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25/06/2024 | FRANCE | N°23/00567

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 juin 2024, 23/00567


AB/SH



Numéro 24/02119





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 25/06/2024







Dossier : N° RG 23/00567 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IORR





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par un animal







Affaire :



Fédération FDC40



C/



[T] [P]



























Grosse déli

vrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du...

AB/SH

Numéro 24/02119

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 25/06/2024

Dossier : N° RG 23/00567 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IORR

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par un animal

Affaire :

Fédération FDC40

C/

[T] [P]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Avril 2024, devant :

Madame BLANCHARD, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,

Madame BLANCHARD, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame BLANCHARD, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Fédération Départementale des Chasseurs des Landes (FDC40) prise en la personne de son représentant légal dûment habilité et domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté et assistée de Maître TUGAS de la SELARL TUGAS & BRUN, avocat au barreau de BAYONNE

INTIME :

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Maître PAULIAN, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 10 JANVIER 2023

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 21/01412

EXPOSE DU LITIGE :

M. [T] [P] exploite 68,5 hectares de tournesol, maïs et sorgo au lieudit '[Localité 6]' du territoire communal de [Localité 4], situé à moins de cinq kilomètres d'une réserve de chasse et de faune sauvage.

Depuis de nombreuses années, le grand gibier occasionne à ses cultures d'importants dégâts pour lesquels il a déjà bénéficié d'indemnisations versées par la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes dans le cadre de la procédure non contentieuse fixée au code de l'environnement.

Le 18 mai 2021, M. [P] a informé Mme [O] [W], lieutenant de louveterie, de la persistance des dégâts causés à ses cultures par les sangliers malgré les battues effectuées et les opérations de régulation menées.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 1er juin 2021, M. [P] a informé la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes des dégâts occasionnés à ses semis de maïs par des sangliers en lui demandant de lui adresser un formulaire de déclaration de dégâts.

Le 5 juin 2021, M. [P] a déclaré à la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes, les dégâts survenus depuis le 18 mai 2021 du fait de sangliers sur deux des 53,25 hectares de culture de maïs waxy qu'il exploite à [Localité 4], en sollicitant 4 590 euros d'indemnisation.

La Fédération Départementale des Chasseurs des Landes n'a donné aucune suite à sa déclaration et les démarches épistolaires qu'il a entreprises auprès du lieutenant de Iouveterie les 22 juillet et 26 août 2021, mais également du président de l'Association Communale de Chasse Agréée de [Localité 4] les 5 juillet et 30 août 2021, n'ont été suivies d'aucun effet.

Par jugement du 27 juillet 2021, le juge du contentieux de proximité du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a déclaré irrecevable l'action engagée le 3 mars 2021 par M. [P] à l'encontre de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes tendant à obtenir sa condamnation à lui payer, notamment, une somme principale de 14 395 euros en réparation des dégâts causés par des sangliers à ses semis de maïs.

Le 13 septembre 2021, M. [P] a mandaté M. [L] [X], expert foncier et agricole près la Cour d'appel de Pau, pour constater et estimer les dégâts causés par le grand gibier à ses cultures de mais waxy.

Dans son rapport rendu le 28 octobre 2021 à l'issue des opérations d'expertise conduites le 6 octobre 2021 et auxquelles la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes n'a pas assisté, ni ne s'est fait représenter, le sapiteur a évalué la superficie des cultures de maïs waxy sinistrée à 7,0931 hectares et fixé le montant du préjudice à 19 849 euros hors taxes.

Par acte du 9 novembre 2021, M. [P] a fait assigner la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes devant le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan sur le fondement des articles 1240 du code civil, L.426-1 à L.426-4 et R.426-17 du code de l'environnement.

Suivant jugement contradictoire du 10 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a :

- Déclaré recevable l'action engagée le 9 novembre 2021 par M. [P] à l'encontre de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes,

- Fixé à 7,1931 hectares la superficie des cultures de maïs waxy de M. [P] dégradée par les sangliers,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P], en réparation de son préjudice, une somme de 19 849 euros hors taxes,

- Débouté la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes de toutes ses demandes,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P] une somme de 2 000 euros fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes aux entiers dépens de l'instance et de ses suites,

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le tribunal a considéré que :

- en application des articles L.426-7 du code de l'environnement, 9, 754 et 769 du code de procédure civile, la déclaration du 5 juin 2021 adressée à la FDC 40 indique que l'apparition des premiers dégâts date du 18 mai 2021, soit moins de 6 mois avant l'action en réparation intentée par M. [P] le 9 novembre 2021 ; qu'en conséquence cette action est recevable.

