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18/07/2024 | FRANCE | N°22/02147

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 juillet 2024, 22/02147


AC/DD



Numéro 24/2385





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/07/2024









Dossier : N° RG 22/02147 - N°Portalis DBVV-V-B7G-II57





Nature affaire :



Demande de résiliation ou de résolution judiciaire du contat de travail formée par un salarié















Affaire :



SCA VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX



C/



[L] [K],

S.A.S. SAU

R















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement a...

AC/DD

Numéro 24/2385

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/07/2024

Dossier : N° RG 22/02147 - N°Portalis DBVV-V-B7G-II57

Nature affaire :

Demande de résiliation ou de résolution judiciaire du contat de travail formée par un salarié

Affaire :

SCA VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

C/

[L] [K],

S.A.S. SAUR

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 15 Novembre 2023, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SCA VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

Personne morale appelante : société de traitement et de distribution d'eau potable

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Maître ABBO, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES :

Madame [L] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Comparante et assistée de Maître SCHOUARTZ de la SELARL SCHOUARTZ AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.S. SAUR

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU, et Maître MILAN de la SELARL CAPSTAN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 30 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F 21/00084

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [K] a été embauchée par la société en commandite par actions (Sca) Veolia Eau - Compagnie générale des eaux (Veolia), du 14 mai 2012 au 30 juin 2013, selon contrat de professionnalisation, puis à compter du 1er juillet 2013, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, 35h, avec reprise d'ancienneté, en qualité de chargée de clientèle, niveau employé/ouvrier, groupe III, classification UES 3, indice 309.

Le lieu d'embauche principal se trouve à [Localité 4].

Par délibération du 1er juin 2021, la communauté des communes des Grands Lacs a désigné la société par actions simplifiée (Sas) Saur pour assurer l'exploitation de son service d'eau potable, en remplacement de la société Veolia.

A compter du 1er juillet 2021, la société Saur a donc succédé à la société Veolia pour exploiter ledit service.

Des discussions s'en sont suivies entre les sociétés Veolia, Saur et la salariée sur la reprise de son contrat de travail, les deux sociétés considérant que Mme [K] n'était plus leur salariée et dépendait de l'autre société :

- la société Veolia se fondant sur les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail,

- la société Saur se fondant sur les dispositions de l'article 2.5 de la Convention collective nationale des entreprises des services d'eau et d'assainissement du 12 avril 2000

Le 16 août 2021, Mme [L] [K] a saisi la juridiction prud'homale au fond.

Par jugement du 30 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] [K] aux torts de la société Veolia et mis hors de cause la société Saur,

- condamné la société Veolia à verser à Mme [L] [K] les sommes suivantes :

*23 275 euros bruts au titre de rappel de salaires,

*2 327,50 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de salaires,

*3 880 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*388 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

*4 404 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

*12 000 euros nets au titre des dommages et intérêts en application de l'article L 1235-3 du code du travail,

*3 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile pour les sommes suivantes :

* 23 275 euros bruts au titre de rappel de salaires,

* 2 327,50 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de salaires,

* 3 880 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 388 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

* 4 404 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- dit que le jugement est de droit exécutoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, cette moyenne s'élevant à 1939,58 euros brut,

- condamné la société Veolia à verser à Mme [L] [K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Veolia aux dépens et frais d'exécution.

Le 25 juillet 2022, la Sca Veolia Compagnie générale des eaux a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 23 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Veolia Compagnie générale des eaux demande à la cour de :

- Infirmer et annuler le jugement déféré,

- Condamner Mme [K] à restituer à la société Veolia Eau, Compagnie Générale des Eaux, la somme de 18 822,48 euros correspondant au net régularisé au titre des condamnations exécutoires,

- Statuer ce que de droit sur le sort du contrat de travail transféré depuis le 1 er juillet 2021 à la société Saur.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 27 décembre 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [L] [K] demande à la cour de :

$gt; Dire et Juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SCA Veolia à l'encontre du jugement déféré,

En conséquence,

$gt; Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de la société Veolia et condamné la société Veolia au paiement de la somme de 23 275 euros au titre du rappel de salaire et congés payés y afférents, 3 880 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents ainsi que la somme de 4404 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

$gt; Sur appel incident, augmenter le quantum des dommages et intérêts pour licenciement abusif et celui des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et lui octroyer des dommages et intérêts pour refus de communication des documents de rupture.

En conséquence

$gt; Dire et Juger que la société Veolia est l'employeur de Mme [L] [K].

