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17/06/2024 | FRANCE | N°22/02589

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 17 juin 2024, 22/02589


JG/ND



Numéro 24/2011





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 17/06/2024







Dossier : N° RG 22/02589 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IKLN





Nature affaire :



Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule















Affaire :



S.C. CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 9]





C/



[R] [I]

[S] [P] épouse [I]

























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans ...

JG/ND

Numéro 24/2011

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 17/06/2024

Dossier : N° RG 22/02589 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IKLN

Nature affaire :

Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule

Affaire :

S.C. CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 9]

C/

[R] [I]

[S] [P] épouse [I]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 29 Avril 2024, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 9]

société coopérative à capital variable statutairement limitée

immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° 315 256 669, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Blandine CACHELOU de la SARL DE TASSIGNY CACHELOU AVOCATS, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Jérôme MARFAING-DIDIER (SELARL DECKER), avocat au barreau de Toulouse

INTIMES :

Monsieur [R] [I]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8] (65)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [S] [P] épouse [I]

née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 7] (17)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Jacques BERTRAND, avocat au barreau de Tarbes

sur appel de la décision

en date du 25 JUILLET 2022

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

RG : 22/2589

Exposé du litige et des prétentions des parties :

Monsieur [R] [I] et Madame [S] [P] épouse [I] (ci-après les consorts [I]-[P]) sont co-gérants de la SARL Des lutins sise [Adresse 5] à [Localité 9] qui exploite une activité de vente de voitures pour enfants, lits, jouets et tout ce qui concerne l'enfant.

Par acte sous seing privé du 14 février 2017, la SC Caisse de Crédit mutuel a consenti à la SARL Des lutins un prêt de 160.000 euros amortissable en 84 échéances de 2.127,70 euros chacune et destiné au financement du rachat du fonds de commerce et à la réalisation de travaux.

Le même jour et par le même acte, les consorts [I]-[P] se sont portés caution solidaire des engagements de la SARL Des lutins à hauteur de 96.000 euros chacun.

Par jugement du 18 juin 2018, le tribunal de commerce de Tarbes a prononcé la liquidation judiciaire de la société.

La SC Caisse de Crédit mutuel a régulièrement déclaré sa créance pour un montant de 149.978.02 euros au liquidateur judiciaire, créance qui a été admise par ordonnance du 20 décembre 2018.

Par courrier des 3 et 4 juillet 2018, la SC Caisse de Crédit mutuel a mis en demeure les consorts [I]-[P], en leur qualité de caution solidaire, de procéder chacun au règlement de la somme de 74.989,46 euros eu égard à la défaillance du débiteur principal.

N'obtenant pas satisfaction, par acte d'huissier du 18 décembre 2019, la Caisse de crédit mutuel [Localité 9] a assigné les consorts [I]-[P], ès-qualités, devant le tribunal de commerce de Tarbes aux fins notamment de les voir condamner, chacun, au paiement de la somme de 75.236, 84 euros, majorée des intérêts de retard au taux contractuel de 1,50 % l'an à compter du 13 septembre 2019.

Par jugement du 25 juillet 2022, le tribunal de commerce de Tarbes a :

- débouté la Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] de ses demandes,

- dit que la Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] a failli en ne relevant pas les incohérences manifestes de la fiche de caution,

- dit que les engagements de M.[R] [I] et Mme [S] [P] épouse [I] à titre de caution étaient très disproportionnés par rapport à leurs moyens financiers et déchargé les époux [I] de leur engagement de caution envers la Caisse de Crédit mutuel pour le prêt du 14 février 2017 ;

- débouté M. [R] [I] et Mme [S] [P] épouse [I] de leur demande d'indemnités ;

- condamné la société la Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] à verser à M. [R] [I] et Mme [S] [P] épouse [I] Ia somme de deux mille euros - 2.000 € - au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté tous autres moyens et prétentions des parties ;

- dit que l'exécution provisoire n'a pas lieu d'être ordonnée ;

- condamné Ia société Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] à régler les entiers dépens de l'instance, dont les frais de greffe taxes et liquidés à la somme de 75,15 € TTC.

Par déclaration d'appel du 23 septembre 2022 la SC Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] a interjeté appel de cette décision.

La clôture a été prononcée 13 décembre 2023.

