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25/06/2024 | FRANCE | N°23/00462

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 juin 2024, 23/00462


AB/SB



Numéro 24/02113





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 25/06/2024







Dossier : N° RG 23/00462 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOJB





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par un intermédiaire







Affaire :



[Z] [Y]



C/



[G] [B],

S.A. AXA FRANCE VIE, S.A.S. AXA WEALTH SERVICES
















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Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditio...

AB/SB

Numéro 24/02113

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 25/06/2024

Dossier : N° RG 23/00462 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOJB

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par un intermédiaire

Affaire :

[Z] [Y]

C/

[G] [B],

S.A. AXA FRANCE VIE, S.A.S. AXA WEALTH SERVICES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Avril 2024, devant :

Madame BLANCHARD, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,

Madame [P], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame BLANCHARD, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Z] [Y]

née le 11 Mars 1962 à [Localité 9] (PAYS BAS)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Maître GALLARDO, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Monsieur [G] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU et assisté de Maître PERICARD, de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS

SA AXA FRANCE VIE immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 310 499 959, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

SA AXA WEALTH SERVICES immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 813 719 259, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentées par Maître CHATEAU de la SCP JEAN LUC SCHNERB - JULIE CHATEAU - ANCIENNEMENT DANIEL LACLA U, avocat au barreau de PAU et assistées de Maître BESSERMANN de LAWINS AVOCATS-AARPI, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 24 JANVIER 2023

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU

RG numéro : 21/01842

EXPOSE DU LITIGE :

Le 14 octobre 2003, Mme [Z] [Y] a souscrit un contrat d'assurance-vie dénommé Amadeo n°690/202 auprès de la société AXA France Vie par l'intermédiaire de M. [G] [B], agent général d'assurance pour le compte du groupe AXA.

Le 21 janvier 2020, souhaitant débloquer des fonds placés sur ce contrat d'assurance-vie, Mme [Y] s'est rapprochée de M. [B] afin qu'il effectue une simulation précise des coûts fiscaux inhérents.

Ainsi, Mme [K] [V], collaboratrice de M. [B] a sollicité de l'équipe Opération Gestion Privée d'AXA Wealth Services, une simulation de rachat total de ce contrat, qu'elle a ensuite transmise à Mme [Y].

Mme [Y] a procédé à un rachat partiel des fonds à hauteur de 390 000 euros en choisissant l'application du régime de l'impôt sur le revenu, après que M. [B] lui ait communiqué des simulations relatives aux incidences fiscales du choix entre le régime de l'impôt sur le revenu et celui du prélèvement forfaitaire libératoire.

À la réception de son avis d'imposition, Mme [Y] a constaté que ce rachat partiel avait donné lieu à une imposition d'un montant de 39 470 euros, soit une imposition largement supérieure à ce que mentionnait la simulation transmise.

Par acte du 16 novembre 2021, Mme [Y] a assigné M. [B] et la société AXA Wealth Services devant le tribunal judiciaire de Pau en réparation de son préjudice.

Suivant jugement contradictoire du 24 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Pau a :

- Débouté la SAS AXA Wealth Services de sa demande de mise hors de cause ;

- Reçu la société AXA France Vie en son intervention volontaire ;

- Débouté Mme [Z] [Y] de ses demandes formées à l'encontre de la société AXA France Vie et de la SAS AXA Wealth Services ;

- Condamné M. [G] [B] à payer à Mme [Z] [Y], la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- Débouté Mme [Z] [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice fiscal ;

- Condamné M. [G] [B] aux entiers dépens ;

- Condamné M. [G] [B] à verser à Mme [Z] [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société AXA France Vie et la société AXA France Vie de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que :

- la mise hors de cause de la SAS Wealth Services ne peut résulter du seul fait de l'absence de lien contractuel avec l'assurée,

