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18/06/2024 | FRANCE | N°22/01661

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 18 juin 2024, 22/01661


SF/SH



Numéro 24/02025





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 18/06/2024







Dossier : N° RG 22/01661 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHTO





Nature affaire :



Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente















Affaire :



[V] [N]



C/



[K] [E]

[P] [B] [R] épouse [E] r>
[G] [F]

[I] [X]



















Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juin 2024, les parties e...

SF/SH

Numéro 24/02025

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 18/06/2024

Dossier : N° RG 22/01661 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHTO

Nature affaire :

Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente

Affaire :

[V] [N]

C/

[K] [E]

[P] [B] [R] épouse [E]

[G] [F]

[I] [X]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 02 Avril 2024, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame DE FRAMOND, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du Code de procédure civile

Madame BLANCHARD, Conseillère

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [V] [N]

né le 29 Janvier 1988 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté et assisté de Maître PAULIAN, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Monsieur [K] [E]

né le 12 Juillet 1980 à [Localité 10] (64)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Madame [P] [B] [R] épouse [E]

née le 03 Décembre 1984 à [Localité 9] (64)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentés et assistés de Maître MALTERRE de la SELARL MALTERRE - CHAUVELIER, avocat au barreau de PAU

Madame [G] [F]

née le 18 Octobre 1996 à [Localité 10] (64)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Monsieur [I] [X]

né le 22 Juin 1993 à [Localité 10] (64)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Maître LABADIE HEMERY, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître DELECROIX, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 10 MAI 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DE PAU

RG numéro : 21/00275

M. [V] [N] est propriétaire d'un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 5] sis [Adresse 2] comprenant une maison à usage d'habitation, une grange vétuste et des terres, le tout pour une surface d'un 1 ha 30a 53ca.

Il a décidé de mettre en vente ce bien et a publié une annonce sur le Bon Coin à laquelle ont répondu d'une part les époux [K] et [P] [E] et d'autre part Mme [G] [F] et M. [I] [X].

Le 13 juin 2020, la mère de M. [N], Mme [Y], qui avait effectué les visites du bien immobilier avec les candidats acquéreurs, a fait signer un compromis de vente aux deux couples.

Du fait du vendeur, la régularisation de ces ventes n'est jamais intervenue.

Par acte d'huissier de justice en date du 17 novembre 2020, Mme [G] [F] et M. [S] [X] ont assigné M. [V] [N] devant le Tribunal Judiciaire de Pau sur le fondement des articles 1113 et suivants, 1583, 1589 et 1 156 du code civil aux fins d'ordonner l'exécution forcée de la vente de l'ensemble immobilier.

Par ailleurs, par acte d'huissier du 16 février 2021, M. et Mme [E] ont également assigné M. [N] devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins de voir ordonner l'exécution forcée de la vente du même bien immobilier.

Dans cette dernière procédure, suivant jugement contradictoire du 10 mai 2022 (RG n° 21/00275), le tribunal judiciaire de Pau a :

- débouté M. [V] [N] de sa demande de voir prononcer la nullité du compromis de vente signé le l3 juin 2020 avec M. [K] [E] et Mme [P] [E],

- ordonné l'exécution forcée de la vente de l'ensemble immobilier composé d'une maison d'habitation et d'une grange située [Adresse 2] à [Localité 5] au prix de 69 000 €,

- assorti le présent jugement d'une astreinte de 50 € par jour de retard à courir passé un délai de 1 mois suivant la signification de la présente décision - et ce pendant une période de 4 mois afin qu'il soit procédé à la régularisation de la vente du bien chez Maître [A], notaire à [Localité 7],

- condamné M. [N] à payer à M. et Mme [E] la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné M. [N] à payer à M. et Mme [E] la somme de 2 000 € au titre des frais de procédure, et aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Dans sa motivation, le tribunal a retenu notamment que :

- en application de l'article 1998 du code civil, le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent si la croyance du tiers aux pouvoirs du mandataire est légitime, et les divers éléments de l'espèce permettent d'apprécier l'existence de ce mandat ;

- Selon l'article 1135 alinéa 1 du code civil, l'erreur sur la prestation et sur le cocontractant n'est pas une cause de nullité du contrat, à moins que les parties n'en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement, le tribunal écartant la simple erreur matérielle consistant pour Mme [Y] à faire signer une offre d'achat alors que le mail du 7 juin 2020 indiquait qu'il serait question de la signature d'un compromis de vente. 

