N°24/02605
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PAU
ORDONNANCE
CHAMBRE SPÉCIALE
Hospitalisation sous contrainte
30 août 2024
Dossier N°
N° RG 24/00034 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I6EP
Objet :
Recours contre la décision du JLD statuant en application des articles L 3211-12-1 et suivants du code da la santé publique
Affaire :
[C] [E]
-
LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DES [4]
Nous, Dominique ROSSIGNOL, Conseiller, Secrétaire Général à la Cour d'Appel de PAU, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 5 juillet 2024, statuant en application des dispositions des articles R3211-18 et suivants du code de la santé publique, avons rendu après débat contradictoire tenu le 30 août 2024, l'ordonnance suivante à l'audience du 30 août 2024,
Avec l'assistance de Madame Julie FITTES-PUCHEU, Greffier
ENTRE :
Madame [C] [E]
[Adresse 2]
Actuellement Centre hospitalier-[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante
Assistée de Me llazki ORTEGO SAMPEDRO, avocat au barreau de PAU
Suite à une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de PAU en date du 22 Août 2024.
ET :
LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DES [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur Le Directeur du centre hospitalier des [4] de [Localité 3], avisé, non comparant
Monsieur le Préfet des Pyrénées-Atlantiques, avisé, non comparant
PARTIE JOINTE : Ministère public representé par Monsieur Thierry MAY, avocat général, ayant pris des réquisitions écrites en date du 29 août 2024.
Oui à l'audience publique tenue le 30 août 2024 :
- Monsieur le Président en son rapport,
- l'appelant en ses explications,
- le conseil de l'appelant en ses conclusions orales,
- le Ministère Public, en ses réquisitions écrites,
- En cet état l'affaire a été mise en délibéré conformément à la loi
****************
Mme [C] [E] a fait l'objet le 12 avril 2024 d'une réintégration au centre hospitalier des [4] hospitalisée en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète pour péril imminent au centre hospitalier des [4].
Sur saisine de M. le directeur du centre hospitalier de [Localité 3] suivant requête en date du 17 avril 2024, le juge des
Libertés et de la détention de [Localité 3] a, suivant ordonnance du 22 avril 2024, autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme [E].
Cette ordonnance lui a été notifiée à cette date.
Par courriel adressé sur la boîte structurelle de la cour d'appel de Pau le 25 avril 2024, Mme [C] [E] a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été examinée lors de l'audience du 30 avril 2024.
Par décision du 30 avril 2024, le conseiller délégué par le premier président a déclaré recevable l'appel interjeté par Mme [C] [E] à l'encontre de la décision du juge des Libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pau en date du 22 avril 2024, rejeté la demande d'expertise, confirmé la décision déférée et confirmé la mesure de soins sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète.
Après mise en oeuvre d'un programme de soins, Mme [C] [E] a fait l'objet d'une réhospitalisation complète en raison d'un péril imminent au centre hospitalier des [4].
Sur saisine du directeur du centre hospitalier des [4] de [Localité 3], le juge des Libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pau a, suivant ordonnance du 22 août 2024, confirmé la mesure de soins sans consentement sous le régime d'une hospitalisation complète prise à l'égard de Mme [C] [E].
Cette ordonnance lui a été notifiée le 25 août 2024.
Par courriel daté du 23 août 2024 à 19h32, adressé sur la boîte structurelle du service des hospitalisations d'office de la cour d'appel de Pau, Mme [C] [E] a interjeté appel de la décision du juge des Libertés et de la détention du 22 avril 2024.
L'affaire a été examinée lors de l'audience du 30 août 2024.
Mme [C] [E] soutient que son appel porte en réalité sur la décision du juge des Libertés et de la détention du 22 août 2024. Elle conteste cette décision, ainsi que les avis médicaux en soutenant qu'il n'y a pas eu d'interruption du programme de soins, sauf à une occasion en raison d'un problème de train et qu'en raison de l'impossibilité de réaliser les soins en France, elle les a mis en oeuvre en Espagne où elle se trouvait à ce moment-là.
Elle soutient ne pas souffrir d'un syndrome de persécution, mais de réelles persécutions qui ne peuvent en aucun cas caractériser un état justifiant son hospitalisation complète.
Maître ORTEGO SAMPEDRO sollicite l'infirmation de la décision du juge des Libertés et de la détention, soutenant que la rupture de soins n'est pas justifiée et que les troubles présentés par sa client ne sauraient représenter une menace grave pour l'ordre public.
M. le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas comparu.
M. Le directeur de l'établissement de santé de [Localité 3] n'a pas comparu.
Aux termes de ses réquisitions écrites, dont il a été donné lecture lors de l'audience, M. le procureur général requiert que l'appel soit déclaré recevable, que l'ordonnance déférée soit confirmée et que la mesure de soins sans consentement sous forme d'hospitalisation complète soit confirmée.
MOTIFS,
Sur la recevabilité de l'appel :
Aux termes de l'article R3211-18 du code de la santé publique, 'l'ordonnance du juge des Libertés et de la détention est susceptible d'appel dans un délai de 10 jours à compter de la notification.'.
Si la déclaration d'appel de Mme [C] [E] mentionne que la contestation porte sur la décision du juge des Libertés et de la détention du 22 avril 2024, elle a régularisé cette erreur à l'audience en précisant que l'appel portait en réalité sur la décision du juge des Libertés et de la détention en date du 22 août 2024.
Dans ces conditions, l'appel doit être déclaré recevable pour avoir été formé dans le délai de 10 jours suivant la notification de cette décision.
Sur la régularité de la procédure:
L'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.
Selon l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d'un établissement psychiatrique, en cas de péril imminent, que si :
1° ses troubles rendent impossible son consentement ;
2° son état impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.
L'hospitalisation en cas de péril imminent suppose l'impossibilité d'obtenir une demande d'un tiers et l'existence d'un péril imminent pour la personne.
Le juge des libertés et de la détention doit contrôler en application de l'article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d'hospitalisation complète. En application de l'article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller à ce que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis. Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l'autorité médicale s'agissant de l'évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.
En l'espèce:
La mesure d'hospitalisation contrainte initiale pour cause de péril imminent est intervenue le 17 mars 2018 sur la base d'un certificat médical du docteur [P] faisant état notamment d'un délire à thème de persécution et d'hallucinations, ainsi qu'en raison d'un défaut de soins.
Si une amélioration de son état a permis la mise en oeuvre d'un programme de soins le 21 novembre 2023, elle a fait l'objet d'une réadmission en hospitalisation complète le 9 janvier 2024, le docteur [R], qui participe à la prise en charge de la patiente, concluant que la prise en charge sous une forme autre que l'hospitalisation complète ne permettait plus de lui dispenser les soins psychiatriques nécessaires à son état. Ce certificat médical relevait notamment que la patiente, hospitalisée suite à une expertise réalisée en garde à vue, présente un trouble psychiatrique chronique, souffrant de délire de persécution visant la justice et l'institution hospitalière. Il est relevé qu'elle n'est pas en rupture de soins, mais qu'elle présente un comportement inadapté avec des propos agressifs, des cris et des menaces à l'égard de sa logeuse.
Le 22 janvier 2024, elle a bénéficié d'un nouveau programme de soins, cette décision intervenant suite à un certificat médical du docteur [T] concluant à l'évolution des troubles mentaux permettant de lever l'hospitalisation complète.
Le 12 avril 2024, le docteur [H] a établi un certificat médical de réintégration, la patiente présentant un discours décousu, avec passage du coq à l'âne et idées délirantes de persécution, des troubles du sommeil, un comportement inadapté au cours des jours précédant l'avis médical, un état anagnosique, ainsi qu'une absence de conscience de ses troubles.
Suite au certificat médical établi le 17 avril 2024 par le docteur [F] [Y], le directeur du centre hospitalier a maintenu la mesure d'hospitalisation complète pour une durée d'un mois.
Après un nouveau programme de soins, la réadmission de Mme [E] en hospitalisation complète est intervenue suite à l'établissement d'un certificat médical établi par le docteur [T] le 14 août 2024 constatant une dégradation de l'état de santé de Mme [C] [E].
Les certificats médicaux mensuels versés à la procédure, l'avis motivé du docteur [T] en date du 20 août 2024 et celui du docteur [J] en date du 27 août 2024 concluent tous à la nécessité de maintenir la mesure d'hospitalisation sous contrainte à temps complet, le dernier avis médical, établi dans le cadre de la procédure d'appel, relevant la persistance d'un discours sublogorrhéique avec des éléments de persécution et une faible accessibilité de Madame [E] à la critique et la nécessité de maintenir l'hospitalisation afin de faire un réajustement du traitement et de continuer l'évaluation de la patiente.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la mesure de soins sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète pour péril imminent, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise.
Les dépens resteront à la charge du Trésor public.
PAR CES MOTIFS :
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclarons recevable l'appel interjeté par Mme [C] [E] à l'encontre de la décision du juge des Libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pau en date du 22 août 2024;
Rejetons la demande d'expertise;
Confirmons la décision déférée;
Confirmons la mesure de soins sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète;
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
LE GREFFIER, P/ Le Premier Président,
Le Conseiller
J. FITTES-PUCHEU D. ROSSIGNOL