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18/07/2024 | FRANCE | N°22/00669

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 juillet 2024, 22/00669


AC/EL



Numéro 24/02383





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/07/2024







Dossier : N° RG 22/00669 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IEOJ





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



S.A.R.L. SR2G



C/



[ZP] [E]









Grosse délivrée le

à :






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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 4...

AC/EL

Numéro 24/02383

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/07/2024

Dossier : N° RG 22/00669 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IEOJ

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.R.L. SR2G

C/

[ZP] [E]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Octobre 2023, devant :

Madame CAUTRES, magistrat chargée du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO,Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. SR2G agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me ANDRE loco Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

Madame [ZP] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 26 JANVIER 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 19/00293

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [ZP] [E] a été embauchée par la SARL Aini, à compter du 12 février 2018, selon contrat à durée déterminée renouvelé, en qualité d'employée commerciale, niveau 2, régi par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

A compter du 30 avril 2018, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée aux mêmes conditions salariales et horaires que précédemment, soit 36 heures et 45 min pour une rémunération mensuelle de 1573,39 euros bruts.

Par avenant en date du 1er août 2018, elle a été promue au niveau 3 de la catégorie employé et a perçu un salaire de 1587,72 euros bruts pour 36 heures 45 min.

Selon les indications de l'employeur, la SAS SR2G a repris le fonds de commerce de la société Aini le 2 novembre 2018.

Le 5 décembre 2018, Mme [ZP] [E] a été placée en arrêt de travail.

Le 13 décembre 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé le 27 décembre 2018, assorti d'une mise à pied conservatoire.

Le 2 janvier 2019, elle a été licenciée pour faute grave.

Des échanges ont suivi la remise de la lettre de licenciement.

Le 6 novembre 2019, Mme [ZP] [E] a saisi la juridiction prud'homale au fond.

Par jugement du 26 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Pau a :

- Dit que le licenciement de Mme [ZP] [E] par la SARL SR2G est intervenu pour cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SARL SR2G à régler à Mme [ZP] [E] les sommes de :

* 2.309,13 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied du 13 décembre 2018 au 2 janvier 2019 outre 230,91 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 4.022,92 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 402,29 euros brut au titre de l'indemnité de congés payés y afférents,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

- Condamné la SARL SR2G à régler à Mme [ZP] [E] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SARL SR2G aux entiers dépens.

Le 3 mars 2022, la SARL SR2G a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions responsives adressées au greffe par voie électronique le 30 mai 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société SR2G demande à la cour de :

- Réformer le jugement entreprise en qu'il a condamné la SARL SR2G à verser les sommes suivantes :

* 2.309,13 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied du 13 décembre 2018 au 2 janvier 2019 outre 230,91 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 4.022,92 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 402,29 euros brut au titre de l'indemnité de congés payés y afférents,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- Juger que Mme [E] ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire pour la période du 13 décembre 2018 au 2 janvier 2019,

- Fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [E] à la somme de 1587.72 euros bruts outre la somme de 158,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamner Mme [E] au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [E] aux entiers dépens aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 22 juin 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [ZP] [E] demande à la cour de :

$gt; À titre principal et incident, par voie d'infirmation du jugement déféré et y rajoutant :

- Dire et juger le licenciement disciplinaire prononcé à l'encontre de Mme [E] par la SARL SR2G le 2 janvier 2019 dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et en ce, abusif,

En conséquence :

- Condamner la SARL SR2G au paiement des sommes suivantes au bénéfice de Mme [ZP] [E] :

* 2.309,13 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 13 décembre 2018 au 2 janvier 2019 outre la somme de 230,91 euros bruts à titre de congés payés y afférent,

* 2.011,46 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 201,15 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférente,

* 502,86 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.022,92 euros nets à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail et à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère abusif du licenciement notifié.

