JP/VC
Numéro 24/2230
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 04/07/2024
Dossier : N° RG 23/00654 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOZX
Nature affaire :
Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages
Affaire :
S.A.R.L. LES JARDINS D'EDEN
C/
Compagnie d'assurance SADA
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 14 Mai 2024, devant :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargée du rapport,
assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. LES JARDINS D'EDEN
immatriculée au RCS de Pau sous le numéro n°844 233 239
ayant son siège, [Adresse 1], [Localité 5],
agissant poursuite et diligences de ses representants légaux domiciliés audit siège
Représentée par Me Fabienne BAUCOU, avocat au barreau de Pau
INTIMEE :
Compagnie d'assurance SADA
immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro n°580 201 127
dont le siège social est [Adresse 3], [Localité 2]
représenté par ses dirigeants en exercice
Représentée par Me Julien LEPLAT de la SELARL J & LAW, avocat au barreau de Pau
assistée de la SELARL DUFLOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de Lyon
sur appel de la décision
en date du 31 JANVIER 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
RG : 2022000596
Par jugement contradictoire du 31 janvier 2023, le tribunal de commerce de Pau a :
Vu les conditions particulières du contrat conclu entre les parties,
Vu les articles L112-4 ct Ll13-1 du code des assurances,
Vu l'article 700 du code de procédure Civile,
Débouté la SARL Jardins d'Eden de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Compagnie SADA assurances,
Condamné la SARL les Jardins d'Eden à payer à la SARL les Jardins d'Eden (sic), la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Débouté la Compagnie SADA assurances du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Condamné la SARL les Jardins d'Eden aux entiers dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 60.22€ en ce compris l'expédition de la présente décision,
Par déclaration du 1er mars 2023, la SARL les Jardins d'Eden a interjeté appel de la décision.
La SARL les Jardins d'Eden conclut à :
Plaise à la cour d'appel de Pau
- Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la Société Compagnie SADA assurances Jardins d'Eden
Y faisant droit
Vu les articles L 112-4, L.113-1 du Code des Assurances
Vu les articles 1170, 1190, 1240, 1162 et suivants du Code Civil, 1231-1 du Code Civil et 1342 et suivants du code civil
Vu la jurisprudence
Vu les pièces
Infirmer totalement le jugement rendu en premier ressort le 31 janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de Pau en ce qu'il a :
- « Débouté la SARL Jardins d'Eden de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Compagnie SADA assurances.
- Condamné la SARL les Jardins d'Eden à payer à la SARL Jardins d'Eden la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Débouté la Compagnie SADA assurances du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
- Condamné la SARL les Jardins d'Eden aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 60,22€ en ce compris l'expédition de la présente décision. »
Y ajoutant et statuant à nouveau,
A / sur le droit à indemnisation
- Dire que la Société les Jardins d'Eden rapporte la preuve d'une décision entrainant une fermeture administrative prise par une autorité administrative pour raison sanitaire
- Dire le caractère non-écrit de la notion de localisation de la fermeture administrative
- Dire l'absence d'application de la clause d'exclusion
- Principalement, pour nullité de la clause d'exclusion
- A défaut, pour caractère non-écrit de la clause d'exclusion
En conséquence
- Dire que l'application de la clause de garantie de la police 1C014841 est acquise
au bénéfice de la Société les Jardins d'Eden
- Dire que la clause de garantie de perte d'exploitation de la Compagnie SADA assurances est acquise à la Société les Jardins d'Eden
- Dire que la clause d'exclusion de garantie est inopposable à la Société les Jardins d'Eden
- Principalement pour nullité
- A défaut, pour caractère non-écrit
II - sur les demandes à indemnisation :
- Dire que la Compagnie SADA assurances doit indemniser les pertes d'exploitations subies par la Société les Jardins d'Eden consécutives aux périodes de fermetures administratives pour cause d'épidémie de COVID-19 pendant les périodes du 15 mars au 1er juin 2020 et du 6 octobre 2020 au 9 juin 2021.
