TP/SB
Numéro 24/1832
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 30/05/2024
Dossier : N° RG 22/02022 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIUC
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[W] [I]
C/
S.A.S. TRANSPORTS DUBERGE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 21 Février 2024, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [W] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A.S. TRANSPORTS DUBERGE SAS au capital de 81.000 €, immatriculée au RCS de PAU, représentée par ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 04 JUILLET 2022
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU
RG numéro : 21/00130
EXPOSÉ du LITIGE
M. [W] [I] a été embauché à compter du 2 novembre 2002 par la société [P], selon contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur.
Le 1er juin 2006, le contrat a été transféré à la société Dubergé avec reprise d'ancienneté. Cette société a été absorbée le 1er avril 2009 par la société Transports Dubergé, ce qui a entraîné un nouveau transfert du contrat de travail de M. [I].
Ce dernier exerçait ses fonctions de chauffeur la nuit.
[W] [I] a été placé en arrêt de travail du 12 décembre 2019 au 4 mai 2020, puis du 11 au 13 juin 2020 et enfin à compter du 28 juin 2020 au 6 septembre 2020.
Le 9 septembre 2020, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré le salarié apte au poste de transporteur routier mais avec un aménagement de poste sur une activité en journée.
L'employeur a proposé un aménagement de poste au salarié. Plusieurs échanges entre les parties ont donné lieu à des propositions d'avenants que le salarié a toutes refusées.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable par courrier du 9 octobre 2020 qui s'est déroulé le 20 octobre 2020, le salarié, qui avait par ailleurs été mis à pied à titre conservatoire, a été licencié pour faute grave suivant courrier du 23 octobre 2020.
Le 14 avril 2021, M. [W] [I] a saisi la juridiction prud'homale au fond en contestation de son licenciement.
Par jugement du 4 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Pau a :
- débouté M. [W] [I] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné M. [W] [I] à payer 800 euros à la Sas Transports Dubergé en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [W] [I] aux dépens.
Le 15 juillet 2022, M. [W] [I] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 6 février 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [W] [I] demande à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [W] [I] à l'encontre du jugement déféré,
- L'Infirmer en toutes ses dispositions et Statuant à nouveau :
- Fixer le salaire de référence à 2 295,27euros bruts mensuels,
- Dire et juger le licenciement pour faute grave prononcé le 23 octobre 2020 dénué de toute cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner la société Transport Dubergé à verser à M. [I] les sommes suivantes :
* 11 795,13 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4 590,54 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 459,05 euros bruts à titre de congés payés et afférents,
* 32 133,78 euros nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Ordonner la remise des documents de fin contrat conformes à la décision à intervenir, à savoir :
' L'attestation pôle emploi,
' Le certificat de travail,
' Le solde de tout compte,
au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
- Dire que les sommes allouées à M. [I] porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts.
- Condamner la société Transport Dubergé à verser à M. [I] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 17 janvier 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la Sas Transports Dubergé demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 4 juillet 2022 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- Condamner M. [I] à la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.
Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
Par ailleurs, il résulte des articles L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail, d'une part, que le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'état de santé physique et mental du travailleur, d'autre part, que ce n'est que s'il constate, après avoir procédé ou fait procéder à une étude de poste et avoir échangé avec le salarié et l'employeur, qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste, que le médecin du travail déclare le travailleur inapte à son poste de travail. Il s'ensuit que la circonstance que les mesures d'aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n'implique pas, en elle-même, la formulation d'un avis d'inaptitude.
Selon la lettre du 23 octobre 2020 dont les termes fixent les limites du litige, M. [I] a été licencié pour faute grave. La société Transports Dubergé, reprenant la chronologie des faits depuis la visite de reprise de M. [I] le 9 septembre 2020 et l'avis d'aptitude avec aménagement en poste de chauffeur de jour, a conclu comme suit :
« votre obstination à refuser de reprendre votre poste de travail depuis maintenant le 9 septembre 2020, malgré toutes les concessions que nous avons faites pour que la reprise de votre poste se fasse dans les conditions rigoureusement conformes à vos exigences est totalement intolérable et constitue une insubordination grave qui rend impossible la poursuite de nos relations contractuelles.
Votre dernier refus est d'ailleurs non motivé, signe que vous n'entendez plus travailler, et ce quelles que soient les conditions que nous pourrions vous proposer.
Cette attitude est constitutive d'une faute professionnelle grave.
(') Lors de l'entretien, vous avez confirmé que vous ne souhaitiez pas reprendre le poste tel que nous vous le proposions, expliquant que vous vouliez simplement être chauffeur livreur et que vous refusiez de faire la gestion des emballages et le nettoyage de la cabine du camion, comme cela est précisé dans l'avenant contractuel.
Pourtant, ces missions sont inhérentes à votre activité de chauffeur livreur depuis votre embauche et incombent à chaque chauffeur au sein de l'entreprise. »
L'analyse des pièces du dossier permet d'établir la chronologie suivante, reprise dans la lettre de licenciement.
Le 9 septembre 2020, après plusieurs mois d'arrêt de travail, le médecin du travail a, à l'issue de la visite de reprise, déclaré M. [I] apte à son poste de transporteur routier avec un aménagement pour une activité en journée.
Il résulte des échanges ayant eu lieu entre le médecin du travail et l'employeur fin août 2020, que le salarié avait émis le choix d'un reclassement sur un poste de chauffeur de jour et que la société Transports Dubergé était en mesure de proposer un poste de chauffeur en semi-remorque sur des horaires de journée, avec le financement d'une formation permettant à M. [I] d'obtenir le permis super lourd.
Par courrier du 14 septembre 2020, l'employeur a donc proposé un tel poste de chauffeur en semi-remorque sur des horaires de journée, identique à son précédent poste qui consiste à livrer les magasins Casino. La proposition présentait les missions qui seraient celles du chauffeur et indiquait que sa durée mensuelle de travail serait de 151,67 heures, outre les heures supplémentaires qui pourraient être nécessaires pour la bonne organisation des livraisons. Le salaire horaire de 10,94 euros bruts serait maintenu. La société Transports Dubergé indiquait que l'avenant contiendrait une clause de dédit-formation imposant au salarié de rester dans l'entreprise durant 6 mois, sous peine de devoir rembourser la formation destinée à obtenir du permis super lourd nécessaire pour le poste.
Suivant courriel du 17 septembre 2020, M. [I], indiquant que « le médecin du travail a prononcé [son] inaptitude au poste de nuit », a écrit qu'il ne se sentait pas capable de passer le permis super lourd. Il ajoutait que la proposition constituait une modification substantielle de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser et émettait le souhait que lui soit proposé « un poste de jour, les livraisons avec conduite de véhicule équivalant à ceux [qu'il utilisait] actuellement ».
Le 22 septembre 2020, la société Transports Dubergé a adressé une nouvelle proposition, sur « un poste de chauffeur de jour sur le même gabarit de véhicule qu'actuellement et avec les mêmes fonctions qu'actuellement, à savoir la livraison de magasins en porteur. » Il était spécifié qu'une première tournée de 3 clients se ferait à partir de 6 heures du matin puis une seconde tournée de 3 clients à partir de 17 heures. Il était précisé que le salarié serait également amené, à raison d'une ou deux fois par semaine si besoin, à effectuer des navettes en porteur entre le dépôt et la centrale du client à [Localité 6] (82) sur la journée. Les durées mensuelles de travail et le taux horaire de la rémunération étaient maintenus conformément à la première proposition.
Le 29 septembre 2020 était adressé par mail à M. [I] l'avenant contractuel conforme à cette dernière proposition dont l'employeur demandait le retour pour le 30 septembre 2020 au plus tard dans le but d'une reprise le 1er octobre 2020. Cet avenant listait comme suit les missions confiées au salarié :
Chargement de la marchandise, conduite, livraison des points de distribution
Navette entrepôt [Localité 5]-[Localité 6] avec chargement et gestion des documents
Gestion administrative des livraisons ainsi que la gestion des échanges emballages (vérifications des emballages, des quantités et des bons d'emballages s'y afférant)
Vérification des camions mis à votre disposition au retour de tournée (niveau d'huile moteur, liquide de refroidissement, bon fonctionnement de l'équipement frigorifique et des divers équipements se trouvant sur le véhicule)
Entretien du véhicule :
M. [I] s'engage à entretenir régulièrement (toutes les deux semaines) la caisse frigorifique du véhicule qui lui sera confié au moyen d'un nettoyeur haute pression et de produit désinfectant alimentaire disponibles sur l'entrepôt d'[Localité 5].
M. [I] [W] s'engage également à entretenir l'intérieur de sa cabine au moyen de produits se trouvant dans le bureau de direction.
Le 30 septembre 2020, M. [I] a répondu à son employeur que les modifications proposées étaient inacceptables pour lui en détaillant comme suit :
Concernant la décision du médecin du travail, il a évoqué, compte tenu de son état de santé, un aménagement du poste de chauffeur de jour mais pas dans les conditions proposées en précisant : « il n'appartient pas au médecin du travail de décider du contenu du contrat de travail ».
Concernant le contenu des activités proposées, il précise que « la vérification de l'état du matériel et son entretien ainsi que la vérification du bon fonctionnement du groupe frigorifique relèvent de connaissances pour lesquelles [il n'a] aucune formation ».
Concernant la rémunération, il relève le maintien du taux horaire mais « constate (') qu'il y a une très nette baisse du nombre d'heures à effectuer » qui entraîne une baisse conséquente de sa rémunération brute à hauteur de plus de 600 euros (de 2200 euros à 1659 euros).
Concernant les horaires de travail, il note que le contrat ne comporte pas cette partie mais se réfère au mail du 22 septembre 2020 avec les deux plages horaires en relevant qu'elles ne comportent pas d'heure de fin et qu'il y aura une coupure longue l'obligeant à rentrer chez lui à 30 km du dépôt.
Par courrier du 1er octobre 2020, la société Transports Dubergé a répondu à ce dernier mail de M. [I] que la proposition d'avenant était conforme aux préconisations du médecin du travail qui indiquaient une aptitude à un poste de chauffeur de jour sans autre précision.
L'employeur a précisé que les vérifications du camion et du matériel ne nécessitaient « aucune formation particulière puisqu'il suffit simplement, comme [il le sait], de nettoyer la cabine [du] camion, de vérifier que les pneus sont en bon état et qu'il n'y a pas de voyants moteur qui s'allument au démarrage, d'appuyer sur ON sur le groupe frigorifique pour vérifier son bon fonctionnement et [d'alerter] (la direction) en cas d'alarme du groupe ' »
Il a ajouté que les salariés n'ont aucun droit acquis aux heures supplémentaires qui seront rémunérées si elles sont effectuées, avec les majorations correspondantes.
Concernant les horaires, il a rappelé que leur mention n'est pas une obligation légale en cas de travail à temps complet.
Comprenant les difficultés causées par la répartition des horaires en deux plages, l'employeur a indiqué qu'il sera fait « en sorte de programmer des livraisons uniquement le matin ou uniquement en fin d'après-midi afin d'éviter cette coupure ».
Il a conclu qu'il attendait le retour de l'avenant signé pour la fin de semaine et qu'à réception, M. [I] recevrait son planning pour reprendre son poste dès le lundi suivant.
Le 2 octobre 2020, M. [I] a indiqué qu'il maintenait son refus de l'avenant proposé, se référant aux raisons déjà exprimées dans son précédent courrier.
Le 5 octobre 2020, la société Transports Dubergé a écrit à M. [I] : « ayant répondu à vos différentes réclamations (suppression de la coupure en journée notamment et confirmation que les heures supplémentaires effectuées vous seront rémunérées avec les majorations en vigueur), je considère que votre refus de signer cet avenant est totalement injustifié. Je vous envoie donc votre planning pour la journée du mardi 6 octobre 2020 en fin d'après-midi et vous mets en demeure de reprendre votre poste de travail. A défaut, je devrai tirer les conséquences de votre refus ».
Le même jour, M. [I] a adressé un mail à son employeur en indiquant qu'il ne signerait pas en l'état l'avenant proposé puisque les heures supplémentaires sont aléatoires. Il précise notamment : « dois-je vous rappeler que vous avez consigné (sic) avec M. [P] (l'ancien dirigeant) [le] 31/05/2006 un engagement prévoyant me concernant 185h de travail mensuel avec une rémunération brute de 2006,51 euros ».
Le 6 octobre 2020, la société Transports Dubergé a, tout en considérant que l'engagement de 2006 invoqué par M. [I] ne valait que pour la reprise d'un poste de chauffeur de nuit, a concédé une durée mensuelle de travail à hauteur de 185 heures, en concluant qu'elle attendait le retour de l'avenant signé pour la fin de journée et que serait adressé le planning pour le lendemain dans les prochaines heures.