$gt; Prononcer la résiliation du contrat de travail de Mme [K] [L] aux torts exclusifs de son employeur la société Veolia,

$gt; Condamner la société Veolia à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

- 23 275 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 4 404 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3 880 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 388 euros au titre des congés payés afférents,

- 23 275 euros au titre de rappel de salaire,

- 2 327,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi,

- 8 000 euros au titre des dommages et intérêts pour refus de communication des documents de fin de contrat,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; Condamner la société Veolia aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

A défaut, si par extraordinaire la cour d'appel devait réformer le jugement et Juger que la société Veolia n 'est pas l'employeur de Mme [K], sur appel incident,

$gt; Dire et Juger que la société Saur est l'employeur de Mme [L] [K].

$gt; Prononcer la résiliation du contrat de travail de Mme [K] [L] aux torts exclusifs de son employeur la société Saur,

$gt; Condamner la société Saur à verser à Mme [K] les sommes suivantes,

- 23 275 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 4 404 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3 880 euros au titre de 1'indemnité compensatrice de préavis,

- 388 euros au titre des congés payés afférents,

- 23 275 euros au titre de rappel de salaire,

- 2 327,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; Condamner les défendeurs aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 16 janvier 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la Sas Saur demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

- Recevoir la Société Saur en ses écritures,

- Confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Saur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent,

- Juger que le contrat de travail de Mme [K] n'a pas été transféré à la société Saur,

- Juger que la société Saur a respecté les dispositions de l'article 2.5 de la convention collective nationale applicable,

- Mettre hors de cause la société Saur,

- Débouter la société Compagnie des eaux et de l'Ozone (Veolia) de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Saur,

- Débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Saur,

- Condamner Mme [K] à verser à la société Saur la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance,

- Condamner la société Compagnie des eaux et de l'Ozone (Veolia) à verser à la Société Saur la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- Condamner la société Compagnie des eaux et de l'Ozone (Veolia) aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la détermination de l'employeur

Selon les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

Selon ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

Si la perte d'un marché n'entraîne pas, en elle-même, l'application de ce texte, il en va autrement lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome.

Le transfert d'une telle entité s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

Selon l'article 2.5 de la Convention collective nationale des entreprises des services d'eau et d'assainissement du 12 avril 2000 relatif au « Transfert du contrat de travail » :

« Les entreprises entrant dans le champ d'application de la présente convention peuvent être confrontées à des cessations ou à des transferts de leurs contrats alors même qu'elles y ont affecté un certain nombre de salariés.

Pour l'application des dispositions suivantes de l'article 2.5, sont visés les contrats d'exploitation (délégations ou marchés) de services publics d'eau et d'assainissement ainsi que les prestations de service globales dont la durée totale (renouvellement compris) est supérieure à 2 ans intervenant dans ces mêmes domaines.

2.5.1. Lorsque les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail sont réunies, le transfert de personnel est opposable à tous, employeurs et salariés.

2.5.2. Lorsque les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail ne sont pas réunies ou en cas de désaccord sur son applicabilité entre les employeurs concernés, et afin d'assurer au mieux la continuité des emplois des salariés affectés à l'exploitation de ces services publics, les dispositions suivantes seront appliquées :

- le nombre de salariés automatiquement transférés dans la nouvelle entité en charge du service sera égal à l'effectif équivalent temps plein des salariés qui répondent aux trois critères cumulatifs suivants :

- salariés en CDI ou en CDD (y compris les salariés dont le contrat est suspendu à la date du transfert) appartenant aux groupes I à V de la grille de classification de la présente convention ;

- salariés affectés à l'exploitation et à la clientèle, à l'exclusion de ceux qui appartiennent à des services supports qui travaillent sur plusieurs contrats ;

- salariés affectés au contrat depuis au moins 6 mois ;

- les salariés automatiquement transférés seront ceux répondant aux trois critères cumulatifs définis ci-dessus, pris par ordre décroissant de leur temps de travail affecté à ce contrat, à concurrence du nombre défini ci-dessus.

Les autres salariés en CDI ou en CDD (y compris les salariés dont le contrat est suspendu à la date du transfert) affectés pour plus de la moitié de leur temps à ce contrat depuis au moins 6 mois seront également automatiquement transférés dans la limite d'un nombre correspondant à l'effectif équivalent temps plein de ces salariés.

Préalablement au transfert, l'employeur sortant organise l'affectation des salariés qui ne sont pas concernés par le présent paragraphe.

L'employeur sortant mettra à disposition de l'employeur entrant les justificatifs nécessaires à la détermination du nombre de salariés automatiquement transférés et des salariés concernés.