A titre infiniment subsidiaire, confirmant le jugement déféré :

- Dire et juger le licenciement notifié à Mme [ZP] [E] le 2 janvier 2019 non-fondé sur un motif disciplinaire et conséquemment justifié seulement par une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- Condamner la SARL SR2G à payer à Mme [ZP] [E] les sommes suivantes

* 2.309, 13 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 13 décembre 2018 au 2 janvier 2019 outre la somme de 230,91 euros bruts au titre des congés payés afférent,

* 2.011,46 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 201,15 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférente,

* 502,86 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause, y rajoutant :

- Dire et juger abusive et revêtant un caractère vexatoire la mise à pied conservatoire notifiée par la SARL SR2G à Mme [ZP] [E],

- Condamner en conséquence la SARL SR2G à payer à Mme [ZP] [E] la somme de 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement des articles L.1222-1 et L.4121-1 et suivants du code du travail,

- Condamner la SARL SR2G au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens éventuels en ceux compris d'exécution forcée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au vu de la production du Kbis de la société il s'agit de la SAS SR2G et non d'une SARL comme mentionné dans le jugement déféré, la déclaration d'appel ainsi que dans les conclusions de l'appelant. Cette erreur sera donc rectifiée dans la présente décision.

I ' Sur le licenciement

L'article L.1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse qui doit être objective, exacte, établie, avérée et rendre impossible la poursuite du contrat de travail. A défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement incombe à la fois à l'employeur et au salarié.

Constitue notamment une telle cause la faute grave, soit un fait ou un ensemble de faits constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la gravité de la faute incombe à l'employeur. En application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de doute, celui-ci profite au salarié.

Le juge n'est pas tenu par la qualification des faits figurant dans la lettre de licenciement et peut les requalifier conformément à l'article 12 du code de procédure civile.

La SAS SR2G soutient que le licenciement de Mme [E] est justifié par une faute grave, caractérisée par trois griefs énoncés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige :

 

- un manquement à ses obligations contractuelles s'agissant, d'une part, du balisage prix, de la mise en place des plans d'implantations, de gestion des rotations et des DLC, et d'autre part, d'une commande de salaisons maritimes ;

- sa posture managériale.

La salariée conteste le bien-fondé de l'ensemble de ces griefs.

Sur le manquement contractuel en termes de balisage prix, de mise en place des plans d'implantations, de gestion des rotations et des DLC

La lettre de licenciement énonce au titre de ce grief :

« (') votre contrat de travail prévoit qu'il est de votre responsabilité en votre qualité de responsable Frais de vous assurer de la bonne tenue du rayon tant en terme de balisage prix que de mise en place des plans d'implantation ou encore de gestion des rotations et des DLC. Sur ces trois points, nous ne pouvons que constater que vous manquez régulièrement à vos obligations.

A titre d'exemple, lors de notre entretien nous vous avons fait constater la présence en rayon d'une boîte d''uf avec une DCR au 26 novembre. Nous vous avons également rappelé que ce n'était pas la première fois que nous vous faisions état de ce type de manquement. En effet le 29 novembre dernier vous aviez été reçue par M. [W] pour, entre autres choses, un produit périmé depuis le 23 novembre.

Vous avez fait l'objet d'un arrêt de travail le 5 décembre dernier. Afin de pallier à votre absence, nous avons demandé à d'autres salariés de participer à la mise en rayon des produits frais. Ceux-ci ont également portés à notre connaissance de nombreux produits périmés et des rotations non faites.

Lors de notre entretien, vous nous avez alors indiqué que tous ces éléments n'étaient pas de votre fait, mais de celui de votre équipe, qui selon vous ne feraient ni les rotations ni les dates. Ce type d'argument ne saurait évidemment être accepté de la part d'un responsable hiérarchique.

Compte tenu du métier que vous exercez, vous ne pouvez ignorer que la présence de produits périmés en rayon est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 1500 € par produits. Notre société ne peut prendre le risque d'une telle sanction financière provoquée par votre négligence, et ce sans oublier le préjudice d'image qui en découle évidemment. ».

