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18/06/2024 | FRANCE | N°24/01695

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 18 juin 2024, 24/01695


N°24/02037



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU dix huit Juin deux mille vingt quatre



Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01695 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I366



Décision déférée ordonnance rendue le 15 JUIN 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,


>Nous, Joëlle GUIROY, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assi...

N°24/02037

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU dix huit Juin deux mille vingt quatre

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01695 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I366

Décision déférée ordonnance rendue le 15 JUIN 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Joëlle GUIROY, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Julie FITTES-PUCHEU, Greffier,

APPELANT

M. [I] SE DISANT [C] [V]

né le 07 Octobre 2001 à [Localité 2]

de nationalité Marocaine

Retenu au centre de rétention [Localité 3]

Comparant et assisté de Maître Lidwine MALFRAY et de Monsieur [R] [T], interprète en langue arabe

INTIMES :

Le PREFET DE LA GIRONDE, avisé, absent, n'ayant pas transmis de mémoire

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience, n'ayant pas transmis d'avis

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu les dispositions des articles L 614-1 à L 614-15, L 732-8, L 743-5, L 743-10 , L 743-20, L.741-1, 741-4-5-7-9, L 7441, L 751-9 et -10, L .743-14, -15 et L 743-17, L 743-19 et L 743-25, et R.743-1 à R 743-8 et R 743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ceseda)

Vu l'obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 1 an prise par le préfet de la Gironde le 18/01/2024 notifiée à M. [C] [V] le même jour,

Vu la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet de la Gironde le 12/06/2024, notifiée le même jour à l'encontre de M. [C] [V] ;

Vu la requête de l'autorité administrative en date 14/06/2024 reçue le 14/06/2024 à 11h03 et enregistrée le 14/06/2024 à 15h00 tendant à la prolongation de la rétention de M. [C] [V] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt huit jours,

Vu l'extrait individualisé du registre prévu à l'article L.744-2 du CESEDA émargé par l'intéressé,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 15 mai 2024 qui, par décision assortie de l'exécution provisoire, a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Gironde,

- rejeté les exceptions de nullité soulevées

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [C] [V] régulière,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de M. [C] [V] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 15 juin 2024 à 11 h 25 ;

Vu la déclaration d'appel formée par M. [C] [V] reçue le 16 juin 2024 à 19 h 55 ;

Au soutien de son appel, M. [C] [V] fait valoir que la requête du préfet en prolongation de la rétention dont il fait l'objet doit être déclarée irrecevable et la procédure nulle car :

- elle n'est pas accompagnée de toutes les pièces utiles pour ne pas comporter la preuve de la consultation du fichier Eurodac alors qu'il aurait déposé une demande d'asile en Croatie,

- le procès-verbal de notification de début de la mesure de garde à vue prise à son encontre et l'avis de réquisition à personne qualifiée émis le 11 juin 2024 ne font pas mention de l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer avant de recourir à à un moyen de télécommunication,

- l'administration ne justifie pas avoir accompli toutes les diligences pour que la mesure de rétention ne dure que le temps strictement nécessaire à son départ alors qu'elle n'a pas interrogé le fichier Eurodac , ce qui aurait permis de déterminer le pays compétent pour connaître de sa demande d'asile.

A l'audience, M. [C] [V], qui a eu la parole en dernier, expose les termes de son appel.

Il précise qu'il n'est pas né à [Localité 4] comme cela est indiqué sur son passeport mais à [Localité 2].

Il ajoute qu'il a déposé une demande d'asile en Croatie mais également en Allemagne.

Le conseil de M. [C] [V] demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise et développe les moyens soulevés tendant à voir déclarer la requête irrecevable et, à défaut, la procédure nulle.

Le préfet de la Gironde, absent n'a pas fait valoir d'observations.

Sur ce :

En la forme,

L'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

S'agissant de la situation de l'appelant, l'examen de la procédure fait apparaître les éléments d'appréciation suivants,

En janvier 2024, M. [C] [V] a été remis aux autorités françaises par les autorités italiennes au regard de sa minorité déclarée.

Il a ensuite affirmé qu'il était majeur et était entré en France de manière irrégulière.

Par décision du 18/01/2024, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 1 an prise par le préfet de la Gironde.

Il ne s'est pas conformé aux prescriptions de cette mesure.

Il a été interpellé le 11 juin 2024 par le commissariat de police [Localité 1] et a été placé en garde à vue des chefs de menaces de mort réitérées et port d'arme de catégorie D sans motif légitime.

Au terme de cette mesure, il a été placé en rétention administrative.

Il ne dispose pas de ressources stables issues d'une activité exercée régulièrement ni d'un domicile fixe avéré sur le territoire.

Entendu sur sa situation administrative le 12 juin 2024, il a confirmé ces renseignements et précisé qu'il souhaitait se rendre en Hollande pour se marier avec une cousine.

Il n'a fait état d'aucun problème de santé ni de vulnérabilité.

En droit,

L'article L731-1 du CESEDA décide que :

"L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre État en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article".

L'article L 741-1 du CESEDA dispose que : "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. "

L'article L742-1 du CESEDA prévoit que : "Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative."

Au cas présent, la mesure portant obligation de quitter le territoire national visée par l'arrêté de placement en rétention a été régulièrement notifiée à M. [C] [V].

- Sur la consultation du fichier Eurodac :

M. [C] [V] soulève l'irrégularité de la requête en prolongation de sa rétention en ce que la preuve de la consultation du fichier Eurodac ne lui est pas jointe.

