreux mois ; qu'un tel procédé, pour celui qui a tenu des fonctions importantes dans l'entreprise pendant plusieurs années et dont le professionnalisme était reconnu, relève de la part de l'employeur, d'une légèreté blâmable qui a causé un préjudice à Monsieur X... que la Cour évalue à 15.000 F ; 4 / Sur l'article 700 du NCPC :

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'ils ont engagés tant en première instance qu'en appel ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

REFORME le jugement du conseil des prud'hommes de LA ROCHE SUR YON en date du 10 avril 2000 ;

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement de Monsieur X... intervenu pour cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Monsieur X... de ses demandes de ce chef ;

DIT cependant que les conditions du licenciement ont été vexatoires et alloue à Monsieur X... la somme de 15.000 F en réparation du

préjudice subi de ce chef ;

DEBOUTE tant Monsieur X... que la société SBLF de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens engagés par elle tant en première instance qu'en appel. *****************

Ainsi prononcé publiquement par Monsieur Pascal VIDEAU, Conseiller.

Signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président et Madame Edith JACQUEMET, greffier qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00/1487
Date de la décision : 15/05/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Applications diverses - Mésentente - Condition - /.

Doit être déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement justifié par l'existence d'une situation de mésentente entre le salarié et les autres employés de l'entreprise, lorsqu'il apparaît que le salarié licencié, cadre supérieur, semble toujours suffisant et rejette systématiquement la responsabilité sur les autres, déconsidère les autres salariés, et impose un esprit de supériorité, donne des avis sur des problèmes ne relevant pas de sa fonction, n'a aucun respect à l'égard des autres. Un tel comportement est incompatible, surtout dans une petite entreprise où doit exister un esprit de partenariat, de coopération, de convivialité et de respect mutuel

PREUVE (règles générales) - Moyen de preuve - Preuve par tous moyens - Matière prud'homale - /.

Dans le débat judiciaire, l'administration de la preuve est libre et tout document peut être valablement versé aux débats sauf s'il a été obtenu frauduleusement ou s'il est contraire aux bonnes moeurs et à l'ordre public. Le simple fait que les notes personnelles d'un salarié soient en possession de l'employeur, ne constitue pas une preuve de soustraction frauduleuse, sachant que la société indique les avoir trouvées, en vue, sur le bureau du salarié après son départ et que ce dernier reconnaît les avoir laissées dans un tiroir de son bureau

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Circonstances de la rupture - Conditions abusives ou vexatoires - Portée - /.

Les conditions du licenciement sont vexatoires et brutales lorsque, dès la convocation à l'entretien préalable, le salarié a été mis à pied, et n'est plus revenu dans l'entreprise ce qui pouvait laisser penser aux autres salariés la survenue d'un acte grave, alors qu'en réalité ledit salarié a été licencié pour cause d'attitude générale, connue de l'employeur depuis plusieurs mois. Un tel procédé relève de la légèreté blâmable dès lors que le salarié, dont le professionnalisme était reconnu, a tenu des fonctions importantes


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2001-05-15;00.1487 ?
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