JP/ND
Numéro 24/2223
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 04/07/2024
Dossier : N° RG 22/02978 - N° Portalis DBVV-V-B7G-ILQA
Nature affaire :
Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule
Affaire :
S.A. Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes
C/
[H] [C]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 07 Mai 2024, devant :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU CHARENTES
Banque coopérative, régie par le articles L. 512-85 et suivants du code monétaire et financier, société anonyme Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance, siège social [Adresse 1] [Localité 6] - immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 353 821 028 - Intermédiaire d'assurance immatriculée à l'ORIAS sous le numéro n° 07 004 055
Titulaire de la carte professinnnelle : 'Transaction sur immeuble et fonds de commerce' n° CPI 3301 2018 035 592 délivrée par la CCI [Localité 9]-Gironde, garantie par la CEGI [Adresse 4] - [Localité 8],
prise en la personne de son representant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Aurélie PARGALA de la SELARL SELARL AURELIE PARGALA, avocat au barreau de Tarbes
Assistée de Me Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocat au barreau de Bordeaux
INTIMEE :
Madame [H] [C]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 10] (29)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Christelle LOMBARD de la SELARL RIVET DUBES LOMBARD, avocat au barreau de Pau
sur appel de la décision
en date du 04 OCTOBRE 2022
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU
RG 20/1430
Par jugement contradictoire du 4 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Pau a :
débouté la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes de ses demandes,
condamné la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes à payer à Mme [H] [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement e l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes aux entiers dépens,
rejeté toute demande autre ou plus ample formée par les parties,
rappelé que l'exécution provisoire de la présente decision est de plein droit.
Par déclaration du 3 novembre 2022, la SA Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes a interjeté appel de la décision.
La SA Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes conclut à :
Vu les articles 1103 et 1343-2 anciennement 1134 et 1154 du Code Civil,
Vu les articles 2288 et 2298 du Code Civil,
Réformer le jugement du Tribunal judiciaire de Pau du 04/10/2022 en ce qu'il a :
Débouté la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes de ses demandes,
Condamné la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charente à payer à Mme [H] [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charente aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
Débouter Madame [H] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Dire et Juger la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes recevable et bien fondée en son action,
Condamner Madame [H] [C], en sa qualité de caution solidaire et personnelle des engagements de la société Marché de [Localité 12], à payer à la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes :
' la somme de 31.850 euros au titre de son engagement de caution afférent au débit en compte courant entreprise n°[XXXXXXXXXX03] ;
' la somme de 93.039,72 euros, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de trois points (Clause « Intérêts et pénalités de retard »), soit 6,50 %, au titre de son engagement de caution afférent au prêt n°9676876, soit 100% des sommes empruntés en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, pénalités et intérêts de retard compris, dans la limite de 117.000 euros ;
Ordonner la capitalisation des intérêts dus par année entière à compter de la signification de la décision à intervenir.
Condamner Madame [H] [C] au paiement d'une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
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[H] [C] conclut à :
Vu l'article L. 218-2 du Code de la Consommation (anciennement article L. 137-2)
Vu les articles 2314 et 1231-5 du Code Civil et la jurisprudence y afférente,
Vu l'article L.341-8 du Code de la consommation et la jurisprudence y afférente,
Vu l'article 1343-5 du Code Civil et la jurisprudence y afférente,
Vu l'appel interjeté par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes le 3 novembre 2022 du jugement rendu le 4 octobre 2022 par le Tribunal Judiciaire de Pau
A titre principal,
Confirmer en tout point le jugement déféré en ce qu'il a :
- Débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes de ses demandes
- Condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes à payer à [H] [C] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC
- Condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes aux entiers dépens,
A titre subsidiaire, si le Cour entendait réformer le jugement déféré,
Constater que la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes a violé son obligation de mise en garde et de conseil à l'égard de [H] [C].
Par conséquent, condamner la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes à régler à [H] [C] la somme de 130.000 € à titre de dommage et intérêt pour préjudice subi.
A titre infiniment subsidiaire,
Prononcer la déchéance des droits des intérêts contractuels et la décharge des pénalités et intérêts de retard, depuis l'origine des engagements jusqu'en mars 2020.
Enjoindre, avant dire droit, la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes à produire un décompte expurgé de tous intérêts contractuels depuis l'origine des deux actes de caution jusqu'en mars 2020.
En tout état de cause,
Condamner la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes à régler à Madame [H] [C] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 avril 2024.
SUR CE
Par correspondance du 9 juillet 2015, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes accordait à la société Marché de [Localité 12], une autorisation de découvert en compte à durée indéterminée d'un montant maximum de 50 000 €.
En garantie du solde débiteur du compte, [H] [C] associée et salariée de la société se portait caution solidaire et personnelle des engagements de la société Marché de [Localité 12] à concurrence de la somme maximale de 31 850 € principal intérêts commissions frais et accessoires pénalités et intérêts de retard compris.
Le 1er février 2018, la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes informait la société Marché de [Localité 12] et la caution qu'elle entendait dénoncer l'autorisation de découvert.
En l'absence de régularisation dans le délai de préavis de 60 jours, le 18 janvier 2019 la caisse d'épargne mettait en demeure la société et la caution d'avoir à régulariser la position débitrice du compte.
La Caisse d'épargne était finalement contrainte de prononcer la clôture du compte courant le 30 juillet 2019 rendant exigible le solde débiteur de la société Marché de [Localité 12] à hauteur de la somme de 47 1 45,54 €
La société Marché de [Localité 12] a également souscrit le 17 décembre 2015 un concours auprès de la caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charentes, le montant du prêt étant de 90 000 € sur une durée de 87 mois avec échéance annuelle au taux nominal de 3,50 % et au TEG de 5,06 %.
Ce prêt était destiné à financer une restructuration de dette, le rachat d'un point de presse et un besoin en fonds de roulement.
En garantie de ce concours, [H] [C] associée et salariée de la société se portait caution solidaire et personnelle des engagements de la société Marché de [Localité 12] à concurrence de la somme maximale de 117 000 € soit 100 % des sommes empruntées en principal intérêts commission frais et accessoires pénalités et intérêts de retard compris.
À compter du mois d'avril 2018, la société Marché de [Localité 12] se trouvait défaillante dans le remboursement des échéances du prêt et a été mise en demeure par la caisse d'épargne ainsi que la caution, par correspondance du 18 janvier 2019, de régulariser la situation sous quinzaine.
Les mises en demeure étant restées vaines la Caisse d'épargne a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt le 2 avril 2019 et a sollicité le remboursement des sommes prêtées.
Au 3 juillet 2020, [H] [C], en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société, était toujours redevable envers la caisse d'épargne des sommes de 31 850 € correspondant au montant maximal prévu au titre de son engagement de caution afférente au débit en compte-courant, ainsi qu'à la somme de 93 0 39,72 € outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de 3 points soit 6,50 % au titre de son engagement de caution afférent au prêt n° 9676876 soit 100 % des sommes empruntées en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, pénalités et intérêts de retard compris dans la limite de 117 000 € conformément au décompte présenté arrêté provisoirement au 3 juillet 2020.
La Caisse d'épargne a donc assigné la caution en justice aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes dues en sa qualité de caution.
Sur le caractère manifestement disproportionné des engagements de cautions au moment auquel ils ont été souscrits :
[H] [C] fait valoir la disproportion de son engagement de caution au titre du découvert en compte du 27 juillet 2015 ainsi que pour son engagement de caution du 17 décembre 2015 au titre du prêt alloué.
Elle considère qu'il y avait une disproportion manifeste entre ses biens et revenus et ses engagements financiers, compte tenu de l'écart significatif existant.
En effet, elle précise qu'à cette période elle était pacsée sous le régime de la séparation de biens avec Monsieur [O] et percevait un salaire d'un montant de 765 € mensuel (lissé sur l'année) en qualité de saisonnière au sein de la SARL Marché de [Localité 12]. Sa déclaration d'impôt sur l'année 2015 indique en effet un revenu annuel de 9511 €.
Elle précise que la caisse d'épargne est son unique partenaire bancaire et détient l'intégralité de ses comptes. Elle ne pouvait méconnaître le fait que sur la fiche de renseignements elle indiquait uniquement le montant de son salaire de juillet 2015 et non son salaire mensuel moyen sur l'année étant donné que certains mois, son salaire, versé sur son compte caisse d'épargne, était de 244,19 €.
S'agissant de ses engagements déjà en cours, elle était déjà engagée à hauteur de la somme globale en capital de 199 829 € et, en rajoutant cet engagement de caution supplémentaire, à hauteur de 231 329 €.
En outre elle supportait des remboursements d'échéances à hauteur de 177 € par mois relatifs au crédit pour l'achat de son véhicule.
Le solde au titre de ce crédit s'élevait à la somme de 11 469 €. Elle venait d'acquérir le 14 avril 2014 un bien immobilier évalué à la somme de 215 000 € dont 107 500 € lui revenait en qualité de propriétaire à 50 % au remboursement du solde des deux emprunts à hauteur de 186 773 € en capital, mais 367 468 € en y intégrant les intérêts contractuels.
La valeur nette de ce bien immobilier s'élève ainsi à 28 227 € soit 14 113,50 € à son bénéfice si l'on considère uniquement le capital restant dû.
Elle insiste sur le fait que la caisse d'épargne disposait de l'ensemble de ses comptes bancaires et emprunts et avait ainsi une totale connaissance tant de son patrimoine que des salaires qu'elle percevait. Le montant des engagements financiers souscrits s'élevait à 231 329 € soit plus de 280 mois de salaire soit plus de 23 années de salaire.
Elle produit à la procédure l'ensemble des déclarations des revenus fonciers de l'année 2014 jusqu'à l'année 2022 montrant que les revenus fonciers indiqués dans la déclaration d'impôt ne peuvent être pris en considération dans ses revenus puisqu'elle est liée par un PACS soumis au régime de la séparation des biens avec Monsieur [O] et n'est pas associée à la SCI le tournesol ainsi que le confirment les statuts également produits.
S'agissant de la SCI MEDE qui serait propriétaire d'un immeuble à Gourette elle indique que le fonds de commerce et les murs ont été vendus en 2010 et que la SCI MEDE n'est plus propriétaire d'aucun bien immobilier depuis l'année 2011.
Ainsi la SCI MEDE est, depuis la vente de son unique bien immobilier, une «coquille vide» ainsi qu'en attestent les déclarations de revenus fonciers établies en 2011 et 2012.
Lors de l'engagement supplémentaire souscrit auprès de la Caisse d'épargne, elle supportait des engagements financiers à hauteur de 340 4750 € alors que son patrimoine immobilier composé de la moitié de sa résidence principale s'élevait à 107 500 € et qu'elle percevait chaque mois la somme de 765 €.
Ainsi même en déduisant du montant de ses engagements la valeur nette de son bien immobilier, ce montant s'élevait à 237 250 € ce qui correspondait à plus de 310 mois de salaire soit plus de 25 années de salaire.
La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes estime que la caution ne rapporte pas la preuve de la disproportion manifeste de son engagement à la date à laquelle il a été souscrit en soutenant qu'un patrimoine d'une valeur proche du montant de l'engagement fait nécessairement obstacle à ce que la disproportion puisse être retenue.
Elle cite une jurisprudence de la Cour de cassation dont il ressort que la disproportion doit être écartée même lorsque le patrimoine de la caution est d'une valeur sensiblement inférieure au montant cumulé de ses engagements.
Elle rappelle que la caution a complété les fiches de renseignements et que ses revenus doivent être appréciés tels qu'ils ont été déclarés par celle-ci puisque l'établissement prêteur n'a pas à vérifier l'exactitudede ces renseignements.
Il ressort de ses déclarations un revenu mensuel de 1422,72 € et des placements financiers pour un total de 38 515 € sous forme d'actions obligations,d'assurance-vie et de placements bancaires.
Enfin la caution a déclaré être propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 300 000 € au titre duquel un prêt immobilier était en cours.