Les salariés bénéficiant d'une protection légale se verront appliquer ces dispositions comme l'ensemble du personnel, sous réserve des dispositions légales spécifiques les concernant.

2.5.3. Dans l'un et l'autre cas visés aux paragraphes 2.5.1 et 2.5.2.

L'employeur sortant :

- établit la liste des salariés remplissant les conditions fixées ci-dessus ;

- informe la représentation du personnel concernée de la perte de ce contrat et de ses conséquences en termes d'emploi, notamment de la position de chaque salarié ainsi que de l'effectif équivalent à temps plein correspondant à ce contrat ;

- informe individuellement les salariés concernés ;

- communique cette liste à son successeur, accompagnée de la copie de chacun des contrats de travail concernés, des bulletins de paie des 12 derniers mois, du document récapitulant l'ensemble des formations reçues par chaque salarié au sein de l'entreprise et de la fiche médicale d'aptitude des salariés concernés ;

- verse à ces salariés les salaires prévus et les indemnités qui leur sont dues au jour du transfert, y compris l'indemnité compensatrice des droits à congés payés acquis à la date du transfert.

L'employeur entrant :

- reprend les contrats de travail et informe les salariés figurant sur la liste établie par l'employeur sortant dans les conditions fixées ci-dessus ;

- confirme par écrit à chaque salarié concerné les éléments essentiels du contrat de travail, sans en modifier la nature juridique (CDI, CDD), et notamment le maintien de son salaire brut annuel, son ancienneté, sa qualification, sa position au sein de la grille de classification de la présente convention et de celle de l'entreprise d'accueil ;

- informe la représentation du personnel concerné de l'obtention de ce contrat et de ses conséquences en termes d'emploi.

2.5.4. Lorsque le transfert s'effectue en application de l'alinéa 2.5.2 de cette convention, le salarié concerné est avisé par l'employeur entrant qu'il dispose d'un délai de 30 jours pour l'accepter ou le refuser.

Le refus par le salarié du maintien de son contrat de travail ou l'absence de réponse, dans le délai prescrit, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement par l'employeur sortant, à qui il revient de mettre en 'uvre la procédure. »

Au soutien de sa demande d'infirmation, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux se prévaut des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et relève qu'en application de cet article, le contrat de travail de Mme [K] a bien été transféré. Selon la société, le transfert conventionnel visé par la convention collective n'a pas lieu de s'appliquer dès lors que le transfert répond aux conditions d'application de l'article susvisé. Elle fait valoir que la société a transféré des éléments immatériels et matériels permettant la poursuite de l'exploitation par la société Saur à compter du 1er juillet 2021, la salariée reconnaissant au demeurant la société Saur comme étant son employeur.

La société Saur objecte que la société Veolia, contrairement à ses allégations, ne lui a jamais transféré de matériel et que si cette dernière fait état de transferts d'éléments incorporels et corporels, ils n'étaient pas en soi suffisants pour une poursuite d'activité, de telle sorte que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont inapplicables, au profit des seules dispositions de l'article 2.5 de la convention collective.

Mme [K] sollicite à titre principal la confirmation du jugement sur le prononcé de la résiliation aux torts de la société Veolia, puis à titre subsidiaire l'infirmation du jugement pour faire supporter la résiliation aux torts de la société Saur. Elle s'en remet dans ses écritures, à l'analyse de la cour sur les conditions du transfert.

A titre liminaire, la cour observe que :

- Si le Procès-Verbal (PV) du CSE de la société Saur (Pièce Saur 19) mentionne que le marché concerne 25000 abonnés, aucune autre indication n'est donnée sur le rôle joué par le service des eaux de la communauté de communes, le nombre de sites, les équipements propres appartenant à la communauté. En ce sens également, si la société Saur produit une liste des inventaires nécessaires à l'exploitation (Pièce Saur 17), cette liste ne permet pas de savoir ceux des objets qui appartiennent déjà à la collectivité, de ceux qui auraient dû être transmis par la société Veolia,

- la société Veolia ne produit aucun élément sur le fonctionnement de sa société, les conditions d'obtention de son marché passé avec la communauté de communes, la nature de son activité, les moyens mis en 'uvre pour exercer cette activité, la liste des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité,

- La société Saur ne produit également aucun élément sur les conditions d'obtention de son marché, prix, pièces contractuelles, délais divers. Si elle indique, dans ses conclusions, et en réponse à l'argumentation de la société Veolia, que le marché confié contient de nombreuses autres tâches que la seule fourniture d'eau, elle n'apporte au soutien de cette allégation que le sommaire du projet de contrat de concession, lequel ne permet pas d'apprécier la réalité de cette affirmation (Pièce 26 Saur). Si par ailleurs elle soutient avoir fait de nombreux investissements pour ce marché et produit différents tableaux chiffés (Pièces Saur 23, 24 et 25), lesquels renvoient à des listes de matériel, ces extractions comptables, non datées ni sourcées, ne permettent pas de caractériser les éléments corporels qui n'auraient pas été transférés.

Il résulte toutefois de la lecture attentive des pièces que :

Par courrier du 19 mai 2021, la communauté de communes des Grands Lacs a sollicité de la société Veolia d'établir, dans le cadre de la passation du contrat, avec prise en charge des services à compter du 1er juillet 2021, la transmission d'un certain nombre de documents et notamment :

- les listes de personnes affectées au contrat et transférables,

- les différents contrats,

- les plans des réseaux,

- un inventaire patrimonial, associé à de multiples documents,

- différents schémas électriques,

- différents logiciels,

- les différents éléments permettant l'exploitation de l'eau (arrêtés préfectoraux, listes de clients sensibles, analyses etc)

- les biens de reprises,

- les données clientèles,

- divers documents.

Ces documents devaient être transmis le 2 juin 2021. Il était mentionné qu'une réunion devait se tenir le 15 juin 2021. (Pièces Veolia 8 et 9)

Par délibération du 1er juin 2021, publiée le 8 juin 2021, le conseil communautaire de la communauté de communes des Grands Lacs a notamment :

- approuvé le choix de la société Saur en tant que délégataire du service public d'eau potable de la communauté de communes des Grands Lacs pour une durée de 6 ans et 6 mois,

- approuvé les termes du contrat de délégation de service public et ses annexes.

(Pièce Veolia 1)

A la lecture de l'extrait Kbis, la société Saur a pour activité l'étude, l'exécution de tous travaux concernant l'hydraulique, la distribution d'eau potable, l'assainissement, les services publics.

Dès le 2 juin 2021, la société Saur a sollicité de la société Veolia, sur le fondement des articles 2.5.2 et 2.5.3 de la convention collective nationale des entreprises des services d'eau et d'assainissement du 12 avril 2000 et la charte de transfert de gestion de service en vigueur, un certain nombre de documents et notamment la liste des salariés affectés au contrat avec les pourcentages d'affectation de chacun d'eux ainsi que des documents les concernant. (Pièce Veolia 2)

Cette charte mentionne que les entreprises délégataires adhérentes s'engagent à ne pas remettre en cause le principe du transfert des personnels et « réaffirment le principe de l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail lorsque les conditions sont réunies ». (Pièce Saur 8).

Le 8 juin 2021, la société Veolia a répondu à la société Saur en lui transférant le nom de 10 salariés (9 CDI et 1 contrat de professionnalisation) affectés par l'activité avec mention de l'équivalent temps plein. La société Veolia s'appuyant sur les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail indiquait que la reprise de la gestion par la nouvelle société impliquait le transfert de l'ensemble des moyens d'exploitation y étant affecté en vue de la poursuite de cette activité. (Pièce Veolia 3)

Sur ces 10 personnes, 7 ont la qualification d'ouvrier, dont 6 affectés au service exploitation et Mme [K] au service clientèle, 2 sont techniciens (un technicien usine et un responsable d'équipe), et une personne est agent de maitrise en qualité de responsable d'équipe.

Par courrier du 14 juin 2021, la société Saur a déploré le caractère incomplet de la liste des salariés et l'absence d'information sur le transfert des éléments corporels. Elle regrettait ainsi que la liste des salariés ne comprenne que les seuls salariés transférables et non l'ensemble des salariés affectés au service. (Pièce Veolia 4)

Par courrier du 15 juin 2021, la société Veolia indiquait : « les ouvrages, bien que propriété de la collectivité, vous seront transférés pour exploitation, il en va de même pour les réactifs, la base clientèle ainsi que le personnel dont la ligne managériale ». Elle relevait avoir transmis la liste des personnes ayant un taux d'affectation contractuelle de plus de 60%. Elle établissait en tant que de besoin la liste de l'intégralité des personnes intervenant sur le site, ajoutant les personnes dont le taux d'affectation est inférieur à 60%, soit 13 personnes supplémentaires, dont les noms étaient anonymisés. (Pièce Veolia 5)

En réponse et par courrier du 18 juin 2021, la société Saur, pour justifier que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, en l'absence de transfert de moyens corporels nécessaires à l'exploitation, indiquait « Or la reprise du contrat d'exploitation du service d'eau potable de la communauté de communes des Grands Lacs n'emportera pas la mise à disposition par Veolia des moyens corporels nécessaires à l'exploitation du service. Ainsi, notamment, les véhicules de service, de travaux et d'hydrocurage affectés à l'exploitation de ce service public seront ceux mis à disposition par notre société, de même que les équipements informatiques et, ce, afin d'assurer la continuité de l'exploitation. » Il résulte de ce courrier que contrairement à ce que soutient la société Saur dans ses conclusions, elle a fait le choix de ne pas récupérer les véhicules et les équipements informatiques.

