PS/DD
Numéro 24/2157
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 27/06/2024
Dossier : N° RG 21/02225 - N°Portalis DBVV-V-B7F-H5KN
Dossier : N° RG 21/02310 - N°Portalis DBVV-V-B7F-H5RC
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
MSA SUD AQUITAINE
C/
Société [5]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 Octobre 2023, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame SORONDO, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
MSA SUD AQUITAINE,
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE :
Société [5]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Maître BODSON, loco Maître DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 17 MAI 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 19/00546
FAITS ET PROCEDURE
La mutualité sociale agricole (MSA) Sud Aquitaine a été destinataire d'une déclaration de la société [5] en date du 4 août 2011 portant sur un accident du travail survenu le 4 août 2011 à M. [H] [T], salarié, accompagné d'un certificat médical en date du 5 août 2011 faisant état d'un « lumbago traumatique ».
Par courrier recommandé en date du 9 septembre 2011 réceptionné par la société [5] le 12 septembre 2011, la MSA Sud Aquitaine lui a notifié une décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
La MSA Sud Aquitaine a été destinataire d'un certificat médical final en date du 25 novembre 2011 faisant état d'une guérison apparente avec possible rechute, puis, par courrier du 19 janvier 2012 adressé à M. [T], l'a informé que le médecin conseil l'avait déclaré guéri au 25 novembre 2011.
La MSA Sud Aquitaine a pris en charge au titre de la législation professionnelle une rechute du 20 décembre 2011, décision qui a été notifiée à la société [5] par courrier recommandé en date du 24 janvier 2012 réceptionné le 27 janvier 2012.
Elle a été destinataire d'un certificat médical final en date du 18 janvier 2013 faisant état d'une guérison apparente avec possible rechute.
Par décision du 6 mai 2013, la MSA Sud Aquitaine a pris en charge au titre de la législation professionnelle une rechute du 18 février 2013, décision qui a été notifiée à la société [5] par courrier en date du même jour.
Par courrier en date du 7 février 2014 adressé à M. [T], la MSA Sud Aquitaine l'a informé que son état de santé était considéré comme consolidé le 13 février 2014.
Par courrier recommandé en date du 29 avril 2015 réceptionné par la société [5] le 5 mai 2015, la MSA Sud Aquitaine lui a notifié la reconnaissance au salarié d'un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, en suite de l'accident du 4 août 2011, et l'attribution subséquente d'une rente.
Par courrier en date du 8 août 2019, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la MSA Sud Aquitaine aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 4 août 2011 et, subsidiairement aux fins d'inopposabilité de la décision attributive de rente et en contestation du taux d'incapacité permanente partielle.
Par requête en date du 27 décembre 2019, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Pau (ensuite devenu le tribunal judiciaire de Pau) section agricole aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, subsidiairement d'inopposabilité de la décision attributive de rente, d'inopposabilité des décisions de prise en charge « des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de cet accident », et d'organisation d'une expertise aux fins d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle et de vérification du bien-fondé des décisions de prise en charge des lésions, soins et arrêts de travail.
Le 17 avril 2020, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté la demande de l'employeur au motif de la forclusion de son recours.
Par jugement du 17 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Pau section agricole a :
- déclaré le recours de la société [5] forclos s'agissant de la décision attributive de rente,
- déclaré le recours de la société [5] recevable s'agissant de la demande d'inopposabilité des décisions de prise en charge des lésions, soins et arrêts de travail,
- ordonné une expertise judiciaire sur pièces,
- commis pour y procéder le docteur [G], expert près de la cour d'appel de Pau, avec pour mission de :
. se faire remettre l'entier dossier médical de M. [H] [T] auprès de la caisse de MSA Sud Aquitaine, plus généralement, toutes pièces médicales utiles à l'accomplissement de sa mission ; en prendre connaissance,
. dire si entre l'accident du travail survenu le 4 août 2011 et la guérison de son état de santé le 25 novembre 2011, M. [T] a bénéficié d'une continuité des soins, symptômes ou arrêts de travail,
- dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties aux termes d'un pré-rapport et qu'un délai leur sera imparti pour qu'elles apportent des observations auxquelles il répondra dans un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat du pôle social, dans les six mois du jour où il aura été saisi de sa mission,
- dit que la caisse de Mutualité Sociale Agricole Sud Aquitaine fera l'avance des frais d'expertise,
- dit que l'affaire sera fixée à la première audience utile après dépôt du rapport d'expertise,
- réservé les dépens.
Ce jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, reçue de chacune le 10 juin 2021.
Par déclaration du 2 juillet 2021 au greffe de la cour, la caisse de MSA Sud Aquitaine a interjeté appel de ce jugement. Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/02225.
Selon avis de convocation du 14 août 2023, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle elles ont comparu.
Par lettre recommandée expédiée le 7 juillet 2021 et réceptionnée par le greffe de la cour le 8 juillet 2021, la société [5] a interjeté appel de ce jugement. Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/02310.
Selon avis de convocation du 15 mai 2023, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle elles ont comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 17 octobre 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la MSA Sud Aquitaine demande à la cour de :
- dire son appel recevable et bien fondé,
- dire irrecevable et mal fondé l'appel de la société [5],
- ordonner la jonction des deux appels,
Faisant droit à son appel incident,
- réformer la décision de première instance,
- dire et juger irrecevable toute demande d'expertise formée par la société [5],
En tout état de cause,
- dire et juger n'y avoir lieu à l'ordonnancement d'une expertise,
- débouter la société [5] de son appel et de toutes ses demandes, fins ou conclusions contraires aux présentes,
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a déclaré forclose la société [5] en son recours relatif à la décision attributive de rente,
A titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse où serait confirmée la décision de première instance sur l'ordonnancement de l'expertise,
- dire et juger que les frais d'expertise resteront à la charge de la société [5] en qualité de demanderesse à l'expertise,
- confirmer la décision de première instance pour le surplus,
- condamner la société [5] au paiement d'une somme de 1.000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [5] aux entiers dépens de première instance comme d'appel et octroyer à la Selarl [4] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 21 septembre 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [5] demande à la cour de :
- procéder à la jonction des recours enregistrés sous les RG 21/02225 et RG 21/02310,
Sur la contestation de la décision attribuant un taux d'IPP
- déclarer son recours recevable,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré son recours irrecevable,
A titre principal,
- déclarer inopposable à son égard la décision de la MSA attribuant un taux d'IPP de 15 % à l'égard de la société [5],
A titre subsidiaire,
- ordonner, avant dire droit, au contradictoire du docteur [C] [D], son médecin conseil, une expertise médicale judiciaire sur pièces, afin de vérifier l'évaluation du taux d'IPP de 15 % attribué à M. [T], confiée à tel expert avec mission de :
prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [T] établi par la MSA,
convoquer les parties, étant précisé que son médecin conseil est le docteur [C] [D],
déterminer les séquelles en lien direct et certain avec l'accident du travail du 4 août 2011 de M. [T],
proposer un taux par référence au barème en faisant intervenir également si c'est pertinent les notions d'âge, d'état général et des facultés physiques et mentales,
ordonner à l'expert de soumettre aux parties un pré-rapport avant le dépôt du rapport définitif,
- enjoindre à la MSA Sud Aquitaine de transmettre l'entier dossier médical, dont le rapport d'évaluation des séquelles à son médecin conseil, le docteur [C] [D],
Sur la mise en 'uvre de l'expertise judiciaire sur le caractère professionnel des soins et arrêts de travail,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré son recours recevable et a ordonné une expertise judiciaire sur la vérification du caractère professionnel des soins et arrêts de travail,
A titre incident,
- infirmer le jugement déféré en ce que la mission d'expertise doit être complétée et modifiée,
Statuant à nouveau,
- fixer la mission de l'expert dans les termes suivants :
prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [T] établi par la MSA,
convoquer les parties, étant précisé que son médecin conseil est le docteur [C] [D],
fixer la durée des arrêts de travail, prestations et des soins en relation directe et exclusive avec l'accident du 4 août 2011 déclaré par M. [T],
dire notamment, si pour certains soins et arrêts de travail, il s'agit d'un état pathologique indépendant de l'accident du 4 août 2011 ou d'une pathologie indépendante évoluant pour son propre compte,
fixer la date de consolidation de cet accident à l'exclusion de tout état pathologique indépendant,
ordonner à l'expert de soumettre aux parties un pré-rapport avant le dépôt du rapport définitif,
- renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Pau pour poursuite des opérations d'expertise sur le caractère professionnel des arrêts de travail et des soins,
En tout état de cause,
- débouter la MSA Sud Aquitaine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- dire que la MSA Sud Aquitaine conservera la charge de l'avance des frais d'expertise,
- débouter la MSA Sud Aquitaine de sa demande de condamnation de la société [5] au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR QUOI LA COUR
Sur la jonction
Il est de l'intérêt d'une bonne justice de juger ensemble les deux appels interjetés contre le jugement rendu le 17 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Pau section agricole. Il sera donc ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 21/02225 et RG 21/02310.
Il est à observer que la société [5] a abandonné dans le cours de la première instance sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du 4 août 2011 au titre de la législation professionnelle.
Sur recevabilité de la contestation de la décision portant fixation du taux d'incapacité permanente partielle et attribution d'une rente
La société [5] soutient :
- que son recours devant la commission de recours amiable est recevable car la notification du 29 avril 2015 ne peut faire courir le délai de forclusion de deux mois pour saisir la commission de recours amiable à défaut de l'indication du recours préalable devant la commission de recours amiable, seule étant mentionnée la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale,
- que l'arrêt de la cour de cassation du 15 décembre 2016 n'a pas apporté une modification ou une appréciation nouvelle des textes déjà existants et a uniquement rappelé qu'en l'absence de procédure spécifique au régime agricole pour la contestation des taux d'IPP, les règles du contentieux général prévoyant la saisine préalable de la commission de recours amiable s'appliquent.
La MSA Sud Aquitaine fait valoir :
- qu'en application de l'article R.142-40 du code de la sécurité sociale, les contestations par les salariés du taux d'incapacité n'étaient pas soumises à l'obligation de saisine préalable de la commission de recours amiable,
- que jusqu'à un revirement de 2016 (cour de cassation du 15 décembre 2016 n° 15-28465), la jurisprudence considérait qu'il en allait de même des contestations formées par les employeurs du taux d'incapacité permanente partielle,
- que la notification est conforme au droit positif de l'époque en ce qu'elle mentionne une voie de recours directe auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale,
- qu'en conséquence la notification est régulière et le recours est forclos.
que ce recours est irrecevable pour avoir été formé tardivement alors que la notification mentionne les voies et délais de recours, étant observé, étant observé
Sur ce,
Il appartient à la caisse, qui invoque la forclusion, d'établir que sa décision a été régulièrement notifiée. A défaut d'une telle notification ou en cas de notification irrégulière de la décision, la caisse ne peut se prévaloir de la forclusion et sa décision peut être contestée dans condition de délai.
Dans sa rédaction applicable à la date de la décision de la caisse de fixation du taux d'incapacité permanente partielle et d'attribution de rente, l'article R.751-63 du code rural et de la pêche maritime prévoyait sa notification à l'employeur par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours.
Les parties divergent relativement à la voie de recours applicable.
En application de l'article L.751-32 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à la date de la décision de la caisse de fixation du taux d'incapacité permanente partielle et d'attribution de rente, les litiges relatifs à la contestation du taux d'incapacité des salariés des professions agricoles relevaient de la compétence exclusive des juridictions du contentieux général suivant les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
De même, l'article R.142-32 du code de la sécurité sociale prévoyait : « Sous réserve des dispositions des articles 1156 et 1158 du code rural et de celles des articles R.143-3 à R.142-40 du présent code, les différends auxquels donne lieu l'application de la législation et de la réglementation relatives au régime d'assurance institué par le chapitre 1er du titre III du livre VII du code rural relèvent de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, dans les conditions fixées aux sections 1 à 3 du présent chapitre », lesquelles incluent l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale relatif à la saisine préalable de la commission de recours amiable.
L'article R.142-40 du code de la sécurité sociale prévoyait que l'article R.142-1 du même code n'était pas applicable à la procédure de conciliation devant le président du tribunal des affaires de sécurité sociale édictée par l'article R.142-37 du même code et applicable, suivant les articles R.142-33 et 142-34 du code de la sécurité sociale, à la contestation par la victime de la décision de la caisse de mutualité sociale agricole relative à la date de guérison ou de consolidation de la blessure ou, en cas de révision, à l'appréciation de l'état d'incapacité permanente ou de la modification de cet état, ainsi qu'au refus par la victime du taux d'incapacité permanente de travail arrêté ou confirmé par la caisse dans les conditions fixées par l'article 29 du décret n° 73-598 du 29 juin 1973 ou par les quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.
Il n'existait aucune disposition similaire écartant la saisine préalable de la commission de recours amiable en cas de contestation par un employeur du taux d'incapacité permanente partielle fixé par la caisse de mutualité sociale agricole, et, appelée pour la première fois à se prononcer sur ce point, la 2ème chambre civile de la cour de cassation a, dans un arrêt du 15 décembre 2016 (15-28465), au visa des articles L.751-32 du code rural et de la pêche maritime, R.142-32 et R.142-1 du code de la sécurité sociale ci-dessus rappelés, jugé qu'une telle contestation est soumise au recours préalable obligatoire. Il n'y a donc pas là un revirement de jurisprudence, lequel est au demeurant par principe rétroactif.
Il ressort de ces éléments que la contestation par la société [5] était soumise à l'obligation de recours préalable devant la commission de recours amiable de la caisse.
Il est établi par la pièce n° 15 de la MSA Sud Aquitaine que le courrier de notification à l'employeur de la décision de fixation du taux d'incapacité permanente partielle et d'attribution d'une rente mentionne comme voie de recours la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale. Il en résulte que cette notification n'est pas régulière et que la saisine de la commission de recours amiable formée par la société [5] est recevable. Le jugement sera infirmé sur ce point.
En application de l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.
Au regard du principe du double degré de juridiction, il apparaît de bonne justice de renvoyer l'affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire de Pau section agricole pour qu'il soit statué sur le bien-fondé de la contestation.
Sur la contestation du caractère professionnel des soins et arrêts de travail
La société [5] fait valoir :
- que l'employeur est recevable à contester le caractère professionnel des soins et arrêts de travail indépendamment du sort de la décision de prise en charge de l'accident ;
- qu'il doit en être de même vis-à-vis des décisions de prise en charge des rechutes, la contestation portant sur l'ensemble des arrêts de travail et des soins prescrits au titre de l'accident ;
- que la MSA ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité des arrêts de travail et des soins alors qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir la continuité des symptômes et des soins ;
- que la mission de l'expert doit être complétée à l'effet de déterminer la durée des arrêts de travail, prestations et soins en relation directe et exclusive avec l'accident, en ce compris ceux postérieurs aux deux rechutes, et de déterminer ceux en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident du travail ou avec une pathologie indépendante évoluant pour son propre compte.
La MSA Sud Aquitaine soutient :
- que cette contestation est irrecevable dès lors que celle portant sur le taux d'incapacité permanente partielle et l'attribution d'une rente est irrecevable ;
- que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve contraire ;
- qu'en ordonnant une expertise, le premier juge a inversé la charge de la preuve.
Sur ce,
Comme observé par le premier juge, il n'a été saisi que concernant les soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident de travail du 4 août 2011 et non des deux rechutes.
La décision de prise en charge de l'accident du travail, motivée et notifiée dans les conditions prévues par l'article D.751-121-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2010, revêt à l'égard de l'employeur, en l'absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif, mais elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci conteste l'imputabilité à la maladie professionnelle des arrêts de travail et soins prescrits à la victime jusqu'à la guérison ou la consolidation. Cette contestation est donc recevable.
Il s'évince des articles 1353 du code civil et L.751-6 du code rural et de la pêche maritime que la présomption d'imputabilité au travail, des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve contraire.
En l'espèce, il est déterminé par le certificat médical initial en date du 5 août 2011 produit par la MSA Sud Aquitaine (pièce n° 2-1) qu'il était assorti d'un arrêt de travail jusqu'au 12 août 2011, et l'employeur ne fournit aucun élément de nature à laisser accroire que tout ou partie des soins et arrêts de travail serait sans rapport avec l'accident. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'expertise, la demande d'inopposabilité à l'égard de l'employeur des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail survenu le 4 août 2011 à M. [H] [T] doit être rejetée. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
Chacune des parties succombe partiellement en son appel de sorte qu'elles conserveront chacune la charge des dépens qu'elles ont exposés en appel et que la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 21/02225 et RG 21/02310, sous le RG : 21/02225
Infirme le jugement rendu le 17 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Pau section agricole hormis en ce qu'il a déclaré recevable la demande de la société [5] d'inopposabilité à son égard des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre d'accident de travail survenu le 4 août 2011 à M. [H] [T], et la rejette,
Statuant de nouveau,
Déclare recevable la contestation de la décision du 29 avril 2015 portant fixation du taux d'incapacité permanente partielle et attribution d'une rente recevable,
Dit n'y avoir lieu à évocation relativement au bien-fondé de la contestation ci-dessus et renvoie la cause et les parties devant le pôle social du tribunal judiciaire de Pau section agricole auquel le dossier de la procédure sera transmis par le greffe,
Rejette la demande de la société [5] d'inopposabilité à son égard des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre d'accident de travail survenu le 4 août 2011 à M. [H] [T], et la rejette,
Y ajoutant,
Rejette la demande présentée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supporte ses dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseillère, par suite de l'empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de la procédure civile, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, POUR LA PRÉSIDENTE EMPECHEE