A l'appui de ce grief, l'employeur verse aux débats les éléments suivants :

- Le contrat de travail à durée indéterminée de Mme [E] du 30 avril 2018.

- L'attestation de Mme [YL] [I], employée commerciale : « Concernant Mme [E] [ZP] ('), j'ai pu constater aussi de nombreux retours de produits périmés à l'accueil de notre magasin entrainant un mécontentement des clients ».

- L'attestation de Mme [Z], employée commerciale : « en ce qui concerne [ZP] [E], beaucoup de produits périmés en rayon frais libre-service ».

- L'attestation de Mme [S], employée commerciale : « En tant que responsable frais, [E] [ZP] n'entretenait pas bien ses rayons. Les dates n'étaient pas faites, il manquait beaucoup de produits (rupture non faites) et le facing était déplorable. En plus la plupart des produits n'avaient pas de prix (') ».

- L'attestation de Mme [P] : « (') de plus, en rayon, il y avait énormément de périmés car les rotations n'étaient pas faites' donc, en soit, le boulot n'était pas fait correctement pour une chef de rayon c'est-à-dire le poste qu'elle occupait ».

- L'attestation de Mme [B], hôtesse d'accueil, : « A plusieurs reprises, nous faisions les dates du frais pour aider Mme [ZP] [E]. Nous trouvions des produits périmés, mais pas en devanture, ils se trouvaient bien derrière. »

- L'attestation de Mme [A], employée libre-service : « nous trouvions beaucoup de produits périmés dans les rayons dont elle était responsable ».

- L'attestation de Mme [D], employée commerciale : « Nous trouvons aussi beaucoup de produits périmés dans les rayons dont elle avait la charge ».

- L'attestation de Mme [C], caissière : « A ce moment-là je travaillais aux fruits et légumes, mon frigo était à côté du sien ; plusieurs fois une fois fini mon travail je les aidais pour faire les repasses (sic) et plusieurs fois j'ai trouvé des périmés ».

- Les attestations de Mme [R], Mme [M], Mme [TA] sont illisibles.

La salariée produit les éléments suivants :

- La lettre de contestation du licenciement du 14 janvier 2019, dans laquelle elle conteste la totalité des faits reprochés et précise au sujet de la boîte d''ufs datée du 26 novembre : « Cette fameuse boîte d''ufs étant pourtant ce jour de l'entretien destinée à Mme [V] [L], dixit vos propos « dommage pour [L], car c'était à son tour ce matin », en nous faisant voir cette fameuse boîte d''ufs datée du 26 novembre ».

- Le courrier de réponse de l'employeur du 18 janvier 2019, confirmant les termes du licenciement et précisant : « la boîte d''ufs était un exemple des nombreux manquements de votre part à ce sujet. En effet, ainsi que l'indique la lettre de notification de licenciement, vous aviez déjà été reçue pour de tels manquements. Par ailleurs, de nombreux témoignages de vos collègues sont venus confirmer nos propres constats ».

- Un courrier du 22 janvier 2019 de l'employeur adressé à Mme [V] concernant des faits qui lui sont reprochés : « Le 24 décembre, j'ai été alerté par deux de vos collègues sur la présence de produits périmés dans un rayon sur lequel vous étiez affecté. J'ai alors constaté les périmés suivants : L''uf de nos villages (x12) : 1 boîte périmée depuis le 26 novembre (') ».

- L'attestation de M. [K], ancien gérant du magasin, indiquant au sujet de la salariée : « La qualité de son travail, sa capacité à gérer ses collègues, organiser le travail, répartir les tâches, me faire part des problèmes rencontrés au quotidien afin de faire avancer l'entreprise m'ont conduit à la passer niveau III le 1er août 2018 ».

