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25/06/2024 | FRANCE | N°21/02992

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 juin 2024, 21/02992


BR/CD



Numéro 24/02121





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 25/06/2024







Dossier : N° RG 21/02992 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H7FD





Nature affaire :



Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance-crédit







Affaire :





SA BPCE VIE

(SA BPCE PREVOYANCE)







C/



[O] [V]



























Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévu...

BR/CD

Numéro 24/02121

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 25/06/2024

Dossier : N° RG 21/02992 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H7FD

Nature affaire :

Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance-crédit

Affaire :

SA BPCE VIE

(SA BPCE PREVOYANCE)

C/

[O] [V]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 29 Janvier 2024, devant :

Madame REHM, magistrate honoraire chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,

Madame REHM, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame de FRAMOND, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA BPCE VIE

prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est sis

[Adresse 5]

[Localité 6]

(Et venant aux droits de la SA BPCE PREVOYANCE

prise en la personne de son Directeur général, dont le siège social est sis

[Adresse 2]

[Localité 6])

Représentée par Maître MARCEL, avocat au barreau de PAU

Assistée de Maître CARDON de la SCP HERALD (anciennement GRANRUT AVOCATS), avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [O] [V]

né le [Date naissance 1] 1968 à[Localité 7]r

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté Maître GALLARDO, avocat au barreau de PAU

Assisté de la SCP GOGUYER LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat au barreau de l'ARIEGE

sur appel de la décision

en date du 29 JUIN 2021

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU

RG numéro : 19/00751

EXPOSE DU LITIGE

Le 04 août 2012, Monsieur [O] [V] a souscrit auprès de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique (ci-après BPACA), un contrat de prêt n° 0043224474311100 pour un crédit renouvelable d'un montant de 8 000 euros.

Le 04 août 2012, Monsieur [O] [V] a fait une seconde demande de prêt afin de financer un rachat de crédit auprès de la BPACA qui, le 20 septembre 2012, lui a notifié son accord pour un prêt de trésorerie n° 8702848 d'un montant de 35 000 euros.

Afin de garantir ces deux contrats de prêt, Monsieur [O] [V] a adhéré le 04 août 2012, au contrat d'assurance groupe n° 1101 proposé par la compagnie BPCE, par l'intermédiaire du gestionnaire, la SA CBP, en optant pour les garanties 'Décès-Perte totale et irréversible d'autonomie-incapacité temporaire à hauteur de 100 %'.

A l'occasion de chacune de ces demandes d'adhésion, Monsieur [O] [V] a rempli un questionnaire de santé faisant état, pour les deux questionnaires, d'une hospitalisation de 5 jours en 2003 pour des hémorroïdes et répondant par la négative à l'ensemble des autres questions.

Monsieur [O] [V] a été placé en arrêt de travail le 15 septembre 2014, arrêt prolongé jusqu'au 26 décembre 2015 ; il a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail à compter du 27 décembre 2015 qui a été régulièrement prolongé jusqu'au 16 mars 2016.

Le 17 mars 2016, le médecin du travail a établi un certificat d'inaptitude "susceptible d'être en lien avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle en date du 02 octobre 2014".

Monsieur [O] [V] a demandé à bénéficier des deux contrats d'assurance sur la base d'une attestation médicale destinée à l'assureur, établie le 08 décembre 2014 par son médecin traitant le Docteur [K] [L] pour une tendinopathie bilatérale de la coiffe des rotateurs et une arthropathie bilatérale acromio-claviculaire évolutive-maladie professionnelle, le Docteur [K] [L] fixant la date des premiers symptômes au 03 janvier 2014, celle de la première constatation médicale au 17 juillet 2014, celle à laquelle le diagnostic a été porté au 12 juin 2014 et la date de début des soins ou traitements au 17 février 2014 et signalant comme antécédents médicaux, un écrasement du pouce droit le 21 octobre 2013 traité pendant 7 jours par des antalgiques.

Par courrier en date du 19 janvier 2015, la SA CPB a fait savoir à Monsieur [O] [V] qu'elle acceptait de prendre en charge en sa qualité d'assureur, son incapacité de travail du 15 septembre 2014, à hauteur de 235 euros par mois pour le prêt n° 0043224474311100 et sur la base d'un douzième du salaire annuel net imposable, soit un salaire moyen net mensuel de 1 777,25 euros par mois pour le prêt n° 8702848, et ce à compter du 25 décembre 2014 pour le premier prêt et du 14 décembre 2014 pour le second prêt compte tenu de la franchise contractuelle de 90 jours.

A compter du 27 décembre 2015, Monsieur [O] [V] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail pour une affection touchant l'épaule droite et il a sollicité le maintien de la garantie en communiquant à l'assureur une attestation médicale de son médecin traitant, le Docteur [K] [L], en date du 09 février 2016 indiquant que l'arrêt de travail était lié à une arthropathie dégénérative acromio-claviculaire droite dont les premiers symptômes étaient apparus le 10 novembre 2011 avec une date de diagnostic fixée au 09 septembre 2012 et la date du début des soins ou des traitements fixée au 10 novembre 2011 ; à la question qui lui était posée de savoir si "actuellement, l'assuré recevait des soins ou des traitements pour une autre cause que l'arrêt en cours" le Docteur [K] [L] a coché la case "OUI" en précisant que Monsieur [O] [V] bénéficiait d'une kinésithérapie depuis le 10 novembre 2011.

Au vu de ce document, l'assureur a cessé toute prise en charge à compter du mois de décembre 2015 et l'a fait savoir à Monsieur [O] [V] par deux courriers recommandés avec accusé de réception en date des 15 et 16 juin 2016, lui reprochant de ne pas avoir déclaré tous ses antécédents médicaux lorsqu'il avait signé les questionnaires de santé le 04 août 2012, de sorte que les adhésions étaient annulées et que l'assureur ne pouvait poursuivre le règlement des prestations.