- même si M. [B] souligne sa qualité d'intermédiaire en assurances, il reste celui qui a transmis en l'état à Mme [Y], sans autre forme de mise en garde, les simulations dont l'objectif était particulièrement précisé par celle-ci, à savoir, les conséquences fiscales du rachat de l'assurance-vie ; M. [B] était redevable, a minima, d'une obligation d'information sur le caractère erroné du tableau transmis par la SAS AXA Wealth Services concernant l'imposition à l'IRPP en raison des données fiscales incomplètes de l'assurée transmises pour le calcul de ces simulations ; en conséquence, la responsabilité délictuelle de M. [B] à l'égard de Mme [Y] se trouve engagée.

- aucun manquement contractuel n'est caractérisé par Mme [Y] comme imputable à la société AXA France Vie au titre de l'inexécution par M. [B] de son obligation d'information ; Mme [Y] ne démontre pas l'existence d'un lien juridique entre la société AXA France Vie et la société AXA Wealth Services de nature à faire endosser une part de responsabilité à la première ; le manquement qui résulte de la sollicitation faite directement auprès de la SAS Wealth Services pour obtenir des simulations fiscales n'entre pas dans le cadre du mandat délivré à M. [B] par la société AXA France Vie.

- s'agissant de la SAS AXA Wealth Services, elle n'était pas informée que sa réponse serait transmise en l'état, en dehors de toute information complémentaire, à Mme [Y] ; Mme [Y] ne caractérise pas la faute délictuelle qu'aurait pu commettre la société AXA Wealth Services,

- si l'agent d'assurance est tenu d'une obligation d'information l'obligeant à transmettre à ses clients des informations fiables pour qu'ils orientent leur choix, il ne peut en matière d'élection à un régime d'imposition, être tenu d'une obligation de conseil dont l'exécution supposerait, outre des compétences acquises en matière de fiscalité, un accès aux données fiscales de son client ; alors qu'elle ne sollicite pas une indemnisation au titre de la perte d'une chance, il ne peut être tenu pour acquis que si Mme [Y] avait été éclairée sur les insuffisances des simulations transmises par M. [B] concernant l'option de l'IRPP, elle aurait nécessairement opté pour le prélèvement forfaitaire obligatoire ; Mme [Y] est donc déboutée de sa demande,

- le manquement de M. [B] à son obligation d'information sur les insuffisances des simulations transmises a occasionné à Mme [Y] un préjudice moral certain au regard de la quinzaine d'années d'exécution du contrat d'assurance-vie et des relations commerciales tissées entre eux, notamment à l'occasion de rachats antérieurs.

Par déclaration reçue au greffe le 8 février 2023, Mme [Z] [Y] a interjeté appel à l'encontre des dispositions du jugement rendu en ce qu'il a :

- Débouté Mme [Z] [Y] de ses demandes formées à l'encontre de la société

AXA France Vie et de la SAS AXA Wealth Services ;

- Débouté Mme [Z] [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice fiscal.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [Z] [Y], appelante, demande à la cour de :

Vu les articles 1142 et 1147 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article L 533-13 du code monétaire et financier,

- Voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la faute de M. [B] et l'a condamné à régler une indemnité de 3 000 euros au titre du préjudice moral.

- Voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [B] à régler une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de première instance.

- Voir réformer le jugement et dire que les sociétés AXA France Vie et AXA Wealth Services sont tenues in solidum avec M. [B] de la condamnation prononcée au titre du préjudice moral.

- Voir réformer le jugement entrepris et condamner in solidum M. [B], la société AXA France Vie et la société AXA Wealth Services à régler à Mme [Y] une indemnité d'un montant de 39 470 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021, date de réception de la première mise en demeure.

- Voir réformer le jugement entrepris et les voir condamner in solidum à régler une indemnité d'un montant de 10 000 euros au titre du trouble dans les conditions d'existence.

- Les voir condamner à régler une indemnité d'un montant de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

- Les voir condamner aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de son appel, Mme [Z] [Y] fait valoir :

-que M. [B] a manqué à son devoir de conseil, lequel est renforcé s'agissant d'un agent général d'assurance, auquel il appartient d'éclairer ses clients sur les conséquences financières de leurs choix en matière de gestion de leurs avoirs,

-qu'en matière d'assurance-vie, la Cour de Cassation a affirmé que les agents d'assurance avaient une obligation d'informer leurs clients sur les conséquences fiscales d'une décision de gestion,

-que cette obligation est reprise à l'article L533-13 du code monétaire et financier,

-que Mme [Z] [Y] n'a pas été privée de conseil, mais a été induite en erreur sur le choix fiscal à opérer, car elle a reçu un tableau lui présentant un coût fiscal de 14 697 € + 18 311,92 € si elle optait pour le prélèvement forfaitaire, et de 18 311,92 € si elle optait pour l'imposition sur le revenu, ce qui la conduisait à un choix évident de la deuxième option,

-que l'agent d'assurance ne devait pas faire une telle proposition sans connaître ses autres revenus, et aurait dû dans ce cas mentionner dans le tableau que l'imposition en cas de choix de l'IR était indéterminable,

-que la SAS AXA Wealth Services a commis une erreur en réalisant ce tableau, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle, et la SA AXA France Vie, seule co contractante de Mme [Z] [Y], engage sa responsabilité contractuelle pour avoir permis l'intervention de la SAS AXA Wealth Services à l'égard de Mme [Z] [Y],

-M. [B] engage sa responsabilité pour avoir transmis le tableau erroné sans commentaire ni conseil à sa cliente,

-que Mme [Z] [Y] a bien subi un préjudice fiscal indemnisable, car il s'agissait de faire un choix binaire, et si elle avait été correctement conseillée elle aurait opté pour le prélèvement forfaitaire ; la différence entre les deux impositions (39470 €) est un préjudice certain et non une perte de chance,

-qu'en outre Mme [Z] [Y] a subi un préjudice moral car elle a dû faire diverses démarches vis-à-vis d'Axa, et a dû faire un prélèvement sur son contrat d'assurance vie pour régler le surcoût d'imposition.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [G] [B], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

A titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un prétendu préjudice fiscal ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [B] à verser la somme de 3 000 euros à Mme [Y] au titre d'un préjudice moral ;

Statuant à nouveau,

- Juger que M. [B] n'a pas commis de faute ;

- Juger que Mme [Y] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice, ni du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes alléguées,

- Débouter en conséquence Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et

prétentions à l'encontre de M. [B].

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute responsabilité des sociétés AXA France Vie et AXA Wealth Services,

Statuant à nouveau,

- Condamner les sociétés AXA France Vie et AXA Wealth Services à garantir et relever indemne M. [B] de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [Y] à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

M. [B] soutient pour sa part :

-qu'il n'est lié par aucun contrat avec l'assurée, seule sa responsabilité délictuelle pouvant être recherchée,

-que l'article L533-13 du code monétaire et financier invoqué par Mme [Z] [Y] ne lui est pas applicable, car un agent général d'assurance n'est pas un prestataire en services d'investissements, ces services étant limitativement énumérés par le texte précité,

-qu'il n'a commis aucune faute car il n'était pas chargé d'établir une simulation fiscale, Mme [Z] [Y] demandant que cette simulation soit réalisée par AXA,

-que la collaboratrice de M. [B] a transmis telle quelle la demande de Mme [Z] [Y] à la SAS AXA Wealth Services, et M. [B] s'est contenté de servir de simple 'boîte aux lettres',

-qu'en outre la simulation établie par AXA ne comportait aucune préconisation quant au choix à effectuer, et il était facile de s'apercevoir qu'elle était incomplète quant à l'option fiscale relative à l'IR,

-qu'en toute hypothèse Mme [Z] [Y] ne peut réclamer l'indemnisation d'un préjudice fiscal, car elle aurait dû payer l'impôt, et la violation d'une obligation de conseil ne s'indemnise que par le biais de la perte de chance,

-que le préjudice moral invoqué par Mme [Z] [Y] ne concerne pas M. [B], mais AXA,

-qu'il n'y a aucun lien entre le préjudice invoqué et l'intervention de M. [B], et il appartenait à Mme [Z] [Y] de s'apercevoir que le montant de l'IR n'était pas renseigné sur le tableau transmis, ou à tout le moins d'interroger M. [B] ou les services d'AXA,

-qu'à titre subsidiaire la SA AXA France Vie et la SAS AXA Wealth Services lui doivent leur garantie car elles étaient elles-mêmes débitrices d'une obligation de conseil à l'égard de leur assurée, et étaient les seules à même d'établir la simulation demandée.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la société AXA France Vie et la société AXA Wealth Services, intimées, demandent à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer la décision rendue le 24 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Pau en ce qu'elle a débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'AXA France Vie et de AXA Wealth Services ;

- Débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouter M. [B] de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés AXA France Vie et AXA Wealth Services à le garantir et à le relever indemne de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

A titre subsidiaire,

- Condamner M. [B] à garantir et relever indemne AXA France Vie et AXA Wealth Services de toute condamnation qui pourrait être prononcées contre elles.

En tout état de cause,

- Condamner toute partie succombante au paiement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SAS AXA Wealth Services et la SA AXA France Vie font valoir :

-que Mme [Z] [Y], comme elle l'indique dans un courrier versé aux débats, a participé en novembre 2019 à un rendez-vous avec M. [B] pour étudier le rachat partiel de son contrat d'assurance-vie et ses conséquences fiscales, rendez-vous au cours duquel M. [B] lui avait indiqué un montant d'impôts à payer d'environ 60 000 € si elle optait pour l'IR,

-qu'ensuite elle a reçu de M. [B] une simulation mentionnant une imposition moindre de sorte qu'elle a opté pour l'IR,

-que la simulation établie par AXA était adressée exclusivement à l'attention de M. [B], qui l'a transmise directement à Mme [Z] [Y] sans explication alors qu'il n'aurait pas dû le faire,

-qu'en effet seul M. [B] pouvait avoir accès aux données fiscales de Mme [Z] [Y] et savait que la simulation établie par AXA était incomplète,

-que la transmission par AXA de la simulation à M. [B] relevait d'un échange de courriers entre professionnels et ne comportait donc aucune explication,

-que la SAS AXA Wealth Services et la SA AXA France Vie ne sont nullement intervenues en qualité de prestataires de services financiers en l'espèce, et ne sont pas débitrices des obligations incombant à ceux-ci,

-que M. [B] avait, en tant qu'agent général, la charge exclusive de l'obligation de conseil car il est le seul en contact avec les clients,

-que les tableaux établis n'ont aucune valeur contractuelle et sont justes, compte tenu des données dont disposait AXA, de sorte qu'aucune faute ne peut leur être reprochée,

-que la SAS AXA Wealth Services et la SA AXA France Vie n'avaient aucune connaissance des données fiscales de Mme [Z] [Y] pour calculer son imposition sur le revenu, ce que savait M. [B],

-que le tableau transmis n'indique pas une imposition à zéro, mais présente une case vide à la place, car il appartenait à M. [B] de la compléter ou la faire compléter,

-que la simulation a été transmise à M. [B] et non Mme [Z] [Y], et il n'existe ainsi aucun lien de causalité entre le préjudice et la faute alléguée à l'encontre d'AXA,

-qu'en tout état de cause le préjudice de Mme [Z] [Y] ne peut être qu'une perte de chance,

-que Mme [Z] [Y] ne démontre pas l'existence du préjudice moral allégué,

-que les demandes de M. [B] à l'égard des sociétés AXA sont infondées, et au contraire M. [B] doit sa garantie à celles-ci, si elles devaient être condamnées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2024.

MOTIFS :

Sur la responsabilité de M. [B] :

Il est constant entre les parties que Mme [Z] [Y], désireuse de procéder au rachat de l'un de ses contrats d'assurance-vie, a consulté un agent général d'assurance avec lequel elle était en lien depuis une dizaine d'années pour divers contrats, M. [B], afin d'obtenir des renseignements sur le coût de l'opération en prélèvements sociaux et en impôts en cas de rachat total, comme elle l'écrivait à M. [B] par mail du 21 janvier 2020.

A ce stade il importe peu que Mme [Z] [Y] ait écrit à M. [B], son seul interlocuteur, 'j'aurais aimé obtenir une simulation précise (de la part d'Axa) de ce que me coûterait (en impôts et csg etc) le déblocage total de l'assurance vie' ; en effet M. [B] représente AXA vis-à-vis de la cliente qui s'adresse à lui, cette formulation ne signifie donc pas que M. [B] n'était pas destinataire de la demande comme il le prétend.

D'ailleurs la réponse à ce mail est bien adressée par M. [B] à Mme [Z] [Y], et non par la SAS AXA Wealth Services ou la SA AXA France Vie.

Le 18 juillet 2020, après s'être excusée du retard à traiter la demande, la collaboratrice de M. [B] a transmis à Mme [Z] [Y] deux tableaux de simulation de rachat total (option 1 avec le prélèvement forfaitaire obligatoire, option 2 avec l'impôt sur le revenu), sans aucun commentaire accompagnant ces tableaux, en indiquant simplement 'voici ci-dessous la réponse concernant le rachat de votre contrat. Si vous avez des questions, M. [B] sera disponible demain à parti de 9h'.

Le premier tableau intitulé 'simulation option fiscale PFL/PFO' mentionne un montant brut de 452 422,77 €, une assiette d'imposition de 195 972,01 €, un montant du PFL (prélèvement forfaitaire libératoire) de 14 697 €, un montant de prélèvements sociaux de 18 311,92 €, et un montant net à revenir à l'assurée de 419 412,95 €.

Le second tableau 'simulation option fiscale IRPP/PFO' mentionne un montant brut de 452 422,77 €, une assiette d'imposition de 195 972,01 €, une case laissée vide, un montant de prélèvements sociaux de 18 311,92 €, et un montant net à revenir à l'assurée de 434 110,85 €.

Au vu de ces deux simulations, Mme [Z] [Y] a légitimement compris que l'option 2 lui laissait percevoir un montant net supérieur à celui de l'option 1 en cas de rachat de son contrat.

Elle a donc opté pour l'imposition IRPP et non pour le PFO, ce qui en réalité a engendré une imposition de 52 613 € alors qu'il n'est pas contesté qu'en cas d'option pour le PFL Mme [Z] [Y] aurait réglé 13 143 €.

M. [B], en qualité d'agent général d'assurance, n'est pas tenu des obligations spécifiques incombant aux prestataires de services financiers limitativement énumérés à l'article L533-13 du code monétaire et financier, ainsi qu'il le soutient.

En effet, l'agent général d'assurances est un intermédiaire qui représente une ou plusieurs sociétés d'assurances en vertu d'un traité de nomination, dans une situation à la fois de dépendance et d'indépendance par rapport à l'assureur, car l'assureur lui donne mandat de le représenter, mais l'agent général est indépendant quant aux modalités d'exercice de son activité.

Ainsi, s'il n'a aucun lien contractuel direct avec l'assuré qui a conclu ses contrats avec l'assureur, l'agent général répond de ses fautes sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article 1240 du code civil à l'égard de l'assuré qui le consulte en tant qu'intermédiaire ; il est en effet tenu d'un devoir de conseil et d'information renforcé à l'égard de l'assuré (par ex. Civ.2ème, 30 novembre 2023, n° 22-15.077).

En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. [B] a transmis à Mme [Z] [Y], via sa collaboratrice, des simulations effectuées par la SAS AXA Wealth Services à la demande de la SA AXA France Vie, lesquelles s'avéraient incomplètes, et ont induit en erreur Mme [Z] [Y] sur le choix d'imposition à opérer.

Le tableau n°2 (option IRPP) était incomplet, présentant une case vide là où devaient être renseignés les revenus de Mme [Z] [Y] pour calculer son taux d'imposition, car il s'agissait d'une donnée dont ne disposait pas la SA AXA France Vie.

La cour estime, comme le premier juge, que M. [B] a commis une faute en transmettant directement à Mme [Z] [Y] ces tableaux sans commentaire, sans les compléter ou, à tout le moins, sans attirer l'attention de Mme [Z] [Y] sur leur caractère incomplet puisqu'il y manquait des données déterminantes sur le taux d'imposition applicable au rachat du contrat.

M. [B] ne peut s'abriter derrière le fait qu'il ne connaissait pas les revenus de l'assurée, puisque celle-ci l'interrogeait précisément sur l'impôt applicable à son rachat de contrat, cet impôt ne pouvant se déterminer, en cas d'option pour l'IRPP, sans connaître les autres revenus de Mme [Z] [Y].

Il ressort du courrier de Mme [Z] [Y] du 16 juin 2021 adressé à la SA AXA France Vie, que M. [B] avait bien conscience du caractère déterminant de cette information, pourtant absente des tableaux qu'il lui a transmis, puisqu'au cours d'un rendez-vous en novembre 2019 il a alerté verbalement Mme [Z] [Y] sur le fait que le rachat de son contrat pourrait lui coûter jusqu'à 60 000 € d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux.

En transmettant quelques mois plus tard un tableau pour le rachat total du contrat de 452 422,77 € laissant apparaître une imposition de 18 311,92 € en cas d'option pour l'IRPP et de 33 008,92 € en cas d'option pour le PFL, M. [B] a induit Mme [Z] [Y] en erreur sur le choix à faire, et celle-ci a dû finalement régler, compte tenu du rachat partiel à hauteur de 390 000 €, la somme de 52 613 € d'impositions (IR+PS) au lieu de 13 143 €.

De manière pertinente, le premier juge a relevé que M. [B] entretenait avec Mme [Z] [Y] des liens commerciaux depuis plusieurs années, au cours desquelles elle avait toujours opté pour le prélèvement forfaitaire obligatoire lors de rachat antérieurs, et qu'il devait informer Mme [Z] [Y] du caractère incomplet des données transmises et du risque qu'une erreur d'option pouvait engendrer en termes d'imposition.

Le jugement entrepris ayant retenu la responsabilité délictuelle de M. [B] dans la survenance du préjudice subi par Mme [Z] [Y] sera donc confirmé.

Sur la responsabilité de la SAS AXA Wealth Services et la SA AXA France Vie :

Il est constant que la SA AXA France Vie, cocontractante de Mme [Z] [Y], a été interrogée par M. [B] sur les simulations fiscales en cas de rachat du contrat d'assurance-vie, et a consulté la SAS AXA Wealth Services pour établir cette simulation.

Ni la SA AXA France Vie, ni la SAS AXA Wealth Services n'étaient en contract direct avec l'assurée ; elles ne disposaient donc pas d'informations fiscales concernant celle-ci, et la SAS AXA Wealth Services a transmis les simulations dont l'une s'est avérée incomplète, dans le cadre d'un échange avec M. [B]. Ainsi qu'elles le relèvent, il s'agit d'un échange entre professionnels dans le cadre duquel ni la SA AXA France Vie ni la SAS AXA Wealth Services n'étaient tenues d'un devoir de conseil ou de mise en garde à l'égard de l'agent général, auquel seul il appartenait d'exploiter les informations reçues et de les compléter avant de les présenter à Mme [Z] [Y], ou du moins, d'attirer l'attention de Mme [Z] [Y] sur les informations manquantes.

Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la SAS AXA Wealth Services et la SA AXA France Vie n'engageaient pas leur responsabilité à l'égard de Mme [Z] [Y].

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] [Y] de ses demandes à l'égard de la SA AXA France Vie et la SAS AXA Wealth Services, et, par ajout au jugement, M. [B] sera débouté de ses demandes à l'égard de la SA AXA France Vie et la SAS AXA Wealth Services.

Sur le préjudice matériel subi par Mme [Z] [Y] :

Mme [Z] [Y] demande la condamnation des intimées à lui payer la somme de 39470 € correspondant au surcoût d'imposition qu'elle a dû régler en optant pour l'IRPP au lieu du PFL.

Il est exact, ainsi que relevé par le premier juge, que quelle que soit l'option choisie par Mme [Z] [Y], celle-ci aurait été soumise à l'imposition.

Mais il est établi qu'en cas d'option pour le PFL, elle aurait réglé 13 143 €, alors qu'elle a réglé 52 613 €.

L'écart entre les deux sommes est la conséquence du choix par Mme [Z] [Y] de l'option IRPP.

Or ce choix résulte directement de la défaillance de M. [B] dans les informations transmises.

En effet, contrairement à ce que soutient M. [B], le préjudice est certain et non hypothétique car Mme [Z] [Y] avait un choix binaire à effectuer ; il est certain qu'elle aurait choisi l'option PFL si elle avait disposé d'un tableau n°2 correctement renseigné, ou si elle avait eu son attention attirée par M. [B] sur le caractère nécessairement incomplet du tableau n°2 et des conséquences d'un choix pour l'IRPP compte tenu de l'existence d'autres revenus, puisqu'il lui aurait été exposé qu'elle ne paierait que 13 143 € d'impôts au lieu de 52 613 €, et il n'est pas concevable qu'elle choisisse dans ces conditions de payer davantage d'impôts alors que ses démarches envers M. [B] étaient précisément d'obtenir le conseil lui permettant de choisi l'option la moins coûteuse.

Par conséquent M. [B] sera condamné à payer à Mme [Z] [Y] la somme de 39 470 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice moral de Mme [Z] [Y] :

Le manquement de M. [B] à son devoir de conseil a généré, au delà d'un préjudice matériel, un préjudice moral pour Mme [Z] [Y], ayant été contrainte de réaliser de nombreuses démarches pour tenter vainement auprès d'AXA de revenir sur son option pour l'IRPP, et de devoir procéder à un prélèvement non désiré sur le reliquat de son assurance vie pour régler le surcoût d'imposition ; le premier juge a justement réparé ce préjudice par l'allocation de la somme de 3000 € à Mme [Z] [Y], et sera confirmé sur ce point.

En revanche, la demande nouvelle devant cette cour de 10 000 € supplémentaires pour 'troubles dans les conditions d'existence' sera rejetée, par ajout au jugement, dans la mesure où Mme [Z] [Y] n'établit pas l'existence de ce préjudice par une quelconque pièce.

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

M. [B], succombant, sera condamné aux dépens d'appel et à payer à Mme [Z] [Y] la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [Z] [Y] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice fiscal,

Condamne M. [B] à payer à Mme [Z] [Y] la somme de 39 470 € à titre de dommages-intérêts,

Confirme le jugement entrepris sur le surplus,

y ajoutant,

Déboute M. [B] de ses demandes aux fins d'être relevé et garanti de toute condamnation par la SAS AXA Wealth Services et la SA AXA France Vie,

Déboute Mme [Z] [Y] de sa demande de dommages-intérêts de 10 000 € pour 'troubles dans les conditions d'existence',

Condamne M. [B] à payer à Mme [Z] [Y] la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne M. [B] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00462
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.00462 ?
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