- Constater la résistance abusive de la Compagnie SADA assurances
En conséquence,
- Condamner la Compagnie SADA assurances à indemniser la Société les Jardins d'Eden à la somme de 86 933,47 euros, avec intérêts de retard au taux légal.
- Condamner la Compagnie SADA assurances à indemniser la Société les Jardins d'Eden à la somme de 1411,38 euros et 1182,24 euros au titre des intérêts des 2 PGE à rembourser par la Société les Jardins d'Eden
- Condamner la Compagnie SADA assurances à la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive
- Condamner la Compagnie SADA assurances aux entiers dépens et à rembourser à la Société les Jardins d'Eden la somme de 500 euros acquittée en première instance au titre de l'article 700 du CPC
- Condmaner la Compagnie SADA assurances à la somme de 4000 euros.
- Debouter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la compagnie SADA assurances
La SA compagnie d'assurances SADA conclut à :
Vu l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
Vu les dispositions des articles 16, 31, 49, 122 du Code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 1103, 1188, 1190, 1192, 1315 du Code civil,
Vu les dispositions de l'article L 3131-15 § 5 du code de la santé publique,
Vu les dispositions de l'article L 113-5 du code des assurances,
Vu la jurisprudence produite concernant la police SADA,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Pau le 31 janvier 2023,
A titre principal,
- En l'absence de « fermeture administrative »,
- Compte-tenu de l'absence de « fermeture administrative » spécifique au local de l'assuré,
- En raison de la dénaturation du contrat d'assurance et de son objet et de l'existence d'un préjudice anormal et spécial,
- En raison de la non-application des garanties,
Rejeter l'appel formé contre le jugement susvisé,
Confirmer le jugement susvisé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Les Jardins d'Eden.
A titre subsidiaire, sur le quantum,
- En l'absence de justification des demandes par des éléments probants,
- Vu l'attestation privée de l'expert-comptable et son caractère non-contradictoire,
Rejeter les demandes de la société Les Jardins d'Eden,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter la demande de condamnation à la seule marge brute non justifiée à ce jour, sous déduction du délai de carence de 2 x 3 jours et de la franchise (0,3 indice FFB)
En tout etat de cause,
Condamner la société Les Jardins d'Eden à payer à la concluante la somme de 5000€ par application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Condamner la société Les Jardins d'Eden aux dépens d'instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 avril 2024.
Les parties ont été avisées par message RPVA que la décision sera rendue par anticipation le 04 Juillet 2024.
SUR CE
La SARL Les Jardins d'Eden exploite un restaurant sous l'enseigne [4] sur la commune d'[Localité 5].
Le 1er mars 2019, dans le cadre de cette activité, la SARL Les Jardins d'Eden a souscrit un contrat d'assurance OPTIMA PRO, Multirisques professionnels, auprès de la compagnie SADA Assurances - Groupe Devk, via son courtier, la société Aquitaine Assurances Conseils.
Ce contrat prévoit une garantie « perte d'exploitation et frais supplémentaires », complétée par un avenant applicable aux cafés - restaurants, prévoyant notamment les fermetures administratives.
Par arrêté du 14 mars 2020, applicable à compter du 15 mars 2020 en raison de l'épidémie de COVID-19, le ministère des solidarités et de la santé a notamment interdit aux restaurants d'accueillir du public jusqu'au 15 avril inclus.
Cette interdiction a été précisée par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID 19 dans le cadre de l'urgence sanitaire.
Une autorisation d'accueil du public a ensuite été décrétée par décret n°2020-663 à partir du 2 juin 2020.
Par arrêté du 29 octobre 2020, l'interdiction d'accueil du public a été à nouveau instaurée pour les restaurants jusqu'à autorisation administrative de réouverture au public.
Le 18 avril 2020 la SARL Les Jardins d'Eden a demandé l'ouverture d'un dossier sinistre dans le cadre de sa garantie « perte d'exploitation » en raison de cette fermeture administrative.
La compagnie d'assurance SADA Assurances Groupe lui opposait un refus de prise en charge.
Le 10 janvier 2021, suite au décret du 29 octobre 2020 interdisant aux restaurants l'accueil du public, la SARL Les Jardins d'Eden procédait à une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la compagnie Sada Assurances-groupe Devk.
