AB/CD
Numéro 24/02307
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 09/07/2024
Dossier : N° RG 23/00603 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOU3
Nature affaire :
Demande en bornage ou en clôture
Affaire :
[C] [N]
C/
[G] [K],
Commune [Localité 10]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 07 Mai 2024, devant :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [C] [N]
né le 17 février 1935 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté et assisté de Maître MARBOT de la SPPL JURIPUBLICA, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
Madame [G] [K]
née le 18 novembre 1957 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître FELIX de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
Commune [Localité 10]
prise en la personne de son Maire en exercice, demeurant et domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 12]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître BERNAL de la SCPA COUDEVYLLE-LABAT-BERNAL, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 12 JANVIER 2023
rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 11-19-000229
EXPOSE DU LITIGE :
Madame [G] [K] est propriétaire d'une parcelle cadastrée BI n° [Cadastre 5] située à [Localité 10] (64), contiguë à la parcelle cadastrée BI n° [Cadastre 6] appartenant à Monsieur [C] [N].
Par acte d'huissier de justice du 26 mars 2019, et suite à une tentative de bornage amiable, Mme [K] a fait assigner Monsieur [C] [N] devant le tribunal d'instance de Pau aux fins de voir ordonner le bornage judiciaire des parcelles BI n° [Cadastre 5] et BI n° [Cadastre 6] sur le fondement de l'article 646 du code civil.
Par acte d'huissier de justice du 17 février 2020, M. [N] a fait assigner la commune de [Localité 10] en intervention forcée afin de lui voir déclarer opposable la mesure de bornage.
Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Pau s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande formée par M. [N] à l'égard de la commune de Gan et a ordonné le bornage judiciaire des fonds appartenant à Mme [K] et M. [N].
Par arrêt du 5 avril 2022, la cour d'appel de Pau a, sur appel formé par M. [N], infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal judiciaire incompétent pour connaître de la demande formé par M. [N] à l'égard de la commune de Gan, et statuant à nouveau, déclaré le tribunal judiciaire compétent pour statuer sur le fondement de la prescription acquisitive ou de l'usucapion, et a renvoyé l'affaire devant la chambre des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau pour qu'il soit statué à nouveau.
Suivant jugement contradictoire en date du 12 janvier 2023, la chambre des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau a :
- dit la demande de M. [N] recevable,
- débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné M. [N] à payer 1 300 euros à Mme [K] et la même somme à la commune de [Localité 10] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [N] aux dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes non satisfaites,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Pour rejeter les demandes de M. [N], le tribunal a retenu :
- que l'action de M. [N] tendant à faire constater que la commune de [Localité 10] est propriétaire des parcelles d'assiette du [Adresse 3] par l'effet de la prescription trentenaire ne saurait s'analyser en une action en revendication du droit de propriété de la commune et n'est donc pas soumise à publicité,
- que seul celui qui entend être considéré comme le propriétaire d'une parcelle peut invoquer l'usucapion à son profit ; que ni M. [N] ni la commune de [Localité 10] n'entendent être considérés comme le propriétaire des parcelles d'assiette du [Adresse 3] cadastrées BI n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5],
- que le [Adresse 3] ne se poursuit pas sur la parcelle BI n° [Cadastre 5], et que le tracé de ce chemin n'a jamais été modifié pour emprunter cette parcelle,
- que la commune de [Localité 10] justifie n'avoir jamais acquis cette parcelle au sujet de laquelle elle ne fait aucune revendication de propriété,
- que la présomption d'affectation au public de la parcelle BI n° [Cadastre 5] est renversée par la production par Mme [K] d'un titre de propriété à son profit,
- que la parcelle BI n° [Cadastre 1] n'est pas contigue aux parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] pour lesquelles le bornage a été ordonné de sorte qu'elle ne peut être concernée par l'action en bornage dont est saisi le tribunal,
- qu'il n'y a pas lieu de rendre commune et opposable la mesure de bornage ordonnée par le jugement du 9 septembre 2021 à la commune de [Localité 10] dès lors que celle-ci n'est pas propriétaire des parcelles BI n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5].
