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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02170

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 juin 2024, 22/02170


TP/DD



Numéro 24/2091





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/06/2024







Dossier : N° RG 22/02170 - N°Portalis DBVV-V-B7G-IJAK





Nature affaire :



Contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[O] [V]





C/



S.A.S. ODALYS RESIDENCES















>
Grosse délivrée le

à :































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deux...

TP/DD

Numéro 24/2091

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/06/2024

Dossier : N° RG 22/02170 - N°Portalis DBVV-V-B7G-IJAK

Nature affaire :

Contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[O] [V]

C/

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Mars 2024, devant :

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO ;

assistées de Madame LAUBIE, greffière présente à l'appel des causes

et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [O] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

[Adresse 4],

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU, et Maître THIEFFRY de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE

sur appel de la décision

en date du 06 JUILLET 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F20/00178

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [O] [V] a été embauchée par l'EURL Lorda à compter du 7 mars 2011, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de responsable commerciale.

A compter du 10 mai 2012, le contrat de travail a été transféré à la société Odalys Résidences, selon les mêmes modalités.

En septembre 2018, l'employeur a proposé une rupture conventionnelle à la salariée qui l'a refusée le 12 octobre 2018.

Le 7 juin 2019, la Société a communiqué à la salariée un questionnaire afin de trouver la solution la plus adaptée dans le cadre du projet de fermeture de la résidence Lorda.

Le 13 juin 2019, Mme [V] a renvoyé ce questionnaire accompagné de son curriculum vitae, comme demandé.

Le 12 septembre 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement.

Le 7 octobre 2019, elle a été licenciée pour motif économique.

Le 30 juillet 2020, Mme [O] [V] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation de son licenciement et d'une demande de restitution d'une somme qu'elle estimait indument retenue dans le cadre du solde de tout compte.

Par jugement du 6 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Pau :

- Dit que le licenciement de Mme [O] [V] est justifié et repose sur un motif économique réel et sérieux,

- Dit que la Sas Odalys Résidences a respecté son obligation de reclassement,

- Débouté Mme [O] [V] de toutes ses demandes au titre du licenciement économique,

- Condamné la Sas Odalys Résidences à verser à Mme [O] [V] la somme de 1782 euros nets, retenue à tort sur son solde de tout compte,

- Ordonné la rectification des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat,

- Condamné la Sas Odalys Résidences à verser à Mme [O] [V] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toute prétention plus ample ou contraire, débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- Laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Le 27 juillet 2022, Mme [O] [V] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 19 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [O] [V], demande à la cour de :

- Infirmant le Jugement déféré :

- Dire et Juger le licenciement économique notifié à Mme [O] [V] abusif en l'absence de tout caractère réel et sérieux du motif économique invoqué et, à titre infiniment subsidiaire, en raison du manquement de l'employeur dans la mise en 'uvre de l'obligation de recherche préalable de reclassement.

En conséquence :

- Condamner la Sas Odalys Résidences à payer à Mme [O] [V] la somme de 18 800 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de son licenciement.

- Ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités chômage dans la limite de 6 mois d'indemnité de chômage.

- Ordonner la rectification des bulletins de salaires et des documents de fin de contrat au regard du jugement à intervenir.

- Condamner la Sas Odalys Résidences à payer à Mme [O] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En tout état de cause

- Confirmer la condamnation de la Sas Odalys Résidences au remboursement à Mme [O] [V] la somme de 1 782 euros nets retenue à tort sur ses indemnités de rupture et figurant en déduction sur son reçu pour solde de tout compte.

- Dire que les sommes allouées à Mme [O] [V] porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts.

- Condamner enfin la société Odalys Résidences à payer à Mme [O] [V], pour la procédure d'appel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 3 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Odalys Résidences demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

o Dit que le licenciement de Mme [O] [V] est justifié et repose sur un motif économique réel et sérieux,

o Dit que la Sas Odalys Résidences a respecté son obligation de reclassement,

o Débouté Mme [O] [V] de toutes ses demandes au titre du licenciement économique,

o Débouté Mme [O] [V] de toutes ses autres demandes,

o Laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

o Condamné la Sas Odalys Résidences à verser à Mme [O] [V] la somme de 1 782 euros nets, retenue à tort sur son solde de tout compte,

o Ordonné la rectification des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat,

o Condamné la Sas Odalys Résidences à verser à Mme [O] [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En conséquence et Statuant à nouveau,

$gt; A titre principal

- Juger que le licenciement pour motif économique prononcé à l'encontre de Mme [O] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Juger que Mme [O] [V] a été intégralement remplie de ses droits,

En conséquence,

- Débouter Mme [O] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Ordonner le remboursement par Mme [O] [V] de la somme versée par la Société Odalys Résidences dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

- Condamner Mme [O] [V] à verser à la Société Odalys Résidences la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Mme [O] [V] aux entiers frais et dépens.