Le 24 février 2021, par son conseil, la SARL Les Jardins d'Eden adressait une lettre recommandée avec AR afin de contester la position de la compagnie SADA Assurances-groupe.
Le 2 avril 2021, la SARL Les Jardins d'Eden réitérait sa demande.
Le 8 avril 2021, la compagnie SADA Assurances-groupe Devk confirmait sa décision.
Le 17 février 2022, la SARL Les Jardins d'Eden assignait la compagnie SADA Assurances-groupe Devk devant le tribunal de commerce de Pau qui a rendu la décision dont appel en rejetant les demandes indemnitaires de la SARL Les Jardins d'Eden.
- Sur les conditions de mise en 'uvre de la garantie perte d'exploitation et la clause d'exclusion de garantie :
Les parties sont liées par la conclusion d'un contrat d'assurance OPTIMA PRO formalisé par des conditions particulières et des conditions générales.
A ce contrat, sont annexées des dispositions contractuelles propres aux activités de : « cafés et restaurants » conformément à l'activité de la SARL Les Jardins d'Eden. Cette annexe, intitulée Police n°1C0014841 signée par les parties le 1er mars 2019 comporte un paragraphe ayant pour titre : « la perte d'exploitation après fermeture administrative » dont les termes sont les suivants :
« La garantie perte d'exploitation est étendue en cas d'interruption ou de réduction d'activité de votre entreprise consécutive à une fermeture administrative de votre activité (arrêté de péril ou raison sanitaire) située dans vos locaux professionnels.
Seuls sont indemnisées les pertes d'exploitation subies durant la période pendant laquelle est constatée la baisse de chiffre d'affaires et débutant après un délai de carence de 3 jours. »
La SARL Les Jardins d'Eden considère que la compagnie d'assurances SADA, seule responsable de la rédaction du contenu de son contrat d'adhésion, se devait d'être plus précise dans la définition qu'elle souhaitait apporter à l'interdiction d'accès ; le recours aux termes : « doit s'entendre » ou « se traduit » est déjà un simple moyen de démontrer la dénaturation du contrat.
Elle estime que l'obligation essentielle de couverture de l'assurance est privée de sa substance lorsque un élément de la définition de la garantie ne peut être rempli.
Tout risque sanitaire est une notion qui ne peut impliquer qu'un seul local soit touché alors que cette situation ne peut se produire.
Elle rappelle la définition de l'épidémie ou du risque sanitaire qui de toute évidence touche un territoire bien plus vaste que le seul espace d'un local.
« L'épidémie est le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse le plus souvent d'origine infectieuse dans une population. » En conséquence la couverture par une assurance d' une situation d'épidémie pour un seul local ne peut jamais arriver.
Elle soutient qu' il s'agit en conséquence d'un élément de la définition de la garantie qui ne peut être rempli, vidant ainsi de sa substance l'obligation essentielle de couverture de l'assurance.
Ainsi les dispositions de l'article 1170 du Code civil doivent pouvoir s'appliquer suivant lesquelles : « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. » elle cite ainsi la position de la Cour de cassation réaffirmée par deux arrêts de principe de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2022 et du 30 avril 2022.
En conséquence de quoi elle sollicite l'application des dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances aux termes desquelles : « les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »
En l'espèce les exigences posées par ce texte ne sont pas réunies et elle demande que cette clause d'exclusion soit déclarée nulle.
La compagnie d'assurances conteste cette interprétation en sollicitant la confirmation du jugement du tribunal de commerce qui n'a pas examiné le litige sous l'angle de la clause d'exclusion de garantie mais en appréciant la mise en 'uvre des conditions de la garantie perte d'exploitation.
L'article1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, s'agissant de la présentation du contrat, des conditions générales des conditions particulières et de ses annexes, il apparaît que les exclusions de garantie font l'objet de paragraphes particuliers sous l'en-tête : « exclusions » de manière très apparente.
