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16/07/2024 | FRANCE | N°23/03088

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 16 juillet 2024, 23/03088


PhD/CS



Numéro 24/2371





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 16 juillet 2024







Dossier : N° RG 23/03088 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IWF6





Nature affaire :



Demande de prononcé d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler















Affaire :



[N] [Z]





C/



LE PROCUREUR GENERAL

S.E.L.A.R.L. MJPA





































Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablemen...

PhD/CS

Numéro 24/2371

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 16 juillet 2024

Dossier : N° RG 23/03088 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IWF6

Nature affaire :

Demande de prononcé d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler

Affaire :

[N] [Z]

C/

LE PROCUREUR GENERAL

S.E.L.A.R.L. MJPA

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 mai 2024, devant :

Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Le ministère public a eu connaissance de la procédure le 5 janvier 2024

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [N] [Z]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5] / FRANCE

Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de Pau

INTIMES :

Monsieur . LE PROCUREUR GENERAL

de nationalité Française

près la Cour d'Appel de PAU Palais de Justice

[Localité 4]

Assigné

S.E.L.A.R.L. MJPA

[Adresse 2]

[Localité 6]/France

Assignée

sur appel de la décision

en date du 20 NOVEMBRE 2023

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 26 septembre 2022, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société Ermabat (sas), spécialiste de travaux de menuiserie, dirigée par M. [C] [Z], président et associé de M. [N] [Z], directeur général.

La selarl MJPA, prise en la personne de Me [T] [Y], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête remise au greffe le 29 juin 2023, le procureur de la République de Bayonne a saisi le tribunal de commerce d'une demande tendant à voir prononcer, avec exécution provisoire, une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans à l'encontre de M.[N] [Z].

Dan son rapport du 8 juillet 2023, le juge-commissaire a proposé la même sanction.

Suivant une ordonnance présidentielle du 6 juillet 2023, le greffe a fait convoquer M.[Z] par lettre recommandée avec accusé de réception remise le 12 juillet 2023.

M. [Z] et la selarl MJPA ès qualités ont comparu à l'audience en présence du ministère public.

Par jugement contradictoire du 20 novembre 2023, le tribunal a prononcé une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans à l'encontre de M. [Z] en rejetant l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 24 novembre 2023, M. [Z] a relevé appel de ce jugement en intimant la selarl MJPA ès qualités, puis en intimant le procureur général de la cour d'appel dans une seconde déclaration d'appel du 29 janvier 2024.

Par ordonnance du 22 février 2024, les deux déclarations d'appel ont été jointes.

Le 9 février 2024, l'appelant a fait signifier la déclaration d'appel et les conclusions d'appel remises le 5 février 2024 à la selarl MJPA ès qualités et au procureur général.

La selarl MJPA ès qualités, assignée à personne morale, n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 avril 2024.

***

A l'ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture au 28 mai 2024, à la demande de l'appelant en vue de produire l'état des créances, et avec l'accord du ministère public.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées au ministère public le 22 mai 2024 par M. [Z] qui a demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de :

-juger que la requête aux fins de sanctions personnelles est infondée, et débouter en conséquence le ministère public de sa demande de sanction

-subsidiairement, ramener à de plus justes proportions l'interdiction de gérer prononcée à son encontre et juger que l'interdiction ne saurait porter « sur toute autre entreprise ayant tout autre activité indépendante » et devra se limiter aux dispositions de l'article L653-8 alinéa 1 du code de commerce.

Vu les conclusions écrites remises et notifiées le 10 avril 2024 par le ministère public tendant à la confirmation du jugement entrepris.

Vu les observations orales développées à l'audience par le ministère public tendant à l'infirmation du jugement sur le principe même d'une sanction en l'état d'un défaut de caractérisation des fautes reprochées au dirigeant dans la requête aux fins de sanction.

MOTIFS

La déclaration d'appel ayant été signifiée à la selarl MJPA ès qualités, en personne, le présent arrêt sera réputé contradictoire, étant observé que cette partie, qui n'a émis aucune prétention propre en première instance, est accessoirement intervenue au soutien de la requête du ministère public.

L'appelant fait grief au jugement d'avoir prononcé une sanction à son encontre par des motifs obscurs sans lien avec les fautes visées dans la requête, délaissant les moyens soutenus en défense et alors que la requête articule des faits imprécis, difficiles à cerner en droit, non étayés par des preuves de nature à en établir la matérialité, tandis que, au contraire, selon l'appelant, il est démontré que l'aggravation du passif n'est pas frauduleuse mais liée à la conjoncture sanitaire et économique du secteur commercial dirigé par l'autre co-gérant, M. [C] [Z], également en charge de la comptabilité social, dont la responsabilité n'a pas été mise en cause, tandis que l'appelant souligne qu'il n'a commis aucune faute en créant une nouvelle société après la liquidation judiciaire de la société Ermabat.