M. [N] a relevé appel par déclaration du 23 février 2023, critiquant le jugement en ce qu'il l'a :
- débouté de l'intégralité de ses demandes,
- condamné à payer 1 300 euros à Mme [K] et la même somme à la commune de [Localité 10] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [C] [N], appelant, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré sa demande recevable,
- débouter la commune de [Localité 10] de son appel incident tenant à l'irrecevabilité de sa demande,
- infirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- juger que la commune de [Localité 10] est propriétaire des parcelles d'assiette du [Adresse 9] cadastrées BI n° [Cadastre 1] et BI n° [Cadastre 5] dans sa partie Sud jusqu'aux parapets blancs,
- juger que ces parcelles constituent partie du [Adresse 9] et, pour la partie Sud de la parcelle BI n° [Cadastre 5] jusqu'aux parapets blancs, la partie terminale dudit chemin dans cette direction,
- juger que Mme [K] n'est pas propriétaire des parcelles cadastrées BI n° [Cadastre 1] et BI n° [Cadastre 5] - partie Sud jusqu'aux parapets blancs,
- juger que M. [N], propriétaire des parcelles cadastrées BI n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7] limitrophes de la partie Sud de la parcelle BI n° [Cadastre 5] faisant partie de ce chemin rural, dispose du libre accès à ce chemin pour lui en permettre l'usage dans les limites du gabarit reconnu aux autres riverains,
- juger que les opérations de bornage sollicitées seront exécutées en présence de ladite commune afin :
- que soit fixée, à son profit, l'assiette du chemin aménagé par elle,
- de permettre la mutation de la parcelle constituant cette assiette et son enregistrement au cadastre,
- juger que ces opérations seront exécutées à frais communs conformément aux dispositions de l'article 646 du code civil,
- condamner Mme [K] et la commune de [Localité 10] à lui payer chacune la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Marbot.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, au visa des articles 646, 712, 2258, 2261 et 2272 du code civil, L. 161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, 2212-1 du code général de la propriété des personnes publiques :
- que la mutation de propriété des parcelles BI n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5] n'est pas intervenue au profit de la commune par son propre fait, mais qu'elle est désormais propriétaire de ces parcelles par usucapion,
- que l'accord de M. [K], père de Mme [K], sur les mutations n'est pas nécessaire, d'autant qu'il a lui-même accepté la destruction d'une maison située sur la parcelle BI n° [Cadastre 1] pour laisser passer le chemin Casabonne, et n'a jamais revendiqué la privatisation de cette partie du chemin à son profit ; que le chemin serait coupé en son milieu et ne serait plus praticable si la parcelle BI n° [Cadastre 1] était considérée comme privée,
- que l'aménagement des parcelles BI n° [Cadastre 5] Sud et BI n° [Cadastre 1] par la commune, consistant en la destruction d'une maison sur la parcelle BI n° [Cadastre 1] et des travaux de goudronnage, d'étalement régulier de gravier et d'installation de parapets blancs, et son utilisation continue et paisible par le public pendant plus de trente ans prouvent que cette parcelle n'est plus à usage exclusif de la propriété [K], et ont fait naître une propriété communale par usucapion, même si la commune soutient aujourd'hui qu'elle ne revendique rien,
- qu'il a intérêt et qualité à réclamer la reconnaissance du droit de passage et de la propriété au nom de la commune en lieu et place de la collectivité publique restée passive afin de garantir son libre usage du chemin, alors que la demande de bornage de Mme [K] a pour objectif de privatiser l'usage du chemin, et menace son droit de passage,
- que sa demande tend à la constatation du droit de propriété de la commune de [Localité 10] qui s'est comportée en propriétaire de façon continue et ininterrompue pendant plus de trente ans, et n'avait donc pas à être publiée,
- que l'ancien PLU de la commune mentionne le début de la parcelle BI n° [Cadastre 5] comme chemin et aire de tournage accessible au public, que le [Adresse 3] s'établit sur les parcelles BI n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5] sur la plate-forme Géoportail, et que le nouveau PLU de la commune mentionne le tracé d'un chemin dit de Casabonne, empruntant la parcelle BI n° [Cadastre 5],
- que la propriété fondée sur la prescription acquisitive prévaut sur un titre publié,
- que le bornage sollicité par Mme [K] ne peut intervenir qu'en présence de la commune aux fins de voir constater sa propriété sur l'assiette de la voie de circulation.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 août 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [G] [K], intimée, demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, y ajoutant :
- condamner M. [N] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa des articles 83, 84, 640, 641 et 75 du code de procédure civile, 2261 et 2272 du code civil :