Monsieur [O] [V] ayant sollicité des précisions, par courrier en date du 21 juillet 2016 le médecin conseil de la SA BPCE PREVOYANCE lui a répondu que l'étude de son dossier médical avait mis en évidence des traitements kinésithérapiques pour des affections orthopédiques depuis 2011 ainsi qu'en avait attesté le Docteur [K] [L] le 09 février 2016, de sorte que Monsieur [O] [V] ne pouvait pas indiquer comme il l'avait fait au mois d'août 2012 dans les deux questionnaires de santé, ne pas être soumis à des soins ou à une surveillance médicale, empêchant ainsi l'assureur d'appréhender le risque garanti.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 novembre 2016 adressé à la SA BPCE PREVOYANCE, Monsieur [O] [V] a contesté la décision de l'assureur en expliquant n'avoir jamais, ni fait l'objet d'un traitement kinésithérapique pour des affections orthopédiques, ni été soumis à des soins ou à une surveillance médicale régulière en 2011 et en joignant à son courrier un certificat du Docteur [K] [L] établi le 24 novembre 2016 indiquant "Je reconnais que la grande complexité de son dossier médical m'a fait commettre une erreur de retranscription des dates sur le document d'assurance du 09 février 2016 ; la pathologie décrite sur ce certificat désignait les suites d'une agression, avec entorse stade 1 acromio-claviculaire gauche, d'évolution favorable bénigne, qui n'a jamais donné lieu à aucun suivi médical ultérieur. Donc pour sa pathologie de l'épaule gauche, les dates exactes sont portées sur le document d'assurance du 08 décembre 2014."

Par courrier en date du 22 décembre 2016, la SA BPCE PREVOYANCE a indiqué à Monsieur [O] [V] que le médecin conseil maintenait sa position et lui a confirmé l'annulation des deux adhésions et le refus de prise en charge par l'assureur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mars 2017, Monsieur [O] [V] a introduit un recours gracieux auprès de la SA BCPE PREVOYANCE à la suite duquel il a reçu une convocation à se rendre pour une consultation auprès du Docteur [P] [U], médecin expert de l'assureur, consultation dont il ne connaîtra pas les suites.

Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée au litige, par exploit du 02 avril 2019, Monsieur [O] [V] a fait assigner la SA BPCE PREVOYANCE devant le tribunal de grande instance de Pau, devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020, devant lequel il a présenté les demandes suivantes :

- ordonner l'exécution forcée des contrats d'assurance litigieux ;

En conséquence :

- condamner BPCE PREVOYANCE au versement des garanties contractuellement prévues, à savoir, 235 euros mensuels pour le prêt n° 0043224474311100 et 1 777,25 euros mensuels pour le prêt n° 8702848 à compter du mois de décembre 2015, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

En tout état de cause :

- dire et juger que la BPCE engage sa responsabilité contractuelle,

- condamner la BPCE à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis,

- condamner BPCE PREVOYANCE à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire.

La SA BPCE VIE est intervenue volontairement en cours de procédure.

Par jugement contradictoire en date du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Pau a :

- donné acte à BPCE VIE de son intervention volontaire ;

En conséquence :

- débouté BPCE PREVOYANCE et BPCE VIE de leur demande d'expertise,

- condamné BPCE PREVOYANCE et BPCE VIE à verser à Monsieur [O] [V] les garanties contractuellement prévues, à savoir, 235 euros mensuels pour le prêt n° 0043224474311100 et 1 777,25 euros mensuels pour le prêt n° 8702848 à compter du mois de décembre 2015,

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

- condamné BPCE PREVOYANCE et BPCE VIE à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné BPCE PREVOYANCE et BPCE VIE aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP DUALE LIGNEY MADAR, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les motifs du jugement sont les suivants :

Sur la nullité des contrats d'assurance

Après avoir constaté qu'à la question 7 du questionnaire de santé, il était demandé à Monsieur [O] [V] de déclarer les interruptions de travail consécutives à une maladie ou à un accident d'une durée supérieure à 30 jours et dans les 5 ans précédant la souscription du contrat, le premier juge a considéré qu'il n'était pas tenu de déclarer le fait qu'il avait bénéficié d'un arrêt de travail de 6 jours pour une entorse de stade 1 et qu'il avait passé 58 mn dans un établissement hospitalier le 10 novembre 2011, s'agissant de faits bénins ne correspondant pas aux critères des antécédents devant être déclarés selon la question 7.

Par ailleurs, le premier juge a estimé que rien ne permettait de mettre en doute la qualité et la valeur probante du certificat établi le 24 novembre 2016 par le Docteur [K] [L] faisant état d'erreurs de transcription de date.

Le tribunal a ainsi considéré que Monsieur [O] [V] n'avait ni omis ni fait de fausses déclarations pouvant permettre à la BPCE PREVOYANCE de revendiquer la nullité des contrats d'assurance litigieux et a débouté l'assureur de sa demande d'expertise, condamnant par ailleurs ce dernier à payer les sommes réclamées par l'assuré et dues au titre de la garantie des deux crédits et ce à compter du mois de décembre 2015.

