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10/07/2024 | FRANCE | N°23/00388

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 10 juillet 2024, 23/00388


CF/CD



Numéro 24/02326





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 10/07/2024







Dossier : N° RG 23/00388 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IODC





Nature affaire :



Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix















Affaire :



SCCV STELLA



C/



[M] [E] [X] [P] [T],



[H] [R] [W] [N] [T] née [I]


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement a...

CF/CD

Numéro 24/02326

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 10/07/2024

Dossier : N° RG 23/00388 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IODC

Nature affaire :

Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

Affaire :

SCCV STELLA

C/

[M] [E] [X] [P] [T],

[H] [R] [W] [N] [T] née [I]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Mai 2024, devant :

Madame FAURE, Présidente, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame de FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SCCV STELLA

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître TRECOLLE, avocat au barreau de BAYONNE

Assistée de Maître VISSERON de la SELARL VISSERON

INTIMES :

Monsieur [M] [E] [X] [P] [T]

né le 20 septembre 1950 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [H] [R] [W] [N] [T] née [I]

née le 04 août 1951 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés et assistés de Maître ESPIET de la SARL D'AVOCAT HERVÉ ESPIET, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 12 DECEMBRE 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 21/00049

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat préliminaire de réservation du 24 octobre 2016, Monsieur [M] [T] et son épouse, Mme [H] [I], ont acquis auprès de la société civile de construction vente (SCCV) Stella, en l'état futur d'achèvement, un appartement de type 2 portant le n° 3.02 sur le plan d'architecte, un emplacement de parking n° 20 en sous-sol, d'une largeur de 250 cm, et une cave n° 7, au sein d'un ensemble immobilier situé à [Localité 6] (64) et pour un prix de 279 900 euros TTC.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 août 2017, la SCCV Stella a dénoncé le contrat du fait d'un recours administratif contre le permis de construire et la négociation d'un protocole amiable avec un voisin, et a proposé la signature d'un nouveau contrat de réservation.

Le 15 août 2017, les époux [T] et la SCCV Stella ont signé un second contrat de réservation en vue de la vente en l'état futur d'achèvement au sein d'un ensemble immobilier situé à [Localité 6] (64), d'un appartement portant le n° 3.02, d'une cave n° 7, et d'un emplacement de parking n° 27 en sous-sol, d'une largeur de 250 cm + 158 cm soit 408 cm selon le plan annexé, pour un prix de 309 990 euros TTC.

Suivant acte authentique reçu par Maître [S], notaire à [Localité 6], le 11 janvier 2018, la SCCV Stella a vendu aux époux [T], en l'état futur d'achèvement, dans un ensemble immobilier situé à [Localité 6] (64), des lots :

- n° 2 : un appartement portant le numéro 3.02 sur le plan d'architecte,

- n° 49 : un emplacement de parking portant le numéro 27 sur le plan d'architecte,

- n° 65 : une cave portant le numéro 7 sur le plan d'architecte,

moyennant un prix de 309 900 euros TTC.

La livraison a été prévue pour le 25 juin 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 mai 2019, M. [T] a alerté la SCCV Stella de la non-conformité de la surface de parking, mesurant 3,04 mètres au lieu des 4,08 mètres prévus, et de ses conséquences, et a sollicité un geste commercial significatif sur le prix de vente.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2019, la SCCV Stella a soutenu que la vente n'avait porté que sur un seul emplacement de parking, que la majoration de 30 000 euros entre les deux contrats de réservation était due à une augmentation des coûts engendrés par les modifications du projet et n'était pas en lien avec le remplacement de la place de parking de l'emplacement n° 20 à l'emplacement n° 27.

Elle a ajouté que la réduction de surface du parking était due à des contraintes techniques apparues en cours de chantier, constituant un cas de force majeure, mais a néanmoins proposé, à titre de geste commercial, une remise de 6 149 euros TTC calculée sur la base de la surface perdue.

Du fait du refus des époux [T] de prendre possession des lieux au motif du sous-dimensionnement du parking et de payer le solde du prix de vente, la SCCV Stella leur a, par courrier recommandé du 16 septembre 2019, proposé une indemnité globale et forfaitaire de 10 000 euros en compensation de la différence de dimensionnement, et les a incités à accepter la remise des clés, et à s'acquitter du solde du prix de vente, déduction faite de la remise, tout en consignant les derniers 5 %.