- Des attestations de M. [X], Mme [T] et M. [U], anciens salariés de l'entreprise, attestant d'une dégradation de l'ambiance et des conditions de travail dans l'entreprise à compter de novembre 2018, date d'un changement de direction et du lynchage des salariés « pro-[K] ».

Le premier exemple concernant la présence en rayon d'une boîte d''ufs comportant une date de consommation recommandé du 26 novembre a également été reproché à Mme [V], une autre salariée, de sorte qu'à supposer la matérialité de ce fait établi, la salariée ne peut se voir imputer la responsabilité de celui-ci de façon certaine en l'absence de tout élément produit par l'employeur en ce sens.

Les deux autres exemples concernant un « produit périmé depuis le 23 novembre » et de « nombreux produits périmés et des rotations non faites » au rayon frais ne sont établis par aucune pièce.

En effet, les attestations produites par l'employeur à l'appui des exemples cités, rédigées en termes vagues et généraux sont insuffisamment précises et circonstanciées pour établir la matérialité des faits qui sont reprochés à Mme [E].

Elles n'indiquent aucunement quels étaient les produits prétendument périmés, leur date de péremption et la date à laquelle leur présence a été constatée en rayon. Elles n'apportent également aucune précision quant aux prétendues rotations non réalisées par la salariée.

De même, l'affirmation de l'employeur selon laquelle Mme [E] avait déjà été convoquée pour des manquements similaires n'est étayée par aucune pièce.

Ce grief n'est donc pas établi.

Sur la posture managériale

La lettre de licenciement énonce au titre de ce grief :

« Nous avons évoqué avec vous votre posture managériale. En effet, compte tenu de votre niveau hiérarchique, il fait partie de vos attributions d'organiser le travail des salariés mis sous votre responsabilité. Or, de nombreuses personnes nous ont alertées sur d'une part la manière dont vous vous adressiez à eux et d'autre part, la façon dont vous organisiez le travail. Force est de constater que malgré un renfort horaire conséquent apporté aux rayons frais, la qualité de tenue de ceux-ci n'avait pas significativement progressé ».

A l'appui de ce grief, l'employeur verse aux débats les éléments suivants :

- L'attestation de Mme [G], secrétaire-comptable : « j'ai constaté que Mme [E] [ZP] disait régulièrement que ses collègues étaient incompétents, surtout ceux qui travaillaient avec elle au rayon frais LS. »

- L'attestation de Mme [YL] [I], employée commerciale : « j'ai pu constater un comportement désagréable avec ses collègues ('). »

- L'attestation de Mme [N], employée commerciale : « Lorsque Mme [E] était manager frais j'ai pu constater qu'elle parlait très mal à ses collègues. Dénigrant leur travail et en faisait pleurer certains. »

- L'attestation de Mme [Z], employée commerciale : « En ce qui concerne Mme [ZP] [E] (') elle était beaucoup trop autoritaire avec certains de ses collègues ».

- L'attestation de Mme [F], employée : « Concernant [E] [ZP], toutes les personnes qui ont travaillé avec elle ne lui convenaient jamais, toujours en train de les rabaisser ('). »

- L'attestation de Mme [P], employée commerciale : « J'ai assisté plusieurs fois à des humiliations qu'a porté [ZP] [E] envers un de mes collègues sur le rayon frais libre-service. Ses propos étaient disproportionnés et inappropriés, par exemple rien n'était jamais assez bien fait, rien n'allait, il était « nul ». »

- L'attestation de M. [Y], boucher : « En ce qui concerne [ZP] [E], elle parlait mal à ses collègues ; elle criait sur eux sans leur parler calmement ».

- L'attestation de Mme [H], employée commerciale : « Mme [E] était une personne : qui pouvait mal parler à ses collègues à certains moments ; qui pouvait humilier un membre de son équipe ([WM]) ; qui savait montrer que c'était elle « la chef » et autoritaire. »

- L'attestation de Mme [A], employée libre-service : « Tous les matins j'allais au rayon frais pendant une heure ou deux, j'ai donc travaillé avec Mme [ZP] [E]. Je peux dire qu'elle parlait très sèchement, d'un ton agressif et très autoritaire envers certains employés. Je me souviens d'un employé nommé [JX] qu'elle a fait pleurer en le rabaissant et le blessant par ses paroles. »

- L'attestation de Mme [O], employée commerciale : « Dans un premier temps, j'ai pu voir qu'elle avait une personne (') en bouc-émissaire, lui reprochant tout et n'importe quoi. Pour ma part, ayant travaillé directement avec elle, je peux dire que cette personne est mauvaise tant dans son comportement et dans son travail de « manageuse ». En effet les erreurs qu'elle a commises volontairement pour je cite « faire couler le magasin et que nos nouveaux patrons en l'occurrence M. [W] et Mme [LB] mettent des mois à s'en remettre » nous ont été reprochés à nous ses collègues car bien évidemment tout était toujours la faute des autres. Cette personne a passé le plus clair de son temps à rabaisser et humilier tout le monde ».

- L'attestation de Mme [D], employée commerciale : « je précise que le ton employé par cette personne était très sec, très directif agressif envers les employés. Pour ma part je me suis sentie agressée et piquée au vif par ses paroles. »

- L'attestation de Mme [C], caissière : « De ce que je me rappelle Mme [ZP] [E] était une femme qui rabaissait son équipe de travail devant tous les autres et en rigolait ».

- L'attestation de M. [NJ], ancien salarié : « J'ai été témoin à plusieurs reprises de sa façon de parler à ses subordonnés. Une façon qui à mon sens n'était pas convenable voire même inadmissible ».

- Les attestations de Mme [R], Mme [M] et Mme [TA] sont illisibles.

La salariée verse aux débats notamment l'attestation de M. [K] relatant ses qualités professionnelles.

S'agissant du ton employé par Mme [E], les attestations produites par l'employeur retranscrivent des témoignages de salariés témoins de la manière prétendument inappropriée avec laquelle Mme [E] se serait adressée à d'autres salariés, sans toutefois préciser l'identité des personnes concernées ainsi que la date et la nature des propos tenus à leur égard. Ces attestations, insuffisamment précises et circonstanciées, se contentent de faire état d'impressions subjectives ne permettant pas de caractériser la matérialité de ce fait.

S'agissant de l'organisation du travail des salariés placés sous la responsabilité de Mme [E], c'est par une exacte appréciation des pièces que le conseil de prud'hommes a jugé que les attestations produites par l'employeur émanaient de salariés qui ne faisaient état d'aucun lien de subordination hiérarchique vis-à-vis de Mme [E] et ne permettaient pas d'établir une organisation du travail défectueuse imputable à la salariée.

Ce second grief n'est donc établi.

Sur le manquement contractuel afférent aux commandes de salaisons maritimes

La lettre de licenciement énonce au titre de ce grief :

« Enfin nous avons également évoqué les engagements de Noël, et plus précisément les commandes de salaisons maritimes. En effet, les engagements relatifs aux produits festifs prévoyaient des dates de livraison les 14 et 21 novembre pour des produits dont la durée de vie n'excède pas 18 jours et qui par conséquent n'allaient pas jusqu'aux fêtes de fin d'année. Vous avez alors indiqué lors de cet entretien que ces engagements avaient été corrigés par M. [K], l'ancien gérant du magasin et que l'on ne pouvait pas vous le reprocher. Compte tenu de la conviction avec laquelle vous avez soutenu ceci, nous nous sommes faits confirmer par vos collègues le process d'engagement sur les produits festifs. Or il apparaît que si effectivement des corrections « papier » avaient bien été apportées par M. [K], la saisie informatique a bien été réalisée par vous le 24 septembre dernier ; celle-ci n'étant d'ailleurs pas conforme aux engagements « papier ».

Ce manquement grave à vos attributions a eu des conséquences financières et commerciales importantes et a porté atteinte à l'image du magasin et plus généralement de l'enseigne Carrefour. »

A l'appui de ce grief, l'employeur verse aux débats :

- Quatre bons de commandes de produits du rayon salaisons maritimes :

Le bon de commande « OP B1322 ' Collection trait. Mer fin année » daté du 20 septembre 2018 contenant les informations suivantes :

* Mise en avant du 12/11/2018 au 02/01/2019

* Limite(s) de commande : 24/09/2018 ' 28/09/2018

* Dates de livraison : 19/12/2018 au 02/01/2018

Ce bon comporte également la mention manuscrite « document de travail de [ZP] [E] », sans précision relative à l'identité de son auteur. Cette affirmation n'est par ailleurs corroborée par aucune des pièces versées aux débats.

Le bon de commande « OP B1322 ' Collection trait. Mer fin année » daté du 15 novembre 2018 contenant les informations suivantes :

* Mise en avant du 12/11/2018 au 02/01/2018

* Limite(s) de commande : 24/09/2018 ' 28/09/2018

* Dates de livraison : 07/11/2018 au 27/11/2018.

S'il apparaît que plusieurs engagements ont été saisis sur cette période, notamment les 7, 9, 12, 14, 15 et 21 novembre 2018, il n'existe aucun élément permettant d'établir l'identité de la personne à l'origine de cette saisie.

Le bon de commande « OP B5022 ' Trafic 50 traiteur mer » daté du 13 décembre 2018 contenant les informations suivantes :

* Mise en avant du 10/12/2018 au 26/12/2018

* Limite(s) de commande : 08/10/2018 ' 12/10/2018

* Dates de livraison : 06/12/2018 au 22/12/2018.

Il apparaît que seule un engagement portant sur un type de produit a été saisie pour le 17 décembre 2018.

Le bon de commande « OP B5122 ' Trafic 51 trait. Mer » daté du 13 décembre 2018 contenant les informations suivantes :

* Mise en avant du 17/12/2018 au 02/01/2019

* Limite(s) de commande : 15/10/2018 ' 19/10/2018

* Dates de livraison : 13/12/2018 au 31/12/2018.

Il apparaît qu'aucun engagement livraison n'a été saisi sur cette période.

- L'attestation de Mme [TA], dont le contenu, bien qu'étant illisible, est repris à l'identique dans les conclusions des parties : « Des produits phares manquant à l'appel pour les fêtes de fin d'année. ».

- L'attestation de Mme [J], dont le contenu ne concerne pas le grief reproché, contrairement à ce que soutient l'employeur dans ses écritures.

La salariée conteste ce grief soutenant que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas de retenir sa responsabilité.

En effet, les bons de commande produits par l'employeur ne comportent aucune mention relative à l'identité du salarié ayant procédé à la saisie des engagements et les témoignages ne font nullement état des conditions de prise de la commande passée le 24 septembre 2018 pour les fêtes de fin d'année.

Dans ces conditions, il est impossible d'imputer à Mme [E] une quelconque responsabilité dans l'erreur de saisie reprochée.

Au surplus, l'employeur ne produit aucun élément au soutient du préjudice commercial allégué.

Ce grief n'est donc pas établi.

Par conséquent, le licenciement de Mme [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

II ' Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

Sur le rappel de salaires sur mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents

Mme [E] a été mise à pied à titre conservatoire du 13 décembre 2018 au 2 janvier 2019. Elle sollicite le versement de la somme de 2.309,13 euros au titre du remboursement de cette mise à pied, outre la somme de 230,91 euros au titre des congés payés y afférents.

L'employeur conteste le principe du remboursement de la mise à pied sans pour autant contester le quantum.