Sur les dommages et intérêts

Le tribunal a considéré qu'à partir de l'envoi du certificat établi le 24 novembre 2016 par le Docteur [K] [L], la BPCE PREVOYANCE et la BPCE VIE avaient connaissance de la bonne foi de l'assuré, de sorte qu'en ne versant plus depuis cette date, les sommes dues au titre des garanties souscrites, elles ont engagé leur responsabilité contractuelle au sens des dispositions des articles 1231 et suivants du code civil, causant nécessairement un préjudice à Monsieur [O] [V] qui se trouve depuis plusieurs années privé d'emploi, préjudice pour lequel la BPCE PREVOYANCE et la BPCE VIE ont été condamnées à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par déclaration du 07 septembre 2021, la SA BPCE PREVOYANCE et la SA BPCE VIE ont relevé appel de cette décision, la critiquant en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant donné acte à la SA BPCE VIE de son intervention volontaire.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 02 octobre 2023 par le RPVA, la SA BPCE VIE venant aux droits de la SA BPCE PREVOYANCE demande à la cour, sur le fondement des articles L.113-2 et L.113-8 du code des assurances et des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, de :

A TITRE PRINCIPAL,

- constater que BPCE VIE vient aux droits de BPCE PREVOYANCE depuis le 16 novembre 2022,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pau en ce qu'il a dit que Monsieur [V] n'avait commis aucune fausse déclaration,

Statuant à nouveau :

- juger que le contrat d'assurance est nul,

- débouter Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Monsieur [V] à rembourser à la concluante l'ensemble des sommes qu'il a perçues au titre des contrats, tant antérieurement au jugement, soit 5 943,82 euros, qu'en exécution du jugement ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pau en ce qu'il a rejeté la demande en désignation d'un expert judiciaire ;

Statuant à nouveau :

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

* entendre les parties et leur conseils en leurs explications et observations,

* se faire remettre par les parties, après avoir vérifié leur communication entre elles, tous les documents en leur possession,

* se faire communiquer par tous les tiers qui les détiendraient (médecins, établissements hospitaliers, établissements de soins, organismes de soins, organismes de cure ou de sécurité sociale...) toutes les pièces qui ne lui auraient pas été d'ores et déjà transmises par les parties et dont la production comme l'examen lui paraîtraient nécessaires à l'accomplissement de sa mission, à charge toutefois d'en donner connaissance aux parties,

* entendre tout sachant et notamment le ou les médecins ayant suivi Monsieur [V],

* examiner Monsieur [V], aux fins de procéder à toutes constatations utiles, et prendre connaissance de son dossier médical,

* retracer l'entier historique de l'état de santé général de Monsieur [V] et préciser l'existence d'antécédents par rapport à la date d'effet du contrat,

* étudier l'affection à l'origine de l'arrêt de travail au regard des exclusions de garanties prévues par les contrats,

* dire si l'affection à l'origine de l'arrêt de travail relève d'une des causes d'exclusions prévues aux contrats,

* rechercher si à la date du questionnaire de santé du 4 août 2012, Monsieur [V] présentait des antécédents médicaux et préciser si tous les antécédents médicaux précités ont été signalés par ses soins sur ce questionnaire,

* rechercher si à la date du questionnaire de santé du 4 août 2012, Monsieur [V] présentait les premiers signes de l'affection à l'origine d'arrêt de travail du 15 septembre 2014,

* rechercher si Monsieur [V] avait été antérieurement au même questionnaire assujetti à des médications, à une surveillance médicale, examens ou hospitalisations et indiquer si les réponses de Monsieur [V] au questionnaire de santé du 4 août 2012 étaient exactes et sincères,

* réunir plus généralement tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre s'il y a lieu à la cour de se prononcer sur la validité de l'adhésion de Monsieur [V] au contrat d'assurance,

* de façon générale, apprécier l'état de santé de Monsieur [V] et donner tous les éléments de nature à déterminer si Monsieur [V] répond aux conditions de mise en 'uvre des garanties qu'il a souscrites,

* dire que l'expert devra déposer un pré-rapport dans un délai de 4 mois à compter de sa désignation, qu'il devra inviter les parties à lui faire part de leurs observations sur ce pré-rapport,

* dire que l'expert devra déposer son rapport définitif dans le délai de 6 mois à compter de sa désignation, sauf prolongation,

* fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pau en ce qu'il n'a pas borné la condamnation de BPCE VIE aux limites des stipulations contractuelles de la convention liant les parties,

Statuant à nouveau :

- limiter la mobilisation de la garantie de BPCE VIE aux stricts termes des dispositions contractuelles et, partant, à la perte effective de revenus subie par Monsieur [V],

- condamner Monsieur [V] à transmettre ses justificatifs de revenus sur la période de prise en charge et le condamner à rembourser le trop-perçu ou, à tout le moins, autoriser la concluante à procéder à une compensation avec les montants à devoir ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pau en ce qu'il a condamné la compagnie au paiement de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- rejeter la demande de dommages-intérêts de Monsieur [V],

- condamner Monsieur [V] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [V] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Jean-William MARCEL, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 25 novembre 2022 par le RPVA, Monsieur [O] [V] demande à la cour, sur le fondement des articles L113-2 et suivants du code des assurance et des articles 1134 et 1147 (ancien) du code civil, de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêt à la somme de 8 000 euros ;

En conséquence,

- condamner la BPCE à verser à Monsieur [V] les garanties contractuellement prévues ;

- condamner la BPCE à payer à Monsieur [V] la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la BPCE à payer à Monsieur [V] une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire :

- condamner la BPCE à restituer à Monsieur [V] les sommes mensuellement prélevées au titre des cotisations d'assurance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater que la SA BPCE PREVOYANCE a fait l'objet d'une scission en date du 16 novembre 2022 et que l'ensemble de son portefeuille a été transféré à la SA BPCE VIE, qui est désormais seule concernée par le présent litige et qui vient aux droits de la SA BPCE PREVOYANCE (ci-après la SA BPCE VIE).

1°) Sur la nullité des contrats d'assurance

En application de l'article L.113-2 2° du code des assurances: "L'assuré est obligé : ... :

2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge".

Et l'article L 113-8 du même code ajoute : "Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L.132-26, (erreur sur l'âge de l'assuré) le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.

Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie".

L'article L.113-9 du code des assurances énonce enfin que l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré, dont la mauvaise foi n'est pas établie, n'entraîne pas la nullité de l'assurance.

Ainsi, il appartient à l'assureur d'apporter la preuve de la mauvaise foi dont il se prévaut pour refuser sa garantie, mais il doit également rapporter le preuve que la fausse déclaration a changé l'objet du risque ou en a diminué l'opinion pour l'assureur (Civ. 2e, 3 novembre 2011, n°10-25.818).

Trois conditions cumulatives doivent ainsi être démontrées pour entraîner la nullité du contrat, à savoir :

- une fausse déclaration,

- qui avait un caractère intentionnel,

- et qui a diminué l'opinion du risque pour l'assureur.

La sincérité et l'exactitude des déclarations faites par l'assuré doivent s'apprécier en fonction des questions posées qui peuvent l'être dans des termes prêtant à confusion ou au contraire, de façon précise dans des termes dépourvus de toute ambiguïté pour un lecteur profane, ne laissant pas à l'assuré d'incertitude sur la réponse à donner.

Au préalable, la cour observe que la SA BPCE VIE reproche en appel au tribunal de s'être prononcé sur la réponse à la question n° 7 demandant si "au cours des 5 dernières années il avait dû interrompre son travail plus de 30 jours consécutifs pour maladie ou accident" alors que la SA BPCE VIE estime que c'est aux questions n° 3 et 10 que Monsieur [O] [V] a faussement répondu.

La SA BPCE VIE reproche en effet à Monsieur [O] [V] non pas d'avoir répondu par la négative à la question n° 7, mais :

- d'avoir répondu par la négative à la question n° 3 ainsi libellée "Etes-vous soumis actuellement à un traitement médical, à des soins, à une surveillance médicale '" alors qu'il résulte de l'attestation médicale établie le 09 février 2016 par son médecin traitant, le Docteur [K] [L] qu'à cette date il recevait toujours des soins ou des traitements, en l'espèce des soins de kinésithérapie, pour une autre cause que l'arrêt en cours, et ce depuis, le 10 novembre 2011, de sorte que Monsieur [O] [V] ne pouvait répondre par la négative à cette question n°3 puisque le 04 août 2012, jour où il a répondu au questionnaire de santé, il suivait des soins ou un traitement depuis le 10 novembre 2011 ;

- d'avoir seulement évoqué une intervention pour des hémorroïdes en 2003 avec une hospitalisation de 5 jours, à la question n° 10 ainsi libellée : "Au cours des dix dernières années avez-vous été hospitalisé dans une clinique, un hôpital ou une maison de santé pour un motif autre que : maternité, césarienne, appendicectomie, ablation des amygdales et ou végétations, ablation de la vésicule biliaire, hernie inguinale, hernie ombilicale, varices, hémorroïdes, IVG, chirurgie dentaire, déviation de la cloison nasale '" alors qu'il résulte des piéces médicales communiquées qu'il a été hospitalisé le 10 novembre 2011 et qu'il a bénéficié d'un suivi médical à la suite de cette hospitalisation puisque les relevés de la CPAM démontrent qu'il a bénéficié de soins les 10, 11, 15, 18 et 28 novembre 2011 ainsi que le 15 mars 2012 et qu'il a perçu des indemnités journalières pour la période allant du 10 au 19 novembre 2011.

La SA BPCE VIE soutient que, ce faisant, Monsieur [O] [V] : 

- a commis une fausse déclaration puisque les réponses apportées aux deux questions susvisées étaient érronées ;

- que cette fausse déclaration est intentionnelle dans la mesure où, même si le tribunal a pu estimer que le motif de l'hospitalisation était bénin, il est de jurisprudence constante qu'il n'appartient pas à l'assuré d'apprécier lui-même l'opportunité de ses déclarations alors que le questionnaire de santé complété par l'assuré était clair, précis et dépourvu de toute ambiguïté ;

- que cette fausse déclaration a eu pour conséquence de ne pas permettre à l'assureur d'apprécier en toute connaissance de cause l'objet du risque ou a diminué l'opinion qu'il pouvait en avoir, puisque si Monsieur [O] [V] avait déclaré à l'assureur son état de santé réel, ce dernier aurait pu choisir en toute connaissance de cause, de lui proposer une assurance particulière moyennant l'exclusion de certains risques ou une majoration de la prime ou même refuser de l'assurer.

A titre subsidiaire, la SA BPCE VIE sollicite l'organisation d'une mesure d'expertise médicale.

Monsieur [O] [V] conteste avoir fait de fausses déclarations intentionnelles en soutenant ne pas avoir subi d'hospitalisation en 2011 ; il explique qu'il a été victime au mois de novembre 2011 d'une agression ayant nécessité un passage au service des urgences de la polyclinique d'[Localité 7] (40) et affirme par ailleurs qu'il n'a pas fait l'objet d'un suivi médical pas plus qu'il ne suivait un traitement le 04 août 2012, jour de la signature du questionnaire de santé, contrairement à ce qui a été affirmé par erreur par son médecin traitant dans l'attestation médicale du 09 février 2016 transmise à l'assureur, erreur que le Docteur [K] [L] a reconnue dans son certificat du 24 novembre 2016.

Il fait par ailleurs valoir, que contrairement à ce que soutient la SA BPCE VIE, il ne résulte nullement des relevés de la CPAM versés aux débats qu'il ait bénéficié d'un traitement médical ou d'un suivi de soins réguliers ni depuis le 10 novembre 2011 ni au jour de la signature des questionnaires de santé.