Par acte d'huissier de justice du 31 octobre 2019, la SCCV Stella a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne qu'il condamne les époux [T] à lui payer notamment, à titre provisionnel, la somme de 24 841 euros correspondant au solde de son acquisition après déduction de la remise commerciale de 6 149 euros.

Par ordonnance du 21 janvier 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne a débouté la SCCV Stella de ses demandes, se déclarant incompétent. Par exploit du 17 juin 2020, la SCCV Stella a fait délivrer une sommation de payer aux époux [T].

La SCCV STELLA a remis les clés aux époux [T] le 13 juillet 2020.

Par acte de commissaire de justice du 3 novembre 2020, la SCCV Stella a fait assigner les époux [T] devant le tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de les voir condamner à lui payer le solde du prix d'acquisition, outre notamment les frais engagés pour recouvrer cette somme et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement contradictoire du 12 décembre 2022 (RG n° 21/00049), le tribunal a :

- fixé la créance des époux [T] à l'égard de la SCCV Stella à hauteur de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de la non-conformité affectant le bien immobilier,

- fixé la créance de la SCCV Stella à l'égard des époux [T] à hauteur de 30 990 euros,

- dit que la compensation opère entre les créances respectives,

- condamné les époux [T] à payer à la SCCV Stella la somme de 990 euros,

- débouté les époux [T] du surplus de leurs demandes,

- débouté la SCCV Stella de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SCCV Stella à payer aux époux [T] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SCCV Stella aux entiers dépens,

- dit que la décision est exécutoire de plein droit.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :

- qu'il n'est pas contesté que le parking dont les époux [T] ont reçu livraison présente des dimensions moindres que celles prévues au contrat de vente notarié, ne permettant pas le stationnement de deux véhicules, ce qui s'analyse en une non-conformité du bien par rapport aux caractéristiques convenues,

- que la seule différence entre les deux contrats de réservation réside dans la surface de l'emplacement de parking, et la facturation d'un coût supplémentaire de 30 000 euros, et que la grille de prix établie par le promoteur fait état d'un prix de 30 000 euros TTC pour l'acquisition d'une place supplémentaire, ce qui justifie la réparation du préjudice résultant de la non-conformité à hauteur de 30 000 euros,

- qu'il n'est pas contesté que les époux [T] n'ont pas réglé le solde du prix de vente à la SCCV Stella, à hauteur de 30 990 euros,

- que les époux [T] ne sauraient demander l'indemnisation au titre d'une perte de chance dès lors qu'ils sont indemnisés de leur préjudice consistant en la délivrance d'un parking ne comportant qu'une place de stationnement,

- que les époux [T] ne démontrent pas avoir subi un préjudice moral, qui ne saurait naître de la délivrance de sommations de payer une somme qui restait due à la SCCV Stella,

- que la remise tardive des clés s'analyse en un trouble de jouissance et non en un préjudice moral.

Par déclaration du 2 février 2023 (RG n° 23/00388), la SCCV Stella a relevé appel du jugement, le critiquant en ce qu'il a :

- fixé la créance des époux [T] à l'égard de la SCCV Stella à hauteur de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de la non-conformité affectant le bien immobilier,

- dit que la compensation opère entre les créances respectives,

- condamné les époux [T] à payer à la SCCV Stella la somme de 990 euros,

- débouté la SCCV Stella de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SCCV Stella aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 26 avril 2023, la SCCV Stella, appelante, entend voir la cour :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance des époux [T] à son égard à la somme de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de la non-conformité affectant le bien immobilier,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa créance à l'égard des époux [T] à hauteur de 30 990 euros,

Statuant à nouveau,

- juger qu'il y a lieu d'appliquer la réfaction du prix conformément aux articles 1617, 1619 et 1622 du code civil pour un montant de 6 149 euros (soit 4,18 m² manquants x 1 471 euros/m²),

- condamner les époux [T] à lui verser, après réfaction du prix et compensation, la somme de 24 841 euros TTC (30 990 - 6 149) outre les intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 18 juillet 2019,

- condamner les époux [T] à lui payer la somme de 391 euros en règlement des frais de sommation qu'elle a dû engager,

- débouter les époux [T] de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de procédure.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 1617, 1619 et 1622 du code civil :

- que le litige résulte d'un écart de dimensionnement de la chose livrée qui s'inscrit dans le cadre de la délivrance non conforme régie par les articles 1617 et 1619 du code civil, qui sont des textes spéciaux afférents aux ventes immobilières y compris en VEFA,

- que le contrat de réservation du 15 août 2017 indique qu'une tolérance de surface de 5 % est admise lors de l'exécution des travaux et que les différences inférieures à 5 % par rapport aux surfaces prévues ne pourront fonder aucune réclamation ; que les plans annexés au contrat prévoient une surface de parking de 20,4 m²,

- qu'il ressort de l'acte de vente du 11 janvier 2018 qu'elle a vendu aux époux [T] un appartement, une cave et 'un emplacement de parking' (page 5), pour un prix global de 309 900 euros TTC (page 6) qui ne distingue pas le prix du parking, de la cave, et de l'appartement,

- que les époux [T] n'ont donc acquis qu'une place de stationnement,

- qu'un aléa technique de chantier a obligé l'architecte à changer le mode opératoire concernant la réalisation du mur de soutènement mitoyen, entraînant une diminution de la longueur du sol et impactant ainsi plusieurs places de stationnement dont celle attribuée aux époux [T] (n° 27),

- que le prix d'un parking a été évalué à la somme de 30 000 euros dans cette résidence, de sorte qu'un rabais de 30 000 euros accordé aux époux [T] revient à ne pas leur faire payer de place de parking,

- qu'après l'application d'une tolérance de 5 %, la différence indemnisable au titre de la différence de surface est de 4,18 m², soit 6 149 euros pour un parking valorisé à 30 000 euros,

- qu'elle s'est déliée du premier contrat de réservation à l'égard de tous les réservataires, et que l'augmentation du prix du nouveau contrat de réservation de 30 000 euros a été générale à tous les appartements de type 2 et n'est pas en lien avec l'acquisition d'une place de parking plus spacieuse mais résulte d'un projet plus onéreux en raison de modifications imposées par la mairie et est inhérent à la modification du programme lui-même.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2023, M. [M] [T] et Mme [H] [I], intimés et appelants incident, demandent à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la SCCV Stella,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé leur créance à l'égard de la SCCV Stella à hauteur de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de la non-conformité affectant le bien immobilier,

- fixé la créance de la SCCV Stella à leur égard à hauteur de 30 990 euros,

- dit que la compensation opère entre les créances respectives,

- constater qu'ils ont soldé la somme de 990 euros,

- dire en conséquence qu'ils ne sont plus redevables de la moindre somme à l'égard de la SCCV Stella,

- recevoir leur appel incident,

Subsidiairement, si par extraordinaire, le jugement devait être infirmé en ce qu'il a fixé leur créance à l'égard de la SCCV Stella à hauteur de 30 000 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre de la perte de chance,

- condamner la SCCV Stella à leur payer une indemnité de 15 000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre du préjudice moral,

- condamner la SCCV Stella à leur payer une indemnité de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

En tout état de cause,

- condamner la SCCV Stella à leur payer une indemnité de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la privation de jouissance,

- confirmer le jugement pour le surplus,

Et, ajoutant au jugement,

- condamner la SCCV Stella à leur payer une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, au visa des articles 1104, 1188 et suivants, et 1604 et suivants du code civil, et à titre subsidiaire 1231-1 du code civil :

- que le litige s'inscrit dans le cadre des articles 1601-1, 1601-3, 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil, régissant la vente en l'état futur d'achèvement,

- qu'ils ont acquis une place de parking permettant le stationnement de deux véhicules, tel que cela ressort du contrat de réservation et de l'acte authentique de vente qui comprennent un plan d'architecte signé par les parties, qui a donc une valeur contractuelle, et qui matérialise deux places par des traits, de largeurs respectives de 250 et 158 cm, soit une largeur totale de 408cm,