La société Saur considérait également que le nombre de salariés transférables était de 9 et non de 10 contrairement à l'analyse de la société Veolia. (Pièce véolia 6)

Le 15 juin 2021, les sociétés Saur, Veolia et la communauté de communes de Grands Lacs se sont réunies. Les deux sociétés produisent le compte rendu de cette réunion sans en contester le contenu (Pièces Veolia 8 et 9). Aux termes de ce document, les sociétés Saur et Veolia ont échangé sur :

- la reprise de personnel,

- la clientèle : le transfert des fichiers clients, la liste des parts, notamment,

- différents documents, précisant que la plupart des documents demandés par Saur ont été transmis par Veolia, de même que l'inventaire. Le transfert d'un certain nombre de documents, logiciels, résultats d'analyses, contrôles d'appareil y sont évoqués,

- les équipements. Il est ainsi mentionné qu'un certain nombre d'équipements serait laissé sur le site appartenant à la communauté de communes. La société Veolia indiquait enlever son matériel « et notamment : mobilier complémentaires (dont armoires), autres équipements de laboratoire, livebox pro, stock de pièces ». Il était toutefois convenu entre les parties que la société Veolia propose certains matériels. Il était également mentionné que « les véhicules actuels sont en location et ne seront pas transféré(s) »,

- les réactifs/ boues : la société Veolia relève laisser certains stocks de réactifs mais également remplir certaines cuves, fournir un certain nombre de bidons de polymères et réactifs. La société Veolia s'engage à transférer les deux contrats de locations souscrits avec des fournisseurs,

- les travaux. La société Veolia s'engage notamment à entreprendre un certain nombre de travaux d'ici au 30 juin.

- l'électricité/ télégestion. La société Veolia s'engage à transmettre certaines configurations. Il est relevé qu'elle avait prévenu les fournisseurs,

- les conventions. La société Veolia indique rencontrer un client particulier afin que la prestation soit récupérée par la société Saur,

- la remise des clés. Il est ainsi relevé que pour le site de [7] les locaux seraient vidés, avec pour les autres sites un certain nombre de formalités à opérer,

- les interventions dans la soirée et nuit du 30 juin et 1er juillet 2021.

Le 15 juin 2021 également, le CSE de la société Saur s'est réuni. Il est notamment souligné dans le PV que le contrat a été signé le 14 juin 2021 et que la difficulté serait alors la prise en main du contrat au 1er juillet 2021. Le PV indique que « toutes les équipes sont activées pour notamment l'achat de véhicules, les stocks produits de traitement, matériels, pièces, locaux ' ». Il est expressément relevé par un des membres : « le timing est effectivement très serré : le vote de la collectivité a eu lieu le 1er juin et signalé à Veolia le 2 juin qui a fait un CSE extraordinaire le 8 juin. Le contrat n'a été signé que le 14 juin. On espère que tous les collaborateurs nous rejoindront. Il faut être opérationnel et montrer à la collectivité notre réactivité en étant sur place ».

Le procès-verbal (PV) du CSE du 20 juillet 2021 de la société Saur relève que 9 agents de Veolia se sont vus proposer des contrats « relissé pour correspondre aux contrats Saur ». Sur ces 9, « seuls » 3 agents ont accepté. Aucune information n'a été donnée sur le nom des 9 personnes qui se sont vues proposer le contrat et les 3 retenus. La société relève que ce nombre réduit a nécessité une « organisation rapide en faisant appel aux forces vives de l'entreprise » et de « proposer des postes à des personnes démissionnaires ». Ce PV indique que la société Saur a acheté un véhicule d'intervention rapide, ainsi qu'un véhicule cargo pour effectuer la radio et le renouvellement des compteurs et que le bureau clientèle est composé de « tables, chaises et tout le matériel nécessaire ». Il est enfin relevé que « la reprise en mains s'est faite de manière optimale ». (Pièce Saur 19)

Ces éléments permettent de mettre en évidence que le transfert de ce marché de prestation de service, lequel est indispensable aux usagers du service public, s'est fait dans un délai d'un mois (délibération le 1er juin 2021, date de signature du contrat le 14 juin 2021, date de changement de prestataire le 1er juillet 2021), temps expressément qualifié par la société Saur d'extrêmement serré. Les deux sociétés se sont malgré tout concertées, ont échangé de nombreuses données en y associant la collectivité. Le PV commun de la réunion du 15 juin 2021 témoigne d'une concertation avancée sur les multiples éléments transférés, tant corporels qu'incorporels, sans qu'aucune des sociétés n'objecte, dans ce PV, de difficultés quelconques, ou de points de désaccords sur les conditions du transfert.