Par déclaration d'appel du 14 juin 2022 (RG n°22/1661), M. [V] [N] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

Suivant jugement contradictoire du 4 octobre 2022 (RG n° 20/02008), le tribunal judiciaire de Pau dans la deuxième procédure a également :

- Condamné M. [V] [N] à vendre à Mme [G] [F] et M. [I] [X] l'ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 5] sis [Adresse 2] comprenant une maison à usage d'habitation, une grange vétuste et des terres, le tout au prix de 69 000 € tel que mentionné dans l'offre du 8 juin 2020 et dans le compromis de vente du 13 juin 2020 signé par les parties ;

- Condamné M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 3 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- Condamné M. [V] [N] aux entiers dépens ;

- Condamné M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Rejeté toute demande autre ou plus ample formée par les parties ;

- Ecarté l'exécution provisoire de plein droit de la présente décision.

Dans sa motivation, le tribunal a retenu que :

- Au visa de l'article 1156 du code civil et en considération des échanges entre les parties (dont M. [V] [N] était en copie), M. [X] et Mme [G] [F] pouvaient se prévaloir de l'opposabilité de l'acte accompli par Mme [Y]. 

- Selon l'article 1135 alinéa 1 du Code civil, l'erreur de Mme [Y], pensant faire signer une offre d'achat et non un compromis de vente, qui ne concerne pas une qualité essentielle de la prestation ou du contractant, n'est pas une cause de nullité à moins que les parties n'en ait fait expressément un élément déterminant de leur consentement. 

- L'acceptation de l'offre de vente le 8 juin 2020 par Mme [Y] et la signature de la promesse de vente le 13 juin 2020 vaut vente et peut être opposée à M. [N], peu important qu'un autre compromis ait été signé ensuite avec d'autres acquéreurs, alors que le bien n'était plus disponible à la vente. 

- En application de l'article 1231-6 du code civil, la preuve de la mauvaise foi de M. [N] est rapportée, qui souhaitait percevoir un prix plus important du fait de l'existence d'autres offres, justifiant sa condamnation à des dommages-intérêts au profit des acquéreurs.

Par déclaration d'appel du 4 novembre 2022 (RG n°22/3003), M. [V] [N] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

Par une ordonnance de jonction du 4 septembre 2023, la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro N° RG 22/03003 a été jointe à l'affaire déjà pendante devant la Cour d'appel de Pau sous le N° RG 22/01661.

Aux termes de ses dernières conclusions du 4 mars 2024, M. [V] [N], appelant, entend voir la cour :

- Infirmer le jugement du 04 octobre 2022 du Tribunal Judiciaire de PAU concernant Mme [F] et M. [X] en toutes ses dispositions,

-Infirmer le jugement du 10 mai 2022 du Tribunal Judiciaire de PAU concernant M. et Mme [E] en toutes ses dispositions,

- Constater la nullité des deux actes du 13 juin 2020,

- Débouter les consorts [F]-[X] et les époux [E] de l'intégralité de leurs demandes.

- Les condamner respectivement au paiement d'une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [N] fait valoir, sur le fondement des articles L271-1 et R426-8 du code de la construction et de l'habitat, 1219 et 1147 du Code civil, que :

- étant en déplacement au Liban au motif professionnel, il a confié la charge des visites du bien qu'il mettait en vente à ses parents ;

- le couple [E] s'est manifesté en premier, mais Mme [Y], qui souffre de bipolarité et n'est pas professionnelle de l'immobilier a fait signer par erreur un compromis de vente pour le prix de 69'000 € se faisant remettre un chèque de garantie de 10 € ;

- elle faisait également signer un même compromis de vente au couple [F]-[X] qui se manifestait ensuite ;

- s'étant rendue compte de son erreur, Mme [Y] écrivait aux consorts [F]-[X] dès le 18 juin 2020, mais ceux-ci refusaient un arrangement à l'amiable ;

- faute de mandat express le jour de la signature, les compromis de vente doivent être annulés ;

- à défaut, le compromis est nul pour erreur obstacle sur les intentions de Mme [Y] ayant vicié son consentement quant aux actes qu'elle devait signer, croyant faire signer une offre d'achat, cette erreur résulte du fait qu'elle a fait signer le même jour deux actes identiques incompatibles et comportant des incohérences révélant un défaut capacité ;

- enfin, M. [N] ne peut exécuter les 2 contrats ayant le même objet, outre le fait que les compromis de vente signés ne respectent pas le formalisme obligatoire notamment sur les diagnostics ;

- Sur les dommages-intérêts M. [N] rappelle que la clause pénale prévue au contrat est de 10 €.

Par leurs dernières conclusions du 22 décembre 2023, M. et Mme [E], intimés, demandent à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture au jour des plaidoirie,

- Confirmer le jugement du 10 mai 2022 dont appel en ce qu'il a :

- débouté M. [N] de sa demande de voir prononcer la nullité du compromis de vente signé le 13 juin 2020 avec M. [K] [E] et Mme [P] [E],

- ordonné l'exécution forcée de la vente de l'ensemble immobilier composé d'une maison d'habitation et d'une grange située [Adresse 2] à [Localité 5] au prix de 69 000 €,

- assorti le jugement d'une astreinte de 50€ par jour de retard à courir passé un délai d'un mois suivant la signification de la décision et ce pendant une période de 4 mois afin qu'il soit procédé à la régularisation de la vente du bien chez Maître [A], notaire à [Localité 7].

- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [V]

[N] à payer à Mme [P] [B]-[R] épouse [E] et

M. [K] [E] la somme de 2 000 € au titre de leur préjudice et statuer à

nouveau sur ce point :

- Condamner M. [V] [N] à payer à Mme [P] [B]-

[R] épouse [E] et M. [K] [E] la somme de

20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire si la Cour estime que le préjudice des consorts [E] n'est

pas suffisamment établi,

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [N] à

payer la somme de 2 000 € aux consorts [E] au titre de leur préjudice

En tout état de cause,

- Condamner M. [V] [N] à payer à Mme [P] [B] [R] épouse [E] et M. [K] [E] la somme de 2 400 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de l'appel et de la première instance.

Suite à la jonction avec la procédure d'appel contre le jugement du 4 octobre 2022 :

A titre principal,

- Constater que les consorts [E] ont conclu le contrat de vente en premier avec M. [N] ;

- Ordonner l'exécution forcée de la vente de l'ensemble immobilier composé d'une maison d'habitation et d'une grange située [Adresse 2] à [Localité 5] au prix de 69'000 € au profit de M. Mme [E] ;

- Déclaré opposable cette vente à Mme [F] et M. [X] ;

- Débouter Mme [F] et M. [X] de leurs demandes ;

A titre subsidiaire si la Cour estime que la vente est conclue entre Mme [F] et M. [X] et M. [N] ;

- Condamner M. [N] à payer la somme de 10 000 € à M. et Mme [E] au titre de leur préjudice moral.

Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [E] font valoir, sur le fondement des articles 1113 et 1118 du code civil , 1156 et 1589 du code civil que :

- Ils ont été le premier couple à signer le compromis de vente le 13 juin 2020, la signature des parties traduit l'acceptation pure et simple par les acquéreurs de la chose et du prix offerts par le vendeur, et la vente est donc parfaite entre eux et le contrat valide ;

- ils ont légitimement cru en la réalité des pouvoirs dont disposait Mme [Y], agissant ainsi avec un mandat apparent dont ils n'avaient pas à vérifier la réalité et l'étendue des pouvoirs ;

- la seule erreur commise par Mme [Y] consiste à avoir fait signer un 2e même compromis de vente le même jour à un autre couple, elle disposait le jour de la visite de document vierge offre d'achat qu'elle a pourtant choisi de ne pas faire signer;

- le retard dans leur acquisition augmente le coût des travaux qu'ils avaient envisagés, et les oblige à rester en location, justifiant de leur allouer également une somme de 20'000 € en réparation de ce préjudice matériel.

- la non réitération de la vente depuis 3 ans leur cause un préjudice moral qu'il convient de réparer par la somme de 10'000 €.

Par leurs conclusions du 21 décembre 2023, Mme [G] [F] et M. [I] [X], intimés, demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement du 4 octobre 2022 du Tribunal Judiciaire de Pau, en ce qu'il a :

- condamné M. [V] [N] à vendre Mme [G] [F] et M. [I] [X] l'ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 5] sis [Adresse 2] comprenant une maison à usage d'habitation, une grange vétuste et des terres le tout pour une surface de 1ha 30a 53ca,

- condamné M. [V] [N] à verser à Mme [G] [F] et M. [I] [X] des dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné M. [V] [N] à verser à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens,

- Ordonner l'exécution forcée de la vente d'ensemble immobilier composé d' une maison d'habitation et grange vétustes et de plus d'un hectare de terrain au prix de 69 000 € sis [Adresse 2] à [Localité 5], tel mentionné dans l'offre du 8 juin 2020 et dans le compromis conclu le 13 juin 2020, entre les parties,

- Condamner M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 5 000 € au titre de la résistance abusive du vendeur,

- Condamner M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 5 000 € au titre des articles 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, Mme [F] et M. [X] font valoir, sur le fondement des articles 1113 et'suivants, 1583 et 1589 du Code civil que :

- lorsque le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans la limite de ce mandat, le mandant est obligé envers ce tiers ;

- l'acceptation pure et simple d'une offre de vente précisant les éléments essentiels de la vente, à savoir la chose et le prix, entraîne la formation définitive du contrat de vente ;

- le vendeur n'est pas fondé à revenir sur le contrat conclu au prétexte qu'il aurait reçu une autre offre d'un montant supérieur bien après la rencontre des volontés constatées dans l'acte signé le 13 juin 2020 avec Mme [G] [F] et M. [I] [X] ;

- les difficultés entre M. [N] et sa mère ne concernent pas les acquéreurs, et l'absence de mandat écrit ne suffit pas à remettre en question le mandat compte tenu de l'impossibilité morale prévue à l'article 1360 du Code civil dans le cas de liens de parenté entre le vendeur et le mandataire ;

- M. [N] était parfaitement informé de la vente conclue avec eux qu'il ne peut remettre en question pour des raisons mercantiles ;

- quand bien même Mme [Y] ne serait pas professionnelle, l'erreur qu'elle invoque n'en est pas moins inexcusable ;

- La résistance abusive de M. [N] à régulariser la vente, leur cause un préjudice en retardant leur projet de construction immobilière.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un mandat apparent :

Selon l'article 1985 du Code civil le mandat peut être donné verbalement. L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire.

Selon les dispositions de l'article 1998 du Code civil, le mandant est tenu d'exécuter l'engagement contracté par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Il est de jurisprudence constante et ancienne (Civ 1ère 30 mars 1965) que le mandant peut être obligé envers les tiers au-delà du pouvoir qui a été donné au mandataire lorsqu'il résulte des circonstances que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans les limites de ce mandat.

Il n'est pas contesté que M. [N] a demandé à sa mère de le représenter pour la mise en vente et les visites de son bien immobilier dès lors qu'il se trouvait à l'étranger.

Cela ressort des mails échangés avec Mme [P] [E] au mois d'avril et mai 2020 où M. [N] désigne sa mère comme mandataire pour planifier les visites, notamment dans un mail du 6 avril 2020, il indique aussi à Mme [E] : « j'ai reçu beaucoup de demandes de visite, à faire après le confinement, donc le prix indiqué est non négociable. Je ne peux pas faire de réservation du bien donc la transaction se fera au bénéfice de la première personne qui signera le compromis de vente après le confinement. »

Dès lors que les visites ont été réalisées, après le confinement, par Mme [Y], celle-ci avait donc bien mandat de faire signer les compromis le jour des visites.

Si M. [M] [N], père de M. [V] [N], atteste de ce que la mère de celui-ci, Mme [Y], est diagnostiquée bipolaire et présente des phases hyperactives impulsives et des phases de dépression, qui peuvent expliquer qu'elle ait fait signer deux compromis la même journée avec deux candidats acquéreurs différents, l'attestation ne suffit pas à caractériser l'incapacité de la mandataire à comprendre le terme 'compromis de vente' figurant sur les formulaires qu'elle a choisi expressément de faire remplir aux acquéreurs, d'autant qu'en page 6 de cet acte, que les parties ont paraphé et dans lequel elles ont ajouté à la main la date de réitération de la vente par acte authentique, figure la mention : « les présentes conventions constituent dès leur signature un accord définitif sur la chose et sur le prix» ;

D'ailleurs, Mme [Y] a confirmé par deux mails en date du 7 juin 2020 les heures de visite tant à Mme [F] et M. [X] qu'à M. Et Mme [E] « je viendrais avec tous les papiers nécessaires à la signature d'un compromis de vente (procuration de [V], etc) et avec le dernier diagnostic datant de 2018 (') Si vous souhaitez signer un compromis le jour de la visite, je me permets de vous rappeler que vous disposez d'un délai de rétractation de 10 jours à partir du moment ou vous recevrez le compromis ». 

En outre, les deux compromis signés le 13 juin 2020 comportaient la mention manuscrite « Pour [V] [N] ([C] [Y])».

Ces compromis mentionnaient également en page 6 que l'acte de vente devait être réitéré au plus tard le 13 septembre 2020 par acte authentique établi par Maître [A] à [Localité 7] et encore en page 7 paraphé par les signataires que « le vendeur s'oblige à déposer à l'étude de Maître [A] à [Localité 7] (') dans un délai de 8 jours à compter de sa signature ». 

Dans le mail du 22 juin 2020 adressé à Mme [E], avec copie adressée à M. [N], Mme [Y] rappelle le délai de 10 jours de rétractation, et indique qu'elle déposerait le dossier chez le notaire sûrement le mercredi 24 juin. Elle indique être en attente du nouveau diagnostic.

Même si dans des mails postérieurs, des 18 et 19 juin 2020 Mme [Y] affirme avoir mal évalué la portée des compromis de vente, les assimilant à des offres d'achat qui ne valaient vente qu'après réitération devant le notaire, cette erreur ne constitue pas une cause de nullité du compromis de vente qui a bien constaté le consentement du vendeur et de l'acquéreur sur la chose vendue et le prix, sans aucune ambiguïté.

Par ailleurs, ces mails de Mme [Y] , et s'agissant de M. et Mme [E] les mails échangés avec M. [N], ont légitimement convaincu tant M. et Mme [E] que Mme [F] et M. [X] de l'existence du mandat conclu entre le vendeur et sa mère pour signer les compromis de vente sur le bien appartenant au fils.

Il ressort ainsi de tous ces éléments que les compromis de vente ont été signés le 13 juin 2020 par Mme [Y] au nom de son fils [V] [N] dans le cadre d'un mandat au moins apparent régulier entre la mère et son fils pour faire signer des compromis de vente au candidat acquéreur.

Il s'ensuit que les actes signés par Mme [Y] au nom de son fils en vertu de ce mandat apparent engagent celui-ci.

Sur la validité des compromis signés le 13 juin 2020 :

Selon les articles 1582 et 1583 du Code civil la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous-seing-privé. Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

La signature d'un compromis de vente dans laquelle les parties se sont mises d'accord sur l'immeuble objet de la vente et le prix de celle-ci rend parfaite la vente.

Il ressort d'un mail adressé le 2 septembre 2020 par Mme [Y] à Mme [E] que le premier compromis de vente a été signé le 13 juin 2020 avec M. Et Mme [E] qui étaient en relation avec M. [N] depuis le mois d'avril et attendaient la levée du confinement pour visiter le bien, visite qui a eu lieu le samedi 13 juin à 13 heures selon le mail de confirmation du rendez-vous du 7 juin 2020 à 19h38 de Mme [Y] à Mme [E].

Un mail adressé par Mme [Y] à M. [X] le 7 juin 2020 à 19h42, fixant le rendez-vous pour la visite à 14 heures le 13 juin suivant, confirme que le compromis signé ce jour là avec Mme [F] et M. [X] a donc été postérieur à celui signé avec M. et Mme [E].

La signature du premier compromis de vente signé avec M. et Mme [E] a rendu la maison indisponible dans le patrimoine de M. [N], et par conséquent sa mandataire Mme [Y] ne pouvait plus en disposer en faisant signer un 2ème compromis de vente à Mme [F] et M. [X].

Il s'en suit que ce 2ème compromis doit être déclaré nul et de nul effet et le jugement rendu le 4 octobre 2022 réformé sur ce point, le premier compromis étant par contre valable, la vente de cet immeuble étant parfaite entre M. [N] et M. et Mme [E] .

Il y a donc lieu de confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il ordonne l'exécution forcée de la vente de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 5] au prix de 69'000 € entre M. [N] et M. et Mme [E], assortie de l'astreinte fixée par le jugement mais commençant à courir passer un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et non pas d'un mois à compter de la signification du jugement , compte tenu des formalités à accomplir pour la rédaction d'un acte notarié de vente immobilière.

Sur'la demande de dommages-intérêts présentés par M. et Mme [E] contre M. [N] :

S'il est vrai que les coûts de construction et de rénovation ont augmenté depuis 2020, M. et Mme [E] ne versent aux débats aucune pièce relative à leur projet de construction.

