N°24/02606
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PAU
ORDONNANCE
CHAMBRE SPÉCIALE
Hospitalisation sous contrainte
30 août 2024
Dossier N°
N° RG 24/00035 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I6EV
Objet :
Recours contre la décision du JLD statuant en application des articles L 3211-12-1 et suivants du code da la santé publique
Affaire :
[D] [Z]
C/
LE PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES, LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [7]
Nous, Dominique ROSSIGNOL, Conseiller, Secrétaire Général à la Cour d'Appel de PAU, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 5 juillet 2024, statuant en application des dispositions des articles R3211-18 et suivants du code de la santé publique, avons rendu après débat contradictoire tenu le 30 août 2024, l'ordonnance suivante à l'audience du 30 août 2024,
Avec l'assistance de Madame Julie FITTES-PUCHEU, Greffier
ENTRE :
Madame [D] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparante en personne
assistée de Me Ilazki ORTEGO SAMPEDRO, avocat au barreau de PAU
Suite à une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BAYONNE, en date du 11 Juillet 2024.
ET :
MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES
Agence Régionale de Santé (ARS) Nouvelle Aquitaine
Délégation départementale de la Gironde
Service régionalisé des soins sans consentement
[Adresse 1]
[Localité 2]
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [7]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Monsieur Le Directeur du centre hospitalier de [7], avisé, non comparant
Monsieur le Préfet des Pyrénées-Atlantiques, avisé, non comparant
PARTIE JOINTE : Ministère public representé par Monsieur Thierry MAY, avocat général, ayant pris des réquisitions écrites en date du 29 août 2024.
Oui à l'audience publique tenue le 30 août 2024:
- Monsieur le Président en son rapport,
- l'appelant en ses explications,
- le conseil de l'appelant en ses conclusions orales,
- le Ministère Public, en ses réquisitions écrites,
- En cet état l'affaire a été mise en délibéré conformément à la loi
****************
Mme [D] [Z] a été hospitalisée le 26 juillet 2022 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat au centre hospitalier de [7]. En programme de soins depuis le 13 octobre 2022, elle a été réadmise en hospitalisation le 4 juillet 2024.
Sur saisine du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 4 juillet 2024, le juge des Libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète dont elle faisait l'objet, suivant ordonnance du 11 juillet 2024.
Par courrier daté du 19 août 2024 reçu le 26 août 2024 au greffe de la cour d'appel, Mme [D] [Z] a interjeté appel.
L'affaire a été appelée à l'audience du 30 août 2024.
Mme [D] [Z] indique avoir fait appel de la décision du juge des Libertés et de la détention très rapidement après sa notification. Elle conteste tant les motifs relevés dans les différents avis médicaux ayant conduit tant à son hospitalisation initiale qu'à sa ré hospitalisation. Elle considère notamment que les faits constitutifs d'hétéro-agressivité qui lui sont imputés ne correspondent à aucune réalité. Elle conteste également le non-respect du programme de soins.
Maître ORTEGO SAMPEDRO soutient que l'appel doit être déclaré recevable, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure que la notification de la décision du juge des Libertés et de la détention ait été portée à la connaissance de Mme [D] [Z]. Sur le fond, elle demande la mainlevée de la mesure d'hospitalisation au motif que sa cliente a été en mesure d'exprimer très clairement la réalité des violences qu'elle avait subies, qui ne correspondent pas à un simple sentiment de persécution.
Le Ministère public a émis son avis le 29 août 2024 aux termes duquel il demande de déclarer l'appel irrecevable.M. le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'était pas présent à l'audience.
M. le directeur de l'établissement de santé de [Localité 6] n'était pas présent.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel :
Aux termes de l'article R3211-18 du code de la santé publique, 'l'ordonnance du juge des Libertés et de la détention est susceptible d'appel dans un délai de 10 jours à compter de la notification ».
En l'espèce, les pièces versées au dossier établissent que la décision du juge des Libertés et de la détention du 11 juillet 2024 a été notifiée au centre hospitalier de [7] le 11 juillet 2024.
Aucun récépissé de la notification à Mme [D] [Z] n'est toutefois versé à la procédure.
Il doit donc être considéré qu'à la date à laquelle l'appel a été formé, le délai d'appel n'avait pas commencé à courir.
L'appel formé dans les conditions prévues par l'article susvisé, doit être déclaré recevable.
Sur le fond:
L'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.
Selon l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement, sur décision du représentant de l'Etat dans le département, que si ses troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Le juge des libertés et de la détention doit contrôler en application de l'article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d'hospitalisation complète. En application de l'article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller, à ce que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l'autorité médicale s'agissant de l'évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.
Les certificats médicaux exigés par les dispositions légales régissant l'hospitalisation sous contrainte ont été établis dans les délais requis et comportent des indications propres à répondre aux prescriptions légales.
Ainsi, l'avis médical de réadmission émis par le docteur [W] le 3 juillet 2024 relève que
- l'hospitalisation initiale est intervenue le 26 juillet 2022 pour propos délirants avec excitation psychomotrice, actes hétéro-agressifs ( menace d'une personne avec une dague), évocation de thèmes ésotériques ;
- le programme de soins mis en 'uvre le 13 octobre 2022 n'a pas été respecté, la patiente n'ayant pas honoré les 3 derniers rendez-vous. Le bailleur a avisé l'équipe médicale de troubles du comportement dirigés vers une voisine, nécessitant l'intervention de 2 personnes
L'avis médical établi le 27 août 2024 par le docteur [V] dans le cadre de la procédure d'appel retient que les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés et doivent être maintenus sous la forme d'une hospitalisation complète, compte-tenu des conditions dans lesquelles est intervenue la réintégration et de la persistance le 26 août 2024 d'un syndrome délirant de mécanisme interprétatif et de thème persécutoire.
Ces différents certificats et avis médicaux permettent de retenir que la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme [D] [Z] est adaptée, pertinente et proportionnée et que les troubles du comportement dont elle souffre nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Les dépens resteront à la charge du Trésor public.
PAR CES MOTIFS,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclarons recevable l'appel interjeté par Mme [D] [Z] à l'encontre de la décision du juge des Libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne en date du 11 juillet 2024.
Confirmons la décision déférée;
Confirmons la mesure de soins sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète;
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
LE GREFFIER, P/ Le Premier Président,
Le Conseiller
J.FITTES-PUCHEU D. ROSSIGNOL