De même, il apparait que la société Saur a eu besoin de faire appel à de nouvelles personnes pour compenser le fait que seules 3 personnes de la société Veolia ont accepté le transfert, sur les 9 initialement envisagées.

Malgré le temps particulièrement bref entre la signature du contrat le 14 juin 2021 et le début de la prestation fixée le 1er juillet 2021, la société Saur admet, dans son PV du CSE du 15 juillet 2021, que la transition et le changement de prestataires ont pu s'opérer de manière efficiente, sans qu'il ne soit relevé, une fois encore, de difficulté.

Il se déduit de ces éléments que l'entité transférée constituait un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique autonome, de telle sorte que le contrat de Mme [K] a été transféré à la société Saur, laquelle est son employeur.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré que la société Veolia était l'employeur de Mme [K] et par suite l'a condamnée au paiement de différentes sommes.

II - Sur la résiliation judicaire aux torts de l'employeur

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par un salarié lorsque les manquements de l'employeur, susceptibles de justifier cette demande, doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Lorsque de tels manquements sont établis, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

Toutefois, s'agissant de constatations de faits, les juges du fond apprécient souverainement si le salarié est resté à la disposition de son employeur.

Mme [K], qui sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Veolia à supporter les effets de la résiliation judiciaire, soutient que si la cour venait à considérer que l'employeur est la société Saur, la résiliation judiciaire doit être prononcée à son endroit. Elle sollicite à titre incident l'infirmation du jugement sur les sommes attribuées. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais refusé le transfert de son contrat mais a, en réalité, refusé uniquement les modifications de son contrat de travail apportées par la société Saur. Elle relève s'être retrouvée, salariée fantôme, sans travail ni salaire pendant un an, aucune des deux sociétés n'ayant fourni à la salariée une prestation de travail.

La société Saur soutient que la convention collective applicable n'impose pas le maintien du contrat de travail à l'identique, étant observé que le salaire brut annuel, l'ancienneté, la qualification, la position au sein de la grille conventionnelle et de celle de l'entreprise d'accueil ont été maintenu(s). Les autres modifications appartiennent au pouvoir de direction de l'employeur, notamment le changement des horaires avec ouverture samedi.

La société Veolia objecte que la société Saur a cherché à s'affranchir de ses obligations en proposant volontairement à la salariée une modification de son contrat de travail pour faire obstacle au transfert et s'affranchir ainsi de toute obligation à son égard.

Il ressort des éléments du dossier que Mme [K] a sollicité, par mise en demeure, à la société Saur de se voir licencier pour cause réelle et sérieuse. Elle relève refuser le transfert en raison des modifications apportées au contrat de travail initial avec Veolia, à savoir : des missions supplémentaires, un changement des horaires de travail, un jour de travail en plus, à savoir le samedi de 9h à 13h, des déplacements entre les sites sur le temps de pause.

La société Saur, par mail du 26 juillet 2021, l'a renvoyée vers la société Veolia, arguant de l'application des dispositions de l'article 2.5.2 de la convention collective.

La société Veolia l'a par courrier du 20 juillet 2021 renvoyée vers la société Saur, arguant de l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Il est établi par l'étude des pièces du dossier que la société Saur, dans le cadre de sa proposition de transfert à la salariée, a cherché à modifier, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail :

- les horaires de travail passant d'un contrat de 35h à 37h50,

- le montant mensuel par mois, lequel a été augmenté,

- les jours de travail et les horaires de travail, en prévoyant de faire travailler la salariée le samedi matin,

- certains avantages :

* certains sont supprimés : la majoration expérience, le complément grille UES, le complément point ANO 2019, l'écart individuel, le demi mois, l'allocation enfant à charge, l'indemnité eau,

* certains sont ajoutés : prime eau, prime vacances, prime ancienneté, les RTT (+/-16 jours)

Aucun des éléments produits ne permet de retenir que la société Saur a cherché à régulariser la situation de Mme [K].

La salariée justifie avoir été placée en arrêt de travail à compter du 9 juillet 2021, arrêt prolongé jusqu'au 15 août 2021 et avoir été contrainte de prendre des traitements anxiolytiques dans cette même période.