Ils ne justifient donc pas d'un préjudice matériel lié au retard de ce projet, et la cour confirme donc l'évaluation faite par le premier juge à hauteur de 2 000 € de leur préjudice pour le retard dans la réalisation de leur achat, de même que l'indemnisation à hauteur de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, et la condamnation de M. [N] au paiement de ces sommes outre les dépens de 1ère instance.

Sur les demandes de dommages-intérêts présentés par Mme [F] et M. [X] contre M. [N] ':

A l'inverse du premier juge, il ne peut être considéré que M. [N] a commis une résistance abusive à réitérer la vente par acte authentique, dans la mesure où il est désormais constaté qu'il n'était plus propriétaire du bien en vertu du premier compromis signé avec M. et Mme [E], même si ce n'est pas sur ce fondement qu'il s'opposait à la réitération de la vente.

Le jugement du 4 octobre 2022 doit donc être infirmé sur l'attribution de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par contre, leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral dans le cadre de l'instance jointe relative à la vente confirmée au profit de M. Et Mme [E] est bien fondée ; en effet, la signature par M. [N], représentée par sa mère, d'un compromis de vente le jour même de leur visite du bien leur a fait croire à la réalisation de cette vente dans laquelle ils se sont engagés inutilement, se projetant dans cette acquisition qu'ils pensaient ferme alors que l'immeuble n'était plus disponible, et leur a causé un préjudice par la perte de chance de réaliser cette acquisition à des conditions avantageuses et un préjudice moral quant à l'incertitude engendrée par les deux procédures et il leur sera allouée une indemnité de 5 000 € au titre de leur préjudice moral.

Le jugement sera par contre confirmé sur les mesures de fin de jugement accordant 1 500 € à Mme [F] et M. [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnant M. [N] aux dépens de première instance.

Sur les mesures accessoires'en appel :

M. [N] sera condamné à verser en outre une somme de 2 000 € à M. et Mme [E] et une somme de 2 500 € à Mme [F] et M. [X] pour leurs frais irrépétibles respectifs exposés en appel.

M. [N] devra supporter tous les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 10 mai 2022 (RG : 21/00275) en ce qu'il :

- assortit le présent jugement d'une astreinte de 50 € par jour de retard à courir passé un délai de 1 mois suivant la signification de la présente décision - et ce pendant une période de 4 mois afin qu'il soit procédé à la régularisation de la vente du bien chez Maître [A], notaire a [Localité 7],

Confirme le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau et y ajoutant :

- assortit le présent arrêt confirmant l'exécution forcée de la vente par M. [V] [N] de la maison d'habitation et de la grange située [Adresse 2] à [Localité 5] à M. [K] [E] et Mme [P] [B]-[R] épouse [E] d'une astreinte de 50 € par jour de retard à courir passé un délai de 3 mois suivant la signification de la présente décision - et ce pendant une période de 4 mois afin qu'il soit procédé à la régularisation de la vente du bien chez Maître [A], notaire a [Localité 7],

Condamne M. [V] [N] à payer à M. [K] [E] et Mme [P] [B]-[R] épouse [E] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Infirme le jugement rendu le 4 octobre 2022 en ce qu'il a :

Condamné M. [V] [N] à vendre à Mme [G] [F] et M. [I] [X] l'ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 5] sis [Adresse 2] comprenant une maison à usage d'habitation, une grange vétuste et des terres, le tout au prix de 69 000 € tel que mentionné dans l'offre du 8 juin 2020 et dans le compromis de vente du 13 juin 2020 signé par les parties,

- Condamné M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 3 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Confirme ce jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare nul le compromis de vente signé le 13 juin 2020 entre M. [V] [N] et Mme [G] [F] et M. [I] [X] portant sur le bien immobilier situé sur la commune de [Localité 5] sis [Adresse 2] comprenant une maison à usage d'habitation, une grange vétuste et des terres, le tout au prix de 69 000 euros,

Condamne M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 5 000 € en réparation de leur préjudice moral et pour leur perte de chance d'acquérir ce bien immobilier,

Condamne M. [V] [N] à payer à Mme [G] [F] et M. [I] [X] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais exposés en appel,

Rejette la demande de M. [V] [N] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] [N] aux entiers dépens d'appel des procédures jointes.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01661
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.01661 ?
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