Il résulte des dispositions des articles R743-2 et R743~4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la requête aux fins de prolongation de la mesure de placement en rétention administrative et les pièces justificatives qui y sont jointes à peine d'irrecevabilité, sont dès leur arrivée au greffe, mises à la disposition de l'étranger et de son avocat.

A l'exception de la copie du registre de rétention prévu à l'article L744-2, les textes ne précisent pas quelles sont les pièces justificatives utiles qui doivent être jointes à la requête.

Néanmoins, il est constant qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation, par le juge des libertés et de la détention, des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

En l'espèce, un justificatif de consultation du fichier Eurodac n'est pas joint à la requête.

Il sera cependant relevé que les dispositions édictées par le Règlement Dublin III ' règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'interdisent pas le placement d'un étranger en rétention administrative mais encadrent son recours,

Or, M. [C] [V] qui affirme avoir effectué une demande d'asile en Croatie et en Allemagne ne produit aucune preuve en ce sens. De plus, il n'établit pas que sa situation personnelle n'entre pas dans les précisions de l'article L 523-1 du CESEDA.

La requête en prolongation ne souffre dès lors pas de l'irrégularité dénoncée.

- Sur la nullité de la procédure et la notification du placement en garde à vue avec interprétariat par téléphone :

M. [C] [V] soulève la nullité de son placement en rétention tenant à l'irrégularité de la mesure de garde à vue préalable due au recours à un interprète par téléphone. Il n'allègue cependant d'aucun grief.

Il appartient au juge judiciaire, statuant sur une requête en prolongation de la rétention administrative, de se

prononcer sur les éventuelles irrégularités d'une garde à vue lorsqu'elle précède immédiatement le placement en rétention administrative de l'étranger.

Il résulte des dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale applicables à la notification des droits attachés à la garde à vue, que le recours à des moyens de télécommunication doit être réservé dans le cas d'une impossibilité pour l'interprète de se déplacer, laquelle doit être constatée par procès-verbal.

Toutefois, il résulte de l'article L743-12 du CESEDA, tel que modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 et en vigueur depuis le 28 janvier 2024, que " En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats"

Ainsi, lorsque le recours à une disposition dérogatoire n'est pas suffisamment explicite, comme soutenu en l'espèce du fait du recours au truchement d'un interprète par téléphone en lieu et place de la présence physique du professionnel dans les locaux de police, il appartient au demandeur à la nullité d'établir l'existence du grief résultant de cette omission.

En l'espèce, la procédure ne donne pas les raisons pour lesquelles, lors de son placement en garde-à-vue, il a été fait usage de l'interprétariat téléphonique alors que par la suite, notamment pour son audition et la notification des décisions administratives l'interprète était présent.

Or, M. [C] [V] ne conteste pas s'être vu notifier l'ensemble des droits qui sont les siens et s'être vu remettre le formulaire prévu à cet effet dans la langue qui est la sienne et n'a évoqué aucun grief tenant à l'absence de l'interprète à ses côtés.

Il n'établit dès lors pas que la notification des droits relatifs à la mesure de garde à vue prise à son encontre faite par téléphone et non en présence physique de l'interprète a affecté sa compréhension des droits que la loi lui reconnaît.

En conséquence, il convient de retenir que les droits afférents à la mesure de garde-à-vue lui ont été notifiés dans des conditions suffisantes à leur bonne compréhension et exercice et qu'il ne fait pas la démonstration de l'existence d'un grief susceptible de remettre en cause la régularité de la mesure de garde-à-vue prise à son encontre puis celle de la mesure administrative dont il fait l'objet.

L'exception de nullité soulevée sera donc rejetée.

- Sur le défaut de diligences tenant à l'absence de consultation du fichier Eurodac :

Pour accueillir une demande de première prolongation, le juge doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser le départ de l'étranger.

M. [C] [V] ne conteste pas la saisine des autorités consulaires mais affirme que n'ayant pas consulté la borne Eurodac, l'administration ne fait pas en sorte que la mesure de rétention ne dure que le temps strictement nécessaire à son éloignement.

Toutefois, n'établissant pas avoir déposé une demande d'asile en Croatie ou en Allemagne comme il affirme, M. [C] [V] n'est pas bien-fondé à reprocher le défaut de diligence de l'administration de ce fait.

Il n'y a dès lors pas lieu à retenir la nullité soulevée.

M. [C] [V] n'a développé aucun moyen sur l'absence de possibilité de lui faire bénéficier d'une assignation à résidence.

Or, s'il a dispose d'un passeport marocain en cours de validité, il affirme que le lieu de naissance qui y est mentionné ne correspond pas à la réalité. En outre, s'il a fait état d'attaches familiales et d'un hébergement à [Localité 5], il n'a donné aucune précision utile sur sa situation étant rappelé qu'il s'est maintenu sur le territoire national malgré l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet.

Ainsi la prolongation de la rétention administrative dont il fait l'objet est l'unique moyen d'assurer la mise à exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme.

Rejetons les exceptions de nullité soulevées.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Gironde.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le dix huit Juin deux mille vingt quatre

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Joëlle GUIROY

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 18 Juin 2024

Monsieur [I] SE DISANT [C] [V], par mail au centre de rétention [Localité 3]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Lidwine MALFRAY, par mail,

Monsieur le Préfet de la Gironde, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 24/01695
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;24.01695 ?
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