La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2024 | FRANCE | N°23/03223

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 16 juillet 2024, 23/03223


PhD/CS



Numéro 24/2372





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 16 juillet 2024







Dossier : N° RG 23/03223 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IWTG





Nature affaire :



Demande de prononcé d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler















Affaire :



[E] [M]





C/



S.E.L.A.R.L. EKIP'










r>

























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les co...

PhD/CS

Numéro 24/2372

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 16 juillet 2024

Dossier : N° RG 23/03223 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IWTG

Nature affaire :

Demande de prononcé d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler

Affaire :

[E] [M]

C/

S.E.L.A.R.L. EKIP'

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 mai 2024, devant :

Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Le ministère public a eu connaissance de la procédure le 5 janvier 2024

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [E] [M]

né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro c-64445-2023-5960 du 18/04/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Pau)

Représenté par Me Henri MOURA, avocat au barreau de Pau

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. EKIP' Prise en la personne de Maître [C] [S], prise en son établissement secondaire de PAU situé [Adresse 1], agissant ès qualité de Liquidateur judiciaire de la SAS KOMON, fonctions à elles conférées par jugement du Tribunal de Commerce de PAU du 23 mai 2023.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de Pau

sur appel de la décision

en date du 07 NOVEMBRE 2023

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU

FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

La société Komon (sasu) exerce depuis le 25 septembre 2018 une activité de communication, conseil et marketing.

Le 21 novembre 2022, M. [Z] [M] est devenu le dirigeant de la société.

Le 15 mai 2023, M. [M] a déclaré l'état de cessation des paiements de la société Komon.

Par jugement réputé contradictoire du 23 mai 2023, le tribunal de commerce de Pau a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société Komon, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 5 mai 2023 et désigné la selarl Ekip en qualité de liquidateur judiciaire.

Suivant exploit du 30 août 2023, la selarl Ekip ès qualités a fait assigner M. [M] par devant le tribunal de commerce de Pau aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans pour défaut de tenue la comptabilité, défaut de collaboration avec les organes de la procédure et défaut de communication des renseignements prévus à l'article L622-6 du code de commerce, sur le fondement des articles L653-1 et suivants du code de commerce.

M. [M] n'a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire du 7 novembre 2023, au vu du rapport du juge-commissaire et après avis du ministère public, le tribunal a :

-dit recevable la demande de sanction à l'encontre de M. [M]

-prononcé une interdiction du droit de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, pour la durée de 10 ans à l'égard de M. [M]

-ordonné la publication et l'exécution provisoire du jugement

-condamné M. [M] aux dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 12 décembre 2023, M. [M] a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 avril 2024.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 mars 2024 par M. [M] qui a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de dire et juger que compte tenu des circonstances, il ne peut être prononcé de sanctions personnelles à son encontre.

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 mars 2024 par la selarl Ekip ès qualités qui a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, et, y ajoutant, de condamner M. [M] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de le débouter de ses demandes.

Vu les conclusions du ministère public remises le 10 avril 2024, tendant à voir, à titre principal, déclarer l'appel caduc, et, à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris, sous réserve des observations orales développées à l'audience en faveur d'une éventuelle réduction de la durée de la sanction ramenée à 5 ans.

En application de l'article 445 du code de procédure civile, la cour a autorisé les parties a déposé, si elles le souhaitaient, une note en délibéré pour répondre aux conclusions du ministère public.

Aucune note n'a été adressée à la cour.

MOTIFS

sur la caducité de l'appel

Le ministère public soulève la caducité de l'appel faute pour l'appelant d'avoir intimé le parquet général, et de lui avoir notifié ses conclusions dans le délai de l'article 911 du code de procédure civile.

Mais, il résulte des articles 421 et 424 du code de procédure civile que lorsqu'il intervient dans un litige comme partie jointe, le ministère public fait connaître son avis sur la solution du litige, au nom de l'intérêt général, sans être l'adversaire procédural des parties avec lesquelles il n'existe, au surplus, aucun lien d'indivisibilité.

Par conséquent, lorsqu'il interjette appel d'un jugement rendu après avis du ministère public, partie jointe, l'appelant n'est pas tenu d'intimer le procureur général, ni de lui notifier la déclaration d'appel et les conclusions d'appel dans les délais prescrits à peine de nullité de caducité de la déclaration d'appel.

En l'espèce, le procureur de la République de Pau, auquel la procédure aux fins de sanctions a été communiquée en première instance en application de l'article 425 du code de procédure civile, est intervenu en qualité de partie jointe.

Et, en application du même texte, le dossier de la procédure d'appel a été communiqué au procureur général, partie jointe.

Par ailleurs, l'article 972-1 du code de procédure civile, qui dispose que les actes de la procédure d'appel destinés au ministère public sont notifiés au procureur général, n'intéresse pas le présent litige.

La demande de caducité de la déclaration d'appel sera donc rejetée.

sur l'interdiction de gérer

M. [M] fait grief au jugement entrepris d'avoir prononcé une mesure d'interdiction de gérer extrêmement lourde et disproportionnée qui l'oblige à exercer une activité salariée pendant une longue période alors qu'il a commis l'erreur de s'aventurer dans un secteur d'activité qu'il ne maîtrisait pas, devenant gérant seulement six mois avant le dépôt de bilan, après avoir fait confiance aux personnes qui lui ont cédé la société ainsi qu'à son comptable, qu'il n'est pas responsable du passif déclaré, n'a retiré aucun bénéfice personnel de la brève période de sa gérance, et a remis, à hauteur d'appel, les documents comptables réclamés par le liquidateur judiciaire, son retard ne résultant pas d'un refus de coopérer avec le liquidateur judiciaire mais de difficultés avec le comptable dont les honoraires n'étaient pas payés.

