TP/SB
Numéro 24/2602
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/08/2024
Dossier : N° RG 22/01877 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIHC
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[T] [M]
C/
S.A.S. SOARMI
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Août 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 Janvier 2024, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [M]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Maître CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
S.A.S. SOARMI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Maître CHEDANEAU de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
sur appel de la décision
en date du 29 JUIN 2022
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : F 21/00022
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [T] [M] a été embauché par la SAS Soarmi, en qualité de responsable de site, statut cadre, position II, indice 100, selon contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2018, régi par la convention collective nationale des Ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le 28 août 2020, il s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de 5 jours.
Le 5 novembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 17 novembre 2020.
Le 23 novembre 2020, il a été licencié pour faute grave pour plusieurs motifs.
Le 5 mars 2021, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation de la mise à pied disciplinaire et de son licenciement.
Par jugement du 29 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan a :
- Dit et jugé que le licenciement de M. [M] [T] repose sur une faute grave.
En conséquence,
- Débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamné M. [M] à payer à la SAS Soarmi la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné M. [M] aux entiers dépens.
Le 4 juillet 2022, M. [T] [M] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Selon conclusions d'incident des 31 janvier et le 10 mars 2023, M. [T] [M] a sollicité la communication de pièces sous astreinte et le paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Par ordonnance du 15 juin 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Pau a :
- Enjoint à la SAS Soarmi de communiquer au conseil de M. [T] [M] le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société depuis 2015 et ce avant le 8 septembre 2023 ainsi que le bordereau lisible de la lettre recommandée de mise à pied disciplinaire portant la date du 28 août 2020 sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;
- Dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond et disons n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe aux représentants des parties, par voie électronique.
Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 31 octobre 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [T] [M] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 29 juin 2022 en ce qu'il a :
« -Dit et jug[é] que le licenciement de M. [T] [M] par la SAS Soarmi repose sur une faute grave ;
-Débout[é] M. [T] [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
-Condamn[é] M. [T] [M] à payer à la SAS Soarmi la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamn[é] M. [T] [M] aux entiers dépens » ;
Et, statuant à nouveau, souverainement, en fait et en droit, de :
- Déclarer le licenciement de M. [M] dénué de cause réelle et sérieuse et vexatoire ;
Et en conséquence,
- Condamner la SAS Soarmi à lui verser les sommes suivantes :
' 11.122,71 euros brut au titre de son indemnité compensatrice de préavis outre 1.112,27 euros pour les congés payés y afférents ;
' 2.394,46 euros au titre de son indemnité de licenciement ;
' 12.976,50 euros en réparation de son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse;
' 3.000 euros en réparation du caractère vexatoire de son licenciement ;
' 818,20 euros au titre des retenues sur salaire indues pendant la mise à pied conservatoire.
- Ordonner à la SAS Soarmi de communiquer son registre d'entrée et sortie du personnel sous un délai de 8 jours calendaires suivant la date de l'ordonnance, sous peine de l'application d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de cette échéance, en se réservant expressément la liquidation de l'astreinte en tant que de besoin.
- Condamner encore la SAS Soarmi à verser à M. [M] une somme de 5.000 euros en réparation des inexécutions déloyales de son contrat de travail.
- Ordonner à la SAS Soarmi de communiquer ses comptabilités 2019 et 2020 sous un délai de 8 jours calendaires suivant la date de l'ordonnance, sous peine de l'application d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de cette échéance, en se réservant expressément la condamnation à rappel de salaire qui pourrait s'en suivre au titre de la rémunération annuelle variable contractuelle potentiellement due à M. [M] et la liquidation de l'astreinte en tant que de besoin.
- Déclarer la demande afférente à la clause de non concurrence stipulée au contrat de travail et au nom de M. [M], recevable et bien fondée ;
Et en suivant :
- Condamner encore la SAS Soarmi à verser à M. [M] une somme de 2.224,54 euros par mois à compter du 1er décembre 2020 et jusqu'au 30 novembre 2022 soit la somme de 53388,96 euros assorti du cours des intérêts au taux légal à compter du 1er de chaque mois.
- Condamner encore la SAS Soarmi à refaire les documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, attestation pôle emploi) et le(s) bulletin(s) nécessaire(s) en conséquence du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de sa notification.
- Se réserver spécialement les liquidations des astreintes.
- Ordonner le cours des intérêts au taux légal sur les sommes ci-dessus à compter de la saisine du conseil de prud'hommes (sauf pour la contrepartie financière à la clause de non concurrence),
- Ordonner le jeu de l'anatocisme.