L'extension de garantie concernée, ne se présente pas ainsi mais s'intitule : « Dispositions particulières du contrat d'assurance Multirisque Professionnelle. » page annexe à la police N°1C0014841.
Or la clause qui stipule non une exclusion, mais une condition de la garantie, n'est pas soumise aux exigences de l'article L. 113-1 suivant arrêt de la Cour de cassation première chambre civile du 12 mai 1993.
Dès lors que la clause n'instaure pas une exclusion de garantie mais définit le risque, assuré les règles édictées par l'article L. 112-4 invoquées par la SARL Les Jardins d'Eden ne s'appliquent pas.
Toutefois la condition de garantie doit être claire et précise, tout comme une exclusion, suivant arrêt de la Cour de cassation deuxième chambre civile du 20 octobre 2016.
Le libellé de la clause litigieuse est suffisamment explicite et conformément aux principes du droit commun des contrats et, en application des dispositions de l'article 1192 du Code civil, les juges du fond ne peuvent se livrer à une interprétation du contrat qu'en présence d'une ambiguïté.
La SARL Les Jardins d'Eden ne prétend d'ailleurs pas que cette clause mérite interprétation en raison de l'ambiguïté des termes employés mais la conteste sur le fondement des articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances qui n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisqu'il ne s'agit pas d'une clause d'exclusion de garantie mais des conditions de mise en 'uvre de la garantie.
Les exigences légales concernant la clause d'exclusion de garantie n'étant pas applicables, il incombe à l'assuré qui en demande le bénéfice, en l'occurrence la SARL Les Jardins d'Eden, de démontrer que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie perte d'exploitation, en application des dispositions de l'article 1353 du Code civil alors que la charge de la preuve repose sur l'assureur lorsqu'il entend opposer à l'assuré une clause d'exclusion de garantie.
- Sur la mise en 'uvre de la garantie perte d'exploitation et la notion de fermeture administrative :
La société Les Jardins d'Eden rappelle que la fermeture a été ordonnée sur décision administrative et concernait au titre de la catégorie N, les restaurants et débits de boissons et estime rapporter la preuve d'une fermeture ordonnée sur décision administrative. Elle fait valoir qu'il est impossible d'exploiter un restaurant sans consommation sur place dans les locaux du restaurant. Toute décision entravant l'accès à un restaurant empêche la consommation sur place ce qui caractérise l'interdiction de recevoir du public. Une interdiction de recevoir des clients ne peut avoir pour effet que de provoquer l'arrêt d'un restaurant.
En définitive l'ensemble des arrêts qu'elle cite démontre que la fermeture administrative ne pouvait avoir pour effet que d'interdire l'accès au public et donc de stopper l'activité du restaurant car par définition une activité de restaurant vise à accueillir du public pour une consommation sur place.
S'agissant du préjudice invoqué, lié à la perte d'exploitation elle soutient que celle-ci se chiffre selon la détermination de la marge brute d'exploitation et que le calcul de cette marge correspond à la différence entre le chiffre d'affaires et les charges variables de l'entreprise. Ce chiffrage a été retenu par son expert-comptable et le détail des aides de l'État figure sur le grand livre des comptes.
La compagnie d'assurances SADA réplique que les possibilités de fermeture administrative sont prévues limitativement dans différents codes et cite les dispositions du code de la santé publique. Elle invoque une jurisprudence suivant laquelle une fermeture administrative est une mesure prise par le préfet ou le maire visant un établissement précis sous la forme d'un arrêté interdisant d'exploiter l'établissement concerné selon une procédure précise en cas d'atteinte à l'ordre public, d'infraction à la réglementation de l'établissement, en cas de commission de crimes ou délits en rapport avec la fréquentation de l'établissement.
Les décisions gouvernementales collectives d'interdiction de recevoir du public prises par arrêté ne constituent pas une fermeture administrative.
Il n'y a pas d'ambiguïté sur les termes et la garantie perte d'exploitation du contrat d'assurance qui lui est conditionnée ne pourra s'appliquer.