- que leur consentement à la signature d'un nouveau contrat prévoyant une augmentation de prix de 30 000 euros puis de l'acte de vente a été déterminé par la contrepartie de l'augmentation de surface du parking permettant le stationnement d'une voiture supplémentaire,

- que leur préjudice correspond à la perte d'une place de parking contractuellement prévue du fait du défaut de délivrance conforme par la SARL Stella, et ne peut être cantonné à une perte de surface,

- que si la place de stationnement n'a pas été chiffrée séparément dans l'acte de vente, le prix de vente initial prévu au premier contrat avec un emplacement de parking était de 279 900 euros, et le prix de vente prévu au second contrat avec deux emplacements de parking était augmenté de 30 000 euros, alors que l'appartement et la cave n'ont pas été modifiés, et que selon la grille tarifaire du promoteur, la place de parking supplémentaire est chiffrée à 30 000 euros,

- que la SARL Stella ne prouve pas les causes de l'augmentation du prix de vente qu'elle invoque, ni l'annulation du permis de construire et que le fait que les autres acquéreurs aient accepté une augmentation de prix de 30 000 euros sans contrepartie n'a pas d'incidence sur leur consentement, qui a été déterminé par l'acquisition d'un stationnement plus grand,

- qu'à tout le moins, la SARL Stella s'est rendue coupable de réticence dolosive dès lors qu'elle avait connaissance de l'insuffisance de superficie dès août 2018, et ne les en a pas informés, de sorte qu'ils ne l'ont aperçue qu'au détour d'une visite des lieux en mai 2019, et ont ainsi perdu la chance de négocier un nouvel emplacement de parking, dont certains ont été vendus à des tiers extérieurs à la copropriété,

- qu'ils ont subi un préjudice moral du fait des agissements de la SARL Stella qui n'a pas respecté le principe d'exécution de bonne foi des contrats,

- qu'en tout état de cause, ils ont été privés de la jouissance du bien pendant plus d'un an du fait de la remise tardive des clés, de sorte que Mme [U], mère de M. [T], est décédée avant qu'il n'ait pris possession des lieux, alors qu'il avait justement acquis ce bien pour se rapprocher d'elle.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024.

MOTIFS

Sur la créance des époux [T] à l'égard de la SCCV Stella :

En vertu des articles 1603 et 1604 du code civil, une des obligations du vendeur est de délivrer la chose vendue.

Les articles 1616 et 1617 du code civil prévoient que le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu'elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées ; si la vente de l'immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l'acquéreur, sil l'exige la quantité indiquée au contrat ; et si la chose n'est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix.

Le contrat de réservation du 24 octobre 2016 a porté sur un appartement de type 2 portant le n° 3.02 sur le plan d'architecte, un emplacement de parking n° 20 en sous-sol, d'une largeur de 250cm, et une cave n° 7, au sein d'un ensemble immobilier situé à [Localité 6] (64) et pour un prix de 279 900 euros TTC.

Le contrat de réservation du 15 août 2017 a porté sur un appartement portant le n° 3.02, d'une cave n° 7, et d'un emplacement de parking n° 27 en sous-sol, d'une largeur de 250 cm + 158 cm soit 408 cm selon le plan annexé, pour un prix de 309 990 euros TTC.

Il résulte de l'acte notarié du 11 janvier 2018 page 13 que des modifications du projet ont été apportées à la suite d'un recours d'un tiers, le recours ayant eu lieu le 13 décembre 2016 contre le permis de construire, à la suite de quoi, la SCCV Stella a déposé un permis modificatif.

L'explication de la nécessité d'un second contrat de réservation le 15 août 2017 au lieu et place de celui du 24 octobre 2016 est ainsi consacrée dans l'acte de vente.

Cela avait été annoncé par la lettre du 11 août 2017 adressée par le promoteur SCCV Stella à M. [M] [T] qui explique qu'il ne peut être donné suite au contrat de réservation du 24 octobre 2016 devenu donc caduc du fait du recours d'un voisin avec qui une négociation a été engagée.

Il est précisé dans cette lettre que 'ses prétentions pour retirer son recours nécessitent des modifications substantielles au projet initial et génératrices de surcoûts importants : déplacement de l'accès au sous-sol depuis la voie publique, réduction d'un des locaux commerciaux, confortation et extension du sous-sol'.

Il a été indiqué à M. [T] que s'il souhaitait poursuivre son projet d'acquisition, il aurait une priorité d'achat pendant une période de huit jours suivant réception de la lettre pour la signature d'un nouveau contrat de réservation.

Ainsi, cette lettre fait état d'un surcoût important du projet et ne fait en aucun cas allusion à un surcoût lié à une seconde place de parking.

Enfin, le contrat de réservation du 15 août 2017 d'un coût de 309 900 € TTC en augmentation de 30 000 € par rapport au contrat du 24 octobre 2016 de 279 900 € TTC fait état d'un numéro de parking de 27 au lieu du numéro 20 comme le précédent, sans cependant préciser qu'il s'agit de deux places. Aussi, M. [T], avec la signature d'un nouveau contrat de réservation, a accepté en toute connaissance de cause un surcoût de 30 000 € sans corrélation avec une place de parking supplémentaire comme il l'a pu l'alléguer à tort dans ses divers courriers de réclamation.

L'architecte M. [C], dans une lettre du 31 août 2018, a indiqué au promoteur que suite au refus de la mairie de [Localité 6] d'autoriser la réalisation d'ancrages provisoires dans le sous-sol du cimetière, il a dû changer de mode opératoire concernant la réalisation du soutènement au Nord en mitoyenneté avec le cimetière et que les aléas du chantier ont eu pour conséquence la diminution de la longueur du sous sol et du rez-de-chaussée et ont impacté notamment les places de stationnement du sous-sol 25, 26 et 27.

Il est donc constant que la place de parking a vu sa dimension réduite après signature du contrat de réservation puisqu'il est avéré que le n° 27 devait mesurer 408,5 cm alors que finalement le parking livré était de 304,5 cm, soit une différence de 104 cm.

Ainsi, d'une part, la SCCV ne s'est jamais engagée pour un parking comportant deux places de stationnement et d'autre part, le surcoût de 30 000 € entre les deux contrats de réservation n'est pas fondé sur une seconde place de stationnement mais il est fondé sur les surcoûts de la modification du permis de construire.

Néanmoins la surface du parking a été diminuée de 104 cm entre le contrat de réservation et la livraison.

La sanction de cette diminution est non l'application du texte général de l'article 1604 du code civil qui prévoit une délivrance conforme mais l'application des textes spéciaux relatif à la vente d'immeuble qui l'emportent sur le texte général en vertu d'un adage ancien selon lequel le spécial l'emporte sur le général.

Ainsi, la sanction applicable est la diminution proportionnelle du prix. Il ne peut s'agir donc du calcul du préjudice en fonction de la valeur d'un parking à hauteur de 30 000 € puisqu'il ne s'agit pas d'un défaut de conformité mais d'une diminution du prix en fonction de la surface perdue par l'acquéreur.

La différence doit être de 5 % au moins pour pouvoir faire l'objet d'une diminution du prix en application de l'article 1619 du code civil.

Ainsi, le parking qui devait être de 20,40 m² (4,08 x 5 m) et dont la surface réelle s'élève à 15,20 m², mais avec une tolérance de 5 % doit faire l'objet d'une réparation à hauteur de 4,18 m² (20,4 - 15,2 - 5 % de 20,4). Le prix du m² du parking est de 1 471 €.

Aussi, la diminution du prix applicable s'élève à 6 149 € et la créance des époux [T] à l'égard de la SCCV Stella s'élève à 6 149 €. Le jugement qui a retenu une somme de 30 000 € sera donc infirmé.

Sur le solde du prix de vente :

Le solde du prix de vente dont restent redevables les époux [T] ne souffre pas de contestation et s'élève à 30.990 €. Le jugement sera donc confirmé.

Il est demandé en sus par la SCCV Stella des frais de sommation de payer à hauteur de 391 €. Ces frais entrent dans la catégorie des frais irrépétibles et y seront inclus. La SCCV sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre de la perte de chance :

Il ne peut être prétendu par les époux [T] qu'ils ont perdu la chance d'acquérir deux places de stationnement alors que le plan de l'architecte en annexe de l'acte notarié qu'ils invoquent comportant deux traits au lot 27 relatif au parking, ne signifie pas pour autant que la vente portait sur deux places de stationnement alors qu'il a toujours été prévu un seul et unique parking dans la désignation du lot dans le contrat de réservation et dans l'acte authentique. La diminution de la surface du parking n'a donc pas d'incidence sur l'objet de la vente, à savoir, un parking. En outre, les parkings usuellement de 250 cm de large ne comportent donc que le stationnement d'une voiture et le parking du lot 27 s'il avait été réellement livré à 4,08 m n'était pas suffisant pour deux voitures.

Deux emplacements de voiture ne sont ainsi jamais rentrés dans le champ contractuel de la vente et aucune perte de chance ne peut donc être alléguée du fait de la diminution de la surface.

Il ne peut être allégué une réticence dolosive du promoteur sur l'information de la réduction de la surface alors que les aléas du chantier ne sont intervenus que postérieurement au contrat de réservation et de l'acte authentique du 11 janvier 2018, eu égard à la lettre de l'architecte du 31 août 2018.

Les époux [T] seront donc déboutés de leur demande à ce titre et le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral des époux [T] :

Il n'est démontré aucun élément de nature à retenir que le promoteur a exécuté le contrat de vente de mauvaise foi.

Il ne peut être imputé au promoteur sans preuve l'arrachage d'un sèche-serviettes dans la salle de bains.

Aucun préjudice moral n'est donc caractérisé.

Le jugement qui a débouté les époux [T] de cette demande sera confirmé.

Sur la privation de jouissance :

Il s'agit certes d'une demande nouvelle par rapport à la première instance mais qui constitue un accessoire du litige principal et elle est donc recevable.

Il est sollicité des dommages-intérêts à hauteur de 5 000 € pour une remise des clés le 13 juillet 2020 au lieu du 25 juin 2019.

La déclaration d'achèvement de l'immeuble a été établie par l'architecte le 25 juin 2019.

Or, la SCCV Stella a proposé par courrier du 24 juin 2019 après avoir reçu une réclamation de la part de M. [T] sur la taille du parking, une remise de prix de 6 149 € TTC calculée sur la surface perdue et une invitation à la remise des clés le 4 juillet 2019.

M. et Mme [T] ont refusé cette somme et ont procédé à la retenue des sommes de 15 495 € au titre des 5% dus à l'achèvement des travaux et 15 495 € pour les 5 % dus à la remise des clés. Ce n'est qu'à l'issue d'une année après plusieurs échanges entre les parties, la saisine du juge des référés qui s'est déclaré incompétent, que la remise des clés est intervenue, sans paiement du solde du prix de vente par les époux [T].

Or, la remise des clés ne pouvant être effectuée sans ces paiements, le retard de la remise des clés est imputable à M.et Mme [T] qui auraient dû se satisfaire de l'octroi de 6 149 €.

Aussi, la responsabilité de la SCCV Stella n'est pas engagée et les époux [T] seront déboutés de leur demande en dommages-intérêts à ce titre.

Par compensation, les époux [T] seront donc condamnés au paiement de la somme de 30 990 - 6 149 = 24 841 € TTC outre intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 18 juillet 2019.

La condamnation de la SCCV Stella aux dépens de première instance sera infirmée, les époux [T] succombant.

L'équité commande en cause d'appel d'allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SCCV Stella.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce que :

- il a fixé la créance de M. Et Mme [T] à l'égard de la SCCV Stella à hauteur de la somme de 30 000 €,

- il a condamné M. Et Mme [T] à payer à la SCCV Stella la somme de 990 €,

statuant à nouveau sur les points infirmés :

FIXE la créance de M. [M] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] à l'égard de la SCCV Stella à la somme de 6 149 €

CONDAMNE M. [M] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] à payer à la SCCV Stella la somme de 24 841 € TTC outre intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 18 juillet 2019,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

DÉBOUTE la SCCV Stella de sa demande en paiement de la somme de 391 €,

DÉBOUTE M.[M] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] de leur demande en dommages-intérêts pour privation de jouissance,

CONDAMNE M. [M] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] à payer à la SCCV Stella la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [M] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00388
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;23.00388 ?
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