En l'espèce, il est constant que dans le cadre de sa demande d'adhésion à l'assurance, Monsieur [O] [V] a renseigné, le 04 août 2012, un questionnaire de santé pour chaque prêt en répondant de manière identique aux questions posées dans les deux questionnaires ; sa signature apposée à la fin de chaque questionnaire de santé est précédée de la mention suivante : "Je certifie exactes et sincères les déclarations ci-dessus. Je reconnais avoir été averti que toute fausse déclaration ou rétience intentionnelle de nature à fausser l'appréciation de l'état de santé entraîne la nullité de l'assurance conformément à l'article L.113-8 du code des assurances et que les suites et conséquences de certains antécédents de santé déclarés sur le questionnaire de santé peuvent, lors de la décision d'admission, être exclues des garanties perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail, dans le cas où celles-ci sont proposées".

Il est par ailleurs constant que Monsieur [O] [V] à répondu de manière négative à la question n° 3 et a indiqué avoir subi une intervention pour des hémorroïdes avec 5 jours d'hospitalition en 2003 pour la question n°10.

Il est enfin exact que, comme le soutient la SA BPCE VIE, il n'a jamais été reproché à Monsieur [O] [V] le contenu de sa réponse faite à la question n° 7 comme l'a retenu le tribunal, le refus de la garantie de l'assureur étant en lien avec les réponses données aux questions n° 3 et 10 sur lesquelles le tribunal ne s'est pas prononcé.

Il résulte des pièces versées aux débats qu'au moment de la souscription des deux crédits auprès de la BPACA et de la signature des deux questionnaires de santé, Monsieur [O] [V] était salarié et exerçait la profession de technicien auprès de la SARL GOURDON FRERES (les remorques GOURDON) à [Localité 7] (40).

Monsieur [O] [V] a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 15 septembre 2014 suivant un certificat médical initial établi le 02 octobre 2014 par le Docteur [K] [L] ; ce premier arrêt de travail a été prolongé le 31 octobre 2014 jusqu'au 16 décembre 2014.

A la suite de cet arrêt de travail, le Docteur [K] [L] a adressé à l'assureur une attestation médicale datée du 08 décembre 2014 faisant état d'une tendinopathie bilatérale de la coiffe des rotateurs et d'une arthropathie bilatérale acromio-claviculaire évolutive, qualifiée de maladie professionnelle, dont les premiers symptômes sont apparus le 03 janvier 2014, diagnostiquée le 12 juin 2014 et ayant nécessité, malgré les soins apportés depuis le 17 février 2014, un arrêt de travail le 15 septembre 2014 ; dans ce document, le Docteur [K] [L] ne fait état d'aucun antécédents en dehors de l'écrasement du pouce droit survenu le 21 octobre 2013, et il affirme que l'assuré ne reçoit aucun soins ou traitements pour une autre cause que l'arrêt en cours.

Le 16 décembre 2014, le Docteur [I], du service de chirurgie-traumatologie-orthopédie du centre hospitalier de [Localité 8], a établi un nouveau certificat médical d'arrêt de travail initial pour une acromio-claviculaire de l'épaule gauche qualifiée de maladie professionnelle en lien avec la première constatation médicale de la maladie professionnelle du 15 septembre 2014 ; cet arrêt de travail a été régulièrement prolongé jusqu'au 19 janvier 2016.

Alors que l'affection touchant l'épaule gauche était consolidée, Monsieur [O] [V] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail initial établi le 28 décembre 2015 par le Docteur [Y] [H], collaborateur libéral du Docteur [K] [L], en lien avec une arthropathie acromio-claviculaire dégénérative de l'épaule droite et une ostéonécrose du condyle fémoral latéral du genou droit, arrêt de travail qui a été régulièrement prolongé par le Docteur [K] [L] jusqu'au 16 mars 2016 et qui a été suivi par un certificat d'inaptitude en lien avec une maladie professionnelle, établi le 17 mars 2016 par le médecin du travail.

Il n'est pas contesté que Monsieur [O] [V] a finalement été licencié par son employeur pour inaptitude au mois d'avril 2016.

Il n'est pas non plus contesté que le 10 novembre 2011, Monsieur [O] [V] a été victime d'une agression à la suite de laquelle il s'est rendu au service des urgences de la polyclinique d'[Localité 7] (40) où il a été reçu en consultation par un médecin et est reparti le jour même, puisque le bulletin d'hospitalisation indique qu'il est arrivé à 18 h et qu'il est sorti à 18 h 58, de sorte que cette consultation dans un service d'urgences ne peut en aucun cas être qualifiée d'hospitalisation comme le prétend à tort la SA BPCE VIE.

A la suite de cette agression, Monsieur [O] [V] a passé une échographie au centre de radiodiagnostic et d'imagerie médicale d'[Localité 7] (40) le 15 novembre 2011, pour une impotence fonctionnelle et douloureuse post-traumatique de l'épaule qui n'a rien révélé d'anormal, à l'exception d'un "épaississement capsulo-synovial plus prononcé au niveau de l'acromio-claviculaire gauche par rapport à la droite avec douleur élective à la pression, la sonde témoignant d'une entorse stade I à ce niveau."

Conformément à sa demande, la CPAM de Pau a adressé à Monsieur [O] [V] le décompte des réglements intervenus entre le 1er novembre 2011 et le 1er septembre 2012 et contrairement à ce que soutient la SA BPCE VIE, il ne résulte nullement de ces décomptes que Monsieur [O] [V] aurait reçu des soins réguliers entre le 10 novembre 2011 et le 15 mars 2012, ces décomptes ne faisant état que de consultations médicales ponctuelles, de frais pharmaceutiques, d'une hospitalisation le 10 novembre 2011 qui correspond en réalité à son passage au service des urgences de la polyclinique le jour de son agression et dont Monsieur [O] [V] a pu légitimement estimer qu'il ne s'agissait pas d'une véritable hospitalisation puisqu'il n'a bénéficié que d'une consultation dont le coût indiqué est de 25,28 euros (ce qui ne correspond effectivement pas au coût d'une hospitalisation) alors que pour tout un chacun une hospitalisation signifie un hébergement avec attribution d'un lit dans un établissement médical et non un passage de 58 minutes pour une consultation.

Quant aux indemnités journalières versées par la CPAM à Monsieur [O] [V] entre le 10 novembre 2011 et le 13 novembre 2011 (et non pas comme le soutient la SA BPCE VIE entre le 10 novembre 2011 et le 19 novembre 2011) elles correspondent aux indemnités versées par la sécurité sociale en lien avec l'arrêt de travail subi à la suite de l'agression dont il a été victime et non à une hospitalisation comme l'affirme, sans en rapporter la preuve, la SA BPCE VIE.

Il ressort de ce qui précède qu'il est manifeste que l'attestation médicale du 09 février 2016 transmise à l'assureur, contient des erreurs commises par le Docteur [K] [L], puisque, outre le fait qu'elle est en contradiction totale avec la première attestation médicale du 08 décembre 2014 qui mentionnait une date des premiers symptômes au 03 janvier 2014 avec un début de traitement le 17 février 2014 (et non pas comme indiqué dans la seconde attestation pour la même affection le 10 novembre 2011) et indiquait que l'assuré ne suivait aucun soins ou traitements pour une autre cause que l'arrêt en cours (et non pas, comme indiqué dans la seconde attestation, qu'il recevait des soins d'un kinésithérapeute depuis le 10 novembre 2011), cette attestation médicale est démentie non seulement par les relevés des remboursements produits par la CPAM qui démontrent, contrairement à ce que soutient la SA BPCE VIE, l'absence de suivi ou de traitement réguliers, mais par le Docteur [K] [L] lui-même qui a établi, le 24 novembre 2016, un certificat reconnaissant ses erreurs, en précisant que contrairement à ce qu'il avait indiqué, l'entorse stade 1 acrimio-claviculaire gauche d'évolution bénigne subie à la suite de l'agression dont Monsieur [O] [V] avait été victime, n'avait donné lieu à aucun suivi médical ultérieur.

Par ailleurs, l'attestation susvisée du 09 février 2016 est le seul document médical évoquant une pathologie datant du 10 novembre 2011 alors qu' il ressort au contraire du certificat médical d'arrêt de travail initial établi le 02 octobre 2014 par le Docteur [K] [L], que cet arrêt de travail a débuté le 15 septembre 2014 et qu'il était lié à une maladie professionnelle, le praticien indiquant sur ce certificat "épaule enraidie bilatérale [...] chez un patient effectuant des travaux comportant habituellement des mouvements répétés et forcés des deux épaules".

Le médecin du travail lui-même qui a nécessairement une parfaite connaissance du dossier médical de Monsieur [O] [V], indique dans son avis d'inaptitude du 17 mars 2016, que cette inaptitude est en lien avec son activité professionnelle et il ne fait aucune référence à une agression subie en novembre 2011.

C'est donc à juste titre que Monsieur [O] [V] a pu répondre à la question n° 3 que le 04 août 2012, au moment de la signature des questionnaires de santé, il n'était soumis à aucun traitement médical, à des soins ou une surveillance médicale et qu'il a pu répondre à la question n°10 en indiquant qu'au cours des dix dernières années il n'avait jamais été hospitalisé, c'est-à-dire hébergé avec attribution d'un lit dans un établissement médical pour y recevoir des soins, à l'exception de son intervention pour des hémorroïdes en 2003.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef par substitution de motifs.

Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire formulée par la SA BPCE PREVOYANCE et la SA BPCE VIE, devenues la SA BPCE VIE.

Il résulte en effet des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer à la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; or, la SA BPCE VIE qui s'est par ailleurs abstenue de produire le résultat de l'expertise réalisée par son médecin expert dont elle ne conteste pas qu'elle a bien eu lieu, ne produit aucun document susceptible de constituer un commencement de preuve justifiant une mesure d'instruction.

2°) Sur la mise en oeuvre de la garantie

La SA BPCE VIE demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas limité la condamnation prononcée à son encontre aux limites des stipulations contractuelles de la convention liant les parties ; elle sollicite que la mobilisation de sa garantie soit ainsi limitée à la perte effective de revenus subie par Monsieur [O] [V] conformément aux dispositions de l'article 9 de la notice d'information.

Elle demande par conséquent à la cour d'enjoindre à Monsieur [O] [V] de produire ses justificatifs de revenus sur la période écoulée, au cours de laquelle, l'exécution provisoire est intervenue sur la base d'un montant manifestement erroné et sollicite sa condamnation à rembourser le trop-perçu versé dans l'intervalle.

Monsieur [O] [V] qui sollicite la confirmation du jugement déféré, s'oppose à cette demande en faisant valoir :

- qu'il appartient à la BPCE VIE de démontrer que les conditions dont elle se prévaut pour limiter la prise en charge ont bien été portées à sa connaissance ;

- que seule la prise en charge notifiée le 19 janvier 2015 pour le crédit n° 8702848 est indexée sur son salaire ;

- qu'il a également souscrit, pour le contrat de crédit n° 0043224474311100, une option d'assurance prévoyant la prise en charge de la perte d'emploi en plus de l'incapacité, garantie dont il a sollicitée la mobilisation le lendemain de son licenciement survenu le 16 avril 2016.

Il sollicite le maintien des garanties qui lui ont été appliquées, et demande à être indemnisé, non pas dans la limite de sa diminution de rémunération comme le demande la SA BPCE VIE, mais à hauteur du montant des échéances des deux prêts, soit, selon Monsieur [O] [V] :

- pour le contrat de prêt n° 0043224474311100, le versement de la somme de 238,45 euros par mois aux conditions énoncées par la SA BPCE VIE lors de son acceptation dans son courrier en date du 19 janvier 2015 et ce jusqu'au 31 octobre 2021, date à laquelle il était toujours privé d'emploi ;

- pour le contrat de prêt n° 8702848, le versement de la somme de 464,27 euros par mois aux conditions annoncées par l'assureur lors de son acceptation dans le courrier du 19 janvier 2015, jusqu'au 23 juin 2016, date du début du versement de l'allocation de retour à l'emploi.

En l'espèce, pour garantir les deux contrats de crédits contractés auprès de la BPACA, Monsieur [O] [V] a adhéré au contrat d'assurance groupe n°1101 proposé par la compagnie BPCE, en optant pour les garanties 'Décès-Perte totale et irréversible d'autonomie-incapacité temporaire à hauteur de 100 %'.

Il résulte de la demande d'adhésion au contrat n°1101 signée par Monsieur [O] [V] le 04 août 2012 qu'il est indiqué, au-dessus de sa signature "je déclare avoir reçu, ce jour, la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°1101 et en avoir pris connaissance, notamment de l'objet du contrat, des conditions et exclusions des garanties et des limitations d'indemnisation et en accepter tous les termes", précision faite que cette notice d'information étant la même pour les deux contrats, Monsieur [O] [V] ne peut pas prétendre qu'elle n'a pas été portée à sa connaissance.

Enfin, il est constant que Monsieur [O] [V] a souscrit, pour le contrat de crédit n° 0043224474311100, une option d'assurance prévoyant la prise en charge de la perte d'emploi en plus de l'incapacité, garantie qui n'intégre pas de limitation de prise en charge conditionnée à la diminution de la rémunération, comme la SA BPCE VIE l'indique elle-même dans ses écritures (page 20) et elle ne peut sérieusement contester que Monsieur [O] [V] a sollicité la mise en oeuvre de cette garantie, ce qu'elle a refusé dans un courrier du 16 juin 2016, en raison de la fausse déclaration qu'elle imputait à l'assuré.

L'article 9-3 de l'article 9 intitulé "Garantie incapacité de travail" de la notice d'information, prévoit que les prestations sont dues à l'issue d'un délai de franchise de 90 jours d'incapacité totale et continue de travail et indique dans un paragraphe intitulé "Limitation des prestations à la diminution de rémunération" que "Sauf pour les prêts professionnels, si l'assuré est salarié, fonctionnaire ou assimilé, les prestations sont limitées à la diminution de la rémunération. Si plusieurs prêts sont garantis en incapacité de travail par l'assureur, le cumul des prestations dues au titre de ces différents prêts est limité à la diminution de la rémunération".

S'agissant du contrat de prêt n° 8702848, il résulte du courrier de la SA CBP Solutions en date du 19 janvier 2015 que "Le montant mensuel de la prise en charge est limité à la perte de salaire calculée par référence au revenu antérieur à votre arrêt, évalué sur la base d'un douzième du salaire annuel net imposable. Votre salaire moyen net mensuel calculé s'élève à 1777,25 euros. L'indemnisation s'effectuera à réception de la copie des documents suivants :

- les bordereaux d'indemnités journalières de la sécurité sociale justifiant votre situation d'arrêt de travail depuis le 04 décembre 2014 ;

- votre bulletin de salaire de décembre 2014."

Si, selon le contrat de prêt n° 8702848, le montant de l'échéance avec assurance groupe était de 464,27 euros par mois, il résulte du courrier de la SA CBP Solutions du 17 septembre 2020 indiquant le détail des réglements effectués suite à l'incapacité de travail de Monsieur [O] [V] du 15 septembre 2014 que, contrairement à ce que soutient ce dernier, ce n'est pas une indemnisation de 464,27 euros par mois qui lui a été versée par l'assurance et encore moins celle de 1 777,25 euros par mois qu'il a sollicitée et obtenue devant le premier juge, mais, pour la période comprise entre le 14 décembre 2014 et le 27 décembre 2015, une somme totale de 2 880,24 euros correspondant à une moyenne de 221,55 euros par mois (2 880,24 euros/13 mois d'indemnisation), l'indemnisation se présentant pour chaque mois pour cette période, sous la forme d'un versement correspondant à la limitation à la perte de rémunération puis à des régularisations (par exemple pour le mois de décembre 2014 :

- 14/12/2014 au 27/12/2014 : 165,73 euros : Limitation à la perte de rémunération ;

- 14/12/2014 au 27/12/2014 : 179,39 euros : Régularisation en votre faveur ;

- 28/12/2014 au 27/01/2015 : 117,01 euros : Régularisation en votre faveur.)

Il résulte des courriers de POLE EMPLOI et de la CPAM versés aux débats que le montant des revenus de Monsieur [O] [V] a sensiblement diminué depuis le mois de décembre 2014, puisque, entre le 23 juin 2016 et le 30 octobre 2021, après avoir perçu des indemnités journalières de 53 euros par jour, il lui a été versé l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant compris entre 40,48 euros et 41,31 euros par mois, de sorte que conformément à ce qui est demandé par la SA BPCE VIE et afin de tenir compte des dispositions contractuelles prévoyant la limitation des prestations à la diminution de la rémunération, le montant de l'indemnité due par la SA BPCE VIE sera fixée sur la base de l'ensemble des revenus perçus par Monsieur [O] [V] depuis le 27 décembre 2015 dont il appartiendra à Monsieur [O] [V] de justifier auprès de la SA BPCE VIE depuis cette date.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

La SA BPCE VIE demande à la cour de dire qu'il appartiendra à Monsieur [O] [V] de rembourser, s'il y a lieu, le trop-perçu du fait de l'exécution du jugement querellé par l'assurance.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution de sommes versées en vertu de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement entrepris, le présent arrêt infirmatif valant titre exécutoire pour obtenir la restitution des sommes infirmées.

S'agissant du contrat de crédit renouvelable n° 0043224474311100, la cour constate que concernant ce contrat de crédit, dans son courrier du 19 janvier 2015, la SA CBP ne fait nullement état de ce que le montant mensuel de la prise en charge est limité à la perte de salaire et, de fait, il résulte du courrier de la SA CBP Solutions du 17 septembre 2020 indiquant le détail des réglements effectués suite à l'incapacité de travail de Monsieur [O] [V] du 15 septembre 2014, qu'il a perçu entre le 25 décembre 2014 et le 25 décembre 2015, une indemnité mensuelle de 235,66 euros.

C'est donc à juste titre que la SA BPCE PREVOYANCE et la SA BPCE VIE ont été condamnées à payer à Monsieur [O] [V] au titre de la garantie due pour le contrat de prêt n° 0043224474311100 la somme mensuelle de 235 euros ; Monsieur [O] [V] ne pouvant, comme il le fait, solliciter la somme de 238,45 euros par mois au titre de ce crédit, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

3°) Sur la demande de dommages et intérêts

Selon l'article 1147 du code civil applicable au litige (et non pas comme indiqué par le premier juge les articles 1231 et suivants du code civil qui, étant issus de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'étaient pas applicables au moment de la conclusion des contrats litigieux) dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Monsieur [O] [V] sollicite la somme de 12 000 euros, soit une somme de 2 000 euros par année de refus de prise en charge, en réparation des préjudices financiers et moraux qui lui ont été causés par la SA BCPE VIE en faisant valoir qu'en refusant sa garantie, elle a manqué à ses obligations et a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle.

Estimant que la faute de la BPCE VIE n'était caractérisée qu'à partir de l'envoi du certificat médical en date du 24 novembre 2016, établi par le Docteur [K] [L], le tribunal a alloué à Monsieur [O] [V] une somme de 8 000 euros.

La BPCE VIE s'oppose à toute allocation de dommages intérêts à Monsieur [O] [V] en faisant valoir qu'il ne justifie pas sa demande ni dans son principe ni dans son quantum ; elle soutient par ailleurs qu'elle a maintenu sa position de refus de garantie après l'envoi du certificat médical du Docteur [K] [L], au regard des relevés de la CPAM démontrant que Monsieur [O] [V] avait suivi des soins au cours de la période concernée.

En l'espèce, il est constant que l'assureur a cessé toute prise en charge à compter du mois de décembre 2015 et a ensuite refusé de revoir sa position alors que le certificat établi le 24 novembre 2016 par le Docteur [K] [L] et transmis à l'assureur, ne laissait subsister aucun doute sur le fait que l'attestation établie le 09 février 2016 par le Docteur [K] [L] contenait de nombreuses erreurs et que la situation médicale de Monsieur [O] [V] était bien celle décrite dans la première attestation médicale du 08 décembre 2014 ayant donné lieu à l'acceptation de la prise en charge par la SA BPCE VIE.

Par ailleurs et comme cela a déjà été indiqué, contrairement à ce que soutient la SA BPCE VIE sans en rapporter la preuve, il ne résulte nullement des relevés de la CPAM que Monsieur [O] [V] a suivi des soins réguliers pendant la période concernée, puisque ces relevés démontrent le contraire, à savoir, l'absence de suivi de soins ou d'un traitement régulier pendant cette période.

C'est donc justement que le premier juge a retenu que le refus de garantie opposé par la SA BPCE VIE était fautif depuis le 24 novembre 2016 et que la position de l'assureur avait causé un préjudice à Monsieur [O] [V], privé d'emploi et contraint de poursuivre le réglement des mensualités des crédits malgré la diminution de ses revenus.

Monsieur [O] [V] ne produit aucun document supplémentaire susceptible de remettre en cause l'évaluation fixée à 8 000 euros, du montant de son préjudice par le premier juge.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef.

4°) Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris sera confirmé concernant les dispositions relatives aux condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La SA BPCE VIE sera condamnée à verser à Monsieur [O] [V] en cause d'appel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de ce chef de demande.

La SA BPCE VIE sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Constate que la BPCE VIE vient aux droits de la SA BPCE PREVOYANCE depuis le 16 novembre 2022,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf celle ayant condamné la SA BPCE PREVOYANCE et la SA BPCE VIE à verser à Monsieur [O] [V] la somme de 1 777,25 euros par mois au titre de la garantie du contrat de prêt n° 8702848,

Le réforme sur ce point,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA BPCE VIE au versement des garanties contractuellement prévues pour le prêt n° 8702848 à compter du mois de décembre 2015,

Dit qu'afin de tenir compte des dispositions contractuelles prévoyant la limitation des prestations à la diminution de la rémunération, le montant de l'indemnité due par la SA BPCE VIE sera fixée, à partir du mois de décembre 2015, sur la base de l'ensemble des revenus perçus par Monsieur [O] [V] depuis le 27 décembre 2015, dont il appartiendra à Monsieur [O] [V] de justifier auprès de la SA BPCE VIE depuis cette date,

Y ajoutant,

Condamne la SA BPCE VIE à verser à Monsieur [O] [V] en cause d'appel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA BPCE VIE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA BPCE VIE aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02992
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.02992 ?
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