- que le bornage a d'ores et déjà été ordonné par jugement du 9 septembre 2021 dont M. [N] n'a pas relevé appel,
- que M. [K] n'a jamais accepté la transformation d'une partie de la parcelle BI n° [Cadastre 5] en chemin et aire de retournement ; que ce chemin n'a jamais été ouvert à la circulation dès lors qu'il dessert uniquement sa propriété,
- que les conditions de la prescription acquisitive ne sont pas réunies dès lors que la commune de [Localité 10] n'a jamais occupé le bien de sorte qu'il n'y a pas de possession continue, non interrompue, paisible et publique, et qu'elle affirme elle-même n'avoir jamais été propriétaire de la parcelle de sorte qu'elle n'a pu se comporter en cette qualité.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2024, auxquelles il est expressément fait référence, la commune de [Localité 10], intimée et appelante incident, demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a dit la demande de M. [N] recevable,
- déclarer irrecevable la demande de M. [N] tendant à ce que la cour juge que la commune de [Localité 10] est propriétaire des parcelles d'assiette du [Adresse 9] cadastrées BI n°[Cadastre 1] et [Cadastre 5] (partie Sud), et ce pour défaut de publication de cette demande à la Conservation des hypothèques,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la commune de [Localité 10] n'est pas propriétaire des parcelles BI n° [Cadastre 1] et n° [Cadastre 5],
- confirmer le jugement en ce qu'il estime que Mme [K] est propriétaire des parcelles cadastrées BI n° [Cadastre 1] et n° [Cadastre 5],
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la commune de [Localité 10] n'est pas concernée par le bornage ordonné et donc la mise hors de cause de la commune de [Localité 10] qui ne doit pas être partie au bornage de parcelles dont elle n'est pas propriétaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes,
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées à l'encontre de la commune de [Localité 10] qui n'est pas propriétaire des parcelles cadastrées section BI n° [Cadastre 1] et BI n° [Cadastre 5],
Dans tous les cas,
- condamner M. [N] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955, des articles 2261, 2265, 2272 du code civil, des articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 646 du code civil :
- que M. [N] sollicite qu'une mutation des droits résultant d'actes soumis à publicité soit opérée de Mme [K] vers la commune de [Localité 10], de sorte que la demande en justice doit être publiée à la Conservation des hypothèques,
- que M. [N] ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive pour un tiers qui ne revendique pas cette prescription dès lors que nul ne plaide par procureur, et que la seule qualité de contribuable communal ne suffit pas pour revendiquer le bénéfice de la prescription acquisitive qui n'appartient qu'à la commune de [Localité 10], et alors qu'il ne revendique à son bénéfice aucun droit de propriété sur les parcelles litigieuse,
- que Mme [K] n'a jamais manifesté sa volonté de renoncer de son droit de propriété au bénéfice de la commune de [Localité 10],
- qu'il n'existe pas de chemin rural dépendant du domaine privé de la commune dès lors que la commune n'est pas propriétaire de la parcelle BI n° [Cadastre 5], et qu'elle ne peut l'être devenue par usucapion dès lors qu'il n'y a pas de jouissance paisible, la commune ne revendiquant pas cette propriété et Mme [K] soutenant être propriétaire de la parcelle, tel qu'en atteste le certificat de la conservation des hypothèques de [Localité 11],
- que la preuve de travaux réitérés par la commune sur la parcelle BI n° [Cadastre 5] n'est pas rapportée,
- que le [Adresse 9] n'emprunte pas la parcelle BI n° [Cadastre 5] de sorte que la mutation de cette parcelle au profit de la commune n'est pas justifiée,
- que l'arrêt du 5 avril 2022 qui a retenu que la commune de [Localité 10] n'avait jamais acquis la parcelle BI n° [Cadastre 5] et que la commune indiquait que le tracé du chemin n'avait jamais été modifié pour emprunter la parcelle BI n° [Cadastre 5] a autorité de chose jugée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 mai 2024 pour y être plaidée.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'action de M. [N] :
- Sur la nécessité de publication de la demande au service de publicité foncière :
Il résulte des dispositions de l'article 30, 5° du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière que :
'Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4°, c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité.'
Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, ce texte ne vise pas l'action en revendication d'un bien immobilier.
La recevabilité de la demande de M. [N] tendant à voir reconnaître la propriété de la Commune de [Localité 10] sur une parcelle par usucapion n'est donc pas soumise à publication préalable au service de publicité foncière.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en justice de M. [N].