Cela posé, au soutien de sa demande de sanction, la selarl Ekip ès qualités a articulé trois griefs à l'encontre de M. [M] :

-le défaut de tenue de comptabilité

-le défaut de collaboration volontaire avec les organes de la procédure

-le défaut de remise des renseignements prévus à l'article L622-6 du code de commerce

1-sur le défaut de tenue de comptabilité

Aux termes de l'article L653-5, 6° du code de commerce, constitue une faute passible de sanctions, le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l'obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

En l'espèce, malgré ses demandes répétées, le liquidateur judiciaire n'a pas obtenu du dirigeant la communication du bilan comptable de l'exercice 2021, seul un bilan sommaire ayant été annexé à la déclaration d'état de cessation des paiements, et du bilan de l'exercice 2022.

Cependant, d'une part, M. [M], devenu dirigeant social le 21 novembre 2022, ne peut être tenu pour responsable d'un défaut d'établissement du bilan clos au 31 décembre 2021.

Et, si le dirigeant ne peut s'exonérer de son obligation de tenir une comptabilité en se déchargeant sur son expert-comptable, la proximité du début du mandat social de M. [M] avec la clôture de l'exercice clos au 31 décembre 2022, relativise le manquement qui lui est reproché au titre de cet exercice, d'autant qu'il n'est pas démontré que le non-paiement des honoraires du comptable, qui a contribué à retarder l'établissement du bilan 2022, serait imputable à M. [M].

En outre, à hauteur d'appel, en février et mars 2024, M. [M] a produit les comptes clos au 31 décembre 2021 et au 31 décembre 2022.

Il ressort du dernier bilan comptable que la société n'avait quasiment plus d'activité au cours de cet exercice, mais générait des dettes d'exploitation, le résultat comptable étant négatif de 33.766 euros.

Si la selarl Ekip ès qualités évoque laconiquement une « poursuite d'une activité déficitaire », elle n'a pas saisi la cour de cette faute de gestion qui, au surplus, ne peut peut faire l'objet d'une sanction personnelle que s'il est établi, conformément à l'article L653-4, 5° du code de commerce, que le dirigeant a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait tendre qu'à la cessation des paiements de la personne morale, ce qui n'est ni allégué ni démontré, étant encore constaté que M. [M] n'est pas responsable de la gestion antérieure au 21 novembre 2022.

En outre, la selarl Ekip ès qualités affirme péremptoirement, sans offre de preuve, que le passif antérieur d'un montant de 101.075,09 euros est imputable à la gestion de M. [M] alors qu'il n'est pas justifié que les créances déclarées sont nées durant la gestion de M. [M] et que la liste des créances mentionnent des créances manifestement antérieures à cette gestion, outre une créance provisionnelle de l'Urssaf.

La remise tardive des comptes de l'exercice 2022 doit donc être appréciée à la mesure des considérations qui précèdent.

2-sur le défaut de collaboration et de remise des renseignements

Aux termes de l'article L653-5, 5° du code de commerce, constitue une faute passible de sanctions personnelles le fait d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.

Et, aux termes de l'article L 653-8 alinéa 2 du même code, l'interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre de l'entrepreneur individuel ou du dirigeant qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L622-6 du code de commerce dans le mois suivant le jugement d'ouverture [...].

L'article L622-6 prévoit la communication de la liste des créanciers, du montant des dettes et des principaux contrats en cours, et l'information relative aux instances en cours auxquelles le débiteur est partie.

En l'espèce, malgré les demandes adressées le 24 mai 2023 et le 5 juin 2023, M. [M] n'a pas communiqué les bilans clos en 2022, les statuts de la société, la liste des créances, le contrat de prêt, la dernière déclaration de tva et urssaf et le contrat de location.

M. [M], après s'être abstenu de comparaître à l'audience d'ouverture de la procédure collective, ne peut s'exonérer de ses obligations en invoquant son inexpérience dans le domaine du conseil alors que cette circonstance est indifférente sur l'aptitude d'un dirigeant à assumer ses responsabilités notamment à l'occasion d'une procédure collective ouverte,

de surcroît à sa demande, sa défaillance, chronique, sans motif légitime, dans la production des pièces sollicitées par le liquidateur judiciaire indispensables à l'exercice de son mandat, trahissant le caractère volontaire de son refus de collaborer avec le liquidateur judiciaire qui n'a pu appréhender rapidement la situation de la société au détriment des intérêts des salariés qui attendaient la mise en place des garanties salariales, et des partenaires de la société dans l'attente de l'issue des contrats en cours et de la réalisation des actifs.

La seconde série de griefs articulés contre M. [M] est donc fondée.

Il résulte des considérations qui précèdent qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur l'interdiction de gérer, mais de réduire la durée de la sanction à deux ans.

M. [M] sera condamné aux dépens d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la demande de caducité de la déclaration d'appel,

CONFIRME le jugement entrepris sur le principe de l'interdiction de gérer prononcée contre M. [M],

INFIRME le jugement sur la durée de la sanction,

et statuant à nouveau,

DIT que l'interdiction de gérer prononcée par le jugement entrepris est fixée pour une durée de deux ans,

CONDAMNE M. [M] aux dépens d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

AUTORISE Me Estrade, avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 23/03223
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.03223 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award