Il ressort des différentes conclusions que Mme [K] n'a pas pu bénéficier des indemnités journalières en temps utiles car ces dernières ont été versées à la société Veolia, qui n'avait pas eu communication de l'arrêt de travail pour avoir été transmis à la société Saur.

La salariée justifie également à la date du 5 août 2022 être toujours bloquée pour faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi, désormais France Travail, en l'absence d'attestation de l'employeur.

La gravité de ces éléments rend impossible la poursuite du contrat de travail avec la société Saur et justifie le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur à la date du 30 juin 2022, date du jugement de première instance statuant sur la résiliation judiciaire.

III - Sur les conséquences financières de la résiliation judicaire aux torts de l'employeur Saur

$gt; Sur le salaire de référence

Selon les dispositions de l'article R.1234-4 du code du travail :

« Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion. »

La société Saur, qui, dans le corps de ses conclusions propose de retenir un salaire mensuel fixé à la somme de 1830,46 euros et de réduire les sommes attribuées à Mme [K] sur la base de ce calcul, n'en fait pas état dans son dispositif et sollicite la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil des prud'hommes a fixé le salaire de référence à la somme de 1.939,58 euros bruts, calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [K].

Il y a lieu de retenir ce calcul et de fixer le salaire de référence à la somme de 1939,58 euros.

$gt; Sur le rappel de salaire et les congés payés y afférents

Le conseil des prud'hommes a condamné la société Veolia à verser à Mme [K] la somme de 23 275 euros au titre du rappel de salaire et 2 327,50 au titre des congés payés y afférents, en prenant en considération la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.

La société Veolia sollicite l'infirmation du jugement, mais ne fait valoir aucune observation sur les sommes attribuées sur ce fondement. Mme [K] sollicite la confirmation sur ce point.

La société Saur sollicite la confirmation du jugement sur ce point et demande à la cour de débouter Mme [K] et la société Veolia de toutes demandes dirigées contre elle.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le rappel de salaire à la somme de 23 275 euros et les congés payés y afférents à la somme de 2327,50 euros mais de l'infirmer en ce qu'il a condamné la société Veolia à supporter lesdites sommes, au profit de la société Saur.

$gt; Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Mme [K] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il ne lui a attribué que la somme de 12 000 euros nets au titre des dommages et intérêts et le paiement d'une somme de 23 275 euros correspondant à 12 mois de salaire sur une base de 1939,58 euros.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié qui dispose d'une ancienneté de 10 ans une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés ci-dessous, dans les entreprises de plus 11 salariés :

- Indemnité minimale (en mois de salaire brut) : 3

- Indemnité maximale (en mois de salaire brut) : 10

Compte tenu du salaire de référence de Mme [K], de son ancienneté au sein de l'entreprise, de son âge, de sa situation personnelle et sociale justifiée au dossier, laquelle relève qu'en août 2022 elle ne pouvait bénéficier de certains droits, faute de pouvoir bénéficier d'une attestation de fin de contrat pour ouverture des droits auprès de France travail, il y a lieu de lui allouer la somme de 17 456,22 euros qui constitue une très juste appréciation du préjudice subi.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

$gt; Sur l'indemnité légale de licenciement

En application des articles L.1234-9 et R.1234-1 à R.1234-5 du code du travail, Mme [K] a droit, compte tenu d'une ancienneté de 10 ans et 1 mois, contrairement à ce que retenu par le conseil des prud'hommes, et d'un salaire de référence de 1.939,58 €, à une indemnité légale de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, et, s'agissant de l'année incomplète, calculée proportionnellement au nombre de mois complets, soit une indemnité de licenciement de 4902,83 € déterminée comme suit :

- 10 années complètes : (1.939,58 /4) x 10 = 4848,95

- 1 mois complet : (1.939,58/3) x 1/1 = 53,88

La cour ne pouvant aller au-delà des demandes des parties, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité légale de licenciement à la somme de 4404 euros mais de l'infirmer en faisant supporter cette condamnation à l'employeur réel, la société Saur.

$gt; Sur l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents

En application des articles L.1234-1, L.1234-5 du code du travail, le salarié justifiant d'une ancienneté de plus de deux ans a droit à une indemnité compensatrice d'un préavis de deux mois.

De même, l'indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à congés payés.

La salariée est bien fondée à solliciter de l'employeur le paiement de la somme de 3 880 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 388 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera confirmé sur ces points, mais de l'infirmer en faisant supporter ces condamnations à l'employeur réel, la société Saur.