Le licenciement pour faute grave de Mme [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la salariée est fondée à solliciter le remboursement de la mise à pied conservatoire prononcée à tort, peu importe qu'elle coïncide avec l'existence d'un arrêt de travail couvrant cette période, de sorte que la société SR2G sera condamnée à lui verser les sommes sollicitées à ce titre. (Cass soc. 18 février 2016, 14-22.708)

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [E] sollicite le versement de la somme de 4.022,92 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de l'article L.1235-3 du code du travail, soit deux mois de salaire.

L'article L.1235-3 du code du travail fixe une indemnité maximale d'un mois de salaire brut pour le salarié dont l'ancienneté est inférieure à une année.

Le licenciement de Mme [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et celle-ci comptant 11 mois d'ancienneté au jour de son licenciement, elle est fondée à solliciter la somme de 2.011,46 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à un mois de salaire.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

Mme [E] sollicite le versement de la somme de 2.011,46 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire, et non celle de 4.022,92 euros bruts ainsi que jugé par le conseil de prud'hommes, outre celle de 201,15 euros au titre des congés payés y afférents.

L'employeur conteste uniquement le montant de cette demande, estimant que Mme [E] peut prétendre à la somme de 1.587,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents.

L'annexe 1 de la convention collective nationale du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire fixe en son article 5 un préavis d'une durée d'un mois pour les employés et ouvriers ayant une ancienneté inférieure à deux ans, sauf faute grave ou lourde.

Le licenciement pour faute grave de Mme [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle est fondée à solliciter l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, de sorte que la société sera condamnée à lui verser la somme de 1.587,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 158,77 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Mme [E] sollicite le versement de la somme de 502,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, soit un quart de mois de salaire.

Il résulte des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail que le salarié dont l'ancienneté est inférieure à dix années a droit à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Le licenciement pour faute grave de Mme [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle est fondée à solliciter l'indemnité légale de licenciement, de sorte que la société sera condamnée à lui verser la somme de 502,86 euros à ce titre.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

III ' Sur les autres demandes

A Sur le caractère vexatoire de la mise à pied

Mme [E] sollicite le paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à pied conservatoire intervenue dans des conditions vexatoires.

Elle ne verse cependant aucun élément susceptible de justifier que la mise à pied conservatoire, prononcée dans le cadre d'un licenciement pour faute grave infondé et indemnisé ci-dessus, est intervenue dans des circonstances vexatoires à l'origine d'un préjudice.

Mme [E] sera donc déboutée de sa demande, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.

B Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de Mme [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur sera condamné à rembourser à Pôle emploi, devenu France Travail, les indemnités de chômage versées à la salariée, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail, dans la limite de trois mois d'indemnités.

C Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement des articles L.1222-1 et L.4121-1 du code du travail

Les différentes attestations produites au dossier par la salariée sont insuffisantes pour caractériser tant la déloyauté de l'employeur qu'un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur. Au surplus cette demande est totalement nouvelle en cause d'appel.

La salariée sera déboutée de sa demande de ce chef.

D Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SR2G, qui succombe, sera tenue aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dit que l'employeur n'est pas la SARL SR2G mais la SAS SR2G,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 26 janvier 2022, sauf en ce qu'il a condamné la SAS SR2G à verser à Mme [E] la somme de 2.309,13 euros au titre du rappel de salaires sur mise à pied conservatoire et celle de 230,91 euros au titre des congés payés y afférents, débouté Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire, ainsi que la condamnation aux dépens et au versement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Mme [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la SAS SR2G à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

- 2.011,46 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 

- 502,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement 

- 1.587,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 158,77 euros au titre des congés payés y afférents

Condamne la SAS SR2G à rembourser à Pôle emploi, devenu France Travail, les indemnités de chômage versées à Mme [E] dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Déboute Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 1222-1 et L.4121-1 du code du travail ;

Condamne la SAS SR2G aux dépens d'appel et à payer à Mme [E] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00669
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.00669 ?
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