- Condamner la SAS Soarmi à verser à M. [M] une somme de 8.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la SAS Soarmi aux entiers dépens en ce compris ceux de 1ère instance.
Dans ses conclusions récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Soarmi demande à la cour de :
- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [M], au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, au visa de l'article 70 du code de procédure civile,
- En tout état de cause, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et en ce qu'il l'a condamné à régler à la SAS Soarmi la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Y ajoutant, condamner M. [M] à verser à la SAS Soarmi la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise à pied disciplinaire
Il résulte du jugement déféré que, dans sa requête initiale, M. [M] a demandé « l'annulation d'une sanction disciplinaire en date du 28/08/2020 (mise à pied disciplinaire) » prétention qu'il n'a pas reprise en tant que telle dans ses dernières demandes lors de l'audience de jugement. Il a seulement réclamé le paiement d'une somme de 818,20 euros au titre des retenues de salaires indues, outre 81,82 euros pour les congés payés afférents.
Le conseil de prud'hommes a motivé sur la demande de nullité de la mise à pied disciplinaire et l'a rejetée, sans que cela ne soit pour autant expressément mentionné dans son dispositif.
Devant la cour, M. [M] formule une demande en paiement de la même somme au titre des retenues sur salaire indues pendant la mise à pied conservatoire, mesure dont il n'a pas fait l'objet.
Dans le corps de ses écritures, il explique que cette somme correspond au salaire dont il a été privé au titre de sa mise à pied disciplinaire abusive, ce qui impose à la cour de vérifier le bien-fondé de la sanction.
[T] [M] demande en premier lieu que la société Soarmi justifie de ce qu'elle a bien notifié la lettre de mise à pied disciplinaire le 28 août 2020.
La société le démontre par sa pièce 6bis ainsi qu'un constat d'huissier : la cour peut aisément y voir que le courrier recommandé a été déposé le « 28/08/2020 », soit dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable qui s'est tenu le 29 juillet 2020, conformément aux dispositions de l'alinéa 4 de l'article L.1332-2 du code du travail. Il a été présenté à M. [M] le 2 septembre 2020 et le cachet de la poste montre que l'avis de réception a été retourné le 9 septembre 2020, ce qui constitue la date à laquelle le courrier a été remis à son destinataire qui en a donc eu connaissance.
En deuxième lieu, M. [M] affirme qu'il a été informé que l'entretien préalable fixé initialement au 30 juillet 2020 était avancé au 29 juillet 2020 le jour même et qu'il a été contraint de signer une seconde fausse lettre de convocation audit entretien antidatée au 22 juillet 2020. Le fait que cette seconde lettre signée d'[N] [Y], directeur des filiales, et non de [A] [Y], président de la société, accréditerait cette thèse.
La cour ne peut que constater que M. [M] a signé avoir reçu en mains propres, le 22 juillet 2020, la première convocation pour l'entretien préalable fixé au 30 juillet 2020 ainsi que la seconde, rectificative, pour le 29 juillet 2020, sans que d'autres éléments puissent venir contredire ces documents.
Enfin, il critique le bien-fondé de la mesure : « il faut que la cour reprenne plus concrètement, complètement et contradictoirement tous les éléments du débat relatifs à la mise à pied disciplinaire, dont également [les siens] comme, déjà, [sa] lettre de contestation contemporaine, sans oublier l'exigence et la charge de la preuve du bien-fondé de la mesure qui incombe à son auteur, la SAS Soarmi ». Il semble, selon lui, problématique que les premiers juges ne s'en soient tenus qu'aux attestations produites par son ancien employeur.
Selon l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L'article L.1333-1 du même code dispose pour sa part qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de notification de la sanction de mise à pied disciplinaire rappelle que le salarié avait intégré la société Soami en septembre 2018 et bénéficié d'une période de formation et d'intégration de deux semaines, ce qui est justifié, pour la semaine du 10 au 14 septembre 2018, par le « planning intégration D. [M] » versé aux débats.
Elle expose ensuite qu'après quelques mois nécessaires à l'intégration de M. [M], certains points n'étaient pas satisfaisants, de sorte que des mesures d'assistance ont été mises en place, notamment par l'intervention du directeur industriel M. [H] [X] et le directeur des filiales, M. [N] [Y]. Il est indiqué que des synthèses ont été envoyées au salarié par mail à la suite de ces interventions, mais il n'en est pas justifié, pas plus que n'est produite aux débats la synthèse de l'entretien préalable qui aurait été adressée le 16 mars 2020.