Le capital restant dû est d'environ 180 000 € de sorte que la valeur résiduelle du bien était de 120 000 €. Dans la mesure où elle est propriétaire à hauteur de 50 % sa quote-part dans l'immeuble doit être valorisée à 60 000 €.
Elle a déclaré également avoir souscrit un crédit pour l'achat d'un véhicule au titre duquel le capital restant dû était de 10 469 €.
En définitive ses revenus mensuels étaient de 17 000 € par an, ces placements financiers de 38 515 € et le montant de son patrimoine immobilier net de 60 000 € avec un capital restant dû pour un prêt automobile de 10 469 €.
Dans ces conditions aucune disproportion ne saurait être établie au titre d'un cautionnement limité à 31 850 €.
S'agissant de l'engagement de caution souscrit le 17 décembre 2015 pour un montant maximal de 117 000 € elle fait valoir que la situation de la caution était plus favorable puisque l'endettement lié au prêt auto et au prêt immobilier avait nécessairement diminué et qu'elle était toujours titulaire d'une épargne significative et propriétaire d'un ou plusieurs biens immobiliers lui procurant des revenus fonciers nets de plus de 12 000 € par an. Elle était associée de la SCI MEDE toujours en activité à ce jour induisant la perception de revenus fonciers.
En effet la banque fait remarquer que contrairement à ce qui est affirmé par la caution déclarant que la SCI MEDE n'était plus propriétaire d'aucun bien immobilier depuis l'année 2011, le justificatif versé aux débats fait uniquement état de la vente du 6 décembre 2010 du fonds de commerce pour un prix de 160 000 €.
Aux termes des dispositions de l'ancien article L.341-4 du Code de la consommation,dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, repris dans les articles L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation applicables en l'espèce : « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, lui permette de faire face à son obligation ».
La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que la caution soit à cette date dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.
La disproportion du cautionnement s'apprécie pour chaque acte de cautionnement successif à la date de l'engagement de la caution.
Il est à noter que lors de la souscription des deux actes de cautionnement, à quelques mois d'intervalle, la situation de la caution était sensiblement identique si ce n'est que le capital à rembourser pour les deux prêts, celui de la maison et celui pour le véhicule avait nécessairement diminué.
La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes verse aux débats la fiche de renseignements établie par [H] [C] dont il ressort qu 'elle est salariée de la SARL marché de [Localité 12], avec un revenu de 1322,72 € par mois, qu'elle est propriétaire de sa maison avec son compagnon d'une valeur estimée à 300 000 € et qu'elle dispose de placements financiers pour un montant de 38 515 €.
Le ménage rembourse deux emprunts pour la maison et le véhicule d'un montant de 1028,31 € assumé par le couple.
[H] [C] conteste le montant du salaire qu'elle a pourtant indiqué en précisant que c'est la banque qui lui avait demandé de le faire alors qu'en réalité elle percevait un salaire de 765 € mensuel en tant que saisonnière.
Elle indique également que c'est la conseillère qui lui a fait remplir le document et lui a indiqué que s'agissant de la valeur de l'immeuble il fallait préciser le montant total des sommes qu'elle et son partenaire avait injectées dans la maison d'où la valeur de 300 000 €.
Elle ajoute : « en effet les banques, de manière générale, invitent leurs clients à grossir le montant de leurs revenus et de leur patrimoine et à minimiser leurs engagements bancaires déjà existants'»
Elle considère que la caisse d'épargne avait une totale connaissance tant de son patrimoine que des salaires qu'elle percevait puisqu'elle disposait de l'ensemble de ses comptes bancaires.
Cependant un tel raisonnement ne peut prospérer alors qu'en l'absence d'anomalie apparente, le créancier n'a pas à vérifier l'exactitude des biens et revenus déclarés par la caution sur la fiche de renseignements remplie avant la souscription de l'engagement.
Ainsi, suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, une cour d'appel n'a pas à prendre en considération les taxes et charges qui n'étaient pas mentionnées dans la fiche de renseignements dont la caution avait attesté la sincérité et qui n'affectait pas ce document d'une anomalie apparente.
En revanche il en est différemment lorsque la caution démontre que le créancier professionnel était au courant de l'existence d'engagements antérieurs non mentionnés sur la fiche de renseignements.
Tel n'est pas le cas en l'espèce et l'argumentation de [H] [C] consistant à rejeter la responsabilité des mentions indiquées sur les fiches de renseignements sur le banquier sera rejetée.
En effet il s'agit d'un système déclaratif et la caution endosse l'entière responsabilité des mentions qu'elle a indiquées et des dissimulations dont elle a pu être l'auteur, nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude.
Au regard de l'ensemble de sa situation, salaires et patrimoine immobilier, son engagement de caution n'était pas manifestement disproportionné au moment où elle l'a souscrit en 2015.
Il est à noter qu'elle était non seulement salariée mais associée de la SCI Marché de Gourette, en couple avec son employeur et donc nécessairement avertie de l'implication de son engagement alors qu'elle avait déjà l'expérience d'un commerce.
En effet il résulte des pièces versées aux débats qu'elle avait procédé à la vente le 28 décembre 2010 d'un local commercial situé aux [Localité 11] [Adresse 13] appartenant à la SCI MEDEdont elle était associée avec son époux [Z] [L], moyennant la somme de 170 000 € qui a nécessairement amélioré sa situation matérielle.
Il est à noter que le fonds de commerce « la Grignotine » appartenant à la SCI MEDE a été cédé en 2011 pour un prix de 160 000 €.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré sans qu'il soit besoin d'examiner le manquement de la banque à son devoir de mise en garde étant considéré que l'engagement de la caution n'était pas manifestement excessif au moment où il a été contracté pour les besoins d'un commerce dans lequel la caution était associée et alors qu'elle avait déjà une expérience dans le commerce de l'alimentation de détail depuis janvier 2000 en qualité d'entrepreneur individuel comme le démontre l'extrait du registre national des entreprises mentionnant que l'intéressée a été immatriculée le 5 janvier 2000 en tant qu'entrepreneur individuel.
Sur les sommes dues par la caution :
Aux termes des dispositions de l'article 1353 du Code civil, il appartient à celui qui demande l'exécution d'une obligation de la prouver.
La banque établit avoir délivré l'information annuelle à la caution ainsi que cela résulte des procès-verbaux de constat établis par huissier de 2017 à 2019 avec copie du listing dans lequel apparaît la caution confirmant l'envoi des lettres d'information annuelle en mars 2017, mars 2018 ,mars 2019.
Elle joint également copie des lettres d'information annuelles adressées par courrier recommandé avec demande d'avis de réception à [H] [C] les 13 mars 2020, 10 mars 2021 ainsi que les avis de réception pour les années 2022 et 2023.
Compte tenu des justificatifs produits par la banque dont le montant n'est pas contesté parla caution il y a lieu de prononcer la condamnation de celle-ci à payer la somme de 31 850 € correspondant au montant maximal prévu au titre de son engagement de caution afférent au débit en compte-courant entreprise et la somme de 93 039,72 € au titre de son engagement de caution afférent au prêt n° 967 68 76 60 % des sommes empruntées en principal intérêt commission frais et accessoires pénalités et intérêts de retard compris dans la limite de 117 000 €.
La capitalisation des intérêts qui est de droit pour les intérêts dus pour une année entière sera ordonnée.
La somme de 1000 € sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
statuant publiquement par mise à dispotitoion au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort
Infirmant le jugement déféré :
Condamne [H] [C] en sa qualité de caution solidaire et personnelle des engagements de la société Marché de [Localité 12] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prevoyance Aquitaine Poitou Charentes les sommes suivantes :
La somme de 31 850 € correspondant au montant maximal prévu au titre de son engagement de caution afférent au débit en compte-courant entreprise N° [XXXXXXXXXX03] et la somme de 93 039,72 € au titre de son engagement de caution afférent au prêt n° 967 68 76 soit 100 % des sommes empruntées en principal, intérêts commissions frais et accessoires pénalités et intérêts de retard compris dans la limite de 117 000 €.
Ordonne la capitalisation des intérêts dus par année entière à compter de la signification de l'arrêt.
Condamne [H] [C] au paiement d'une indemnité de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit [H] [C] tenue aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente