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18/07/2024 | FRANCE | N°22/01102

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 juillet 2024, 22/01102


AC/EL



Numéro 24/2384





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/07/2024







Dossier : N° RG 22/01102 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IF2S





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



S.A.R.L. SR2G



C/



[E] [J]









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450...

AC/EL

Numéro 24/2384

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/07/2024

Dossier : N° RG 22/01102 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IF2S

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.R.L. SR2G

C/

[E] [J]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Octobre 2023, devant :

Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO,Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. SR2G (enseigne CARREFOUR MARKET)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me ANDRE loco Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

Madame [E] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 04 AVRIL 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : 19/00292

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [J], reconnue travailleur handicapé, a été embauchée par la SARL Aini, du 4 septembre 2018 au 24 septembre, selon contrat à durée déterminée renouvelé, en qualité d'employée commerciale, niveau 2, régi par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

A compter du 18 octobre 2018, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée aux mêmes conditions salariales et horaires que précédemment, soit 36 heures et 45 min pour une rémunération mensuelle de 1573,39 euros bruts.

Selon les indications de l'employeur, la société par actions simplifiée (SAS) SR2G a repris le fonds de commerce de la société Aini le 2 novembre 2018.

Le 26 décembre 2018, Mme [E] [J] a été victime d'un accident du travail et placée en arrêt de travail.

Le 7 janvier 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé le 18 février 2019, assorti d'une mise à pied conservatoire.

Mme [J] a indiqué qu'elle ne pouvait se rendre à l'entretien. La société SR2G lui a alors adressé, le 22 janvier 2019, une liste de remarques, appelant une éventuelle réponse avant le 29 janvier 2019.

« Le 24 décembre, j'ai été alerté par deux de vos collègues sur la présence de produits périmés dans un rayon sur lequel vous étiez affectée.

J'ai alors constaté les périmés suivants :

- L''uf de nos villages (x12) : 1 boîte périmée depuis le 26/11 et 4 boîtes périmées depuis le 19/12

- Reflets de France (x6) : 6 boîtes périmées depuis le 21/12

- Loué Bio (x6) : 1 boîte périmée depuis le 23/12

J'ai également constaté que certains 'ufs n'avaient pas été retirés 7 jours avant leur DCR comme le prévoit la législation :

- L''uf de nos villages (x12) : 8 boîtes avec une DCR au 29/12

- ARRADOY (x6) : 12 boîtes avec une DCR au 25/12

Votre contrat de travail prévoit expressément qu'il fait partie de vos attributions de vérifier les DLC et que vous devez participer au respect des réglementations de toute nature concernant votre activité.

Par conséquent, il s'agit là de manquements graves à vos obligations contractuelles. »

Le 28 janvier 2019, Mme [J] a fait part de ses remarques.

Le 1er février 2019, elle a été licenciée pour faute grave, en ces termes :

« Le 24 décembre, j'ai été alerté par deux de vos collègues quant à la présence de produits périmés au rayon 'ufs. J'ai alors constaté que de très nombreux produits étaient périmés ou avec une date de retrait du rayon dépassée.

Comme le prévoit le procédé d'échange de courrier, vous m'avez fait connaître les éléments qui, selon vous, viendraient invalider ces manquements.

Tout d'abord vous semblez prétendre que le fait que je ne vous en ai pas fait le reproche le jour même induirait que les faits n'aient pas existés.

Je vous rappelle que ces faits se sont déroulés le 24 décembre, soit commercialement le jour le plus important de l'année. La satisfaction de nos clients et la bonne tenue du magasin étaient par conséquent notre seule préoccupation. Je vous rappelle également que vous avez fait l'objet d'un accident du travail le 26 décembre vers 8h. La convocation à entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire que je devais vous remettre en mains propres ce jour-là, a donc dû être reportée à une date ultérieure.

Ensuite, vous prétendez que ces faits ne peuvent avoir existé dans la mesure où le rayon 'ufs aurait été vide du fait du mouvement des « gilets jaunes ».

Le chiffre d'affaires du rayon s'élève pour la journée du 24 décembre à 300,82 €, soit l'équivalent d'environ 120 douzaines d''ufs. Votre argument n'est donc pas réaliste.

Par conséquent, aucun des éléments que vous nous avez fait parvenir ne nous permet de modifier l'appréciation des faits qui vous sont reprochés.

Comme vous l'indiquez vous-même dans votre courrier, vous n'ignorez pas la législation en matière de retraits des produits. La présence de produits périmés en rayon étant passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 1500 € par produits, notre société ne peut prendre le risque d'une telle sanction financière provoquée par votre négligence, et ce, sans oublier le préjudice d'image qui en découle évidemment.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. »

Le 6 novembre 2019, Mme [E] [J] a saisi la juridiction prud'homale au fond.

Par jugement du 4 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Pau a :

- Dit que le licenciement de Mme [E] [J] par la SARL SR2G est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamné en conséquence la SARL SR2G à régler à Mme [E] [J] les sommes suivantes :

* 1.573,39 euros bruts au titre du préavis outre la somme de 157,30 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 4.720,17 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- Dit que ces sommes porteront intérêt pour les créances de nature salariale au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de jugement et pour les créances qui ont une nature indemnitaire au taux légal à compter de la présente décision,

- Déboute Mme [E] [J] de ses autres demandes liées au licenciement,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire en dehors de ce qui est prévu par la loi,

- Condamné la SARL SR2G aux entiers dépens d'instance et à payer à Mme [E] [J] la somme de 2.000 euros en remboursement de ses frais d'avocat.

Le 20 avril 2022, la SARL SR2G a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions responsives adressées au greffe par voie électronique le 22 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société SR2G demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris par le Conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il a débouté Mme [E] [J] de ses demandes au titre des rappels de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et au titre des dommages et intérêts en raison du caractère vexatoire de la mise à pied et de l'indemnité de licenciement ;

- Réformer le jugement dont appel pour le surplus et statuant à nouveau :

$gt; A titre principal :

- Juger que le licenciement de Mme [J] pour faute grave est parfaitement justifié,

$gt; A titre subsidiaire :

- Si la cour considérait que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, juger qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement ;

$gt; A titre infiniment subsidiaire :

- Si par impossible, la cour devait juger le licenciement de Mme [E] [J] sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la SARL SR2G au montant minimal des dommages et intérêts prévus par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, sans qu'il puisse excéder un mois de salaire brut,

Dans tous les cas :

- Condamner Mme [J] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 26 septembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [E] [J] demande à la cour de :

- Par voie de confirmation du jugement déféré,

- Dire et juger que le licenciement disciplinaire prononcé à l'encontre de Mme [J] le 1er février 2019 est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et en ce abusif,

En conséquence :

- Condamner la SARL SR2G au paiement des sommes suivantes :

* 1.573,39 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 157,68 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 4.720,17 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 nouveau du code du travail,

* 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dire que les sommes allouées à Mme [J] porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts,

Y rajoutant :

- Dire et juger qu'il y a lieu à l'application la plus large des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

- Condamner la SARL SR2G à payer à Mme [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au vu de la production du Kbis de la société il s'agit de la SAS SR2G et non d'une SARL comme mentionné dans le jugement déféré, la déclaration d'appel ainsi que dans les conclusions de l'appelant. Cette erreur sera donc rectifiée dans la présente décision.

I Sur le licenciement

L'article L.1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse qui doit être objective, exacte, établie, avérée et rendre impossible la poursuite du contrat de travail. A défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement incombe à la fois à l'employeur et au salarié.

Constitue notamment une telle cause la faute grave, résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la gravité de la faute incombe à l'employeur. En application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de doute, celui-ci profite au salarié.

Le juge n'est pas tenu par la qualification des faits figurant dans la lettre de licenciement et peut les requalifier conformément à l'article 12 du code de procédure civile.

La SAS SR2G soutient que le licenciement de Mme [J] est justifié par une faute grave, caractérisée par un grief énoncé dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, à savoir la présence en rayon de boîtes d''ufs périmées et avec des dates de retrait du rayon dépassées.

Il sera précisé que ce même grief a également été invoqué par la SAS SR2G à l'appui du licenciement d'une autre salariée, Mme [C].

L'employeur indique que Mme [J] était affectée aux rayons « 'ufs », « chiens/chats » et « droguerie », et que son contrat de travail prévoyait qu'elle participait au respect de la règlementation relative aux dates limites de consommation des produits en rayon, notamment en vérifiant les dates de péremption et en retirant les produits avec des dates de limites de consommation proches.

La présence en rayon de boîtes d''ufs périmées ou avec une date de retrait dépassée constituait donc une faute grave justifiant son licenciement et causant un préjudice commercial au magasin.

A l'appui de ce grief, l'employeur produit les éléments suivants :

- Le contrat de travail à durée indéterminée de Mme [J] du 18 octobre 2018, qui prévoit notamment au titre de ses attributions :

« Vous disposez et présentez les articles dans les rayons du magasin. (') Vous assurez les déplacements de produits entre les réserves et les rayons ('). Vous assurez également les tâches suivantes :

- facing de tous les rayons avec regard sur les DLC (')

- informer les produits à DLC rapprochée (').

Le contrat ne précise pas les rayons d'affectation de la salariée.

- La lettre recommandée du 22 janvier 2019 de l'employeur notifiant à la salariée les griefs reprochés : « (') Le 24 décembre, j'ai été alerté par deux de vos collègues sur la présence de produits périmés dans un rayon sur lequel vous étiez affecté. J'ai alors constaté les périmés suivants :

L''uf de nos villages (x12) : 1 boîte périmée depuis le 26/11 et 4 boîtes périmées depuis le 19/12

Reflets de France (x6) : 6 boîtes périmées depuis le 21/12

Loue Bio (x6) : 1 boîte périmée depuis le 23/12

J'ai également constaté que certains 'ufs n'avaient pas été retirés 7 jours avant leur DCR comme le prévoit la législation :

L''uf de nos villages (x12) : 8 boîtes avec une DCR au 29/12

Arradoy (x6) : 12 boîtes avec une DCR au 25/12.

Votre contrat de travail prévoit expressément qu'il fait partie de vos attribuer de vérifier les DLC et que vous devez participer au respect des règlementations de toute nature concernant votre activité. Par conséquent, il s'agit là de manquements graves à vos obligations contractuelles. (') ».

- La lettre recommandée du 28 janvier 2019 dans laquelle Mme [J] conteste ces griefs, en indiquant :

Qu'elle n'a fait l'objet d'aucun reproche le 24 décembre 2018 alors qu'elle était présente sur son poste de travail ;

Que le rayon « 'ufs » ne figurait pas dans sa liste de rayons imposés par l'employeur et que le rayon « frais » était contrôlé par Mme [B] ;

Qu'en raison de la grève des « gilets jaunes » sur cette période, le rayon « 'ufs » était régulièrement vide faute d'approvisionnement suffisant ;

Qu'elle faisait partie de la liste « pro-[N] » recensant les salariés embauchés par l'ancien gérant de la SARL SR2G, M. [N].

- La lettre de notification du licenciement de Mme [J] du 1er février 2019 pour les mêmes motifs que ceux visés dans la lettre du 22 janvier 2019.

- L'attestation de Mme [S], qui est illisible.

- L'attestation de Mme [D], employée commerciale : « [J] [E] était responsable du rayon 'ufs. Un jour une cliente nous appelle ma collègue et moi pour nous demander si la date des 'ufs était normale. Nous avons constaté que les 'ufs étaient périmés. Nous avons été voir Mme [H] pour l'informer. Suite à cela nous avons trié les 'ufs périmés ce qui représente un caddie entier. »

- L'attestation de Mme [V], hôtesse d'accueil, certifiant avoir vu un caddie d''ufs périmés enlevés par M. [F] et que le rayon « 'ufs » était suivi par Mme [J].

- Un tableau Exel intitulé « analyse stock 'ufs en fin de journée » recensant la date, le jour, et le nombre d'articles vendus et restant en fin de journée.

- Un document d'inventaire daté du 1er novembre 2018.

- Les justificatifs de marchandises vendues et reçues en novembre 2018, décembre 2018 janvier 2019

- Un courrier non daté de Mme [J] adressé au PDG de Carrefour dans lequel elle indique notamment que M. [F] lui a attribué les rayons chiens/chats, lessives et produits d'entretiens, ainsi que le rayon « frais » de 6 heures 30 à 9 heures ; elle ajoute qu'elle avait en charge le rayon « 'ufs » durant le mouvement des « gilets jaunes » lequel était vide en raison d'un faible approvisionnement.

Mme [J] conteste le grief qui lui est reproché, rappelant les arguments soulevés dans son courrier du 28 janvier 2019.

Elle verse aux débats les éléments suivants :

- Son contrat de travail à durée indéterminée du 18 octobre 2018.

- Les lettres recommandées des 22 janvier 2019, 28 janvier 2019, 1er février 2019 échangées avec l'employeur concernant les griefs reprochés.

- L'attestation de M. [N], ancien gérant de la SARL SR2G attestant de ses qualités professionnelles.

- La lettre de notification du licenciement pour faute grave du 2 janvier 2019 de Mme [C], une collègue identifiée comme étant la responsable du rayon frais.

- Des attestations de Mme [S], Mme [B], Mme [Y], Mme [V], employées commerciales, concernant Mme [C] et la désignant comme responsable frais.

Les attestations produites par l'employeur, rédigées en termes vagues et généraux, sont insuffisamment précises et circonstanciées pour établir la matérialité du grief reproché à Mme [J]. Bien qu'elles justifient de la présence de boîtes d''ufs périmés en rayon, elles ne précisent aucunement quelles étaient les marques des boîtes prétendument périmées, leur date de péremption et la date à laquelle leur présence a été constatée en rayon.

L'employeur ne produit par ailleurs aucun élément permettant d'établir que Mme [J] était effectivement la seule salariée responsable du rayon « 'ufs » à la date des faits reprochés. En effet, comme l'a justement souligné le conseil de prud'hommes, le contrat de travail ne fixe aucun rayon d'affectation de la salariée et se contente d'indiquer de façon générale que ses attributions portent sur « les rayons du magasin » et les « rayons prioritaires ».

Ce grief n'est donc pas établi.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

II Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

1. Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

Mme [J] sollicite le versement de la somme de 1.573,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire, outre celle de 157,30 euros au titre des congés payés y afférents.

L'annexe 1 article 5 de la convention collective nationale du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire fixe un préavis d'un mois pour les employés et ouvriers ayant une ancienneté inférieure à deux ans, sauf faute grave ou lourde.

Le licenciement pour faute grave de Mme [J] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et celle-ci comptant une ancienneté de 4 mois au jour de son licenciement, elle est fondée à solliciter l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, de sorte que la société sera condamnée à lui verser les sommes sollicitées à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2. Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [J] sollicite le versement de la somme de 4.720,17 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de l'article L.1235-3 du code du travail, soit trois mois de salaire

L'employeur conteste le quantum demandé, estimant qu'il ne peut excéder un mois de salaire.

L'article L.1235-3 du code du travail fixe une indemnité maximale d'un mois de salaire brut pour le salarié dont l'ancienneté est inférieure à une année.

Le licenciement de Mme [J] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et celle-ci justifiant d'une ancienneté inférieure à un an, elle est fondée à solliciter la somme de 1.573,39 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à un mois de salaire.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

III Sur les autres demandes

Sur les intérêts

Les sommes allouées porteront intérêt au taux légal :

- à compter de la date de réception par la SARL SR2G de sa convocation devant le bureau de conciliation, s'agissant des créances salariales ;

- à compter de la présente décision qui les a fixées, en application de l'article 1231-7 du code civil, s'agissant des créances indemnitaires.

La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des indemnités chômages

Le licenciement de Mme [J] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur sera condamné à rembourser à Pôle emploi, devenu France Travail, les indemnités de chômage versées à la salariée, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SR2G, qui succombe, sera tenue aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dit que l'employeur n'est pas la SARL SR2G mais la SAS SR2G,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 4 avril 2022 en toutes ses dispositions, sauf s'agissant des montants des sommes allouées au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS SR2G à verser à Mme [J] la somme de 1.573,39 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS SR2G à rembourser à Pôle emploi, devenu France Travail, les indemnités de chômage versées à Mme [J] dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Condamne la SAS SR2G aux dépens d'appel et à payer à Mme [J] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01102
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.01102 ?
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