**

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 15 juin 2023, la SC Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] demande à la cour, au visa des articles L. 643-1 du code de commerce et 1103, 1104 et 2288 et suivants du code de la consommation, de :

- réformer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [R] [I] et Mme [S] [P] épouse [I] de leur demande d'indemnités ;

et statuant à nouveau, de :

- condamner [R] [I] et [S] [I], en leur qualité de caution solidaire de la SARL Des lutins, à lui payer sans délai, chacun, la somme de 75.236,84 €, majorée des intérêts de retard au taux contractuel de 1,50 % l'an à compter du 13 septembre 2019, au titre du prêt professionnel n°21146102,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens

**

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2023, [R] [I] et [S] [P] épouse [I] demandent à la cour de :

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Vu les articles L 223-22 et L 223-23 du code de commerce,

Vu les articles 141-1 ancien, L 141-2, L 141-3 et 141-4 du code de commerce,

Vu les articles 1130, 1131 et suivants, 1137, 1138, 1139 et suivants du code civil,

Vu les articles 606, 1719 et 1720 du code civil,

Vu l'article R 145-35 du code de commerce et le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial,

Vu les articles L 133-2, L. 333-1 et L. 343-5 du code de la consommation,

Vu les articles L 341-2, L 341-3 et L. 341-4 du code de la consommation,

- juger recevable et bien-fondé leur appel incident limité,

- débouter la Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] de toutes ses demandes, 'ns et conclusions,

- juger fautif son comportement dans le contrat de caution qu'elle leur a fait souscrire,

A titre principal,

- la débouter de sa demande de condamnation, en leur qualité de caution solidaire, à lui payer la somme de 75.236,84 euros chacun, ainsi qu'à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner à leur payer, au titre de tous préjudices confondus, la somme de 150.473,68 euros,

A titre subsidiaire,

- juger que la Caisse de Crédit mutuel [Localité 9] ne démontre pas les avoir informés du premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement et,en conséquence, la débouter de ses demandes relatives aux pénalités ou intérêts de retards échus depuis la date de ce premier incident,

En tout état de cause,

- la condamner à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

- Sur la validité de l'engagement de caution de Madame [P] épouse [I] :

Dans le cadre de leurs conclusions de première instance comme d'appel les consorts [I]-[P] développent des moyens visant à voir juger nul l'engagement de caution de [S] [P] au motif qu'elle a reporté les mentions manuscrites prévues à l'article L. 331-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, sous l'emplacement intitulé « Conjoint de la caution » et non sous celui intitulé « Caution ».

Cependant, le dispositif des conclusions présentées par les consorts [I]-[P] devant la cour, comme devant le tribunal de commerce, ne comporte aucune demande d'annulation de l'engagement de Madame [P] épouse [I].

A l'instar des premiers juges, il n'y a dès lors pas lieu pour la cour d'examiner les moyens soulevés sur ce point.

- Sur la nullité des cautionnements au regard de la clause qualifiée d'abusive intitulée « Garantie Bpifrance » :

Affirmant que le contrat de prêt et de cautionnement signé le 14 février 2017 est affecté par une clause abusive en ce que la garantie Bpifrance qu'il prévoit bénéficie au seul prêteur, les consorts [I]-[P] estiment que la nullité du contrat doit être prononcée.

Cependant, le dispositif de leurs conclusions, en première instance comme en appel, ne comporte aucune prétention en ce sens étant précisé qu'en tout état de cause, la sanction encourue du fait d'une clause abusive n'est pas la nullité de l'ensemble contractuel à moins que cette clause ait constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elle, ce qui n'est pas établi en l'espèce.

Il n'y a donc pas lieu pour la cour de se prononcer sur ce point.

- Sur la disproportion des engagements de cautions souscrits par les consorts [I]-[P] :

En droit, il résulte des dispositions des articles L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la cautionqui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription de le prouver.

La disproportion s'analyse alors au regard du montant de l'engagement, des biens et revenus, sans prise en compte des revenus escomptés de l'opération financée, et de l'endettement global de la caution. Elle s'apprécie non selon les modalités de paiement propres à l'engagement du débiteur mais au regard du montant de l'engagement propre au débiteur.

Elle doit être manifeste pour opérer décharge du cautionnement.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

En revanche, en l'absence de vérification malgré une anomalie apparente, la caution peut prouver les éléments non vérifiés.

Si l'engagement n'était pas disproportionné au jour de la souscription, le créancier peut s'en prévaloir sans condition de proportionnalité au jour où la caution est appelée.

En revanche, si l'engagement était disproportionné au jour de la souscription et que le créancier entend s'en prévaloir, il lui incombe de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

Au cas présent, la SC Caisse de Crédit mutuel conteste la disproportion des engagements des consorts [I]-[P] à la date de leur souscription au motif que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les échéances du prêt professionnel à l'origine du litige dépassaient leurs capacités financières et le taux d'endettement des particuliers établi à 33 % selon les usages bancaires.

Elle rappelle en effet que le prêt a été consenti à la SARL Des lutins et expose qu'au jour où ils se sont portés cautions, ils avaient, par une déclaration qu'ils ont certifiée exacte et sincère, fait état d'un patrimoine et de revenus qui excluent toute disproportion manifeste avec le montant de leur engagement respectif en leur qualité de caution.

A l'inverse, les consorts [I]-[P] soutiennent qu'à la date de souscription de leur cautionnement, leur engagement était disproportionné compte tenu de leur situation économique.

Ils produisent à cet effet leurs avis d'imposition pour les années 2016 et 2017 et se prévalent du montant du crédit immobilier qui restait alors à leur charge, soutenant qu'ils ne sont propriétaires que du bien que ce dernier finançait, leur résidence principale, et qu'elle ne peut servir à assurer le payement de leur engagement de caution sauf à les contraindre à la vendre.

Ils ajoutent que l'échéance mensuelle du prêt cautionné étant de 2.127,70 euros, elle dépassait largement leur capacité de remboursement et le taux d'endettement des particuliers fixé à 33 % alors que la fiche patrimoniale qu'ils ont souscrite ne leur demandait aucune précision sur les impôts, taxes et charges dont ils devaient s'acquitter et mentionnait une augmentation de la valeur de leur bien immobilier de 73 % en 8 ans sans que l'établissement prêteur ne relève ces incohérences. Ils considèrent dès lors que la banque, qui a manqué à son devoir de mise en garde à leur égard, ne peut se prévaloir de leur engagement et doit être déboutée de ses demandes de payement.

Cependant, il sera constaté que les consorts [I]-[P] ont contracté leur engagement de caution le 14 février 2017 et que préalablement, ils ont rempli une fiche de renseignements dont la banque est bien-fondée à se prévaloir sauf à avoir omis de relever des anomalies apparentes.

Cette fiche de renseignements, visée au bordereau des pièces communiquées entre les parties, n'a pas été communiquée à la cour.

Néanmoins, les parties sont concordantes sur les informations qu'elle comportait, leurs écritures respectives en reprenant la teneur tout comme le jugement déféré.

Les époux [I] confirment avoir alors précisé que leurs revenus annuels s'établissaient à la somme de 27.000 euros, ce qui incluait les revenus tirés du commerce acquis grâce au prêt sous tendant le litige.

Ils ont alors fait état d'un crédit en cours pour la somme de 61.498 euros, dont l'échéance était fixée en avril 2023, pour lequel ils réglaient la somme annuelle de 11.500 euros.

Ils ont déclaré disposer d'un patrimoine immobilier portant sur leur maison d'habitation d'une valeur de 350.000 euros, celle-ci ayant été acquise en 2008 pour 202.500 euros.

Enfin, ils ont mentionné une épargne de 9.000 euros.

Ces données doivent être mises en rapport avec leur engagement respectif lequel était de 96.000 euros.

Or, au vu des renseignements qu'ils ont fourni à l'organisme prêteur, les consorts [I]-[P] ne peuvent lui faire reproche de ne pas avoir vérifié la valeur du bien immobilier dont ils sont les propriétaires au motif que celle-ci constituait une anomalie apparente compte tenu de sa date d'achat du bien et de l'augmentation de valeur qu'il aurait connu.

En effet, la caution reste responsable de l'évaluation qu'elle en a donnée sur la fiche de renseignements dont elle a certifié exactes et sincères les déclarations mentionnées.

En outre, ne faisant pas état d'autres charges que celles des impositions et charges de la vie courante, ils n'établissent pas que la banque devait vérifier leur situation financière plus avant.

Ainsi, engagés respectivement à hauteur de 96.000 euros et faisant valoir être propriétaires d'un bien immobilier d'une valeur de 350.000 euros dont la valeur résiduelle s'établissait à la somme de 288.502 euros après déduction du montant de 61.498 euros du prêt l'affectant, et même si les revenus tirés du commerce nouvellement acquis ne peuvent être retenus, il résulte des pièces produites que les consorts [I]-[P] n'établissent pas que le montant de leur engagement personnel en qualité de caution était manifestement disproportionné à leur revenus et patrimoine à la date de sa souscription.

Dès lors, après avoir rappelé que les modalités de paiement propres à l'obligation garantie ne peuvent pas être retenues ainsi que l'ont fait, à tort, les premiers juges pour apprécier la disproportion de leur engagement, le jugement déféré sera infirmé et il sera constaté que la banque est fondée à se prévaloir du cautionnement qu'ils ont souscrit.

- Sur la demande en payement de la banque :

Les époux [I]-[P] ne critiquent pas le montant en principal de la créance réclamée par la SC Caisse de crédit mutuel [Localité 9].

Toutefois, ils prétendent au rejet de ses demandes relatives aux pénalités ou intérêts de retards échus depuis la date du premier incident non régularisé de la débitrice soutenant que la banque ne démontre pas les avoir informés de celui-ci dans le mois de son exigibilité.

En droit, l'article L. 333-1 du code de la consommation oblige le créancier professionnel à informer la personne physique qui s'est portée caution solidaire de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité du paiement et à défaut, en application de l'article L. 343-5, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date du premier incident et celle à laquelle elle a été informée.

L'information de la caution, qui n'est pas soumise à un formalisme particulier, constitue un fait qui peut être prouvé par tous moyens, notamment par l'envoi d'une lettre simple, l'établissement de crédit devant toutefois prouver qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise, mais non d'établir que cette dernière l'a effectivement reçue.

L'article L. 643-1 du code du commerce précise que le jugement qui ouvre ou prononce une liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues dont le patrimoine saisi par l'effet de la procédure constitue le gage.

Or, la société Caisse de crédit mutuel [Localité 9] démontre, par la production de deux lettres recommandées avec accusé de réception des 3 et 4 juillet 2018, qu'elle a notifié à [R] [I] et à [S] [P] épouse [I] la défaillance du débiteur principal dans le délai d'un mois du prononcé de la liquidation judiciaire intervenu par jugement du 18 juin 2018.

Ainsi, ayant informé régulièrement chacune des cautions de la liquidation judiciaire du débiteur principal et de l'exigibilité anticipée du prêt par courriers intervenus dans le mois du prononcé de la liquidation judiciaire, la banque n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts étant souligné que les époux [I] n'établissent pas l'existence d'un incident de paiement antérieur au 18 juin 2018 et que la banque n'a réclamé des pénalités ou intérêts de retard qu'à compter de cette date.

- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de manquements de la banque à son devoir de mise en garde :

Le jugement déféré a débouté les consorts [I]-[P] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque pour défaut de conseil et de mise en garde.

La banque conclut à la confirmation du jugement déféré à l'exception de cette disposition et les époux [I]-[P] ne sollicitent, au dispositif de leurs conclusions d'appel, ni l'infirmation ni la réformation du jugement de ce chef.

Or, il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté [R] [I] et [S] [P] épouse [I] de leur demande fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque étant cependant relevé que si celle-ci est chiffrée à la somme de 150.473, 68 euros, elle ne précise ni la nature et ni l'étendue des préjudices qui auraient été subis et qu'elle n'est étayée par aucun argument ni pièce.

- Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de la solution du litige, les consorts [I]-[P] qui succombent à l'instance, seront condamnés aux dépens.

En équité et eu égard à la situation économique de chacune des parties, elles seront déboutées de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 25 juillet 2022 rendu par le tribunal de commerce de Tarbes en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [I] et Madame [S] [P] épouse [I] de leur demande d'indemnités ;

L'infirme pour le surplus et y ajoutant :

- condamne Monsieur [R] [I], en sa qualité de caution solidaire de la SARL Des lutins, à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 9], la somme de 75.236,84 €, outre intérêts à compter du 13 septembre 2019, au titre du prêt professionnel n°21146102,

- condamne Madame [S] [P] épouse [I], en sa qualité de caution solidaire de la SARL Des lutins, à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 9], la somme de 75.236,84 €, outre intérêts à compter du 13 septembre 2019, au titre du prêt professionnel n°21146102,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamne in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [S] [P] épouse [I] aux dépens de première instance et d'appel ;

- déboute les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Joëlle GUIROY, conseillère, suite à l'empêchement de Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 22/02589
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;22.02589 ?
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