$gt; A titre infiniment subsidiaire

Dans l'hypothèse où par extraordinaire la Cour de céans venait à considérer que le licenciement de Mme [O] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Limiter le montant des dommages et intérêts éventuellement alloués à la somme de 7 050 euros, correspondant à 3 mois de salaire brut, en l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé du licenciement

L'article L.1233-3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L.233-1, aux I et II de l'article L.233-3 et à l'article L.233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L.1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L.1237-17 et suivants. 

En application de l'article L.1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les faits énoncés doivent être précis et vérifiables.

En l'espèce, la lettre en date du 7 octobre 2019 par laquelle la société Odalys Résidences a notifié à Mme [V] son licenciement et dont les termes fixent les limites du litige a expliqué comme suit le motif économique de la rupture du contrat de travail de sa salariée :

«  Ce licenciement s'inscrit dans le contexte suivant :

Pour pallier aux pertes de la résidence de [Localité 5] depuis plusieurs années, contact a été pris avec les propriétaires afin de baisser les loyers et réaménager les équipements communs du site, ces derniers étant élevés au regard du résultat dégagé : ce site dégageait une perte annuelle de l'ordre de près de 300k€ depuis quelques exercices.

Devant le refus des propriétaires d'accéder à nos demandes et pour ne pas mettre en péril l'entreprise, il a dont été décidé de sortir de cette résidence au 1er juillet 2019.

Dans ce contexte, notre société a été contrainte de se réorganiser afin de sauvegarder sa compétitivité. Il est notamment apparu nécessaire de recentrer nos efforts sur les résidences ayant un fort potentiel commercial. Compte tenu de la conjoncture économique actuelle, exposant son secteur d'activité à une concurrence de plus en plus accrue, voire agressive, notre société doit en effet tout mettre en 'uvre pour conserver les marchés acquis. L'analyse de la situation économique de la société et du secteur d'activité du groupe démontre en effet que l'ensemble de ces circonstances a des répercussions directes sur les résultats.

En conséquence, à la lumière de tous ces éléments et des prévisions de marché, et après mûre réflexion, il a été décidé de réorganiser la société pour renforcer nos résidences les plus concurrentielles, afin d'assurer autant que faire se peut l'avenir de notre société.

Les autres charges pesant sur la résidence restant stables et étant réduites au maximum, nous sommes dans l'obligation d'agir sur la masse salariale afin de revenir à l'équilibre. La réduction des frais de personnel reste donc la solution ultime et incontournable.

C'est la raison pour laquelle nous avons engagé une procédure de reclassement au sein du groupe Odalys. Pour ce faire et afin de trouver la solution la plus adaptée à votre situation et de favoriser la recherche d'un poste vous correspondant, nous vous avons notamment sollicitée par courrier recommandé en date du 7 juin 2019 dans lequel nous vous demandions de compléter et retourner un questionnaire professionnel. Par courrier en date du 12 juin 2019, vous nous avez retourné le questionnaire accompagné de votre cv à jour.

Compte tenu de vos souhaits et expériences professionnelles, nous avons procédé à des recherches effectives, loyales et personnalisées de reclassement au niveau du groupe.

Malheureusement, les recherches menées pour votre reclassement tenant compte de vos souhaits et compétences ont été vaines. Nous n'avons en effet pas de postes disponibles à vous proposer.

Ainsi, nous sommes contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique ».

Mme [V] a ainsi fait l'objet d'un licenciement économique en raison de la suppression de son poste consécutive à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, qui constitue un motif autonome de licenciement.

La réorganisation ne constitue un motif économique licite qu'à condition d'être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise qui doit être réellement menacée, la seule recherche d'économies ne suffisant pas.

Au sein d'une entreprise composée d'établissements différents, c'est la compétitivité dans son ensemble qui doit être menacée.

Une réorganisation peut être mise en 'uvre, non seulement pour répondre à des difficultés économiques avérées, mais encore pour prévenir des difficultés économiques à venir, dès lors que la menace se profile et que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, donc son aptitude à affronter la concurrence, risque d'être mise en cause.

La source des difficultés futures et les menaces qu'elles font peser sur l'emploi doivent, le cas échéant, être démontrées devant les juges. Si l'existence d'une menace n'est pas établie, le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dès lors, que le péril soit déjà établi, imminent ou seulement prévisible, l'employeur devra établir que les mesures de réorganisation de l'entreprise sont nécessaires à la sauvegarde de sa compétitivité ou à celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Il appartient à l'employeur de démontrer la réalité d'une telle menace, et la nécessité de prendre des mesures d'anticipation afin de prévenir des difficultés économiques à venir, étant rappelé que la sauvegarde de la compétitivité n'est pas l'amélioration de la rentabilité de l'entreprise.

Les juges du fond doivent s'attacher à caractériser les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe ainsi que la nécessité de prendre des mesures d'anticipation afin de préserver l'emploi. A cet effet, les juges du fond ne peuvent se borner à énoncer « des motifs d'ordre général ».

Dès lors qu'ils ont procédé à ces recherches, l'appréciation de la réalité du motif économique relève de leur pouvoir souverain.

Enfin, il doit être rappelé que l'employeur, qui justifie de difficultés économiques réelle et sérieuses ou d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de son entreprise, est seul maître du choix de la solution qui lui apparaît la meilleure pour assurer cette sauvegarde ou pour enrayer les difficultés de son entreprise. Le juge n'a pas à contrôler le choix effectué par l'employeur entre les différentes solutions possibles.

Dans la présente espèce, la suppression du poste de Mme [V] n'est pas discutée.

Pour justifier du motif économique invoqué, la société Odalys Résidences indique que :

elle incarne la branche d'activité du groupe consacrée à l'hébergement à vocation touristique de loisirs en résidences, secteur hautement concurrentiel,

elle ne dégage pas d'excédents bruts d'exploitation qui sont négatifs,

la résidence Lorda rencontrait des difficultés économiques certaines avec un taux d'occupation extrêmement faible et une perte annuelle de près de 300 k€ depuis plusieurs exercices,

la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise a eu pour conséquence de fermer définitivement la résidence Lorda et de supprimer l'ensemble des postes à l'intérieur de celle-ci, y compris celui de Mme [V].

La salariée lui oppose que l'arrêt de l'activité de gestion de la résidence Lorda à [Localité 5] résulte d'un choix purement stratégique de l'employeur, à savoir réduire ses charges salariales pour augmenter sa rentabilité.

Afin de démontrer la réalité et le sérieux du motif économique du licenciement de Mme [V], la société Odalys Résidences verse les pièces suivantes :

une étude KPMG non datée mais qui compare les résidences de loisirs et les résidences urbaines (appart-hôtels) en 2017. Les éléments de cette étude sont généraux et n'apportent pas d'éléments sur la menace pesant sur la société Odalys Résidences en 2019.

le document d'information-consultation du comité social et économique sur le projet de fermeture de la résidence Lorda à [Localité 5], en vue de la réunion du 23 mai 2019, non étayé par des documents comptables et non accompagné du procès-verbal de la réunion dudit comité au cours de laquelle il a dû être présenté. Il convient d'ailleurs de relever que l'intimée ne produit aucun procès-verbal de réunion de ce comité de sorte que la cour n'a pas connaissance de l'avis qu'il a pu donner sur ce projet de restructuration de la société Odalys Résidences.

Il ressort seulement du document d'information-consultation du comité social et économique que la résidence Lorda a été reprise en 2012 avec des baux venant à échéance le 1er juillet 2019.

Il est de plus indiqué qu'une négociation a été engagée avec les propriétaires pour réduire le montant des loyers sans aucun autre élément à ce sujet.

Un article relatif aux résidences secondaires dont le nombre augmente : ce document est du 14 novembre 2020, soit postérieur de 18 mois à la restructuration de la société Odalys Résidences et a surtout été rédigé dans le contexte particulier de la pandémie mondiale qui n'existait pas en 2019.

Un article du 31 juillet 2018 au sujet de la plateforme Airbnb et du bouleversement du tourisme qu'elle a engendré. Il en résulte que les hôteliers ont pu voir en celle-ci un concurrent déloyal mais également que les cibles ne sont pas les mêmes puisque la location d'un logement via Airbnb est de quelques jours et que les professionnels utilisent également cette plateforme.

un organigramme duquel elle déduit qu'elle incarne la branche d'activité du groupe consacrée à l'hébergement à vocation touristique de loisirs en résidence, se distinguant ainsi des autres secteurs tels que notamment l'hébergement en plein air, l'hébergement en appart-hôtel, l'hébergement étudiant ' La lecture attentive de cet organigramme ne permet pas, en l'absence d'autres éléments, de vérifier l'activité des sociétés du groupe Odalys et leurs secteurs d'activité respectifs. Il appert d'ailleurs de relever que l'intimée admet elle-même que « certains produits de la résidence Lorda étaient commercialisés en tant que produits City », c'est-à-dire des appart-hôtels ou résidences urbaines, et rappelle que Mme [V] avait pour seule et unique mission le développement commercial de la résidence Lorda et donc de produits relevant tant de la société Odalys Résidences que de la société Odalys City, ce qui élargit le secteur d'activité de cette résidence qui est en réalité la location de meublés pour de courtes durées.

L'attestation peu lisible de [Z] [X], directeur des activités, qui confirme que Mme [V] était affectée uniquement à la commercialisation de la résidence Lorda et que celle-ci était sous l'entité juridique « Résidences » tout en étant exploitée sous le nom et sur le réseau Odalys City. Est également produit un mail du 27 septembre 2016 émanant de M. [X], « directeur activité Odalys City / Odalys Campus » qui indique qu'il se déplace à [Localité 5] et veut s'entretenir avec Mme [V], à laquelle il demande de « préparer une synthèse de [ses] actions sur les six derniers mois, [son] diagnostic du marché et [son] plan d'action d'ici la fin de l'année en corrélation avec le diagnostic ». Ces éléments contredisent un peu plus encore le fait que le secteur d'activité dont la compétitivité doit être sauvegardée par la fermeture du site de [Localité 5] est le seul secteur Résidences.

Le rapport de l'expert comptable au CSE au sujet de l'UES Odalys, constituée de la SAS Odalys groupe, la société RT promotion et la société Odalys Résidences, datant de septembre 2020.

Il doit être précisé que les exercices comptables sont clôturés au 30 septembre de chaque année.

Il ressort de ce document que, entre 2017 et 2018, le chiffre d'affaires de la société Odalys Résidences a augmenté de 8% pour atteindre 227 928 K€. Il s'est stabilisé en 2019. Quant au résultat net, il est passé de -22 203 K€ à 0, soit une progression de 100%. L'excédent brut d'exploitation, bien que toujours déficitaire, a lui aussi connu une augmentation de 60%.

Ce rapport met aussi en exergue le poids prépondérant des loyers et charges locatives dans les charges externes, c'est-à-dire le montant des loyers à verser aux propriétaires des logements exploités par la société.

Ce rapport indique qu'il y avait 159 résidences en 2019, avec la précision que 29 ont été fermées sur la période 2016-2019 et 3 ouvertes.

Il questionne également sur une réorientation du développement de la société vers les résidences campus dont les indicateurs de rentabilité sont plus favorables que ceux des résidences de tourisme.

Ce rapport Syndex mentionne également que la société Odalys Résidence a un lourd endettement envers le groupe, ce qui doit être rapproché de ce qu'il souligne par ailleurs, à savoir que les flux financiers sont multiples entre les sociétés liées, que ce soit par le biais de conventions de prestations multiples, de refacturations, d'abandons de créances, de transferts de charges' Il existe ainsi une certaine interdépendance entre les sociétés du groupe Odalys avec une perméabilité comptable importante entre elles, ce qui conduit à prendre en compte également les éléments comptables concernant l'UES Odalys. Le rapport de l'expert-comptable à son sujet relève qu'entre 2018 et 2019, pour Odalys, « le chiffre d'affaires consolidé s'établit à 232M€ en 2019 contre 228M€ en 2018 soit une progression de 2% », que « l'EBITDA enregistre une progression de 6% du fait d'une maîtrise des charges opérationnelles » et malgré une augmentation des charges de personnel en lien avec l'accroissement de l'effectif. « Le résultat opérationnel consolidé enregistre pour sa part une progression plus importante de l'ordre de +25% du fait de dotations nettes aux provisions en recul de 759K€ et dans un degré moins sur les dotations aux amortissements (0,1M€) ». « La profitabilité opérationnelle atteint 3% en 2019. Elle ressort en hausse +0,5 point par rapport à l'exercice précédent ». Le résultat net consolidé montre une progression de 627K€ à 1799K€, soit +187%.