Le courrier de sanction fait ensuite référence à une lettre du 11 mai 2020 dont l'objet était « insuffisances à corriger sans délai » adressée à M. [M], à la suite de la venue de M. [X] sur le site le 4 mai 2020. Ce courrier, versé aux débats, indiquait qu'il avait été constaté par ce dernier et par M. [N] [Y], à distance via la vidéoprotection et le système informatique, que :
le respect des consignes de sécurité n'était pas assuré alors que le contexte de la pandémie exigeait que de telles mesures soient respectées,
les productivités d'avril étaient erronées, de sorte que les primes de productivité qui en découlaient ont dû être réduites,
des opérateurs étaient arrêtés pendant leur temps de travail ou absents de leur poste de travail ;
Le courrier se concluait ainsi : « compte-tenu de ce qui précède, nous réitérons fermement notre exigence à pallier à vos insuffisances concernant l'organisation de la production, (') la sécurité, (') les différents suivis, notamment celui de la productivité, (') [et d'autres] points évoqués lors de notre entretien et de la journée du 4 mai 2020. Nous vous redisons que nous sommes à votre disposition pour continuer à vous aider si vous le jugez nécessaire et vous demandons de vous ressaisir sans délai. Nous ferons, avec vous, un nouveau bilan de la situation dans 2 à 3 semaines ».
Après ces rappels, le courrier de mise à pied disciplinaire expose les griefs retenus pour justifier la sanction, à savoir :
les informations essentielles saisies continuent d'être erronées, non contrôlées et/ou simplement non à jour,
les inventaires Soarmi restent erronés et incomplets,
malgré les demandes écrites répétées, il n'est pas donné suite à certaines consignes pourtant explicites,
l'absence de pilotage de manière efficiente et autonome des opérateurs de production, et globalement de la main d''uvre de l'entreprise, malgré la situation économique de l'entreprise et alors qu'il s'agit du second poste de charges pour Soarmi,
l'absence de contrôle du travail de la maintenance et le respect des règles de sécurité, ce qui participe à la baisse des productivités et conduit certains salariés à travailler dans des conditions dangereuses,
absence ou insuffisance de communication avec les personnes en responsabilité avec lui, ce qui dégrade la nécessaire relation de confiance qui devrait exister.
Pour démontrer ces griefs, la société Soarmi verse les courriels suivants, que la cour retient pour être postérieurs au courrier du 11 mai 2020 et antérieurs à la sanction :
Un mail du 5 juin 2020 de [H] [X] à [T] [M] et, en copie, [N] [Y] intitulé « Soarmi semaine 23 » : il s'agit d'un point sur les échanges entre le directeur industriel et le responsable du site. Six items sont développés. Le mail conclut : « nous allons continuer, ensemble, à travailler ces sujets d'amélioration ».
Un mail du 19 juin 2020 de M. [X] à M. [M] dont l'objet est « point semaine 25 ». Deux points essentiels y sont abordés, l'un relatif à la « non-qualité transport » et l'autre au « temps production chs1088 » concernant la vitesse de la plieuse. Ce mail conclut que ces points seront travaillés la semaine suivante.
Un mail du 26 juin 2020 envoyé par M. [X] à M. [Y] qui, après son passage de deux jours chez Soarmi, a relevé 4 points critiques, dont le quatrième concerne les « élingues orange », qui sont des sangles de levage. [H] [X] conclut : « la responsabilité de l'entreprise est engagée par le dernier point, pour les autres c'est la rentabilité, l'efficacité, l'image' la désorganisation est totale ».
Un mail d'[N] [Y] à [T] [M] et [H] [X] du 1er juillet 2020 par lequel il envoie les trames pour l'inventaire devant se dérouler le jour-même à l'entreprise Soarmi en présence de ce dernier.
Un mail du 8 juillet 2020 de M. [X] à M. [Y] relatif à l'inventaire fait le 1er juillet 2020.
[H] [X] y indique que « plusieurs quantités inventoriées étaient différentes, et de loin, des stocks théoriques Herakles », ajoutant qu'il a cherché à s'expliquer ces décalages. Il liste ensuite 4 décalages et leurs explications.
Un mail du 17 juillet 2020 de M. [Y] à M. [M] en réponse à un courriel de ce dernier de la veille par lequel il lui transmet les inventaires Soarmi. M. [Y] rétorque avoir reçu lesdits inventaires qu'il ne peut utiliser du fait de leur format PDF et se dit surpris par certains inventaires et/ou a besoin de prix unitaires. Il s'interroge notamment sur l'absence de chaussures de sécurité, de gants de manutention-sécurité, de fortes ou tarauds, de sacs poubelle '
En réponse à ces éléments, M. [M] ne fait que discuter la qualité des auteurs des mails, considérant qu'ils ne peuvent être retenus car émanent de Messieurs [X] et [Y], de sorte qu'ils contreviennent au principe selon lequel « nul ne peut se procurer de preuve à soi-même » issu des articles 9 et 1353 du code civil.