Elle reprend l'un des attendus d'un arrêt récent rendu par la cour d'appel de Paris concernant la police SADA. Il a été indiqué que la société demanderesse ne démontrait pas qu'elle avait été obligée de fermer son établissement pour des motifs qui lui étaient spécifiques tels qu'un arrêté de péril ou pour raisons sanitaires à l'intérieur de ses locaux mais en raison d'une interdiction générale de recevoir du public.
Elle rappelle les dispositions de l'article 1192 du Code civil qui s'oppose à toute interprétation des clauses claires et précises d'un contrat à peine de dénaturation.
La commune intention des parties doit s'apprécier au jour de la conclusion du contrat.
Elle rappelle que le propre de l'assurance est de garantir l'assuré d'un dommage qui lui est propre et personnel sur des bases et des limites fixées au contrat et que les décisions réglementaires concernant l'interdiction d'accueillir du public ont pour fondement les dispositions de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ; cet article distingue très précisément la fermeture provisoire et la réglementation de l'ouverture des conditions d'accès et de présence. Elle relève également l'existence d'un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas d'une garantie individuelle d'assurance de droit privé et conteste les éléments caractérisant le préjudice transmis par la partie appelante alors que ces éléments ont été établis de manière non contradictoire et lui sont inopposables.
La compagnie d'assurances estime qu'il ne s'agit pas d'une fermeture administrative, notion qui correspond à une définition précise du code de la santé publique. Le risque dont il s'agit ne peut être circonscrit à l'établissement et une assurance privée n'a pas vocation à indemniser un péril touchant l'ensemble d'une population.
Par arrêté des 14 et 15 mars 2020, et par décret du 23 mars 2020, les restaurants et débits de boissons ne pouvaient plus recevoir du public à compter du 15 mars 2020 jusqu'au 15 avril 2020 durée prorogée par la suite jusqu'au 1er juin 2020 sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.
Le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face au COVID 19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, prévoyait en son article 40, que les restaurants et débits de boissons pouvaient continuer à accueillir du public pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.
Il s'ensuit que La SARL Les Jardins d'Eden a été impactée dans son activité de restauration par une mesure administrative générale qui frappait indistinctement les établissements de sa catégorie sous forme d'interdiction d'accés aux lieux recevant du public sauf pour la livraison et la vente à emporter.
Or les conditions de la garantie prévoient que cette garantie perte d'exploitation est mise en 'uvre en cas de fermeture administrative « de votre activité », et il est précisé il s'agit d'un arrêté de péril ou une raison sanitaire et que la fermeture administrative doit être située « dans vos locaux professionnels ».
De ces termes clairs et précis il se déduit que la mesure administrative générale d'interdiction de recevoir du public, concerne tous les établissements de la même catégorie que la SARL Les Jardins d'Eden et non pas uniquement cet établissement.
Ainsi les conditions de mise en 'uvre de la garantie perte d'exploitation ne sont pas réunies en l'absence de lien de causalité entre la mesure administrative générale, comportant l'interdiction de recevoir du public impactant les établissements de restauration sans distinction de localisation, et le dommage garanti.
Le risque couvert par la compagnie d'assurances relève d'un arrêté de péril ou pris pour raisons sanitaires qui peut concerner en effet spécifiquement les restaurants comme par exemple une intoxication alimentaire.
Ainsi, il a été exactement apprécié dans le cadre du jugement déféré que l'origine du sinistre étant extérieure et n'ayant pas d'effet direct sur le risque couvert par le contrat, les conditions requises pour le déclenchement de la garantie n'étaient pas réunies.
Il y a donc lieu de rejeter les prétentions de la SARL Les Jardins d'Eden qui ne rapporte pas la preuve d'une décision entraînant une fermeture administrative frappant son établissement prise par une autorité administrative pour raison sanitaire et en lien de causalité direct avec le dommage qu'elle allègue.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
La somme de 2500 € sera allouée à la SA compagnie d'assurances SADA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire en dernier ressort
Rejette l'ensemble des prétentions de la SARL Les Jardins d'Eden
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
y ajoutant
Condamne la SARL Les Jardins d'Eden à payer à la SA compagnie d'assurances SADA la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit SARL Les Jardins d'Eden tenue aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente