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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01689

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 04 juin 2024, 23/01689


JC/VC



Numéro 24/1875





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 04/06/2024







Dossier : N° RG 23/01689 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IR3I





Nature affaire :



Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat















Affaire :



[Z] [G]





C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE



























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisée...

JC/VC

Numéro 24/1875

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 04/06/2024

Dossier : N° RG 23/01689 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IR3I

Nature affaire :

Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat

Affaire :

[Z] [G]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 02 Avril 2024, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-64445-2023-04716 du 24/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Pau)

Représenté par Me Jacques BERTRAND, avocat au barreau de Tarbes

INTIMEE :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE

inscrite au RCS de Tarbes (HP) sous le n° 776 983 546,

Dont le siège social est, [Adresse 2] [Localité 6] et dont la Direction Générale est[Adresse 8], [Localité 4], poursuites et diligences de son représentant légal

Représentée par Me Paul CHEVALLIER de la SCP CHEVALLIER-FILLASTRE, avocat au barreau de Tarbes

sur appel de la décision

en date du 25 MAI 2023

rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE TARBES

RG 21/432

Exposé du litige et des prétentions des parties :

Par actes notariés en date du 31 janvier 2005 et par actes sous seing privé du 10 octobre 2005 et du 18 décembre 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a consenti aux époux [Z] [G] et [D] [R] quatre prêts destinés à l'acquisition d'un terrain et à l'édification d'une maison d'habitation.

En 2009, les époux [G]-[R] ont engagé une procédure de divorce et le jugement le prononçant a été rendu le 26 février 2013.

Aux termes des décisions rendues dans ce cadre, [Z] [G] a pris à sa charge exclusive l'ensemble des emprunts décrits ci-dessus.

Confronté à des difficultés économiques, [Z] [G] a saisi la Commission de surendettement des particuliers des Hautes-Pyrénées qui a déclaré sa demande recevable le 30 octobre 2009.

Il a bénéficié de la mise en place de plusieurs plans de surendettement. Ainsi :

- le 17 décembre 2009, un moratoire de 24 mois avec exigibilité au 30 janvier 2012 lui a été accordé. Le plan prévoyait une mensualité de remboursement de 130,92 euros et devait lui permettre de vendre le bien immobilier servant d'habitation et de reverser le produit de la vente à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne en remboursement des crédits accordés ;

- le 14 février 2012, un nouveau moratoire de 12 mois a été mis en place afin de liquider la communauté [G] - [R]. Les mensualités étaient 'xées à 198,83 euros ;

- le 12 juillet 2013, un dernier moratoire de 12 mois lui a été accordé afin de procéder à liquidation de la communauté matrimoniale avec des mensualités 'xées à 172 euros.

Le 8 juillet 2014, [Z] [G] a de nouveau saisi la Commission de surendettement qui a déclaré sa demande irrecevable le 29 juillet 2014.

Cette décision a été confirmée par jugement du tribunal d'instance de Tarbes le 12 mai 2015.

Le 12 février 2016, par courrier recommandé avec accusé de réception adressé à [Z] [G], la Caisse Régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne s'est prévalue de la déchéance du terme des prêts.

Elle a ensuite engagé une procédure de saisie immobiliere sur le fondement du prêt notarié consenti le 31 janvier 2005 et il a été procédé à la vente du bien immobilier au prix de 111.200 euros, lequel a servi au réglement des sommes dues au titre de ce prêt. Mais, seul un règlement partiel des sommes dues au titre des autres prêts est intervenu.

Dans ce contexte, par acte d'huissier signifié le 2 février 2021, [Z] [G] a assigné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne (ci-après la CRCAM Pyrénées Gascogne) devant le tribunal judiciaire de Tarbes.

Lui reprochant d'avoir manqué à son devoir de mise en garde, il a demandé au tribunal de :

- A titre principal, prononcer l'annulation des contrats de prêt en cause et condamner la CRCAM Pyrénées Gascogne à lui payer, au titre des dommages et intérêts, les sommes de 77.000 euros en réparation du préjudice matériel et 25.000 euros en réparation du préjudice moral subis,

- A titre subsidiaire, condamner la CRCAM Pyrénées Gascogne au paiement de la somme de 50.000 euros au titre des dommages et intérêts,

- En tout état de cause, condamner la CRCAM Pyrénées Gascogne au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, sous réserve du bénéfice de l'aide juridictiormelle, outre les dépens.

Suivant conclusions d'incident saisissant le juge de la mise en état conformément aux dispositions de l'article 791 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à l'instance, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l'action intentée à son encontre par [Z] [G] en raison de la prescription intervenue et de le condamner aux dépens.

Par ordonnance du 25 mai 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Tarbes a :

- déclaré irrecevable l'action en responsabilité formée par [Z] [G] à l'encontre de la CRCAM Pyrénées Gascogne suivant acte d'huissier du 2 février 2021;

- condamné [Z] [G] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 16 juin 2023, [Z] [G] a formé appel contre cette ordonnance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2023.

**

Par conclusions notifiées par RPVA le 5 octobre 2023, [Z] [G] demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise et, au visa des articles 1104 et 1134 ancien du code civil, de l'article 2224 du code civil et des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation, de :

- juger que son action en responsabilite intentée contre la société CRCAM Pyrénées Gascogne n'est pas prescrite et est en consequence recevable,

- condamner la société CRCAM Pyrénées Gascogne au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile, l'avocat renonçant alors à percevoir l'aide juridictionnelle qui pourrait lui être accordée,

- la condamner aux coûts de signification de la déclaration d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

**

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 octobre 2023, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne demande à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de :

- débouter Monsieur [Z] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance du 25 mai 2023 dont appel,

- juger irrecevable l'action intentée par lui à son encontre à raison de la prescription intervenue,

- le condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS :

L'action de [Z] [G] se fonde sur le manquement de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à ses obligations contractuelles laquelle soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription de celle-ci.

Les parties s'opposent sur le point de départ à retenir de la prescription quinquennale sur le principe de laquelle elles s'accordent.

[Z] [G] reproche au premier juge d'avoir déclaré son action prescrite et soutient que le point de départ de la prescription de son action doit être fixé à la date d'exigibilité des sommes réclamées par la banque, c'est-à-dire au 12 février 2016, date à laquelle elle a prononcé la déchéance du terme des prêts en cause par l'envoi d'une lettre recommandée à son intention.

Il considère en effet que c'est à cette seule date qu'il a appréhendé l'existence et les conséquences des manquements qu'il reproche à la banque à son devoir de mise en garde et, moins de 5 ans s'étant ensuite écoulés avant qu'il ne l'assigne par acte du 2 février 2021, il affirme que son action est recevable.

A l'inverse, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne demande la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a dit l'action du demandeur prescrite au motif que le point de départ à retenir pour le cours de la prescription est nécessairement antérieur du 2 février 2016 car :

- les règlements des crédits ont cessé depuis le 10 septembre 2014,

- il ressort des propres écritures de [Z] [G] que le prononcé définitif de son divorce lui a permis de prendre conscience qu'il devait assumer seul le service des emprunts objets du litige, ce que ses resssources ne lui permettaient pas de faire,

- ensuite il a saisi à quatre reprises la commission de surendettement et obtenu trois moratoires avant de voir sa dernière demande déclarée irrecevable par décision du 12 mai 2015, ce qui lui a permis d'appréhender complètement sa situation quant à ses revenus et la charge des prêts.

En droit, il résulte tant de l'article 2270-1 ancien que de l'article 2224 du code civil dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Et il est de jurisprudence constante que le dommage résultant d'un manquement éventuel de la banque à l'égard de l'emprunteur à ses obligations d'information, de conseil et/ou de mise en garde, lorsqu'elle y est tenue, consiste en une perte de chance de ne pas contracter et d'éviter le risque que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, de sorte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.

C'est donc par des motifs pertinents que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par le prêteur à l'action en responsabilité et indemnisation dirigée à son encontre par [Z] [G] alors que les premiers incidents de payements de chacun des prêts qu'il a souscrit ont été établis au 10 septembre 2014 par l'effet des moratoires dont il a bénéficié du fait des décisions de la Commission de surendettement des particuliers des Hautes-Pyrénées des 17 décembre 2009, 14 février 2012 et 12 juillet 2013.

A cette date, informé de l'irrecevabilité de sa nouvelle saisine de la commission de surendettement par décision du 29 juillet 2014, ce qu'il a contesté au motif qu'il ne pouvait faire face aux payements qui lui étaient réclamés mais a été confirmé par décision du 12 mai 2015, et n'ayant pas repris le remboursement des mensualités dues, il ne peut soutenir ne pas avoir eu conscience que sa situation économique telle que résultant notamment de son divorce le plaçait dans l'impossibilité de faire face aux remboursements des prêts et d'appréhender les conséquences d'un éventuel manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a fixé le point de départ de la prescription de son action en responsabilité au 10 septembre 2014 et déclaré son action résultant de l'exploit qu'il a fait délivrer le 2 février 2021 prescrite.

Le jugement sera également confirmé sur les dépens, mis à la charge de Monsieur [G], et les dispositions prises sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel, Monsieur [G] sera condamné aux dépens et, compte tenu de la situation des parties et en équité, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne [Z] [G] aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 23/01689
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.01689 ?
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