Or, ces courriels constituent la preuve que M. [M] était accompagné par ses supérieurs qui ont, pour autant, continué de relever des imperfections dans l'exécution de ses missions.
Sont également versées des attestations :
L'attestation de M. [W] [U], technicien de maintenance, chargé de la maintenance de la société Armins et référent pour les autres usines du groupe Arméton, intervenu sur site deux jours par semaine après le départ de M. [B], qui indique avoir trouvé « un grand désordre dans les pièces détachées, le local maintenance et un parc machine en très mauvais état ». Il précise avoir « remis les choses en ordre en 6 mois environ, avec le même temps de présence ». Il atteste également avoir « constaté sur place, à plusieurs reprises et notamment le 26 juin 2020 que des élingues à usage unique orange étaient utilisées de nombreuses fois ».
Cette attestation est à mettre en balance avec le témoignage de M. [B], technicien de maintenance, produite par M. [M]. Il explique être intervenu sur le site 3 jours par semaine du juillet 2018 à septembre 2020 et affirme avoir « trouvé un parc machines en très mauvais état, beaucoup de fuite d'huile, vidanges non réalisées depuis des années, certaines machines en panne depuis plusieurs mois », spécifiant qu'il a fallu par exemple un an pour dépanner une dérouleuse. Il précise que, « concernant le stock de pièces détachées, les listes fournies par Arméton ne correspondaient pas du tout au stock en place », de sorte qu'il fallait qu'il remplisse tout sur une feuille blanche. Il conclut qu'il a été remplacé, après sa démission, par une personne qui était régulièrement sur site 4 jours par semaine.
Son successeur, M. [U], est donc intervenu, à une fréquence hebdomadaire incertaine, entre deux et quatre jours par semaine. En revanche, sa qualité de référence maintenance des usines du groupe Arméton explique aisément sa présence au sein de l'usine Soarmi le 26 juin 2020.
L'attestation de [H] [X], directeur industriel, qui indique avoir occupé le poste de directeur de site, comme [T] [M], plusieurs années. Il explique avoir pris connaissance de certaines affirmations écrites de ce dernier et tient « à apporter des corrections », ce qui explique que ce témoignage est intervenu plus d'un an après le licenciement discuté.
Sur les atteintes à la sécurité et en particulier l'usage des élingues textiles, en principe à usage unique, il expose avoir constaté qu'elles étaient utilisées à de multiples reprises, y compris sur des encours de fabrication au sein de l'atelier, et cite les dates du 26 juin 2020, ce qui est corroboré par un mail qu'il a envoyé le même jour à M. [Y], le 9 octobre 2020 et le 27 octobre 2020, précisant avoir, à chaque fois, fait un rappel à ce sujet.
M. [X] s'explique également au sujet de l'inventaire du 30 juin 2020, pour confirmer que « celui des pièces de maintenance n'a pas été réalisé » et qu'il a « constaté des erreurs sur les comptages des produits finis ». Il précise qu'il a demandé de nombreux recomptages et qu'il a même dû faire des contrôles après-coup pour corriger des erreurs qui persistaient alors que c'est le travail du responsable de site.
Pour contester ces griefs, M. [M] produit son courrier de contestation de cette mise à pied disciplinaire, rédigé le 2 octobre 2020, dans lequel il admet ne pas avoir réalisé les entretiens individuels par manque de temps. Il explique faire de son mieux compte tenu de la situation compliquée à laquelle il est confronté.
Ce courrier n'est pas objectivé par des éléments extérieurs à l'exception de l'attestation susvisée de M. [B].
Ce témoignage montre les difficultés qui ont existé à l'arrivée du technicien mais ne remettent pas en question les faits invoqués au cours de l'été 2020 et qui ont motivé la mise à pied disciplinaire.
A la lecture de tous ces éléments, la cour considère que les fautes reprochées à M. [M] lors de sa mise à pied disciplinaire sont constituées et que, eu égard à leur gravité, à la persistance de certains comportements de M. [M] malgré l'accompagnement et les rappels de consignes dont il bénéficiait, compte tenu enfin du courrier adressé le 11 mai 2020 qui, sans le mentionner expressément, peut s'analyser comme un avertissement, la sanction prononcée est proportionnée.
[T] [M] sera donc débouté de sa demande en paiement de retenues sur salaire indues.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le licenciement
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.
Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement pour faute grave de M. [M], dont les termes fixent les limites du litige, que la rupture du contrat de travail est motivée par les griefs suivants :
Réalisation de fabrications sur mesure pour le client Préfa Périgord alors qu'il était bloqué, faute d'une solvabilité suffisante, constitutive d'un irrespect des consignes données,
Graves manquements à la sécurité :
l'utilisation inadéquate d'élingues à usage unique
l'utilisation d'une échelle très dangereuse
De nombreuses ruptures de stocks de produits finis entraînant plus de déplacements chez les clients et donc des coûts de transport plus importants, outre une dégradation de l'image de la société Soarmi
Une dégradation progressive des informations apportées aux fichiers de suivi, de communication et de reporting.
Pour démontrer la réalité des griefs, la société Soarmi produit les éléments suivants :
Des échanges de mails relatifs à l'encours de la société Prépa Périgord, des 7 et 8 octobre 2020.
Ainsi, le 7 octobre 2020, M. [I], directeur administratif et financier du groupe Arméton auquel appartient la société Soarmi, écrit à M. [M] qu'il n'y a pas de garantie de la société mère de Préfa Périgord, de sorte que les dernières commandes restent bloquées dans Hérakles car l'encours dépasse la limite autorisée. Il exprime son incompréhension : « n'ayant validé aucune commande ces derniers jours afin de limiter l'exposition de Soarmi, comment avons-nous pu fabriquer pour livrer vendredi ' »
[T] [M] lui répond le lendemain : « le seul moment où je vois que l'on ne peut pas livrer, c'est au moment de la saisie de la production après fabrication. Je me suis rapproché de [G] qui m'a expliqué la situation, par contre les commandes sont faites maintenant nous pouvons attendre pour la livraison. Par contre cette situation est connue de tous depuis plus d'une semaine et la décision de continuer a été validée par le commerce ».
Cette réponse a immédiatement été transférée par M. [I] à M. [N] [Y].
Ce dernier a adressé un mail le 8 octobre 2020 à M. [M], M. [I], M. [X], M. [K] [S] et d'autres destinataires. Il y écrit qu'après avoir reçu le mail de [T] [M] transféré par [P] [I], il a appelé [K] ([S]) pour comprendre quelles consignes le commerce aurait validées qui auraient permis de déroger à un blocage client pour dépassement d'encours. Il indique qu'il lui a été rétorqué que le commerce Arméton n'avait donné aucune consigne en ce sens et que, dans l'attente d'un retour sur la demande de cautionnement de Préfa Périgord faite le 28 septembre 2020, rien n'a été débloqué par [P] [I] et qu'aucune commande n'a été validée dans Hérakles. M. [Y] écrit qu'aucune commande Préfa Périgord n'a été validée depuis le 28/09 et qu'aucun OF (ordre de fabrication) n'a été généré depuis cette date, l'outil Herakles bloquant ces deux fonctions en cas de dépassement d'encours. Ainsi, poursuit-il, sans un seul des quatre ordres de fabrication, Soarmi a fabriqué 4 commandes d'un client dont l'encours est dépassé. [N] [Y] fait ensuite référence à un entretien téléphonique avec M. [M], lequel lui a affirmé que ces lancements en production ont eu lieu en son absence, par « [D] », lequel a également été contacté et a donné d'autres dates. M. [Y] indique voir vérifié dans l'outil Herakles et les mails commerciaux : les plans de Préfa Périgord sont arrivés en 4 mails, les 22/09, 23/09, 25/09 et 30/09 et les saisies des commandes ont été réalisées les 29/09, 28/09 et 05/10, des jours où tout le monde était présent.
Des échanges de mails relatifs aux élingues, sangle de transport.
Le 7 octobre 2020, M. [M] écrit à M. [L] de la société Armins, qui appartient également au groupe Arméton, pour le remercier de la réactivité pour la livraison de barres. Il indique qu'aucun fardeau ne porte d'étiquette de la bobine. Messieurs [X] et [Y] étaient en copie.
M. [L] lui répond qu'ils ont conservé les étiquettes qui sont numérisées et qu'il envoie en pièces jointes. Il ajoute : « par contre ATTENTION ! je vois sur les photos que vous avez laissé les élingues à usage unique et c'est très dangereux ! Par définition ces élingues ne doivent pas être réutilisées, elles servent seulement au transport, comme pour nos armatures. Il faut les enlever et manipuler ces barres avec des chaînes ».
Un mail du 20 octobre 2020 de M. [X] à M. [M] lui adressant la photo d'une échelle dont un des pieds en aluminium est cassé et ne soutient plus le premier barreau et lui écrivant : « cette échelle doit être rebutée immédiatement. Passer commande pour remplacement si nécessaire ».