- M. [P] ne recherche plus la responsabilité de la FDC 40 sur le fondement de la faute délictuelle de l'article 1240 du code civil dès lors que le droit à indemnisation résulte de la seule constatation des dégâts causés par le grand gibier aux cultures et récoltes, l'indemnisation étant sollicitée sur le fondement des articles R 426-10, L 426-1 à L 426-6 et R 426-1 à R 426-19 du code de l'environnement.

- la surface sinistrée des cultures de maïs waxy dégradée par les sangliers doit être fixée à 7 ha 09 a 31 ca, soit celle retenue par l'expert foncier agricole dont la méthodologie de travail a été validée dans la décision de la commission nationale d'indemnisation du 8 septembre 2022,

- au regard des divers barèmes applicables en la matière, il convient de condamner la FDC 40 à payer à M. [P], au titre de l'indemnisation des dégâts occasionnés par des sangliers à ses cultures de maïs waxy, une somme de 19 849 euros hors taxes.

Par déclaration reçue au greffe le 20 février 2023, la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes 40 a interjeté appel à l'encontre des dispositions du jugement rendu en ce qu'il a :

- Déclaré recevable l'action engagée le 9 novembre 2021 par M. [P] à l'encontre de la FDC40,

- Fixé à 7,1931 hectares la superficie des cultures de maïs waxy dégradée par les sangliers,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P], en réparation de son préjudice, la somme de 19 849 euros hors taxes,

- Débouté la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes de toutes ses demandes,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et suites de l'instance.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes, appelante, demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles L 426-1 à L 426-4 du code de l'environnement,

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan du 10 Janvier 2023

- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan du 10 Janvier 2023, en ce qu'il a :

- Fixé à 7,1931 hectares la superficie des cultures de maïs Waxy de M. [P] dégradée par les sangliers,

- Condamné la Fédération Départementales des Chasseurs des Landes à payer à M. [P], en réparation de son préjudice, une somme de 19 849 euros Hors taxes.

- Débouté la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes de toutes ses demandes,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P] une somme de 2 000 euros fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes aux entiers dépens de l'instance.

Par conséquent,

- Débouter M. [P] de sa demande indemnitaire fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, en l'absence de faute commise par la fédération départementale des chasseurs des Landes,

- Débouter M. [P] de sa demande indemnitaire fondée sur les dispositions des articles L 426-1 à L 426-4 du code de l'environnement,

- dire et juger que l'indemnisation en application des articles L 426-1 à L 426-4 du code de l'environnement sera réduite de 50% eu égard au comportement de M. [P], lequel refuse de piéger ou encore de clôturer la partie située face à la zone forestière, constitutif d'une faute ayant contribué aux dégâts.

- dire et juger que la surface sinistrée est de 5,91 hectares,

Par conséquent,

- fixer l'indemnisation à la somme de 8 392,72 euros,

- condamner M. [P] à verser à la Fédération départementale des chasseurs des Landes, la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Y ajoutant,

- Condamner M. [P] à verser à la Fédération départementale des chasseurs des Landes, la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en cause d'appel.

La Fédération Départementale des Chasseurs des Landes fait valoir au soutien de son appel :

- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où elle a mis en place diverses campagnes afin de maîtriser la population des sangliers,

- qu'ainsi M. [P] ne peut prétendre à l'indemnisation de son entier préjudice mais simplement à la perte de ses récoltes sur le fondement du code de l'environnement,

- que l'indemnité due à M. [P] doit être réduite dans la mesure où sa parcelle cultivée n'est pas clôturée et jouxte une zone forestière, alors que les autres parcelles voisines sont clôturées, et qu'il refuse de piéger,

- qu'il faut appliquer le barème arrêté par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, en application des articles L 426-1, R 426-3 et R 426-11 du code de l'environnement, ce que n'a pas fait l'expert, ainsi que l'abattement proportionnel de 2% prévu à l'article L 426-3 du code de l'environnement,

- qu'un abattement de 50% doit être appliqué en raison du comportement de M. [P] favorisant la venue du gibier sur ses parcelles, donc l'indemnisation doit s'élever à 8 392,72 euros.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [T] [P], intimé, demande à la cour de :

Vu les articles L. 426-1 à L. 426-4 du code de l'environnement,

Vu l'article R. 426-17 du code de l'environnement,

Vu la décision de la Commission Nationale d'Indemnisation des Dégâts de Gibier du 07 septembre 2022,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2023 par le Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan.

- Condamner ainsi la Fédération départementale des chasseurs des Landes à payer à M. [P] la somme de 19 849 euros HT en réparation de son préjudice outre

une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles de première instance.

- La condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles devant la Cour.

- Rejeter la demande présentée par la Fédération départementale des chasseurs des Landes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [P] fait valoir :

- qu'il a abandonné son argumentation sur l'article 1240 du code civil de sorte que les développements de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes sur son absence de faute sont inopérants,

- que l'expert a effectué un travail précis de repérage des dégâts par drone puis d'identification des dégâts sur place,

- que les estimateurs de la fédération ont refusé d'assister à cette expertise,

- que pour l'expert, le sinistre représente une perte de 100% de la récolte sur une surface cumulée de 7,0931 ha soit une moyenne de 13,32 % de la surface totale semée,

- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, étant précisé que la Direction Départementale des Territoires et de la Mer, service nature et forêts, a, dans sa lettre

recommandée du 19 avril 2022 décidé de maintenir la décision de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes en actant définitivement une indemnisation d'un montant de 16 785,45 € résultant du montant total des pertes de récoltes retenues par les estimateurs de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes soit 17 128 € dont était déduit un abattement de 2% soit un montant de 342,55 €,

- qu'en outre il a mis en place de nombreuses mesures pour éviter la venue de gibier sur ses parcelles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2024.

MOTIFS :

A titre liminaire, il est relevé que, bien que l'appel de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes ait également porté sur la recevabilité de l'action de M. [P], cette recevabilité retenue par le premier juge n'est plus discutée devant la cour.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef faute de moyen soutenu à ce titre.

Sur'la demande de réparation présentée par M. [P] :

Le code de l'environnement a prévu une procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier.

Selon l'article L426-1 du code de l'environnement, en cas de dégâts causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles soit par les sangliers, soit par les autres espèces de grand gibier soumises à plan de chasse, l'exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état, une remise en place des filets de récolte ou entraînant un préjudice de perte de récolte peut réclamer une indemnisation sur la base de barèmes départementaux à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs.

Les articles R426-1 et suivants du même code définissent les modalités d'indemnisation par la fédération départementale des chasseurs après expertise.

L'article R426-13 prévoit notamment que le président de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs désigne le ou les estimateurs chargés de procéder à l'expertise des dégâts[...] L'expertise des dégâts déclarés en période de récolte ou après mise en 'uvre de travaux, a lieu dans un délai de huit jours ouvrés à compter de la date de réception de la demande d'indemnisation, transmise par courrier ou par télédéclaration, au président de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. Dans les autres cas, l'estimateur peut intervenir dans un délai décidé en accord avec l'exploitant ou, à défaut, dans un délai de quinze jours.[...]La parcelle culturale objet des dommages ne doit pas être récoltée avant l'expertise ou l'expiration du délai prévu pour celle-ci au cinquième alinéa du présent article. Si l'estimateur ne s'est pas présenté dans ce délai pour constater les dégâts, son estimation est réputée conforme à celle du demandeur. L'estimation des dégâts est également celle du demandeur lorsqu'aucun estimateur n'a été désigné.

Parallèlement à la procédure d'indemnisation non contentieuse, une procédure judiciaire d'indemnisation est prévue par les articles L 426-1 et suivants du code de l'environnement.

Plus précisément, les articles L. 426-7, L. 426-8 et R. 426-20 et suivants du code de l'environnement, ouvrent droit à l'indemnisation judiciaire des dégâts aux récoltes après phase de conciliation infructueuse prévue par l'article R426-23 du code de l'environnement, et sur la base d'une expertise.

En effet, les fédérations départementales de chasseurs ont pour mission d'élaborer le schéma départemental de gestion cynégétique, qui inclut tant les plans de chasse que les plans de gestion, et d'assurer, sur un territoire donné, en conciliant notamment les intérêts agricoles, la gestion, le suivi, le comptage et l'encadrement des prélèvement des espèces de petit gibier, ou encore la destruction des espèces nuisibles.

Par conséquent, les fédérations départementales de chasseurs sont responsables des dégâts occasionnés par le grand gibier, cette responsabilité étant la contrepartie de la mise en place et de l'application du schéma départemental de gestion cynégétique ainsi que de la mise en oeuvre d'actions de gestion de ce gibier.

La victime des dégâts dispose d'une option dans le cadre de son action judiciaire :

- soit agir en réparation intégrale de son préjudice sur la base de la responsabilité de la fédération de chasse qui suppose que la victime démontre, d'une part, que les dommages causés à ses cultures ou ses récoltes sont le fait d'un gibier en nombre excessif et, d'autre part, que cette surabondance est consécutive à une absence de mesures prises pour empêcher la prolifération de celui-ci,

- soit agir en réparation forfaitaire de la perte de récoltes sur la base d'un régime de responsabilité sans faute tel que prévu par les articles précités du code de l'environnement relatifs à la phase non contentieuse, permettant une indemnisation conformément au barème administratif applicable, si la victime n'a pas obtenu satisfaction sur ce point dans le cadre de ses démarches amiables.

En l'espèce, l'action de M. [P] relève de cette seconde option, M. [P] ayant abandonné dès la première instance toute référence aux dispositions de l'article 1240 du code civil ; il ne lui appartient donc pas de prouver la faute de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à l'origine du préjudice subi ; la seule constatation des dégâts aux cultures liés au grand gibier suffit à ouvrir droit à indemnisation.

A ce titre, M. [P] produit le rapport d'expertise de M. [X], expert foncier, ayant estimé la surface de maïs sinistrée à 7,0931 hectares représentant 13,32% de la surface totale cultivée en maïs Waxy.

Pour ce faire, l'expert a utilisé le survol par drone avec clichés aériens puis la visite systématique des parcelles concernées.

La Fédération Départementale des Chasseurs des Landes remet en cause cette méthodologie au motif que le survol par drone n'est pas préconisé dans le cadre des expertises amiables devant la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), et retient pour sa part une estimation de 5,91 hectares sinistrés.

Or, il résulte des éléments produits que la méthodologie retenue par les estimateurs de la CDCFS consiste uniquement à visiter à pied les parcelles et à procéder par sondages lorsque les dégâts sont diffus, et le compte-rendu d'estimation , très succinct, n'explicite pas comment il est parvenu à retenir la surface précise de 5,91 hectares.

Par ailleurs, M. [P] établit que la méthodologie d'estimation conjuguant repérage par drone et visite à pied des parcelles sinistrées est communément admise dans le milieu agricole et fait l'objet d'un protocole à l'étude en Gironde, et que cette méthode a été validée par la commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier dans une décision du 7 septembre 2022 infirmant la décision de la CDCFS et retenant la surface sinistrée de 7,09 hectares telle que fixée par l'expert M. [X].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu cette superficie.

S'agissant du calcul de l'indemnité, il convient de se référer au barème administratif conduisant à appliquer le prix de 22,82 € (19,82 + 3€ de prime) à chaque quintal de récolte de maïs perdu, soit 877,30 quintaux estimés par l'expert pour les parcelles sinistrées, ce qui permet de fixer en l'espèce la base indemnitaire à 20 019,98 €.

De ce montant est déduit l'abattement proportionnel de 2% des articles L426-3 et R426-11 alinéa 2 du code de l'environnement, soit en l'espèce 400,39 €.

La Fédération Départementale des Chasseurs des Landes entend également voir réduire cette indemnité de 50% au motif que M. [P] aurait commis une faute contribuant à son propre dommage en ne clôturant pas sa parcelle alors qu'elle se trouve en lisière de bois, et en ne piégeant pas les animaux.

Or, il est rappelé :

- que la CDCFS elle-même n'avait pas retenue une telle réduction d'indemnisation dans sa proposition initiale formulée à hauteur de 16 785,45 €, le seul différend avec M. [P] portant sur la surface sinistrée,

- qu'il n'existe aucune obligation réglementaire à la charge des exploitants agricoles de clôturer les parcelles cultivées, alors en outre que l'une des missions de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes est précisément de lutter contre l'engrillagement des parcelles,

- que les dégâts en litige sont attribués au gros gibier, et à plus de 80% aux sangliers, et qu'il ne peut être reproché à M. [P], non chasseur, de ne pas piéger une telle espèce, alors au contraire qu'il ressort de la mission de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes de limiter la surpopulation de sangliers,

- que M. [P] a mis en oeuvre divers moyens pour limiter la venue du gibier sur ses parcelles: nettoyage de la zone boisée sur sa propriété, limitation de sa surface en maïs à 69% contre 95% autorisés, et augmentation de la jachère, création de longs secteurs enherbés, entretien des fossés mitoyens et des pistes des propriétaires forestiers riverains.

Dans ces conditions, la cour estime qu'aucune réduction d'indemnisation, autre que l'abattement proportionnel, ne doit être appliquée à M. [P] comme le sollicite la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes.

Ainsi l'indemnisation allouée à M. [P] s'élève à :

20 019,98 - 400,39 = 19 619,59 € HT.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le surplus des demandes :

La Fédération Départementale des Chasseurs des Landes, succombante en son recours, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel et à payer à M. [P] la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s'ajoutant à celle allouée à M. [P] en première instance.

La demande de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris, hormis sur le montant de l'indemnité de perte de cultures allouée à M. [P],

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant,

Condamne la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P] la somme de 19 619,59 € HT au titre des pertes de cultures pour la campagne 2021,

Condamne la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes à payer à M. [P] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Déboute la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00567
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.00567 ?
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