Cela posé, si le grief tiré du défaut de motivation est fondé dès lors que le jugement n'a examiné aucun des moyens de défense du dirigeant ni justifié le bien fondé des griefs articulés par le ministère public, l'appelant n'a pas demandé l'annulation du jugement.

Ensuite, seules les fautes limitativement énumérées aux articles L 653-1 et suivants du code de commerce peuvent donner lieu aux sanctions prévues par ces mêmes textes, la charge de la preuve incombant au requérant, le ministère public ou le liquidateur judiciaire, qui doit caractériser en droit et en fait la faute reprochée au chef d'entreprise ou au dirigeant de la personne morale.

En l'espèce, au soutien de sa requête, prise au visa général des textes applicables aux sanctions personnelles, du rapport du liquidateur judiciaire du 4 janvier 2023, du rapport d'expertise de M. [P], le ministère public expose que :

« le dirigeant a frauduleusement augmenté son passif en ce que le montant du passif a alerté Me [Y] dans la mesure où les comptes clos au 31 décembre 2021 laissent apparaître un bénéfice de 15.423 euros et un endettement de 127.000 euros. La situation de l'entreprise s'est largement aggravée en 9 mois. Suite aux recherches de la mandataire judiciaire, il est apparu que M.[Z] avait réalisé de possible man'uvres frauduleuses afin d'échapper à ses obligations. Cela est conforté par un rapport d'expertise de M. [P]. De plus, suite à cette procédure de liquidation judiciaire, le dirigeant a créé une nouvelle société dénommée ACM exerçant la même activité de la précédente. Cela laisse à penser que M.[Z] poursuit les chantiers précédemment signés avec la SAS Ermabat tout en laissant le passif dans la liquidation judiciaire. Il convient de préciser également que M.[Z] avait déjà fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actifs pour une société ayant la même activité que les deux autres ».

Il est donc reproché à M. [Z] d'avoir frauduleusement aggravé le passif, fait prévu à l'article L653-4 5° du code de commerce, au moyen de « possibles man'uvres frauduleuses » confortées par le rapport [P] et en détournant possiblement des chantiers Ermabat au profit d'une nouvelle société ACM.

Mais, il ressort des termes mêmes de la requête que les griefs articulés contre M.[Z] sont fondés sur des extrapolations hasardeuses à partir de conjectures personnelles du liquidateur judiciaire tirées de faits incertains et non vérifiés.

En effet, la requête reprend à son compte « les possibles man'uvres frauduleuses » du dirigeant mais sans même en déterminer la consistance matérielle alors que le liquidateur judiciaire, non seulement n'a procédé à aucune recherche mais s'est borné à faire vaguement état d'une « alerte d'un conseil d'un client de l'entreprise sur de possibles man'uvres des dirigeants pour tenter d'échapper à leurs obligations », et que le rapport d'expertise judiciaire de M. [P], établi dans un litige civil concernant des désordres constructifs imputés à la société Ermabat, ne révèle aucun fait frauduleux, mais, selon le liquidateur judiciaire, serait « éloquent sur les malfaçons ».

En outre, le liquidateur judiciaire a seulement indiqué que, s'étonnant de l'aggravation du passif en neuf mois, il avait demandé au dirigeant la communication du grand-livre, sans toutefois stigmatiser, à ce stade, une carence du dirigeant, ni précisé si la demande avait été adressée au président de la société Ermabat qui était en charge de la comptabilité ou à M.[Z], ce défaut de communication du grand-livre n'ayant d'ailleurs pas été visé dans la requête du ministère public.

A hauteur d'appel, M. [Z] a produit le grand-livre dont le ministère public n'a tiré aucune opération anormale.

Par ailleurs, si M. [Z] a créé une nouvelle société AMC, immatriculée le 15 décembre 2022, à la même adresse, exerçant la même activité que l'activité liquidée, le liquidateur, sans procédé à aucune vérification, s'est livré à de nouvelles conjectures en relevant en des termes purement spéculatifs que cette société « pourrait poursuivre l'activité avec les chantiers Ermabat tout en laissant le passif dans la liquidation judiciaire », sans toutefois apporter le début du commencement d'une preuve de ses suppositions.

A l'évidence, si les quelques éléments épars recueillis par le liquidateur judiciaire pouvaient faire naître de légitimes interrogations sur la gestion du président et du directeur général de la société Ermabat, ils sont radicalement impropres à établir la preuve des fautes reprochées à M. [Z] en l'absence de toute enquête ou vérification minimale des « possibles man'uvres frauduleuses ».

Par conséquent, aucune sanction ne saurait être prononcée contre M. [Z] sur la base de pures spéculations.

Le jugement sera donc entièrement infirmé et il sera dit n'y avoir lieu à sanction.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et, statuant à nouveau,

DIT que les fautes reprochées à M. [N] [Z] ne sont pas établies,

DIT n'y avoir lieu à prononcer une sanction à l'encontre de M. [N] [Z],

LAISSE les dépens à la charge de la procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame PELLEFIGUES, Président, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 23/03088
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.03088 ?
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