Dans un mail du 27 octobre 2020 de M. [X] à M. [Y], il est indiqué que « la sécurité du personnel n'est pas assurée ». Sont jointes une photo de ladite échelle toujours défectueuse et une photo représentant des fardeaux de barres destinées à des clients, sanglées avec des élingues à usage unique que la société Soarmi n'achète pas, ce qui montre que de telles sangles accompagnaient des matériaux arrivés chez Soarmi et sont réutilisées.
Des échanges de mails relatifs au tableau de simulation de production Soarmi.
[K] [S] écrit le 30 octobre 2020 à [T] [M] pour lui indiquer que ce tableau n'est pas renseigné depuis le 28/10/2020 et qu'ils sont relancés par les clients concernant les dates de livraison. Il lui demande « de faire le nécessaire urgemment ».
[T] [M] lui répond le 2 novembre 2020 que le tableau est à jour depuis vendredi (le 30/10) et que les clients ont leur réponse.
Dans un mail adressé à M. [X] le 2 novembre 2020 par [G], de la société Soarmi, à M. [X], il est écrit : « lors de votre départ le 28/10 à 14h, il n'y avait qu'une ligne non renseignée dans le tableau de simu (devis délai). Au soir du 28/10, il y avait une commande supplémentaire. Le 29/10 : 11 commandes (dont un devis délai) ont été rajoutées dans la simu. Au soir du 29/10, il n'y avait aucune date de production enregistrée pour 13 commandes (dons deux devis délai). En l'absence de [T] le 30/10, c'est [D] qui a dû s'occuper de remplir la simu afin que je puisse envoyer mes mails délais livraisons ».
[T] [M] critique ces mails, considérant qu'ils ne peuvent être retenus car émanant des directeurs du groupe Arméton, de sorte qu'ils contreviennent au principe selon lequel « nul ne peut se procurer de preuve à soi-même » issu des articles 9 et 1353 du code civil.
Or, la qualité des auteurs de ces courriels ne saurait conduire à les écarter ipso facto des débats. Ils constituent des éléments de preuve dont il appartient à la cour d'apprécier la force probante.
L'attestation de Mme [F] [R], assistante polyvalente, qui confirme que, le 26/10/2020, elle a demandé à M. [Y] de contrôler les éléments de salaire préparés par M. [M]. Des erreurs ont été constatées et il a été demandé à M. [M] de les corriger, ce qu'il a fait.
[T] [M] critique cette attestation rédigée en janvier 2022, soit plus d'un an après son licenciement. Cette attestation ne peut être remise en cause pour cette seule raison. Néanmoins, elle évoque des mails qui ne sont toutefois pas versés aux débats et qui auraient pu en étayer la teneur.
L'attestation de M. [W] [U] visée dans le développement sur la mise à pied disciplinaire.
L'attestation de M. [K] [S], directeur commercial, qui témoigne que « les déclarations de fabrication étaient souvent erronées » et que [G] [J], en charge des tournées ne pouvait pas se fier aux éléments saisis par [T] [M].
Il explique également qu'en octobre 2020, [T] [M] a choisi seul, sans aucune validation de sa part ni autorisation, de lancer 4 fabrications sur mesure pour le client Préfa Périgord et qu'il l'a appris alors que les pièces étaient déjà fabriquées.
Il poursuit qu'en septembre et octobre (2020 '), il y a eu des ruptures de stocks sur toutes les familles de produits finis, de sorte qu'il a reçu les doléances de nombreux clients.
Est produit, par la société Soarmi, un tableau corroborant ces dernières informations : sont listés les clients cités par M. [S] avec la mention de rupture de stock sur la plupart des commandes, entre septembre et octobre 2020.
L'attestation de [H] [X], directeur industriel, visée également dans le développement sur la mise à pied disciplinaire.
A la lecture attentive de tous ces éléments, il appert de relever que chacun des griefs reprochés à M. [M] est illustré par une ou plusieurs pièces.
Ils font suite à des difficultés de M. [M] dans l'exercice de ses fonctions, pointées par la société Soarmi à plusieurs reprises et ayant donné lieu à des réactions disciplinaires.
Le courrier de notification de la mise à pied disciplinaire envoyé le 28 août 2020 se concluait d'ailleurs comme suit : « nous attirons également votre attention sur le fait que, si de telles erreurs ou fautes venaient à se reproduire une nouvelle fois, et/ou si vous continuiez à ne pas respecter nos consignes, alors nous serions amenés à envisager une sanction plus grave pouvant aller jusqu'à votre licenciement ».