A la lecture de tous ces éléments, il appert que la société Odalys Résidence produit peu d'informations sur sa situation économique mais également sur celle la société Odalys City dont le secteur d'activité peut être rapproché de celui de l'intimée en particulier pour examiner le bien-fondé de la fermeture de la résidence Lorda au sein de laquelle travaillait Mme [V] et qui disposait de logements exploités par ces deux entités juridiques.

Les pièces versées ne permettent pas à la cour d'établir que la sauvegarde de la compétitivité de la société Résidences Odalys était menacée à un point tel qu'elle devait être réorganisée par la fermeture de résidences, en particulier de la résidence Lorda à défaut d'éléments sur la fermeture d'autres résidences à la même époque, et la suppression du poste de l'appelante, alors même que cette fermeture est contemporaine de l'échéance des baux souscrits entre l'intimée et les propriétaires de ladite résidence et que, lors de la réunion du comité social économique de l'UES Odalys du 7 mars 2019, dont Mme [V] produit le procès-verbal, « la direction précise qu'il n'y a pas spécialement de résidences en difficulté ». Concernant la résidence de [Localité 5] évoquée lors de cette réunion, le procès-verbal indique : « la direction nous informe qu'actuellement la société Odalys recherche toujours un repreneur », sans autre précision.

En conséquence de tous ces éléments, la cour considère que le motif économique du licenciement de Mme [V] n'est pas établi de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré doit donc être infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Pour un salarié ayant 8 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 8 mois de salaire brut.

Compte tenu de la rémunération mensuelle brute perçue par Mme [V], de son ancienneté au sein de l'entreprise, des circonstances de la rupture de son contrat de travail, de son âge ainsi que de sa situation personnelle et sociale justifiée au dossier, il y a lieu de lui allouer la somme de 14 100 euros, équivalent à 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision conformément à l'article 1231-7 du code civil.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Suivant l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il convient d'ordonner le remboursement par la société Odalys Résidences des indemnités de chômage versées à Mme [V], dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le remboursement de la somme retenue

La société Odalys Résidences sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [V] visant à ce que lui soit restituée la somme de 1782 euros retenue au moment du solde de tout compte au motif d'une « reprise avance sur frais ».

L'intimée ne verse aucun élément nouveau.

La cour estime donc que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande de restitution de cette somme retenue sans justification.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point, sauf à préciser que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 août 2020, date de réception de la lettre de convocation de la société Odalys Résidences devant le bureau de conciliation à laquelle était jointe la requête, qui vaut citation en justice selon l'article R.1452-5 du code du travail et donc mise en demeure au sens de l'article 1231-6 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu d'ordonner la rectification des bulletins de salaires et documents de fin de contrat conformément à ce que décide le présent arrêt. Le jugement déféré sera complété sur ce point.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qui concerne les dépens mais confirmé du chef de sa décision sur les frais irrépétibles.

La société Odalys Résidences, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes, et devra en outre verser à Mme [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 6 juillet 2022, hormis en ses dispositions relatives au remboursement de la somme retenue à tort sur le solde de tout compte et aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [O] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Odalys Résidences à payer à Mme [O] [V] la somme de 14100 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

DIT que la somme restituée au titre de la retenue injustifiée sur le reçu pour solde de tout compte au motif d'une « reprise avance sur frais » portera intérêts au taux légal à compter du 7 août 2020 ;

CONDAMNE la société Odalys Résidences à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [O] [V], du jour de son licenciement au jour de la décision prononcée, dans la limite de six mois d'indemnités ;

ORDONNE la rectification des bulletins de salaires et documents de fin de contrat conformément à ce que décide le présent arrêt ;

CONDAMNE la société Odalys Résidences aux entiers dépens y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes ;

CONDAMNE la société Odalys Résidences à payer à Mme [O] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02170
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.02170 ?
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