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20/06/2024 | FRANCE | N°23/00487

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 2, 20 juin 2024, 23/00487


XG/BE



Numéro 24/2083





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 20 juin 2024







Dossier : N° RG 23/00487 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOLH





Nature affaire :



Demande relative aux pouvoirs de gestion des biens indivis







Affaire :



[I] [M]



C/



[P] [M]







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS






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A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,







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APRES DÉBATS

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XG/BE

Numéro 24/2083

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 20 juin 2024

Dossier : N° RG 23/00487 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOLH

Nature affaire :

Demande relative aux pouvoirs de gestion des biens indivis

Affaire :

[I] [M]

C/

[P] [M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 15 Janvier 2024, devant :

Monsieur GADRAT, Président chargé du rapport,

assisté de Madame BRUET, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur GADRAT, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Madame GIMENO, Vice présidente placée,

Madame DELCOURT, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Julien MARCO de la SELARL SAGARDOYTHO-MARCO, avocat au barreau de PAU

INTIME :

Monsieur [P] [M]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 25 JANVIER 2023

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU

RG numéro : 22/01872

EXPOSE DU LITIGE

Madame [H] [T] est décédée le [Date décès 5] 2014 laissant pour lui succéder ses deux enfants, monsieur [P] [M] et monsieur [I] [M].

Aux termes d'un testament olographe du 25 janvier 2003, madame [H] [T] a institué monsieur [I] [M] légataire universel d'un tiers en pleine propriété des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de sa succession.

Selon l'acte de notoriété successorale dressé par Maître [F], notaire à [Localité 10], il dépend notamment de la succession de madame [H] [T] un bien immobilier situé [Adresse 3], évalué à la somme de 150 000€.

Monsieur [P] [M] a fait assigner, par acte d'huissier du 14 octobre 2022, son frère, monsieur [I] [M], devant le président du tribunal judiciaire de Pau statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins d'obtenir :

sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, l'autorisation de passer seul l'acte de vente de l'immeuble indivis en sa qualité d'indivisaire,

La condamnation de monsieur [I] [M] à lui verser la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 janvier 2023, le Président du tribunal judiciaire de Pau a :

Autorisé monsieur [P] [M] en sa qualité d'indivisaire de la succession de ses parents à passer seul l'acte de vente de l'immeuble indivis situé [Adresse 3], moyennant le prix de 250 000€,

Condamné monsieur [I] [M] à verser à monsieur [P] [M] la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la résistance abusive de monsieur [I] [M],

Condamné monsieur [I] [M] à verser à monsieur [P] [M] la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné monsieur [I] [M] aux entiers dépens.

Par déclaration transmise au greffe de la cour par RPVA le 10 février 2023 et effectuée dans des conditions de forme et de délai non discutées, monsieur [I] [M] a relevé appel de cette ordonnance sur les dispositions expressément rappelés dans cet acte.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 7 septembre 2023, monsieur [I] [M] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Débouter monsieur [P] [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner monsieur [P] [M] aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 18 août 2023, monsieur [P] [M] demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Autorisé celui-ci en sa qualité d'indivisaire de la succession de ses parents à passer seul l'acte de vente de l'immeuble indivis situé [Adresse 3] moyennant le prix de 250 000€,

Condamné monsieur [I] [M] à lui verser la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamner monsieur [I] [M] à lui verser la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive dont il s'est rendu coupable,

En tout état de cause,

Condamner monsieur [I] [M] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, à l'audience du 11 septembre 2023 puis renvoyée à celle du 15 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure,

Par des conclusions de procédure transmises au greffe de la cour par RPVA le 12 janvier 2024, monsieur [P] [M] demande à la cour, au visa des dispositions des articles 15, 16, 803 et 905 et suivants du code de procédure civile, de rejeter des débats les pièces communiquées par monsieur [I] [M] le 11 janvier 2024.

Aux termes de l'article 135 du code de procédure civile, le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

En l'espèce, monsieur [I] [M] a communiqué le 11 janvier 2024 deux nouvelles pièces numérotées 16 et 17, qui sont deux offres de prêt à son nom et celui de son fils.

Si ces pièces ont été communiquées quelques jours avant l'audience des plaidoiries du 15 janvier 2024, monsieur [P] [M] a néanmoins disposé d'un temps suffisant pour en prendre connaissance et le cas échéant formuler des observations.

Au surplus, il y a lieu d'ajouter que ces pièces sont indispensables pour la bonne résolution du litige.

En conséquence, ces pièces sont déclarées recevables.

Sur le fond,

Pour autoriser monsieur [P] [M] à passer seul l'acte de vente du bien indivis, le premier juge a retenu que :

La notion d'urgence doit être appréciée à l'aune de l'article 815 du code civil qui affirme que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision, ce qui est le cas du requérant, malgré ses différentes démarches amiables afin de permettre la vente de l'immeuble en indivision et qui n'ont pas rencontré de succès auprès de monsieur [I] [M],

Quelle que soit la réalité des travaux d'entretien entrepris par monsieur [I] [M] qui occupe la maison, le devis de la société [9] contient un rapport technique qui lui sert de base et qui relève des problèmes de condensation, d'infiltration par les façades et de remontées capillaires dont monsieur [I] [M] ne démontre pas qu'ils aient reçu une solution, ce qui participe à la détérioration de l'immeuble,

L'urgence tient également à la proposition d'achat de la SCI [4] à un prix très supérieur aux estimations qui figurent au dossier et, en la matière, l'intérêt économique de l'indivision se confond avec son intérêt,

Monsieur [I] [M] a eu tout loisir de mettre en 'uvre son projet de rachat de la part de son frère dans la succession mais il n'en a rien fait laissant perdurer la situation dans laquelle il profite gratuitement de l'immeuble indivis.

Considérant notamment qu'il n'existe aucune urgence particulière qui commanderait de vendre l'immeuble dans la mesure où il l'entretient parfaitement, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et de débouter monsieur [P] [M] de sa demande tendant à pouvoir passer seul l'acte de vente de l'immeuble indivis. Il ajoute que l'immeuble ne se déprécie pas puisqu'il a été évalué en juin 2014 entre 150 000 et 160 000€ et qu'il produit un avis de valeur retenant une fourchette entre 160 000 et 170 000€. Il fait valoir par ailleurs que monsieur [P] [M] ne défend pas l'intérêt commun mais ses seuls intérêts car l'offre qu'il présente est totalement disproportionnée, le mettant ainsi dans l'incapacité de pouvoir le désintéresser sur des bases réelles et sincères. Il indique formuler une offre d'achat des parts de son frère qui excéderait la valeur du marché. Il considère enfin que la volonté de préserver un patrimoine familial associée à une offre d'achat sérieuse prévaut indiscutablement sur les seuls objectifs pécuniaires du coindivisaire.

De son côté, monsieur [P] [M] demande à la cour de confirmer la décision entreprise l'ayant autorisé à passer seul l'acte de vente du bien indivis aux motifs notamment qu'il a entrepris de nombreuses diligences pour la cession de l'immeuble ou de ses droits sur l'immeuble, qui sont restées vaines du fait de l'inertie de monsieur [I] [M]. Il ajoute que son frère occupe le bien indivis depuis le décès de leur mère en 2014 et qu'il ne l'entretient pas. Il rappelle le rapport émis par la société [9] et en déduit une dégradation inévitable de l'état de l'immeuble dès lors que monsieur [I] [M] n'a entrepris aucune réparation. Il indique que le refus de vente de l'immeuble opposé par son frère est purement et simplement une man'uvre dilatoire destinée à empêcher le bon avancement des opérations de liquidation et partage des successions. Il souligne enfin que la vente de l'immeuble à la SCI [4] est une mesure qui s'inscrit dans l'intérêt de l'indivision et non dans son seul intérêt.

L'article 815-6 alinéa 1 du code civil dispose que le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.

Il est constant que la mesure sollicitée ne peut être autorisée que sous la double condition cumulative de la justification d'une urgence et d'un intérêt commun.

Au cas précis, le rapport de la société [9] du 8 juin 2021 avait mis en évidence « des phénomènes de condensation au sein de l'immeuble, des infiltrations par la façade et des remontées capillaires par la chape de l'immeuble ». Ce rapport n'est aucunement contesté par l'appelant, qui reconnaît lui-même dans ses écritures une problématique liée aux infiltrations d'eau sur le bien indivis.

Cependant, monsieur [I] [M] concède également être dans l'impossibilité de pouvoir faire face aux travaux de réfection nécessaires. S'il justifie de travaux d'entretien sur l'immeuble, il est indéniable que les désordres liés aux infiltrations d'eau vont nécessairement entraîner à court ou moyen terme une dégradation de l'immeuble et par conséquent une dépréciation de celui-ci.

La mesure sollicitée par l'intimé, à savoir la vente de l'immeuble indivis, à défaut pour les indivisaires d'être en capacité de financer les travaux de remise en état nécessaires, revêt donc un caractère d'urgence indéniable.

L'appelant propose, pour la première fois en cause d'appel, de valoriser l'immeuble indivis à la somme de 180 000€ et en conséquence de désintéresser son frère à hauteur de ses droits dans l'immeuble, ce qui représenterait la somme de 60 000€. Il fournit à cet effet une offre de prêt à son nom pour la somme de 30 000€, le restant -soit la somme de 30 000€ - devant, semble-t-il, être financé par son fils. Toutefois, hormis une offre de prêt au nom de ce dernier, l'appelant ne fournit aucun élément permettant de s'assurer de la véritable intention de son fils de participer à ce rachat de part indivise.

Dans ces conditions, et alors que l'intéressé a disposé de plusieurs années pour procéder à ce rachat de la part indivise de son frère dans l'immeuble qu'il occupe, cette proposition particulièrement tardive ne présente pas un caractère sérieux suffisant pour être retenue, étant précisé que l'attachement dont monsieur [I] [M] fait état à l'égard de ce bien ne saurait constituer un intérêt suffisamment sérieux pour supplanter l'intérêt commun des coindivisaires qui consiste à vendre rapidement ce bien avant qu'il ne se déprécie de manière significative du fait des désordres qui l'affectent.

Monsieur [P] [M] produit, quant à lui, une offre d'achat émise par la SCI [4] le 1er septembre 2021 à hauteur de la somme de 250 000€, soit pour un montant nettement supérieur à la proposition de son frère, étant précisé que cette offre a été réitérée le 8 juin 2022 et que son caractère sérieux n'est aucunement remis en question.

L'intérêt des indivisaires commande donc de vendre l'immeuble indivis à cette SCI au prix de 250 000€ et ce dans les meilleurs délais.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a autorisé monsieur [P] [M] à passer seul l'acte de vente de l'immeuble indivis. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive,

Le premier juge a accordé à monsieur [P] [M] la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive aux motifs que ce dernier a multiplié les démarches à l'égard de son frère et s'est heurté à la passivité et au silence de celui-ci.

Or, il s'évince des échanges produits par les parties que monsieur [I] [M] n'est pas resté totalement silencieux lors des démarches amiables engagées par son frère, monsieur [P] [M]. Il a en effet répondu au courrier du conseil de son frère le 13 juin 2021 et son conseil a, par lettre officielle du 7 mars 2023, formulé une proposition d'achat des parts de monsieur [P] [M].

Si les parties n'ont pu s'entendre sur le rachat des parts de l'intimé ou encore la vente de l'immeuble indivis, il n'est pas établi que l'appelant se soit opposé de manière abusive aux propositions de son frère, faisant juste valoir ses propres intérêts.

C'est donc à tort que le premier juge a condamné monsieur [I] [M] à des dommages et intérêts pour résistance abusive. Le jugement entrepris sera donc réformé en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Il y a lieu d'infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de chacune des parties.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à monsieur [P] [M] les frais qu'il a dû exposer pour la défense de ses intérêts tant en première instance qu'en cause d'appel. Il sera donc débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Déclare recevables les pièces numérotées 16 et 17 transmises par RPVA le 11 janvier 2024 par monsieur [I] [M],

Confirme le jugement rendu le 25 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Pau sauf en ce qu'il a condamné monsieur [I] [M] à verser à monsieur [P] [M] :

la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la résistance abusive de monsieur [I] [M],

la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

Déboute monsieur [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute monsieur [P] [M] de sa demande en ce sens,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de chaque partie.

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Marie-Edwige BRUET, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

Marie-Edwige BRUET Xavier GADRAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 2
Numéro d'arrêt : 23/00487
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.00487 ?
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