Après avoir répondu le jour même qu'il donnerait sa réponse le lendemain en fin de journée et qu'il reprendrait son poste une fois le contrat signé, M. [I] a adressé un mail le mercredi 7 octobre 2020 à 16h30 indiquant qu'il n'était « pas en mesure de donner une réponse favorable puisqu'il y a certains points pas très clairs à [son] égard » et qu'il proposait un rendez-vous à son employeur pour s'expliquer avec lui sur ce sujet en lui proposant une rencontre le vendredi à venir ou la semaine suivante.
Le 8 octobre 2020, il a été adressé deux mails à M. [I] pour un entretien téléphonique le vendredi 9 octobre 2020 à 11 heures.
A l'issue de cette conversation, la société Transports Dubergé a écrit comme suit à M. [I] :
« je fais suite à notre entretien téléphonique de l'instant. Vous aviez simplement souhaité avoir des précisions sur votre rémunération de septembre ». S'ensuivent des explications sur les sommes perçues par le salarié, puis les phrases suivantes : « vous m'avez ensuite indiqué que vous n'aviez pas d'autres questions concernant votre avenant contractuel ou la reprise de votre poste. Je prends donc note de votre accord sur l'avenant contractuel et je vous prie de trouver en annexe le planning de votre reprise de poste du lundi 12/10/2020 ».
Le même jour, 9 octobre 2020, M. [I] a répondu d'une part qu'il n'avait donné aucun accord sur l'avenant ni la reprise de son travail, et d'autre part, que « les modifications substantielles du contrat de travail ne [lui] conviennent pas » et qu'il « refuse toutes [les] propositions ».
C'est à la suite de ce refus que la société Transports Dubergé a mis en 'uvre la procédure de licenciement par l'envoi de la convocation à l'entretien préalable contenant notification d'une mise à pied à titre conservatoire.
Il ressort donc de cette chronologie que M. [I] n'a pas fait l'objet d'un avis d'inaptitude de la part du médecin du travail mais d'une aptitude avec réserve, à savoir que son poste devait être aménagé pour être un poste de chauffeur de jour, seule mention de l'avis d'aptitude.
La proposition émise à M. [I] dès le 14 septembre 2020 était donc conforme à cet avis médical.
Tenue d'adapter le poste à la situation de son salarié, la société Transports Dubergé a été au-delà des seules préconisations du médecin du travail en acceptant que le salarié continue de travailler avec le même type de véhicule, en adaptant ses horaires pour qu'il n'ait pas de coupure et en portant sa durée de travail à celle qu'il souhaitait et qui avait été convenue 14 ans auparavant avec le précédent dirigeant lorsque M. [I] a commencé à travailler de nuit.
Le poste que lui a finalement proposé en dernier lieu la société Transports Dubergé était aménagé conformément aux préconisations du médecin du travail comme l'était déjà le premier poste proposé, mais de plus a répondu à toutes les demandes successives du salarié. Les modifications substantielles du contrat de travail étaient ainsi en adéquation avec les préconisations du médecin du travail et les exigences de M. [I].
Le fait qu'il soit tenu de vérifier le bon fonctionnement de son véhicule est inhérent au poste de chauffeur livreur qui doit juste s'assurer que le camion ne présente pas de problème technique apparent et doit entretenir a minima ledit véhicule. Cette mention dans l'avenant du contrat de travail n'était donc pas une modification des fonctions auparavant occupées.
Les refus successifs de M. [I] de reprendre son poste, malgré les concessions de l'employeur face à toutes ses exigences, sont dès lors injustifiés. Ce comportement caractérise une insubordination fautive vis-à-vis de l'employeur qui a tout mis en 'uvre pour faciliter le retour du salarié en accédant à toutes ses volontés. Elle exprime une défiance et une déloyauté du salarié qui rendent impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Le licenciement pour faute grave de M. [I] est en conséquence fondé.
Le jugement du conseil de prud'hommes qui l'a débouté de toutes ses demandes doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.
[W] [I], qui succombe en son appel, devra en supporter les entiers dépens.
Il sera en outre condamné à payer à la société Transports Dubergé une somme équitablement fixée à 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 4 juillet 2022 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [W] [I] aux dépens d'appel ;
CONDAMNE M. [W] [I] à payer à la société Transports Dubergé la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,