- Sur la demande de Mme [G] [K] en constatation de la prescription acquisitive :
M. [N] invoque en l'espèce la prescription acquisitive pour faire reconnaître sur des parcelles ne lui appartenant pas, en l'espèce les parcelles cadastrées commune de [Localité 10], BH n° [Cadastre 1] (et non BI n° [Cadastre 1] comme indiqué par erreur dans les conclusions de M. [N]) et BI n° [Cadastre 5] le droit de propriété de la commune de [Localité 10] et donc d'un tiers, étant précisé que la commune de [Localité 10] ne revendique pas cette propriété à son profit.
La question se posant à la cour est de déterminer si M. [N] a qualité pour agir sur le fondement de la prescription acquisitive dans ces conditions, la commune de [Localité 10] soutenant qu'il ne peut invoquer cette prescription alors que, si elle venait à être acquise, elle ne concernait pas l'une de ses parcelles.
Il est constant qu'aux termes de l'article 2253 du code civil, visant la prescription de manière générale, les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l'opposer ou l'invoquer lors même que le débiteur y renonce.
En revanche, l'article 2258 du code civil fondant la demande principale de M. [N] précise que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi, et il est de jurisprudence ancienne et constante que seul celui qui revendique la propriété d'une parcelle peut invoquer la prescription acquisitive à son profit (Req. 5 mai 1851, Civ. 3ème, 5 novembre 2015, n° 14-20845).
Dans ces conditions, la demande de M. [N] est irrecevable pour défaut de qualité à agir.
Néanmoins, seule la commune de [Localité 10] soulève l'irrecevabilité de la demande, et elle ne fonde pas cette irrecevabilité sur ce défaut de qualité à agir mais sur l'absence de publication de la demande au service de la publicité foncière, moyen d'irrecevabilité écarté par la cour, de sorte que la cour ne peut retenir d'office le défaut de qualité à agir, et doit se prononcer sur le fond comme l'a fait le premier juge qui a débouté M. [N] de ses demandes après avoir constaté qu'il ne pouvait agir à la place de la commune de [Localité 10].
Sur le fond, l'article 2261 du code civil dispose que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Enfin, l'article 2262 du code civil précise que les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.
En l'espèce, M. [N] n'invoque aucune possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et surtout à titre de propriétaire sur les parcelles cadastrées section BH n° [Cadastre 1] et BI n° [Cadastre 5] ; par conséquent il y a lieu de confirmer le jugement ayant débouté M. [N] de sa demande fondée sur la prescription acquisitive.
Sur la demande au titre du droit de passage :
Il est rappelé que les parcelles litigieuses cadastrées section BH n° [Cadastre 1] et BI n° [Cadastre 5] constituant pour partie le chemin dit de Casabonne appartiennent respectivement à Mme [J] [K] (qui n'est pas dans la cause) et à Mme [G] [K] en vertu d'un acte authentique de donation partage du 28 janvier 1991 publié, et produit aux débats.
Ces propriétaires n'ont pas renoncé à leur droit réel sur les parcelles en cause.
M. [N] souhaiterait voir qualifier le chemin qui traverse ces parcelles de chemin rural.
Il est rappelé que l'article L161-1 du code rural et de la pêche maritime définit ainsi les chemins ruraux : 'Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune', que l'article L161-2 précise que 'l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale.
Lorsqu'elle est ainsi présumée, cette affectation à l'usage du public ne peut être remise en cause par une décision administrative.
La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.'
Cependant, l'article L161-3 rappelle que 'tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé', or, s'il est constant que le [Adresse 3] est emprunté par des riverains, il est rapporté en l'espèce la preuve par la production du titre du 28 janvier 1991 que ce chemin n'appartient pas à la commune de [Localité 10] sur ses parties constituées des parcelles cadastrées section BH n° [Cadastre 1] et BI n° [Cadastre 5] mais à Mmes [J] et [G] [K].
En conséquence, M. [N] ne peut solliciter la reconnaissance d'un droit de passage sur ces parcelles au titre de l'existence d'un chemin rural.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes, y compris celle tendant à voir dire que les opérations de bornage déjà ordonnées entre ses parcelles et celles de Mme [G] [K] devraient être effectuées en présence de la commune de [Localité 10].
Sur le surplus des demandes :
M. [N] succombant sera condamné aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel et à payer à Mme [G] [K] et à la commune de [Localité 10] chacune la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s'ajoutant à celle allouée à celles-ci en première instance.
La demande de M. [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes des dispositions,
y ajoutant,
Condamne M. [C] [N] à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à Mme [G] [K], la somme de 1 500 €
- à la commune de [Localité 10], la somme de 1 500 €
au titre des frais irrépétibles exposés par elles en appel,
Déboute M. [C] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [C] [N] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE