La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2024 | FRANCE | N°22/00541

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 juillet 2024, 22/00541


PS/DD



Numéro 24/2386





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/07/2024







Dossier : N° RG 22/00541 - N°Portalis DBVV-V-B7G-IECL





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[G] [W]





C/



Société GASCOGNE SA















r>
Grosse délivrée le

à :































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au de...

PS/DD

Numéro 24/2386

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/07/2024

Dossier : N° RG 22/00541 - N°Portalis DBVV-V-B7G-IECL

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[G] [W]

C/

Société GASCOGNE SA

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 13 Décembre 2023, devant :

Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, Greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [G] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparante et assistée de Maître LOYCE-CONTY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉE :

Société GASCOGNE SA

agissant poursuites et diligences de son Représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et Maître TAYEG de la SAS DELCADE, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 26 JANVIER 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F20/00082

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [G] [W] a été embauchée à compter du 8 janvier 2007 par la société Gascogne Papier, en qualité de directrice des ressources humaines, statut cadre III, B, coefficient 600, selon contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres production des papiers, cartons et celluloses.

Par convention tripartite du 2 décembre 2015 entre la société Gascogne Papier, la société Gascogne SA et la salariée, le contrat de travail a été transféré à la société Gascogne SA au 1er janvier 2016 avec reprise d'ancienneté au 8 janvier 2007, au poste celui de directeur des ressources humaines Holding et Division Emballage.

Mme [W] a été en arrêt de travail pour maladie de courant décembre 2017 au 15 janvier 2018 puis en mi-temps thérapeutique.

Le 28 mars 2018, elle a été agressée à son domicile par le conjoint d'une ancienne salariée licenciée le 22 novembre 2017 pour cause réelle et sérieuse. Il en est résulté un arrêt de travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 15 octobre 2019, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste, avec la mention suivante : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Mme [W] était conseillère prud'homale. Les parties divergent relativement à la connaissance par l'employeur du renouvellement de son mandat prud'homal à compter du 1er janvier 2018.

Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 25 octobre 2019.

Le 29 octobre 2019 elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 26 octobre 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale au fond.

Par jugement du 26 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan a :

- dit et jugé que la Société Gascogne SA n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'Inspecteur du Travail préalablement à la notification du licenciement de Mme [W] ;

- dit et jugé que le licenciement de Mme [W] par la Société Gascogne SA repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes au titre de la contestation de son licenciement,

- débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre du prétendu irrespect de l'obligation de santé sécurité,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [W] aux entiers frais et dépens

Le 23 février 2022, Mme [W] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions récapitulatives et responsives n°3 adressées au greffe par voie électronique le 15 mai 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [G] [W] demande à la cour de :

- Déclarer Mme [W] recevable et bien fondée en ses demandes.

- Réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

-Dit et jugé que la Société Gascogne SA n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'Inspecteur du Travail préalablement à la notification du licenciement de Mme [W] ;

-Dit et jugé que le licenciement de Mme [W] par la Société Gascogne SA repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

-Débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes au titre de la contestation de son licenciement, lesquelles se décomposent comme suit :

' à titre principal : déclarer nul et de nul effet le licenciement de Mme [W] pour non-respect de l'article L 2411-22 du code du travail et en conséquence, Condamner la société Gascogne SA à verser à Mme [W] la somme de 261 597 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure imposée par le statut protecteur de conseiller prud'homme de Mme [W], la somme de 267 584 euros au titre de la perte de revenus entre les 62 et 67 ans de Mme [W] et la somme de 208 216,08 euros au titre de la perte de revenus à compter de l'âge de 67 ans.

A défaut, si la cour estimait devoir limiter les dommages et intérêts liés à l'indemnisation de la perte d'emploi, Condamner la société Gascogne SA à verser à Mme [W] une indemnité d'un montant de 95 918 euros.

' à titre subsidiaire : Dire et Juger que le manquement à l'obligation de santé et de sécurité a causé l'inaptitude d'origine professionnelle, laquelle a entraîné le licenciement de Mme [W] et Dire et Juger que ce licenciement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre du prétendu irrespect de l'obligation de santé sécurité, lesquelles se décomposent comme suit :

' Condamner la société Gascogne SA à verser à Mme [W] la somme de 95.918,9 euros sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail

' Dire et Juger que la société Gascogne SA a manqué à son obligation de santé et de sécurité à l'égard de Mme [W]

' Condamner la société Gascogne SA à lui verser une indemnité d'un montant de 50.000 euros

-Condamné Mme [W] aux entiers frais et dépens

À titre principal,

- Déclarer nul et de nul effet le licenciement de Mme [G] [W] pour non-respect de l'article L.2411-22 du code du travail ;

En conséquence,

- Condamner la société Gascogne SA, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser les sommes de :

- 261.597 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure imposée par le statut protecteur de conseiller prud'homme de Mme [W]

- 95.918 euros au titre des dommages et intérêts liés à l'indemnisation de la perte d'emploi,

A titre subsidiaire,

- Dire et Juger que le manquement à l'obligation de santé et de sécurité a causé l'inaptitude d'origine professionnelle, laquelle a entrainé le licenciement de Mme [W].

- Dire et Juger que ce licenciement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamner à ce titre la société Gascogne SA à lui verser la somme de 95 918 ,9 euros sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.

En tout état de cause,

- Dire et Juger que la société Gascogne SA a manqué à son obligation de santé et de sécurité à l'égard de Mme [W].

- Condamner à ce titre la société Gascogne SA à lui verser une indemnité d'un montant de 50.000 euros.

- Condamner la société Gascogne SA, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

- Débouter la société Gascogne SA, prise en la personne de son représentant légal de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 juillet 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Gascogne demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré,

En conséquence

- Juger que la société Gascogne SA n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'inspection du travail préalablement à la notification du licenciement de Mme [G] [W],

- Juger que le licenciement de Mme [G] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Juger que la société Gascogne SA a exécuté le contrat de travail de Mme [G] [W] loyalement et n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de cette dernière,

- Débouter en conséquence Mme [G] [W] de l'ensemble de ses demandes au titre de la contestation de son licenciement,

- Débouter en conséquence Mme [G] [W] de l'ensemble de ses demande indemnitaires au titre du prétendu irrespect de l'obligation de santé et de de sécurité,

A titre subsidiaire

- Faire application du barème Macron et allouer à Mme [G] [W] un montant équivalent à 3 mois de salaire brut de charges sociales, ou à défaut ramener le montant de l'indemnité à un niveau brut de charges sociales que la cour appréciera dans les limites du barème.

A titre infiniment subsidiaire

- En cas de licenciement nul, limiter le montant de l'indemnisation octroyé à Mme [G] [W] à un montant minimal brut de charges sociales que la cour appréciera.

En tout état de cause

- Débouter Mme [G] [W] des demandes d'indemnisation au titre d'une prétendue exécution déloyale du contrat de travail.

- Condamner Mme [G] [W] au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens en ce compris, ceux éventuels d'exécution.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur le licenciement

Mme [W] soutient que le licenciement est nul à défaut d'avoir été autorisé par l'inspecteur du travail, eu égard à son mandat de conseillère prud'homale, et subsidiairement qu'il est sans cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude d'origine professionnelle.

Sur la demande de nullité du licenciement

Suivant l'article L.2411-1 du code du travail, bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : ' 17° Conseiller prud'homme ;'

En application de l'article L.2411-22 du code du travail, le licenciement du conseiller prud'homme ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

Cette autorisation est également requise pour :

1° Le conseiller prud'homme ayant cessé ses fonctions depuis moins de six mois ;

2° Le salarié candidat aux fonctions de conseiller prud'homme dès que l'employeur a reçu notification de la candidature du salarié ou lorsque le salarié fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature, et pendant une durée de trois mois à compter de la nomination des conseillers prud'hommes par l'autorité administrative. Le bénéfice de cette protection ne peut être invoqué que par le candidat dont le nom figure sur la liste déposée.

Ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que le salarié protégé n'est en droit de se prévaloir d'un mandat extérieur à l'entreprise que si, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, il a informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou s'il rapporte la preuve que l'employeur en avait alors connaissance.

En l'espèce, Mme [W] produit :

- un échange de mails avec M. [T] [U], président de la société Gascogne SA :

. le 3 avril 2017, elle informe M. [U] de sa volonté de poursuivre son mandat de conseillère prud'homme qu'elle exerce depuis 2005 et qui arrive à échéance en fin d'année 2017 ;

. le 4 avril 2017, M. [U] lui fait part de son accord ;

- une attestation de M. [U] en date du 4 avril 2017, suivant laquelle Mme [W] a sur le service des ressources humaines de l'entreprise une délégation particulière d'autorité au sens de l'article L.1441-12 du code du travail, permettant de l'assimiler à un employeur et de l'inscrire comme candidat dans la liste du collège employeurs en vue du renouvellement des conseillers de 2017 ; il atteste par ailleurs être informé du fait qu'être candidat aux désignations prud'homales confère le statut de salarié protégé ;

- un « coupon-réponse » renseigné et signé par M. [U] le 28 septembre 2017, suivant lequel il a été informé par le Medef Gironde de la candidature de Mme [W] afin de désignation prud'homale dans le collège employeur et sait que cette désignation lui confère le statut de salariée protégée ;

- une attestation du 13 avril 2021 de Mme [Y] [F], directrice générale du Medef Gironde, suivant laquelle Mme [W] siège au conseil de prud'hommes de Bordeaux, collège employeurs depuis mars 2005 dans la section encadrement puis la section industrie depuis décembre 2017 ;

- un arrêté du 14 décembre 2017, publié au Journal Officiel le 19 décembre 2017, portant, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles, nomination de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'homal 2018-2021, dont Mme [W], au conseil de prud'hommes de Bordeaux, collège employeurs section industrie ;

- un extrait du trombinoscope des conseillers prud'hommes titulaires de la section industrie ;

- un courriel du 28 décembre 2017 de Mme [Y] [F], directrice générale du Medef Gironde, adressé à des conseillers prud'hommes de la section industrie du conseil de prud'hommes de Bordeaux, dont Mme [W], relativement au « tour de rôle » des conseillers aux audiences de janvier 2018 ; Mme [W] n'est mentionnée à aucune des audiences ;

- une attestation du 28 juillet 2021 de Mme [L] [M], directrice de greffe du conseil de prud'hommes de Bordeaux, suivant laquelle l'article D.1442-14 du code du travail « concerne » le conseil de prud'hommes de Bordeaux, étant précisé que ce texte prévoit que dans les huit jours de l'installation d'un salarié comme conseiller prud'homme, le directeur de greffe adresse à son employeur un courrier l'informant de la date d'entrée en fonctions de ce conseiller ; il ne résulte pas de cette attestation que Mme [M] a effectivement appliqué ce texte ;

- un échange de courriers entre Mme [W] et M. [U] :

. le 20 août 2020, Mme [W] indique que son licenciement « a été réalisé sans respect de la procédure idoine » et poursuit « Je suis en effet conseillère prud'homale depuis mars 2005 et Gascogne a toujours été informé de ce mandat. Je vous ai fait personnellement part de mon souhait de le poursuivre et vous m'avez expressément donné votre accord le 4/4/2017. Vous avez également confirmé cet accord auprès du MEDEF Gironde le 28/9/2017 » ;

. le 2 septembre 2020, M. [U] répond : « Je vous remercie d'évoquer votre mandat de conseiller prud'hommes dont aucune trace ne figure cependant dans votre dossier et de m'apprendre la protection dont il vous permettait de bénéficier. Le fait que je vous aurais donné mon 'accord' en 2017, accord dont vous n'aviez d'ailleurs nullement besoin au regard du mandat en cours, ne me permettait certainement pas de connaître votre situation en 2018. Si j'ai confirmé mon accord pour un nouveau mandat, en aucun cas je n'ai été informé de votre investiture en 2018' laquelle n'était nullement acquise en septembre 2017' ».

Il résulte de ces éléments que l'employeur a été informé de la proposition de désignation de Mme [W] par le Medef de la Gironde comme conseillère prud'homme, mais non de sa désignation effective, étant observé qu'il ne peut être déduit du fait que les conseillers prud'hommes sont depuis le 1er février 2017 non plus élus mais désignés conjointement par le ministre de la justice et celui chargé du travail sur proposition des organisations syndicales et professionnelles qu'une proposition de désignation est systématiquement suivie d'une désignation, de sorte que l'employeur informé de la proposition de désignation de Mme [W] le serait nécessairement du mandat de conseillère prud'homme cette dernière. Il n'est pas non plus établi qu'il avait connaissance de ce mandat, ce d'autant qu'il résulte des conclusions de Mme [W] qu'elle ne l'a de fait pas exercé entre sa désignation par arrêté du 14 décembre 2017 et son licenciement, en raison de son état de santé, compte tenu de son arrêt de travail pour maladie à compter de courant décembre 2017, de sa reprise à temps partiel thérapeutique à compter du 17 janvier 2018, puis de son arrêt de travail suite à l'agression du 28 mars 2018.

Ainsi, Mme [W] n'est pas fondée à invoquer son mandat renouvelé de conseillère prud'homme et par suite, l'absence d'autorisation administrative de licenciement. La demande de nullité du licenciement doit donc être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Mme [W] fait valoir que la société Gascogne SA a manqué à son obligation de sécurité et que son inaptitude résulte de ce manquement aux motifs que :

- la société Gascogne SA n'a pris aucune mesure pour assurer sa sécurité alors qu'il était évident qu'elle était sujette à subir une agression de M. [O] [R], conjoint de Mme [H] [N], salariée licenciée le 22 novembre 2017, puisqu'elle était signataire de la lettre de licenciement de Mme [N] et que M. [R] avait agressé verbalement M. [K] [S], salarié, à la sortie de l'entreprise, le 22 novembre 2017, puis, le lendemain, s'était rendu au domicile de M. [O] [Z], salarié, qu'il avait également agressé verbalement ;

Mme [W] ne produit aucun élément relativement à ces faits et n'établit pas que l'employeur a été alerté par elle-même ou quiconque d'un risque pesant sur sa personne.

Il ressort d'un courrier du 18 avril 2018 du conseil de la société Gascogne au procureur de la République de Mont de Marsan que Mme [N] a été licenciée pour insuffisance professionnelle le 22 novembre 2017 et que, le même jour, son époux, M. [R], a agressé verbalement M. [K] [S], salarié, à la sortie de l'entreprise, puis, le 23 novembre 2017, M. [O] [Z], salarié, à son domicile personnel. Cependant, d'une part il n'est pas permis de déduire de ces deux agressions verbales un risque particulier concernant Mme [W] qui avait procédé au licenciement de Mme [N], et, d'autre part, même à supposer un tel risque, il n'est pas caractérisé que l'employeur en avait conscience dès lors qu'il n'est pas établi qu'il était informé de ces deux agressions verbales avant la survenance de celle subie par Mme [W] le 28 mars 2018.

- la société Gascogne SA n'a pris aucune mesure pour accompagner Mme [W] suite à l'agression et notamment, ne lui a pas proposé de suivi psychologique ;

L'employeur justifie qu'il a dénoncé l'agression subie par Mme [W] auprès du procureur de la République de Mont de Marsan par courrier de son conseil du 18 avril 2018 ci-dessus mentionné et qu'il a satisfait à ses obligations légales et conventionnelles en matière d'indemnisation pendant l'arrêt de travail de la salariée ainsi qu'il ressort de ses bulletins de salaire. Enfin, il démontre par sa pièce n° 22 que Mme [W], en sa qualité de directrice des ressources humaines, avait la responsabilité de décider de la prise en charge éventuelle des frais de psychologue libéral par l'entreprise après un accident du travail, de sorte qu'elle ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré cette possibilité dont elle ne justifie pas avoir demandé à bénéficier.

- elle n'a plus eu aucune communication avec M. [U], président de la société Gascogne SA, alors qu'elle travaillait en étroite collaboration avec lui, ce qui a généré chez elle un sentiment d'abandon qui a accentué sa dépression.

Mme [W] ne produit aucun élément de nature à caractériser un retentissement sur son état de santé du comportement du président de la société à son égard suite à l'agression subie le 28 mars 2018 et l'arrêt de travail qui s'en est suivi, dont elle ne démontre pas le caractère fautif, et produit un mail qu'elle a adressé le 20 octobre 2019 à ce dernier, à réception de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, dans lequel elle ne manifeste aucun ressentiment à son endroit et qu'elle conclut comme suit : « Merci à vous de m'avoir fait confiance en 2014 et de m'avoir permis de vous accompagner dans les turbulences sociales que nous avons traversées. Gascogne a profondément changé grâce à vous, et je souhaite à tous et toutes de poursuivre avec réussite le chemin qu'il vous reste à parcourir tous ensemble ».

Il résulte des éléments ci-dessus que la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est pas avérée.

Enfin, Mme [W] a été déclarée inapte à son poste, avec la mention que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise, et l'inaptitude physique accompagnée d'une impossibilité de reclassement constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.

II Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et sécurité

Il a été retenu l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnisation de ce chef.

III Sur les demandes accessoires

Mme [W], qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens exposés en appel ainsi qu'à payer la société Gascogne SA la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan du 26 janvier 2022,

Y ajoutant,

Condamne Mme [G] [W] aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne Mme [G] [W] à payer à la société Gascogne SA la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00541
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.00541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award