$gt; Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale

Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

De même, la convention collective applicable et notamment les dispositions de l'article 2.5.2 ont été prises « afin d'assurer au mieux la continuité des emplois des salariés affectés à l'exploitation de ces services publics ».

Le conseil des prud'hommes a condamné la société Veolia au paiement de 3000 euros au titre de l'exécution déloyale.

Mme [K], à titre incident, sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation, à titre principal de la société Veolia et à titre subsidiaire de la société Saur, au paiement de la somme de 10000 euros.

Il résulte des précédents développements que la société Veolia n'était plus, à compter du 1er juillet 2021, l'employeur de Mme [K], de telle sorte que les arguments développés au soutien de sa condamnation sont sans objet.

Toutefois les précédents développements témoignent de ce que la société Saur, employeur de Mme [K], n'a eu de cesse de la renvoyer vers l'autre société, se dédouanant ainsi de toute obligation, notamment celle de lui donner un travail effectif, de lui reverser les indemnités journalières, et ce malgré une situation critique dont la salariée justifie.

La société Saur sera condamnée à verser à la salariée la somme de 6000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

$gt; Sur les dommages et intérêts pour refus de communication des documents de fin de contrat

Mme [K] sollicite, en cas de reconnaissance de la société Veolia en qualité d'employeur, sa condamnation à lui verser la somme de 8000 euros pour refus de communication des documents de fin de contrat, à la suite du jugement du conseil des prud'hommes.

Il échet de constater que la société Veolia est mise hors de cause, cette demande étant au demeurant nouvelle en appel, de telle sorte que Mme [K] est déboutée de sa demande.

IV - Sur les autres demandes

$gt; Sur les organismes sociaux

Il convient en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, de condamner la société Saur à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [K] dans la limite de 6 mois.

$gt; Sur l'exécution provisoire

Si dans le cadre de sa déclaration d'appel, la société Veolia sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire de la décision sur certaines sommes, il ne résulte pas des conclusions de la société la moindre critique de ce chef de dispositif.

La cour n'est donc pas saisie de ce chef de demande.

$gt; Sur la demande de restitution

L'article L. 111-10 du code des procédures civile d'exécution énonce :

« Sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire.

L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié. »

L'obligation de restitution résulte de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Un arrêt infirmatif qui ouvre droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement réformé constitue le titre exécutoire permettant d'en poursuivre le recouvrement forcé. Cependant la présente décision ne constituant qu'une infirmation partielle ayant des répercussions sur deux sociétés, la restitution des sommes perçues indûment au titre de l'exécution provisoire doit être explicitement prévue.

La société Veolia produit un nouveau bulletin de paie de Mme [K] portant mention d'une somme de 18 822,48 euros net, confirmé par la preuve d'un virement bancaire du même montant.

Il y a lieu de condamner Mme [K] à restituer à la société Veolia la somme de 18 822,48 euros correspondant au net régularisé au titre des condamnations exécutoires, perçue au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du 30 juin 2022.

$gt; Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Saur, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance.

L'équité commande d'allouer à Mme [K] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Sur les dispositions du jugement entrepris déférées à la cour,

Confirme le jugement du 30 juin 2022 rendu par le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan en ce qu'il a :

$gt; Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] [K] à la date du 30 juin 2022,

$gt; Fixé les condamnations aux sommes suivantes :

*23 275 euros bruts au titre de rappel de salaires,

*2 327,50 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de salaires,

*4 404 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3 880 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 388 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

Infirme le jugement du 30 juin 2022 rendu par le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

Dit que la Sas Saur est devenue l'employeur de Mme [L] [K] à compter du 1er juillet 2021,

Met hors de cause la Sca Veolia Eau - Compagnie générale des eaux,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] [K] aux torts de la Sas Saur à la date du 30 juin 2022,

Condamne la Sas Saur à verser à Mme [L] [K] les sommes suivantes :

*23 275 euros bruts au titre de rappel de salaires,

*2 327,50 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de salaires,

* 17 456,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*4 404 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

*3 880 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 388 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

* 6 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale,

Déboute Mme [K] de sa demande de condamnation de la Sca Veolia Eau - Compagnie générale des eaux au paiement de la somme de 8 000 euros pour refus de communication des documents de fin de contrat,

Ordonne à Mme [K] de restituer à la Sca Veolia Eau - Compagnie générale des eaux les sommes que celle-ci lui a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement du 30 juin 2022,

Condamne la Sas Saur à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [L] [K], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Saur à verser à Mme [L] [K] la somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Condamne la Sas Saur aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02147
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.02147 ?
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