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05/06/2024 | FRANCE | N°24/01599

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 05 juin 2024, 24/01599


N°24/1893



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU cinq Juin deux mille vingt quatre





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01599 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3VB



Décision déférée ordonnance rendue le 03 JUIN 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous, Véronique GIMENO, conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Ju...

N°24/1893

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU cinq Juin deux mille vingt quatre

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01599 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3VB

Décision déférée ordonnance rendue le 03 JUIN 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Véronique GIMENO, conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Julie FITTES-PUCHEU, Greffier,

APPELANT

M. X SE DISANT [K] [Y]

né le 26 Novembre 1983 à [Localité 2] (YOUGOSLAVIE)

de nationalité Bosniaque

Retenu au centre de rétention d'[Localité 1]

Comparant et assisté de Maître Coralie MISSONNIER

INTIMES :

Le PREFET DE DE LA GIRONDE, avisé, absent n'ayant pas transmis de mémoire

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience, n'ayant pas transmis d'avis

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Monsieur [K] [Y] est arrivé sur le territoire Français à l'âge de 9 ans. Il a bénéficié d'un statut de réfugié jusqu'au 22 juillet 2021 et d'un titre de séjour jusqu'au 13 avril 2023.

Il a fait l'objet de plusieurs condamnations par le Tribunal correctionnel et le 11 décembre 2023 il a été condamné pour des faits de violence sur conjoint à une peine de 10 mois dont 5 assortis d'un sursis probatoire. Il a exécuté la partie ferme de la peine jusqu'au 9 mai 2024.

Le 3 mai 2024, le préfet de la Gironde a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de quatre ans et un arrêté ordonnant son placement en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Ces décisions ont été notifiées le 4 mai à 10h20.

Selon ordonnance en date du 6 mai 2024, le juge des libertés et de la détention de Bordeaux, saisi par requête de la préfecture de Gironde, a déclaré la procédure diligentée contre Monsieur [K] [Y] régulière et a ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 H de la rétention.

Selon requête de l'autorité administrative reçue le 01/06/2024 à 17 h00 et enregistrée le 2 juin 2024 à 10h00, le préfet de la Gironde a saisi le juge des libertés et de la détention de Bayonne d'une demande de prolongation de la rétention de Monsieur [K] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de trente jours.

Selon ordonnance en date du 3 juin 2024, le juge des libertés et de la détention de Bayonne a déclaré la requête en prolongation recevable et ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur [K] [Y] pour une durée de 30 jours à l'issue de la fin de la première prolongation de la rétention.

La décision a été notifiée à Monsieur [K] [Y] le 3 juin 2024 à 11 h 15.

Selon déclaration d'appel motivée formée par son conseil et reçue le 4 juin 2024 à 10h47, Monsieur [K] [Y] sollicite l'infirmation de l'ordonnance.

A l'appui de son appel, il fait valoir qu'il est arrivé en France à l'âge de 9 ans et qu'il a bénéficié du statut de réfugié ; statut qu'il a perdu par décision de l'OFPRA du 22 juillet 2021. Il rappelle que le 7 mai 2024, le Tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté du 3 mai 2024 en ce qu'il fixe le pays de destination et a enjoint la Préfecture de la Gironde de réexaminer le pays de destination, dans un délai d'un mois. Monsieur [K] [Y] fait valoir que depuis la préfecture de la Gironde n'a pas effectué de diligences concrètes suite à la notification de ce jugement, se limitant à solliciter le 24 mai 2024 ses observations quant au pays de destination compte tenu de l'injonction faite par le Tribunal administratif à la Préfecture de la Gironde d'envisager un autre Etat que la Bosnie-Herzégovine en tant que pays de destination.

Estimant que les dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA n'ont pas été respectées, il considère que la requête en prolongation de rétention ne pouvait être accueillie favorablement.

A l'audience, le conseil de Monsieur [K] [Y] a soutenu ces mêmes moyens.

Monsieur [K] [Y] a été entendu en ses explications ;

La préfecture de Gironde n'était pas représentée et n'a pas fait connaître ses observations.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

Selon les dispositions de L 742-4 du CESEDA : Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».

Aux termes de l'article L. 743-12 du code précité, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.

En l'espèce, la décision du Tribunal administratif de Bordeaux du 7 mai 2024 a considéré que l'arrêté du préfet de la Gironde n'a pas procédé à un examen approfondi de la situation de Monsieur [K] [Y], « en prenant particulièrement en compte sa qualité de réfugié, au regard de l'existence de risque de traitement prohibé par ces stipulations à son retour en Bosnie » et que Monsieur [K] [Y] était fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2024, en ce qu'il fixe le pays destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Eu égard au motif d'annulation retenu, il a été enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation dc M. [Y] dans le délai d'un mois à compter du jugement, soit avant le 3 juin.

La requête de l'autorité administrative en prolongation de la rétention de Monsieur [K] [Y] est motivée par l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résultant de la non délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève Monsieur [K] [Y] et notamment de l'attente de la délivrance d'un laissez-passer consulaire pour quitter le territoire français dans la mesure où il n'est pas en possession de l'original de son passeport. Soit des diligences accomplies avant la décision du tribunal administratif.

S'il ne peut se déduire de la décision du Tribunal administratif que la mesure d'éloignement vers la Bosnie est impossible, il convient néanmoins de s'assurer que conformément à l'injonction faite au préfet de la Gironde, l'administration justifie a, au préalable, procéder à un réexamen approfondi de la situation de Monsieur [K] [Y] en prenant en compte sa situation de refugié et qu'un tel réexamen permette d'apprécier l'absence de risques de l'exposer à la violation de ses droits fondamentaux consacrés aux articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'union Européenne.

Dès lors un tel réexamen ne saurait se limiter à l'envoi d'un courrier aux fins de recueillir les observations de Monsieur [K] [Y] sur l'intention du préfet de Gironde de mettre la décision d'éloignement à exécution, conformément à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

Ainsi, il y a lieu de constater que l'administration qui a fait notifier ce courrier le 23 mai 2024, soit 15 jours après la décision du Tribunal administratif n'a pas justifié d'autres diligences afin de procéder au réexamen de la situation de Monsieur [K] [Y] et n'a pas apporté la preuve de diligences effectives permettant de le retenir en rétention pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Cette absence de diligences porte substantiellement atteinte aux droits de l'étranger.

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de la rétention pour une période de 30 jours .

Dès-lors, le maintien en rétention de Monsieur [K] [Y] ne se justifie pas et il convient d'ordonner sa mise en liberté.

PAR CES MOTIFS

Déclarons l'appel recevable ;

Infirmons l' ordonnance en date du 3 juin 2024, le juge des libertés et de la détention de Bayonne

Statuant à nouveau

Déclarons la requête du préfet de la Gironde recevable ;

Disons n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [K] [Y]

Mettons fin à la rétention de Monsieur [K] [Y] et ordonnons sa mise en liberté.

Rappelons que l'intéressé a l'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de

la GIRONDE.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le cinq Juin deux mille vingt quatre à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Véronique GIMENO

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 05 Juin 2024

Monsieur X SE DISANT [K] [Y], par mail au centre de rétention d'[Localité 1]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Coralie MISSONNIER, par mail,

Monsieur le Préfet de la GIRONDE, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 24/01599
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;24.01599 ?
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