C'est dans ce contexte qu'ont été relevés les manquements listés dans la lettre de licenciement et justifiés par les pièces visées ci-dessus.
En particulier, les manquements de M. [M] à la sécurité, par l'usage à plusieurs reprises des élingues à usage unique, malgré les nombreux rappels en ce sens et les sanctions faisant référence à cette défaillance, mais également le risque financier qu'il fait encourir à la société en ne suivant pas les stocks ou en lançant des productions au profit d'un client insolvable, sont des motifs justifiant, compte tenu des antécédents du salarié, qu'il soit mis fin à son contrat de travail.
Le fait que le salarié n'ait pas subi une mise à pied à titre conservatoire ne saurait ôter à ces faits leur gravité avérée.
[T] [M] pointe le fait que les responsables de site se sont succédés à [Localité 4] entre 2015 et 2020 et estime troublant ce turn over que le registre du personnel dont il a obtenu communication depuis 2015 permet d'établir.
Cette succession de responsables de sites ne saurait là encore ôter leur gravité aux faits qui lui sont reprochés.
Au contraire, les pièces versées aux débats permettent de conclure que les responsabilités confiées à M. [M], le soutien dont il a bénéficié tout au long de la relation de travail et la gravité des manquements rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la période de préavis.
Le licenciement pour faute grave est donc justifié.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [M] [T] reposait sur une faute grave et l'a débouté des demandes subséquentes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour caractère vexatoire du licenciement
Lorsque les circonstances de la rupture du contrat de travail sont abusives ou vexatoires, la faute alors commise par l'employeur peut être à l'origine d'un préjudice distinct de la perte d'emploi, qu'il convient de réparer, et ce, que le licenciement ait, ou non, une cause réelle et sérieuse, et même lorsque la faute grave justifiant le licenciement est avérée.
Il appartient donc aux juges du fond saisis d'une demande en ce sens de vérifier si le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires de nature à causer au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.
La charge de la preuve repose sur le salarié.
Les juges du fond doivent à la fois caractériser un comportement fautif de l'employeur et le fait que celui-ci a causé un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.
En l'espèce, M. [M] fait valoir que son employeur émettait une offre d'emploi sur son poste alors même qu'il l'occupait toujours et qu'il a été renvoyé de son poste le 23 novembre 2020 alors qu'il n'avait pas reçu sa lettre de licenciement.
Concernant l'offre d'emploi à laquelle il est fait référence dans un mail qu'a reçu M. [M] le 28 juillet 2020, il appert que le poste de responsable de site proposé, via le cabinet de recrutement Hays, était mentionné comme basé à [Localité 4]. La personne qui lui a transféré l'annonce atteste qu'il s'agissait d'un site de production métallique.
L'offre produite par M. [M] indique que le secteur d'activité était le BTP, ce qui ne correspond pas à la société Soarmi, qui ressort du secteur de la métallurgie.
La société Soarmi produit un mail envoyé par M. [C] de la société Hays qui indique que le poste lié à l'annonce sur le site ne concernait pas la société Soarmi mais une société spécialisée dans le bâtiment située à [Localité 3].
Si M. [M] a pu ainsi croire qu'il s'agissait de son poste du fait de la localisation, le mail de M. [C] le dément.
En tout état de cause, ce fait ne peut être considéré comme contemporain de son licenciement et constituer une circonstance vexatoire pour celui-ci.
Par ailleurs, les deux attestations versées par M. [M] au sujet de son départ le 23 novembre 2020, celles de M. [E] et de M. [O] [V], non contredites par la société Soarmi, confirment qu'il a été demandé à l'appelant de quitter son poste ce jour-là, qui correspond à la date mentionnée sur sa lettre de licenciement.
Pour autant, M. [M] ne caractérise pas en quoi cette demande constitue un abus ou une faute de la part de son employeur.
En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires de son licenciement.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail s'exécute de bonne foi.
Il appartient à celui qui se prévaut d'une déloyauté dans l'exécution du contrat de travail d'en apporter la preuve, ainsi que celle de l'étendue de son préjudice et du lien de causalité avec ladite déloyauté.
En l'espèce, M. [M] fait valoir que la société Soarmi a monté de toutes pièces un dossier à son encontre pour amener à son licenciement pour faute grave, après avoir diffusé une annonce concernant son poste.
Or, il a été vu que cette offre ne concernait pas le poste de M. [M].
De plus, la société Soarmi démontre avoir répondu à un cabinet de recrutement, le 8 octobre 2020, qu'elle n'avait pas de poste à pourvoir.
