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16/07/2024 | FRANCE | N°23/02607

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 16 juillet 2024, 23/02607


PhD/CS



Numéro 24/2370





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 16 juillet 2024







Dossier : N° RG 23/02607 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IUUM





Nature affaire :



Demande en exécution formée par le client contre le prestataire de services















Affaire :



S.A.S. ELCIA





C/



S.A.S.U. PIERRE FOURCADE MENUISERIES





































Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avi...

PhD/CS

Numéro 24/2370

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 16 juillet 2024

Dossier : N° RG 23/02607 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IUUM

Nature affaire :

Demande en exécution formée par le client contre le prestataire de services

Affaire :

S.A.S. ELCIA

C/

S.A.S.U. PIERRE FOURCADE MENUISERIES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 mai 2024, devant :

Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. ELCIA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Marie DUVERNE-HANACHOWICZ, avocat au barreau de Lyon

INTIMEE :

S.A.S.U. PIERRE FOURCADE MENUISERIES

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain GIRAL de la SELARL BAQUE-GIRAL, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 12 SEPTEMBRE 2023

rendue par le PRESIDENT DU TJ DE TARBES

FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Selon devis accepté en date du 10 février 2022, la société Pierre Fourcade menuiseries (sasu) a commandé auprès de la société Elcia (sas) la fourniture et l'installation d'un logiciel de production et une formation au paramétrage de celui-ci.

Se plaignant de dysfonctionnements non résolus, et suivant exploit du 27 avril 2023, la société Pierre Fourcade menuiseries a fait assigner la société Elcia par devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Tarbes aux fins de voir organiser une mesure d'expertise judiciaire.

La société Elcia a soulevé l'incompétence matérielle et territoriale du juge des référés du tribunal judiciaire de Tarbes au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Lyon, sur le fondement de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions de vente.

Par ordonnance contradictoire du 12 septembre 2023, le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Tarbes, et a mis les dépens à la charge de la requérante, après avoir débouté la société Elcia de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 13 septembre 2023, remises les 14 et 15 septembre, le greffe a notifié le jugement aux parties.

Entre-temps, et par jugement du 4 septembre 2023, le tribunal de commerce de Tarbes a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Elcia et désigné la selarl Ekip en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 28 septembre 2023, la société Elcia relevé appel de cette ordonnance en intimant la société Pierre Fourcade menuiseries, « représentée par la selarl Ekip en qualité de mandataire judiciaire ».

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/2607.

Sur requête remise le 28 septembre 2023, et par ordonnance du 6 novembre 2023, le premier président délégué a autorisé l'appelante à assigner à jour fixe au 18 décembre 2023.

Suivant exploit du 17 novembre 2023, l'appelante a fait assigner à jour fixe la société Pierre Fourcade menuiseries.

L'affaire, après plusieurs renvois sollicités par les parties, a été examinée à l'audience du 28 mai 2024.

***

Par une déclaration faite au greffe de la cour le 12 mars 2024, l'appelante a régularisé une seconde déclaration d'appel en intimant la société Pierre Fourcade menuiseries, représentée par son représentant légal, ainsi que la selarl Ekip en qualité de mandataire judiciaire de la société Pierre Fourcade menuiseries.

Cette déclaration d'appel a été enrôlée sous le numéro RG 24/790.

Sur requête remise au greffe le 8 avril 2024, et par ordonnance du 2 avril 2024, le premier président délégué a autorisé l'appelante à assigner à jour fixe au 11 avril 2024.

Suivant exploits du 5 avril 2024, l'appelante a fait assigner la société Pierre Fourcade menuiseries et la selarl Ekip ès qualités.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 28 mai 2024.

Vu les dernières conclusions notifiées le 11 avril 2024, dans les deux procédures d'appel, par la société Elcia qui a demandé à la cour de :

-juger que la nullité et l'irrecevabilité alléguées de la première déclaration d'appel sont couvertes par le dépôt d'une nouvelle déclaration d'appel parfaitement recevable

-déclarer recevable la seconde déclaration d'appel

-rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Pierre Fourcade menuiseries

-réformer l'ordonnance entreprise

-déclarer compétent le tribunal de commerce de Lyon

-condamner la société Pierre Fourcade menuiseries à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 17 mai 2024 par la société Pierre Fourcade menuiseries et la selarl Ekip ès qualités qui ont demandé à la cour de :

-juger nul sinon irrecevable l'appel pour avoir été indûment interjeté à l'égard de la société Pierre Fourcade menuiseries représentée par la selarl Ekip en qualité de mandataire judiciaire

-juger encore irrecevable la seconde déclaration d'appel pour avoir été interjetée à l'issue du délai d'appel de quinzaine, soit le 12 mars 2024, tandis que le délai expirait le 30 septembre 2023, suivant la notification du recommandé adressé par le greffe du tribunal judiciaire de Tarbes

-juger donc nulles sinon recevables tant les deux déclarations d'appel que les assignations subséquentes, que les procédures qui en découlent

-en tout état de cause, confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel

-condamner la société Elcia à lui payer une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il convient, dans un souci de bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des deux déclarations d'appel et de dire que la procédure sera suivie sous le numéro de rôle unique RG 23/2607.

sur la nullité ou l'irrecevabilité des déclarations d'appel

Les intimées font valoir que, en intimant la société Pierre Fourcade menuiseries « représentée par la selarl Ekip en qualité de mandataire judiciaire » alors que le mandataire judiciaire n'a pas le pouvoir de représenter la société in bonis, la première déclaration d'appel est atteinte d'une nullité de fond, par application de l'article 117 du code de procédure civile, sinon d'une irrecevabilité pour défaut de qualité de la selarl Ekip ès qualités à défendre à l'action.

En outre, les intimées objectent que la seconde déclaration d'appel est irrecevable pour avoir été formée après l'expiration du délai d'appel de 15 jours qui a couru à compter de la notification de l'ordonnance remise le 15 septembre 2023 à la société Elcia, de sorte qu'elle ne peut pas, comme le soutient l'appelante, régulariser la nullité de fond affectant la première.

Mais, l'article 121 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité de fond ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Et, l'article 2241 alinéa 2 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il est en de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Il résulte de ces textes que demeure possible, jusqu'à ce que le juge statue, la régularisation de la déclaration d'appel, qui même entachée d'un vice de procédure, de forme ou de fond, a interrompu le délai d'appel.

Si, en matière d'appel sur la compétence avec représentation obligatoire, la cour est saisie par la remise de l'assignation à jour fixe, l'interruption du délai d'appel résulte de la déclaration d'appel.

En l'espèce, la première déclaration d'appel a été formée contre la société Pierre Fourcade menuiseries, partie intimée, avec la précision complémentaire que l'intimée est « représentée par la selarl Ekip en qualité de mandataire judiciaire ».

La selarl Ekip, mandataire judiciaire, figure donc dans cet acte en qualité de représentant de la personne morale intimée.

Il est constant que le mandataire judiciaire ne dispose d'aucun pouvoir pour représenter la société Pierre Fourcade menuiseries dans l'instance d'apppel, de sorte que la déclaration d'appel, comme l'assignation à jour fixe délivrée dans les mêmes termes que celle-ci, est affectée d'un vice de fond en application de l'article 117 du code de procédure civile.

Cependant, cette déclaration d'appel viciée, qui a interrompu le délai d'appel, peut être régularisée en faisant disparaître la cause de la nullité avant que la cour ne statue.

C'est précisément l'objet de la seconde déclaration d'appel, suivie d'une nouvelle assignation à jour fixe, régularisée par l'appelante à l'égard de la société Pierre Fourcade menuiseries désormais « prise en la personne de son représentant légal », et à l'égard de la selarl Ekip ès qualités, en qualité de seconde partie intimée.

Cette seconde déclaration d'appel a donc régularisé la nullité de fond de la première avant que la cour ne statue.

Et, non seulement le délai d'appel ne courait pas contre la selarl Ekip ès qualités qui n'était pas partie en première instance, mais sa mise en cause, requise par l'article L622-23 du code de commerce, résulte de l'assignation à jour fixe qui lui a été délivrée avant que la cour ne statue.

Il s'ensuit que les intimées seront déboutées de leur demande de nullité et d'irrecevabilité des déclarations d'appel formée par la société Elcia.

sur la clause attributive de compétence

L'appelante fait grief à l'ordonnance entreprise d'avoir jugée non-écrite la clause attributive de compétence au motif qu'elle ne figurait pas de façon très apparente dans les documents contractuels pris dans leur ensemble alors que les conditions générales de vente sont distinctes des autres contrats, et que la clause est rédigée de façon très apparente en mentionnant en caractères gras les mots « tribunal de commerce de Lyon », cette police n'ayant été utilisée que deux autres fois dans le corps du document, et non dix sept fois, comme relevé par l'ordonnance.

Cela posé, l'article 48 du code de procédure civile dispose que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

En l'espèce, il ressort des productions que le devis transmis par mail à la société Pierre Fourcade menuiseries était accompagné des conditions générales de vente, d'un contrat d'abonnement et d'un contrat de licence et comportait une mention terminale très apparente, rédigée en bleu et rouge précisant : « par la signature de ce document, vous déclarez avoir pris connaissance et accepter la configuration minimale requise pour l'installation du logiciel [...], les conditions générales de vente, le contrat d'abonnement ainsi que le contrat de licence. »

Par conséquent, en signant le devis, la société Pierre Fourcade menuiseries a reconnu avoir pris connaissance et accepté des documents contractuels y annexés, de sorte que les conditions générales de vente lui sont opposables sans autre forme.

L'appelante se prévaut de la clause attributive de compétence insérée à l'article 18 des conditions générales de vente Elcia qui stipule que « le Contrat est régi par le droit français. Les parties font attribution de compétence au tribunal de commerce de Lyon, qui sera seul compétent, même en cas de pluralité de défendeurs, d'appel en garantie ou de référé, pour tout différend relatif à la validité, à l'interprétation ou à l'exécution du Contrat ».

Si le contrat d'abonnement, le contrat de licence et les conditions générales de vente forment trois documents distincts annexés au devis, l'article 13 relatif aux conditions générales du contrat d'abonnement stipule expressément que, « outre le présent Contrat d'abonnement, les conditions générales de vente d'Elcia s'appliquent également. En cas de divergences entre le présent Contrat d'abonnement et les conditions générales de vente Elcia, le présent Contrat d'abonnement prévaut ».

Dès lors, les conditions générales de vente Elcia ne sont pas autonomes du contrat d'abonnement, les deux documents formant un ensemble contractuel au sein duquel doit être examinée la validité de la clause attributive de compétence, étant observé que le seul le contrat de licence des logiciels est régi par des clauses qui lui sont propres.

Abstraction faite à la référence implicite, mais surabondante, à ce dernier contrat, l'ordonnance entreprise a justement relevé que la rédaction de la clause attributive de compétence, qui ne diffère ni par la taille ou la couleur de sa police, ni par l'usage de lettres majuscules ou de caractères gras, de plusieurs autres clauses, étant ajouté qu'elles s'insèrent dans un ensemble contractuel particulièrement dense composé de 31 articles, ne présente pas le caractère très apparent requis par la loi destiné à attirer l'attention du lecteur normalement vigilant sur l'existence d'une clause dérogatoire aux règles de compétence territoriale stipulée dans l'intérêt de son contractant.

Par conséquent, l'ordonnance entreprise sera entièrement confirmée et l'affaire renvoyée au tribunal de commerce de Tarbes.

La société Elcia sera condamnée aux dépens d'appel et à payer une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des procédures d'appel enrôlées sous les numéros RG 23/2607 et 24/790, et dit que la procédure sera suivie sous le numéro unique RG 23/2607,

DEBOUTE les intimées de leur demande de nullité et d'irrecevabilité de la première déclaration d'appel,

DEBOUTE les intimées de leur demande d'irrecevabilité de la second déclaration d'appel,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

DIT que l'affaire sera renvoyée au tribunal de commerce de Tarbes,

RAPPELLE que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception,

CONDAMNE la société Elcia aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Elcia à payer aux intimées une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 23/02607
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.02607 ?
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