[T] [M] invoque également « les manquements grossiers commis par la SAS Soarmi aux engagements contractuels mêmes et touchant à des choses aussi fondamentales que les salaires (primes sur le ratio EBE/CA, contrepartie financière, etc') ».
Ses bulletins de paie démontrent qu'il n'a reçu aucune rémunération en plus de son salaire de base et d'une prime de productivité.
Il n'a rien perçu au titre de la rémunération annuelle variable, mais n'apporte aucun élément pour établir qu'il aurait dû percevoir une quelconque somme à ce titre, pas même un commencement de preuve.
Surtout, il ne formule aucune demande chiffrée à ce titre, même à titre de provision, alors que les éléments du contrat permettaient de chiffrer une telle prétention, ce qui a justifié le rejet de sa demande de communication des comptabilités 2019 et 2020 et le justifie toujours devant la cour.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail n'est pas fondée, pas plus que la demande de communication des comptes 2019 et 2020, de sorte que M. [M] sera débouté de ses demandes à ces titres.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne la demande indemnitaire et complété au sujet de la communication des comptes des années 2019 et 2020.
Sur la contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence
[T] [M] sollicite la contrepartie financière de la clause de non concurrence prévue dans son contrat de travail, affirmant que cette demande résulte de ce dernier qui est soumis à la compétence exclusive du conseil de prud'hommes, devant lequel la procédure est orale, et désormais de la cour et ayant, par conséquent, indéniablement un lien de rattachement amplement suffisant et évident avec toutes les prétentions en découlant.
Depuis l'abrogation du principe de l'unicité de l'instance en matière prud'homale, la recevabilité des demandes nouvelles est soumise aux règles du Code de procédure civile.
L' article 65 du code de procédure civile dispose que constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures.
Selon l'article 70 du même code, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond.
Ainsi, entre les deux doivent exister des liens si étroits qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble.
Le lien suffisant ne peut évidemment pas résulter, à lui seul, du fait que les demandes découlent du même contrat de travail, ce qui reviendrait à faire renaître le principe de l'unicité de l'instance.
En l'espèce, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir, aux termes de sa requête introductive d'instance :
La production du règlement intérieur en vigueur, du registre d'entrées et de sorties du personnel et les comptes des exercices 2019 et 2020,
La requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le paiement des sommes suivantes :
11.122,71 euros brut au titre de son indemnité compensatrice de préavis outre 1.112,27 euros pour les congés payés y afférents,
2.394,46 euros au titre de son indemnité de licenciement,
12.976,50 euros en réparation de son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
3.000 euros en réparation du caractère vexatoire de son licenciement,
5000 euros en réparation des inexécution déloyales de ce contrat de travail,
818,20 euros au titre des retenues sur salaire indues,
3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Force est de constater qu'il n'a saisi le conseil de prud'hommes d'aucune demande relative à la clause de non concurrence.
La demande formulée à ce titre pour la première fois devant le bureau de jugement est donc une demande nouvelle, additionnelle, qui n'est rattachée à aucune autre demande formulée par un lien suffisant.
Elle sera donc déclarée irrecevable.
Le jugement déféré qui a débouté M. [M] de cette demande, admettant de fait sa recevabilité, sera infirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Par ordonnance du 15 juin 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Pau a notamment enjoint à la SAS Soarmi de communiquer au conseil de M. [T] [M] le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société depuis 2015 et ce avant le 8 septembre 2023 ainsi que le bordereau lisible de la lettre recommandée de mise à pied disciplinaire portant la date du 28 août 2020 sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
De fait, ledit registre a été communiqué par M. [M], de sorte que sa demande à ce titre se révèle infondée. Il en sera débouté.
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
En cause d'appel, M. [M], qui succombe, sera condamné aux dépens.
Il sera en outre condamné à payer à la société Soarmi une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera limitée à 500 euros pour tenir compte du fait qu'il lui a fallu saisir le conseiller de la mise en état pour obtenir la communication de pièces.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan en date du 29 juin 2022, sauf en ce qui concerne la clause de non-concurrence ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
DECLARE irrecevable la demande nouvelle afférente à la clause de non concurrence ;
DEBOUTE M. [T] [M] de sa demande maintenue devant la cour de communication du registre des entrées et sorties du personnel de la société Soarmi depuis 2015 ;
DEBOUTE M. [T] [M] de sa demande de communication des comptes de la société Soarmi des années 2019 et 2020 ;
CONDAMNE M. [T] [M] aux dépens d'appel ;
CONDAMNE M. [T] [M] à payer à la société Soarmi la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame PACTEAU, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, P/LA PRÉSIDENTE empêchée